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IV. Méthodes

IV.1. a Extraction et analyse des franges

Dans les pyrocarbones, les feuillets aromatiques forment des empilements plus ou moins réguliers. Certains auteurs [Oberlin 1989], [Rouzaud 1989] décrivent ces structures à l’aide de plusieurs paramètres, déterminés par HRTEM (L1, et L2 et β) et DRX (La et Lc).

Figure IV.1. Visualisation schématique d’un domaine anisotrope d’un carbone turbostratique et de ces paramètres nano-texturaux : La, Lc, L1, L2, β, N. (Tiré de [DaCosta 2014]).

Ces paramètres nano-texturaux sont la longueur L1 (ou longueur d’une structure

d’ordre 1) durant laquelle les éléments sont agencés rectilignement – qui peut être assimilée à la longueur de cohérence La le long des feuillets –, la longueur totale L2 des franges (ou

longueur d’une structure d’ordre 2), la longueur de cohérence de l’empilement (de N feuillets)

Lc et l’angle moyen de désorientation β le long des feuillets.

Toutefois, il est rare d’observer des empilements montrant une régularité telle que celle décrite sur le schéma de la figure IV.1. Les empilements sont composés de feuillets de tailles variées et ne se détachent pas les uns des autres : ils forment une texture continue et non un pavage. La figure IV.2 donne l’exemple d’un empilement, qui a été mis en évidence sur une image de franges de réseau.

Figure IV.2. Mise en évidence d’un empilement de feuillets graphéniques sur une image de franges de réseau : a) image brute ; b) image filtrée ; c) empilement mis en évidence. (Tiré de Da Costa et al. [DaCosta 2001 thèse]).

Il faut remarquer que ces frontières sont facilement perceptibles dans le sens des franges, où elles traduisent une discontinuité du motif topographique. Dans le sens de l’empilement en revanche, le choix de ces frontières est plutôt subjectif, et aucun critère visuel précis ne permet de détacher un empilement donné d’un empilement situé au dessus ou au dessous.

Dans ce travail, les paramètres qui sont déterminés à partir des images HRTEM sont tout d’abord la longueur L2 et la tortuosité τ des franges. Sur les images HRTEM étudiées, la

longueur des franges (L2) mesure la longueur de la densité projetée des feuillets de graphène

ayant uniquement des distorsions dans le plan. La tortuosité (τ), qui est définie comme le rapport entre la distance curviligne entre les extrémités de la frange et sa distance euclidienne, mesure quant à elle la distorsion moyenne des feuillets de graphène à l’intérieur des domaines cohérents. Les valeurs obtenues permettent alors de tracer les histogrammes de distribution de longueurs et de tortuosités de franges (voir la partie « Résultats »).

Pour extraire les franges d’une image HRTEM, celle-ci est d’abord traitée par un filtrage fréquentiel passe-haut et passe-bas afin de « lisser » les franges et d’éliminer les variations de fond. En effet, le lissage des franges permet de les débarrasser des artéfacts d’acquisition et de ne préserver que l’information pertinente relative à l’organisation structurale des plans de graphène. Ensuite, les confiances associées au champ des orientations locales sont calculées afin de servir de contrainte pour le suivi des franges. Enfin, les franges sont détectées via un algorithme de suivi des franges. Ces étapes sont illustrées sur la figure IV.3.

Figure IV.3. Etapes clés de l’extraction des franges en vue de la caractérisation d’une image HRTEM d’un PyC hautement texturé : a) image filtrée fréquentiellement ; b) carte des confiances associées aux orientations ; c) seuillage de la carte de confiance ; d) extraction des génératrices via l’algorithme de suivi des franges. (Tiré de Da Costa et al. [DaCosta 2001 thèse]).

Nous résumons ci-après les principaux éléments de cette procédure. Pour plus de détails on pourra se reporter aux travaux de Da Costa et al. [DaCosta 2001 thèse].

