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Fabrication et caract´erisation des structures d’´etude

Le but de ce chapitre est l’´etude de la configuration initiale du collage direct m´etal-m´etal `a l’atmosph`ere ambiante. Puisque les propri´et´es d’oxydation et de contamination des m´etaux sont diff´erentes, diff´erents couches m´etalliques ont ´et´e coll´ees et caract´eris´ees utilisant un protocole original adapt´e des techniques classiques de mesure de la tenue m´ecanique des assemblages.

2.2.1 | R´ealisation des empilements

Tous les substrats utilis´es dans ce chapitre sont des substrats de Si orient´es selon le plan (100), de 200 mm de diam`etre et faiblement dop´es p. Ces substrats ont ´et´e nettoy´es selon la s´equence bien connue de l’industrie de la micro´electronique dite RCA cleaning en termes anglophones [26]. A l’issue de ce traitement, les surfaces de Si pr´esentent un oxyde fin surfacique dit « chimique » de 0,8 nm d’´epaisseur environ [27]. Les substrats sont ensuite introduits dans un bˆati de pulv´erisation PVD. Toutes les structures ´etudi´ees dans ce chapitre sont des tri-couches compos´es de 5 nm de Ti, de 10 nm du m´etal d’int´erˆet et de la couche ´eventuelle d’oxyde m´etallique. Cette derni`ere peut-ˆetre obtenue par voie native, humide ou d´epos´ee. Les surfaces ne sont pas expos´ees `a l’air ambiant entre les diff´erentes ´etapes de d´epˆot et sont transf´er´ees directement d’une chambre `a l’autre sous vide secondaire. La couche de Ti est utilis´ee comme couche d’adh´erence `a la couche de m´etal sur l’oxyde natif de Si [28].

La table 2.1 montre les empilements et les param`etres utilis´es pour chacune des six structures r´ealis´ees dans ce chapitre. Les d´epˆots de Au, Cu, Pt et W ont ´et´e obtenus par pulv´erisation PVD d’une cible de m´etal pur `a l’aide un plasma d’Ar. La couche de WOx est obtenue par la technique de

reactive-PVD par pulv´erisation d’une cible de W `a l’aide d’un plasma compos´e d’un m´elange d’Ar et de O21. Toutes les ´etapes de d´epˆot (sous-couche, m´etal et oxyde m´etallique) ont ´et´e r´ealis´ees `a

RT afin d’´eviter tout ph´enom`ene d’interdiffusion dans le syst`eme [29]. Une variante suppl´ementaire a ´et´e r´ealis´ee pour la configuration mettant en jeu les couches de Cu avec une ´etape de nettoyage suppl´ementaire avant collage de type brossage (scrubber en termes anglophones). Ce nettoyage est utilis´e habituellement apr`es les ´etapes de polissage afin d’´eliminer les particules r´esiduelles d’abrasif et les r´esidus chimiques d’inhibiteurs de corrosion. A l’issue de ce traitement, les surfaces sont fortement hydrophiles et comportent une fine couche oxyd´ee de 0,2 nm d’´epaisseur environ [30, 31].

Toutes les surfaces ont ´et´e expos´ees trente minutes `a l’atmosph`ere de la salle blanche avant leur mise en contact. Deux assemblages de chaque structure ont ´et´e r´ealis´es pour mettre en œuvre les deux types de mesures propos´ees dans la partie 2.2.3 suivante. Le collage est r´ealis´e `a RT `a l’air ambiant apr`es une initiation du front de collage manuelle par stylet. Les ´epaisseurs des couches m´etalliques utilis´ees

Structure 2-1 2-2 2-3 2-4 2-5 2-6 Empilement final Si (substrat) Ti 5 nm Au 10 nm Si (substrat) Ti 5 nm Cu 10 nm Si (substrat) Ti 5 nm Cu 10 nm Si (substrat) Ti 5 nm Pt 10 nm Si (substrat) Ti 5 nm W 10 nm Si (substrat) Ti 5 nm W 10 nm WOx 5 nm Nettoyage avant collage

Non Non Oui Non Non Non

Rugosit´e RMS 0,28 nm PV 1,2 nm RMS 0,46 nm PV 5,9 nm RMS 0,50 nm PV 8,5 nm RMS 0,22 nm PV 1,9 nm RMS 0,45 nm PV 4,1 nm RMS 0,28 nm PV 2,9 nm Hydrophilie 40˚ 12˚ 3˚ 49˚ 5˚ 3˚

Collage Au-Au Cu-Cu CuOx-CuOx Pt-Pt W-W WOx -WOx

Tab. 2.1 – Tableau r´ecapitulatif des structures ´etudi´ees dans le chapitre 2

permettent la visualisation du front de collage par une cam´era infrarouge (IR) avec un contraste satisfaisant.

