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Afin d’´evaluer l’impact des param`etres de proc´ed´e sur la qualit´e des assemblages obtenus, la tenue m´ecanique est un param`etre de sortie pertinent. Diff´erentes techniques ont d´ej`a ´et´e mises en oeuvre et seront pr´esent´ees dans cette partie. Une revue compl`ete de ces diff´erentes m´ethodes de mesure a notamment ´et´e publi´ee par Vallin et al. [96].

1.4.1 | Fractographie et terminologie

Toutes les m´ethodes de mesures utilis´ees pour ´evaluer la tenue m´ecanique d’assemblage sont bas´ees sur la propagation d’une fissure au niveau de cette interface. La grandeur extraite de ce type de mesure est l’´energie de fracture Gc ou encore appel´ee travail d’adh´erence [97] . Elle peut

ˆetre d´efinie comme l’´energie n´ecessaire `a la d´ecoh´esion d’une interface lors de la propagation de la fissure. De nombreux auteurs ont montr´e que des ph´enom`enes dissipatifs peuvent influencer le bilan ´energ´etique de la propagation de la fissure `a une interface [98–100]. Ainsi, l’´energie de fracture Gc peut

s’exprimer comme la somme de deux contributions telles que :

Gc = Γ0+ Γp (1.4)

avec Γ0 le travail d’adh´esion en J.m-1,

et Γp la contribution globale de tous les ph´enom`enes dissipatifs en jeu dans le syst`eme en J.m-1.

La premi`ere contribution Γ0 repr´esente l’adh´esion des deux mat´eriaux A et B. Nous pouvons la

repr´esenter comme l’´energie de l’ensemble des liaisons chimiques ´etablies entre les deux mat´eriaux par unit´e de surface. Elle peut ˆetre reli´ee aux ´energies de surface des mat´eriaux par la relation de Young-Dupr´e [101] tel que :

Γ0 = γA + γB− γAB (1.5)

avec γA et γB les ´energies de surfaces respectives des mat´eriaux A et B en J.m-1,

et γAB l’´energie d’interface A–B en J.m-1.

Cette grandeur d’adh´esion peut ´egalement ˆetre estim´ee exp´erimentalement par la mise en œuvre de certains protocoles d´etaill´es dans le chapitre 2.

La seconde contribution dissipative Γp est une fonction complexe de Γ0, du champ de contrainte

dans la tˆete de fissure, des dimensions g´eom´etriques, . . . [102–104]. Dans ce contexte, Bertholet et al. ont ´evalu´e l’´energie de fracture d’une structure compos´ee d’un bi-couche d’Al et de SiO2 d´epos´e sur un substrat de Si et coll´e sym´etriquement sur le mˆeme empilement. Ils montrent ainsi une augmentation de la tenue m´ecanique mesur´ee de 67 % compar´ee `a la structure de r´ef´erence ne contenant pas de couches m´etalliques. Un mod`ele a ´egalement ´et´e mis en place montrant qu’il ´etait possible d’augmenter cette valeur de 5 `a 10 fois en choisissant des param`etres d’´epaisseurs de couches adapt´ees [98].

La robustesse de l’interface peut ˆetre test´ee selon plusieurs modes de sollicitation : en traction, en cisaillement dans le plan et hors du plan (figure 1.11). Les diff´erentes techniques d´etaill´ees dans la partie suivante sollicitent les interfaces selon un ou plusieurs de ces modes. Cette caract´eristique propre `a chaque technique est appel´ee l’angle de mixit´e ψ et est d´efinie comme suit [99] :

ψ = tan−1τ

σ 

avec τ la contrainte en cisaillement en Pa, et σ la contrainte normale en Pa.

La contribution dissipative de l’´energie de collage Γp est fortement d´ependante de cet angle de mixit´e

ψ et varie fortement d’une technique de caract´erisation `a l’autre (figure 1.12) [105]. Nous voyons en particulier que les effets dissipatifs sont minimaux lorsque l’angle de mixit´e est proche de z´ero ce qui correspond `a une sollicitation selon le mode I.

(a) mode I (b) mode II (c) mode III

Fig. 1.11 – Repr´esentation sch´ematique de diff´erents types de sollicitation d’une interface (a) En traction (b) En cisaillement dans le plan (c) En cisaillement en dehors du plan [99]

Fig. 1.12 – Repr´esentation sch´ematique de l’´evolution de l’´energie de fracture Gc en fonction de

l’angle de mixit´e ψ [105]

1.4.2 | Diff´erentes techniques de caract´erisation de la tenue m´ecanique

Nous allons maintenant d´etailler les diff´erentes techniques de mesures de la tenue m´ecanique d’assemblage de substrats r´ealis´es par collage direct. Le mode de sollicitation associ´e `a chacune d’entre elles sera ´egalement pr´ecis´e.