(i) Filtrage fréquentiel (figure IV.3.a) :

Le filtrage fréquentiel consiste en un filtrage à la fois aux hautes et aux basses fréquences afin de supprimer les composantes non pertinentes de l’image tout en conservant l’information relative aux franges. En effet, du fait de la limitation de la bande passante du microscope, seules les fréquences spatiales relatives à la disposition quasi-périodique des franges sont exploitables. Autrement dit, d’un côté, la résolution du microscope n’est pas suffisante pour faire apparaître les atomes individuellement, les composantes haute-fréquence ne représentent donc qu’un bruit. D’un autre côté, les variations d’épaisseurs traversées, qui sont liées à l’augmentation du contraste, introduisent des composantes basse-fréquence qui se traduisent par des taches sombres de grande taille sur les images. Le filtrage fréquentiel combine un filtre radial ou filtre « en couronne » et un filtre directionnel appelé aussi filtre « secteur ». Le filtre fonctionne dans le domaine de Fourier et il est défini par sa fonction de transfert h(u,v) qui s’exprime comme :

h(u,v) = h

rad

(ρ).h

ang

(θ) (équation IV.1)

où ρ et θ sont les coordonnées polaires associées aux fréquences spatiales (u,v), et hrad(ρ) et

hang(θ) sont le filtre en couronne et le filtre directionnel.

Le filtre en couronne hrad autour de la distance réticulaire moyenne d002 de la nano-

texture prend en considération la variabilité de la distance réticulaire, et la largeur de sa gaussienne est modulable :

h

rad

(ρ) =

exp(-

) (équation IV.2)

où le paramètre de la gaussienne σρ = α.ρ0 conditionne la largeur de la couronne, α étant la

« section de tore » et ρ0 correspondant à l’inverse de la distance réticulaire.

Le filtre directionnel hang autour de l’orientation dominante de la nano-texture prend

en compte l’ondulation et la variation d’orientation des franges, et son ouverture angulaire est réglable :

h

ang

(θ) =

exp(-

) (équation IV.3)

où l’ouverture angulaire du filtre est donnée par le paramètre σθ de la gaussienne, θ0

correspond à l’orientation dominante de la texture, estimée directement sur le spectre : θ0 est

l’orientation selon laquelle l’énergie du spectre est maximale, et la fonction Δ tient compte de la nature circulaire des orientations : Δ(θ,θ0) = min(|θ − θ0|,π − |θ − θ0|). Notons que le filtre

directionnel est utilisé uniquement sur les matériaux qui présentent une orientation préférentielle (e.g. PyCs LR et LRe). Ce n’est notamment pas le cas pour le PyC LL qui n’est que moyennement texturé.

Le filtrage a pour résultat un « lissage » des franges qui permet leur suivi continu(voir la figure IV.4).

Figure IV.4. Extraits d’une image HRTEM d’un PyC hautement texturé : a) avant et c) après filtrage fréquentiel; b) et d) spectres correspondants. (Tiré de Da Costa et al. [DaCosta 2001 thèse]).

La figure IV.4 montre une image de franges de réseau et son spectre respectivement avant (a et b) et après (c et d) un filtrage fréquentiel. Le spectre d’une telle image (filtrée ou non) reflète à la fois la périodicité et la directionnalité de la nano-texture. Les coordonnées polaires des lobes sont directement liées à la fréquence spatiale et à l’orientation des franges. On peut également noter l’effet de l’ondulation et de la désorientation mutuelle des franges, ainsi que l’effet de la variabilité de la distance réticulaire, qui se caractérisent par un halo lumineux autour des lobes principaux. Ce sont les caractéristiques de ces lobes qui déterminent le choix des deux paramètres de filtrage. Ainsi, par exemple, pour le filtrage des images de PyCs hautement texturés étudiés dans ce mémoirenous avons choisi une section de tore α de 0,5 Å-1 et une ouverture angulaire σθ de 50° (voir respectivement les ellipses vertes

et des lignes oranges sur la figure IV.5.f). Ce choix a été appuyé par une comparaison avec un filtrage consistant à d'abord filtrer les fréquences supérieures à 0,37 Å-1 (cercle en bleu sur la

figure IV.5.e) afin de retirer les contributions intra-planaires de type bande 10, et ensuite à appliquer le filtre ABSF (Average Background Substracted Filter) basé sur les travaux de Kilaas [Kilaas 1998] pour accentuer le contraste. On peut aussi remarquer que les spectres obtenus par TF des images HRTEM sont similaires aux clichés SAED (voir la figure II.8.b).