2.2.2 | Propri´et´es surfaciques avant la mise en contact

Il est connu que les propri´et´es adh´esives des surfaces sont impact´ees par leur propri´et´es topologiques et physico-chimiques [32]. Les surfaces des couches minces m´etalliques mises en œuvre dans ce chapitre ont ainsi ´et´e caract´eris´ees avant collage. La technique de microscopie `a force atomique AFM a ainsi ´et´e mise en oeuvre en mode tapping. Cette caract´erisation est bas´ee sur l’interaction entre une pointe et la surface de l’´echantillon. Dans ce mode de mesure, la pointe est mise en r´esonance et oscille au-dessus de la surface. La fr´equence d’oscillation est fonction de la hauteur des asp´erit´es rencontr´ees. La pointe est ensuite d´eplac´ee dans le plan afin d’obtenir des scans de plusieurs microm`etres de largeur.

Les scans AFM de taille 1 x 1 µm2 de chacune des surfaces sont pr´esent´es sur la figure 2.3. Les

valeurs statistiques de rugosit´e RMS et PV sont rapport´ees sur cette mˆeme figure ainsi que dans la table 2.1. Tous les films ont une morphologie similaire en nanograins avec une taille de grain moyenne de 10 nm environ. Les deux surfaces de Cu comportent des d´efauts profonds de quelques nanom`etres de profondeur et de 50 nm de diam`etre environ (figures 2.3(b) et 2.3(c)). Ces d´efauts peuvent ˆetre li´es `a la faible ´epaisseur d´epos´ee qui peut ˆetre proche de l’´epaisseur critique pour laquelle la couche devient continue dans le r´egime de pulv´erisation `a faible puissance employ´ee pour l’´elaboration de cette couche [33] (partie 1.2.1). L’aspect ”marbr´e” de la surface de W (figure 2.3(e)) sera discut´e plus en d´etail dans le chapitre 5. Les valeurs de rugosit´e mesur´ees sur toutes les surfaces sont `a priori compatibles avec le collage direct des surfaces si l’on se r´ef`ere `a la limite de rugosit´e de 0,65 nm RMS publi´ee dans le cadre du collage hydrophile de surfaces de SiO2 [32].

Le caract`ere hydrophile des surfaces a ´et´e ´evalu´e par la technique de l’angle de goutte `a l’eau. Une goutte de quelques microlitres est d´epos´ee sur la surface `a l’aide d’une seringue. Une cam´era permet de mesurer l’angle au niveau du point triple solide-liquide-gaz en bord de goutte. Cette grandeur est repr´esentative de la facilit´e avec laquelle les mol´ecules d’eau s’adsorbent en surface [34]. Les valeurs obtenues sur nos surfaces expos´ees `a l’air ambiant pendant trente minutes apr`es la sortie du bˆati

(a) Structure 2-1 - Au (b) Structure 2-2 - Cu (c) Structure 2-3 - Cu bross´e

(d) Structure 2-4 - Pt (e) Structure 2-5 - W (f) Structure 2-6 - WOx

Fig. 2.3 – Scans AFM de taille 1 x 1 µm2des surfaces mises en contact dans ce chapitre

de d´epˆot sont d´etaill´ees dans la table 2.1. A titre indicatif, une surface de Si est consid´er´ee comme hydrophile pour des angles inf´erieurs `a 10˚ et hydrophobe pour des angles sup´erieurs `a 75˚ [35].

2.2.3 | Caract´erisations du travail d’adh´esion

Le travail d’adh´esion Γa a ´et´e mesur´e selon deux diff´erentes m´ethodes. La premi`ere approche est

bas´ee sur l’´etude du front de collage d´evelopp´ee par Rieutord et al. [36]. La dynamique du collage est mod´elis´ee en consid´erant le flux d’air chass´e entre les deux substrats lors de la mise en contact des surfaces. La vitesse de propagation du front de collage est consid´er´ee comme constante `a travers la totalit´e de l’assemblage. La force motrice `a la fermeture constitue le travail d’adh´esion que l’on cherche `

a extraire. Les auteurs proposent l’´equation suivante reliant le travail d’adh´esion Γa `a la vitesse du

front de collage U : Γa= " U Λ12 η.t34 1 9.A 3 4  E 1 − ν2 14 # 4 5 (2.1)

avec A est une constante repr´esentative de la courbure des substrats, E est le module d’Young des substrats en Pa,

ν le ratio de Poisson des substrats, t est l’´epaisseur des substrats en m,

Λ est le libre parcours moyen d’une mol´ecule dans l’air en m, η est la viscosit´e de l’air en Pa.s.

Constante Valeur A 0,95 E 1, 3 · 1011 Pa ν 0,29 t 7, 25 · 10−4 m Λ 5 · 10−8 m η 1, 86 · 10−5 Pa.s

Tab. 2.2 – Constantes fix´ees dans l’´equation 2.1 permettant d’extraire le travail d’adh´esion Γa`a

partir de la vitesse du front de collage U issues de [36]

La table 2.2 pr´esente les valeurs constantes fix´ees dans l’´equation 2.1. Afin de v´erifier le choix de ces diff´erentes valeurs, le calcul a ´et´e r´ealis´e pour notre r´ef´erence de collage Si-Si hydrophile pour laquelle une vitesse de 20 mm.s-1 est classiquement mesur´ee. En bon accord avec les r´esultats publi´es [25, 36],

un travail d’adh´esion d’environ 80 mJ.m-2 est calcul´e en utilisant l’´equation 2.1.