Le test en traction uniaxiale

Ce test directement inspir´e des essais m´ecaniques classiquement r´ealis´es dans le domaine de la r´esistance des mat´eriaux. Les ´echantillons test´es sont d´ecoup´es et fix´es `a l’aide d’une colle epoxy aux mors d’un banc de test (figure 1.13(a)). Une force en traction est alors appliqu´ee jusqu’`a la s´eparation des deux substrats. Cette force repr´esente la valeur de r´esistance `a la traction de notre assemblage et peut ˆetre compar´ee qualitativement `a d’autres ´echantillons similaires. La sollicitation est naturellement

en mode I. Le principal inconv´enient de cette technique est la dispersion des valeurs obtenues du fait des amorces de rupture en bords d’´echantillon cr´e´ees lors de la d´ecoupe [99, 106]. L’adh´erence de la colle epoxy sur l’´echantillon et les mors de la machine doit ˆetre sup´erieure `a l’´energie de fracture que l’on cherche `a mesurer.

Le test en cisaillement

De la mˆeme fa¸con que le test en traction, les assemblages de substrats sont d´ecoup´es et fix´es sur un support. Un mors vertical vient solliciter l’interface dans le mode II en cisaillement (figure 1.13(b)). La mesure est ´egalement fortement impact´ee par les effets de bords dus `a la pr´eparation des ´echantillons. Comme le montre la figure 1.12, le fait de solliciter l’interface selon le mode II va augmenter la contribution dissipative de l’´energie de fracture mesur´ee. L’adh´erence de la colle sur l’´echantillon doit ˆetre ´egalement sup´erieure `a l’´energie de fracture que l’on cherche `a mesurer.

(a) (b)

Fig. 1.13 – Repr´esentation sch´ematique de deux montages de permettant d’´evaluer la tenue m´ecanique des assemblages (a) En traction unixiale (b) En cisaillement [106]

Le test en flexion quatre points

L’´echantillon est mont´e entre quatre points de chargements appliquant une force ´equivalente sur les faces arri`eres des deux substrats (figure 1.14(a)). Un notch est usin´e dans l’un des deux substrats. La fracture se propage alors de ce point de d´epart puis verticalement le long de l’interface de collage lorsque le chargement est appliqu´e. La mesure de la force appliqu´ee en fonction du d´eplacement pr´esente un plateau caract´eristique pour une valeur de force appliqu´ee P . La th´eorie des poutres appliqu´ee `a cette g´eom´etrie permet d’extraire l’´energie de fracture Gc tel que [107] :

Gc = 21.(1 − ν

2).P2.l2

16.E.t.b2.h3 (1.7)

avec E le module d’Young du substrat de Si en Pa, ν le ratio de Poisson du substrat de Si,

P la valeur du plateau de force en N,

b, h respectivement la largeur et l’´epaisseur des ´echantillons en m,

l la distance entre deux points d’application de la force en m (comme indiqu´ee sur la figure 1.14(a)). Il a ´et´e montr´e que la g´eom´etrie de disposition de l’´echantillon conduit `a une sollicitation mixte de l’interface (mode I et II). Comme nous l’avons vu cela ne fait qu’accroˆıtre la contribution plastique due

`a la pr´esence de couches ductiles proche du front de fracture [103]. L’impact de la forme du notch et de la pr´eparation des ´echantillons fait que les r´esultats obtenus ont souvent une grande dispersion.

(a) (b)

Fig. 1.14 – Repr´esentation sch´ematique des dispositifs d’´evaluation de la tenue m´ecanique (a) Par la technique de flexion quatre points [107] (b) Par la technique DCB [108]

ethode dite du « double-levier »

La derni`ere technique dite du « double-levier `a d´eplacement impos´e » (Double Cantilever Beam – DCB – en termes anglophones) repose elle aussi sur la th´eorie des poutres [109] et a ´et´e mise en œuvre pour la premi`ere fois dans le cadre de collage direct de substrat par Maszara et al. [108]. Elle consiste `a ins´erer une lame d’´epaisseur constante au niveau de l’interface de collage (figure 1.14(b)). La mesure de la longueur d´ecoll´ee engendr´ee par cette insertion permet d’´evaluer l’´energie de fracture Gc

de l’assemblage par la formule suivante [108] : Gc =

3 4.