Figure IV.5. a) Image HRTEM expérimentale d’un PyC LR avant filtrage ; b) même image après filtrage en utilisant la méthode de R. Kilaas, et c) en utilisant un filtrage fréquentiel avec une section de tore α de 0,5 Å-1 et une ouverture angulaire σθ de 50° ; d), e) et f) spectres

correspondants.

(ii) Confiances associées au champ desorientations locales (figure IV.3.b et c) :

Le champ d’orientation, qui décrit l’orientation locale (en tout point de l’image) de la nano-texture, est calculé à partir de l'image HRTEM. L’approche utilisée pour ce calcul est basée sur la géométrie différentielle. Elle combine deux opérateurs locaux [DaCosta 2001 thèse]. Le premier opérateur, fondé sur le gradient de niveau de gris, est bien adapté aux flancs des motifs nano-texturaux, où la dynamique de l’image est forte. A l’inverse, aux abords des crêtes et des vallées, où la dynamique est faible, le gradient est très sensible au bruit. D’où l’introduction d’un second opérateur, basé sur le vallonnement, c’est-à-dire la propriété d’appartenance d’un pixel à une ligne de crête ou de vallée, qui est adapté à la

h

d

(θ)

h

r

(ρ)

a)

b)

c)

e)

f)

mesure de l’orientation aux abords des crêtes et des vallées, où sa réponse est la plus forte (voir la figure IV.6).

Figure IV.6. Lignes de plus fort gradient et de plus fort vallonnement. (Tiré de Da Costa et al. [DaCosta 2001 thèse]).

Une procédure de combinaison des deux opérateurs, tirée de [DaCosta 2001 thèse], permet de tirer parti des avantages respectifs du gradient et du vallonnement. Une régularisation par tenseur est en outre effectuée afin de garder une orientation homogène à l’échelle de la distance inter-réticulaire.

La frontière entre deux franges peut être déterminée par une rupture nette du modèle topographique (voir la figure IV.7) : alors qu’à l’intérieur d’une frange, l’image présente localement une orientation marquée, cette situation n’est plus la même aux extrémités, où l’orientation locale est mal définie.

Figure IV.7. Exemple de terminaisons de franges. (Tiré de Da Costa et al. [DaCosta 2001 thèse]).

Le calcul du champ des confiances associées aux orientations locales, tel que défini par Da Costa et al. [DaCosta 2001 thèse], est fondé sur une mesure de la cohérence entre l’estimation d’orientation en un pixel et les estimations réalisées dans un voisinage de ce pixel. Ce calcul du champ des confiances associées aux orientations locales fait apparaître, aux extrémités des franges, des régions de faible confiance. Ce champ des confiances peut alors être utilisé comme contrainte : le suivi de la frange est interrompu si la confiance estimée au pixel courant est inférieure à un certain seuil. Ceci est illustré sur la figure IV.3. Sur la carte des confiances associées aux orientations (voir la figure IV.3.b) les pixels correspondant à de faibles confiances apparaissent en niveau de gris de faible intensité, et la figure IV.3.c représente cette même carte avec un seuillage en intensité. Sur la figure IV.3.d, on voit que le suivi des franges s’arrête lorsque la confiance est faible. Par exemple, pour les images HRTEM expérimentales des PyCs hautement texturés étudiés dans ce mémoire, nous avons déterminé qu’un seuil de confiance de 245 en intensité de niveau de gris (sur une échelle allant de 0 à 255) et un voisinage de taille légèrement inférieure à la distance interfranges (e.g. 7 × 7 pixels) constituent le jeu de paramètres le mieux adapté à la détection des extrémitésdes franges.