La mesure de la vitesse U est possible grˆace `a un dispositif exp´erimental adapt´e comprenant notamment une cam´era IR permettant la capture de 25 images par seconde. La figure 2.4 montre une succession de quatre images captur´ees `a diff´erentes dur´ees depuis l’initiation du collage par stylet (visible en bord d’assemblage sur la figure 2.4(a)). La diff´erence de contraste entre la zone coll´ee (plus

sombre) et non coll´ee (plus claire) est clairement visible.

Ce mod`ele a r´ecemment ´et´e impl´ement´e par Navarro et al. traitant les phases transitoires du proc´ed´e de collage [37, chap 2]. Les auteurs proposent d’ajouter une condition aux limites d´ependante du travail d’adh´esion Γa des surfaces durant la phase de propagation du front d’onde. La m´ethode de

mesure de la vitesse du front d’onde a ´egalement ´et´e am´elior´ee permettant d’appr´ecier les d´eplacements du substrat sup´erieur en dehors du plan du substrat. Ces d´eveloppements n’ont pas ´et´e utilis´es dans notre ´etude mais seront consid´er´es lors de la discussion de nos mesures.

La seconde technique utilis´ee dans ce chapitre est inspir´ee de la technique d’insertion de lame d´ecrite pour la premi`ere fois dans le contexte du collage direct de substrats par Maszara et al. [24]. Contrairement `a l’approche traditionnelle, la lame est pr´e-plac´ee entre les deux substrats. Le collage est initi´e au point diam´etralement oppos´e `a la lame [25]. Le front de collage va ˆetre stopp´e par la contrainte d’espacement des deux substrats impos´ee par la lame. Cette technique sera nomm´ee « l’arrˆet sur lame » dans la suite du chapitre. La figure 2.5 montre sch´ematiquement le principe de la mesure. L’imagerie IR est `a nouveau utilis´ee pour d´etecter le front lorsque celui-ci est stopp´e. La mesure de la longueur d´ecoll´ee permet ainsi de remonter au travail d’adh´esion Γa mis en jeu lors de la propagation

du front de collage `a l’aide de la formule d’El-Zein [38].

(a) t1 = 1,5 s (b) t2 = 4,2 s

(c) t3 = 5,6 s (d) t4 = 9,3 s

Fig. 2.4 – Clich´es IR de la propagation du front de collage dans le cas d’un collage hydrophile Si-Si sur substrats de 200 mm de diam`etre

cordon de polym`ere sur la surface de l’un des substrats assembl´es [37, chap 4]. La mesure de la d´eformation verticale des substrats caus´ee par le pi´egeage de ce cordon `a l’interface de collage permet d’obtenir une estimation du travail d’adh´esion Γa. Devant les difficult´es technologiques associ´ees `a la

mise en place de cette technique, nous n’utiliserons que la m´ethode de « l’arrˆet sur lame » dans ce chapitre.

L’´energie de fracture Γc est ´evalu´ee par la m´ethode classique DCB d’insertion de lame. De la mˆeme

mani`ere, la formule d’El-Zein permet de relier la longueur d´ecoll´ee `a la grandeur physique Γc [38].

Des poutres de 10 mm de largeur sont d´ecoup´ees dans l’assemblage puis stock´ees deux semaines `a RT avant la mesure. Afin d’´evaluer la capacit´e de la structure 2-1 `a se renforcer rapidement, une mesure de DCB a ´et´e r´ealis´ee juste apr`es le test d’arrˆet sur lame en renfon¸cant celle-ci dans l’assemblage (figure 2.5). Ceci conduit classiquement `a un recul du front de collage caract´eristique d’un d´ecollement de test DCB classique [25].

Du fait de la limitation en r´esolution lat´erale de la cam´era IR ´equip´ee d’une optique donn´ee dans la d´etection des d´efauts de collage inf´erieurs `a 250 µm [39], des analyses par microscope acoustique (Scanning Acoustic Microscopy – SAM – en termes anglophones) ont ´et´e r´ealis´ees. L’utilisation d’un

Fig. 2.5 – Clich´e IR et repr´esentation sch´ematique de la mesure de travail d’adh´esion Γa par un

arrˆet du front de collage sur lame

transducteur de 230 MHz permet la d´etection de d´efauts de plusieurs dizaines de microm`etres [40]. La morphologie des structures 2-1, 2-2 et 2-4 a ´et´e observ´ee apr`es stockage `a RT par la technique de Microscopie ´Electronique `a Transmission (MET). Afin de faciliter le pr´el`evement de la lame mince, les substrats sup´erieurs des assemblages ont ´et´e amincis m´ecaniquement2. Une attention toute particuli`ere

a ´et´e accord´ee `a la limitation de la temp´erature lors de la pr´eparation de la lame ´evitant ainsi les ´eventuelles ´evolutions morphologiques des couches de collage.