E.t3.y2

L4 (1.8)

avec E le module d’Young du substrat de Si en Pa, t l’´epaisseur de la lame en m,

y l’´epaisseur de la lame en m, L la longeur d´ecoll´ee en m.

Avec l’exposant quatre appliqu´e `a la longueur d´ecoll´ee, nous comprenons que l’incertitude de mesure sur la longueur d´ecoll´ee impacte tr`es fortement la valeur de Gc extraite de l’´equation 1.8. La

sollicitation de l’interface se fait selon le mode I lors de l’utilisation de cette technique.

Cette derni`ere technique a ´et´e utilis´ee dans la suite de notre ´etude. Cependant, diff´erentes pr´ecautions doivent ˆetre prises en compte dans l’interpr´etation des r´esultats obtenus par cette m´ethode. Nous allons pr´esenter ces diff´erentes recommandations.

1.4.3 | Pr´ecautions et interpr´etation des r´esultats

Comme nous l’avons vu dans la partie pr´ec´edente, l’utilisation de la technique repose sur la mesure de la longueur d´ecoll´ee suite `a l’insertion d’une lame dans l’assemblage. Dans le protocole de mesure clas- sique, la mesure de cette longueur d´ecoll´ee est possible grˆace `a l’utilisation d’une cam´era infrarouge (IR). En effet, le Si faiblement dop´e ´etant transparent aux IR, cette technique est couramment utilis´ee pour

visualiser l’interface de collage. Des diff´erences de contraste permettent de d´etecter les zones non coll´ees. Cependant, les m´etaux sont opaques aux IR `a partir d’une certaine ´epaisseur critique. Cette valeur d´epend des couches m´etalliques pr´esentes au niveau de l’interface de collage. Nous l’avons cependant ´evalu´ee exp´erimentalement comme ´etant comprise entre 50 et 100 nm selon les m´etaux en pr´esence. Ainsi, lorsque l’´epaisseur des couches minces m´etalliques est sup´erieure `a cette valeur, la mesure de la longeur d´ecoll´ee n’est plus possible. Dans ce cas, la mise en œuvre de la microscopie acoustique (Scanning Acoustic Microscopy – SAM – en termes anglophones) a permis de mesurer ces diff´erentes longueurs. Bertholet et al. ont mesur´e la longeur d´ecoll´ee par la mise en oeuvre de la profilom´etrie optique sur les poutres test´ees [98].

De r´ecentes ´etudes r´ealis´ees sur des collages direct SiO2-SiO2 ont montr´e que le taux d’humidit´e de l’atmosph`ere dans laquelle le test DCB est r´ealis´e impacte les valeurs de Gc mesur´ees [110]. Les auteurs

montrent ainsi que l’eau contenue dans l’atmosph`ere de la salle blanche (40 % d’humidit´e relative) induit un ph´enom`ene de corrosion sous contrainte venant dissocier les liaisons Si–O–Si pr´esentes en tˆete de fissure.

La mesure de microscopie acoustique ´etant r´ealis´ee dans l’eau, nous pouvons nous demander si cela peut impacter les mesures de Gc extraites. Comme nous allons le voir et de fa¸con surprenante,

le type d’interface obtenu tout au long de cette ´etude ne semble pas sensible `a ce ph´enom`ene. En effet, la mesure de la longueur d´ecoll´ee en fonction du temps d’immersion dans l’eau ne r´ev`ele aucune avanc´ee du front de fissure. La dur´ee d’un scan SAM ´etant de l’ordre de la dizaine de minutes, nous ne consid´ererons donc pas les effets de corrosion sous contrainte dans notre ´etude.

Concernant les deux contributions de l’´energie de fracture Gc mesur´ees, diff´erentes pr´ecautions

doivent ˆetre prises en compte pour interpr´eter les mesures. Ainsi, puisque l’´epaisseur des couches m´etalliques a ´et´e d´esign´ee comme un facteur du premier ordre sur la composante dissipative de cette grandeur [98], nous avons pris soin de r´ealiser et de comparer des structures comportant les mˆemes ´epaisseurs de couches minces m´etalliques.

Le protocole de mesure selon la technique DCB utilis´e tout au long de l’´etude comprend l’insertion de la lame syst´ematique sur deux poutres d´ecoup´ees dans les assemblages. Des ´etudes ant´erieures men´ees au laboratoire ont montr´e qu’une erreur de mesure millim´etrique sur la longueur d´ecoll´ee conduisait `a une incertitude d’environ 15 % sur les valeurs de Gc d´eduites [111].