(iii) Algorithme de suivi des franges (figure IV.3.d) :

La procédure de suivi des franges est fondée sur un algorithme d’extraction de courbes de niveau discrètes. Cette procédure débouche sur le calcul de listes chaînées de points appelées génératrices. Chaque génératrice décrit une frange sur toute sa longueur. L’extraction de génératrices est fondée ici sur le suivi de courbes topographiques – les courbes de niveau de l’image – qui sont tout à fait adaptées à la description des franges, assimilables à des éléments de relief longiformes. L’algorithme de suivi des courbes de niveau, développé par Da Costa et al. [DaCosta 2000 a], [DaCosta 2000 b], s’appuie sur une interpolation locale à partir de la luminance discrétisée de l’image ; la génératrice obtenue est alors composée d’un ensemble de points de coordonnées réelles, situés sur les arêtes des pixels de l’image et appelés pixels étendus. Il s’agit donc d’une technique sub-pixel. Le principe de l’algorithme de suivi des courbes de niveau est le suivant : on considère un point, appelé germe, de coordonnées et de niveau de gris donnés,et l’on cherche à extraire la courbe de niveau passant par ce point. La courbe est développée de proche en proche, à partir du germe, selon un critère précis de suivi. Le suivi des franges est ici effectué pour un niveau de gris (le critère sélectionné) correspondant au niveau moyen de l’image. Ce choix du niveau moyen permet en particulier de s’affranchir du phénomène de modulation des crêtes (et des

vallées) le long d’éléments de relief longiformes. Il est en outre le plus favorable pour l’interpolation utilisée par l’algorithme de suivi. La coordonnée de chaque germe est déterminée de la façon suivante : on recherche, selon un parcours lexicographique, le premier pixel étendu de niveau égal au niveau moyen.Ce choix permet de ne pas favoriser les franges de grande taille, contrairement à un placement aléatoire des germes. Ainsi, le suivi débute sur un germe de niveau moyen et l’on recherche dans son voisinage au maximum deux pixels étendus ayant le même niveau de gris. Puis, à partir de chacun de ces voisins, on poursuit, de proche en proche, la courbe de niveau. Le suivi sur une branche s’effectue indépendamment de l’autre branche et il s’arrête lorsqu’il n’y a plus de pixel vérifiant la contrainte. La courbe de niveau issue de ce germe est extraite en indexant les pixels étendus rencontrés par le label « déjà examiné ». L’image est de nouveau parcourue à la recherche d’un germe potentiel, non encore examiné, et l’opération est réitérée jusqu’à épuisement des germes potentiels. Cette procédure conduit à décrire chacune des franges par deux génératrices situées de part et d’autre de la ligne de crête (voir la figure IV.3.d). De même qu’aucun critère ne permet de dire laquelle de la ligne de crête ou de la ligne de vallée correspond effectivement à la couche atomique sous-jacente, on ne peut pas choisir d’exclure l’une ou l’autre des courbes de niveau. La population des franges considérées pour la caractérisation statistique de ces nano- textures est donc toujours constituée de ces doublons. Notons que les franges de taille inférieure à 2,84 Å ne sont pas prises en compte. Ce choix se justifie par l’hypothèse qu’il ne peut exister dans le matériau de structures de taille inférieure à celle du cycle aromatique, excepté les atomes de carbone eux-mêmes, que la résolution du microscope utilisée ne permet pas de discerner. Notons également que les génératrices atteignant les bords de l’image ne sont pas représentées car elles sont tronquées et sont exclues de l’étude statistique (voir la figure IV.3.d). Afin que les résultats statistiques ne soient pas affectés par ces effets de bords, il est indispensable d’utiliser des images de grande taille, où peuvent figurer des franges de grande longueur. En pratique, des dimensions de 50 × 50 nm sont généralement suffisantes pourles matériaux étudiés dans ce mémoire. Néanmoins, de telles tailles ne sont accessibles que pour les images HRTEM expérimentales. Indiquons cependant que pour une image périodique, telles que les images synthétisées ou encore les images simulées (voir respectivement les parties IV.2 et IV.4 ci-après), il est pertinent de poursuivre le suivi des franges du bord droit vers le bord gauche d’une telle image, après avoir reproduit cette image tout autour d’elle-même (« tuilage »).

Notons que cette méthode de détection des franges est très sensible au bruit, au filtrage de l’image et au seuillage de détection qui peuvent accroître ou réduire fortement les

longueurs des franges en fonction des paramètres choisis. Mais au final, même s’il ne fournit pas une mesure « absolue » des tailles de franges, cet algorithme permet de mener des études quantitatives comparatives des longueurs de franges. Nous avons développé par ailleurs une nouvelle méthode basée sur le champ d’orientation, permettant de déterminer les dimensions des domaines cohérents et la désorientation relative entre ces domaines. Cette méthode est décrite ci-après.