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IV. Méthodes

IV.1. b Analyse statistique du champ d’orientation

Les domaines cohérents (ou « cristallins ») sont délimités par les extrémités des franges (ou par La et Lc). L’approche récemment proposée par Da Costa et al. [DaCosta 2014]

pour déterminer les dimensions de ces domaines cohérents ainsi que la désorientation moyenne des franges, est fondée sur une analyse statistique du champ d'orientation (tel que décrit au début de la partie IV.1.a.ii) des images HRTEM. L’idée est de trouver l’orientation locale des franges et de regarder la corrélation spatiale entre les orientations.

La figure IV.8.b représente, à l’aide d’une palette colorée, la carte d’orientation générée à partir du champ d'orientation d’une image HRTEM en franges de réseau 002 (figure IV.8.a).

Figure IV.8. (a) Image HRTEM, (b) carte d’orientation et (c) carte de confiance d’un PyC hautement texturé.

Sur la figure IV.8.b, les zones en rouge correspondent aux plans 002 orientés horizontalement à ±5°, tandis que les zones de défauts (ou joints de domaines) sont désorientés à ±20° et apparaissent en rose et jaune orangé. Une telle carte permet en particulier de visualiser la présence d’une anisotropie de la nano-texture. Afin de quantifier cette anisotropie d’orientation, il faut estimer la dépendance spatiale des orientations. Une manière intuitive de faire cela consiste à calculer les différences spatiales d’orientation.

a)

b)

c)

0° 90°

Compte tenu de la nature axiale des orientations, Da Costa et al. [DaCosta 2002] ont proposé de mesurer les différences entre deux orientations θ1 et θ2 (comprises entre 0 et 180°) en

utilisant la fonction Δ(θ1,θ2) = min(|θ1 − θ2|,π − |θ1 – θ2|). A partir de Δ, ils ont proposé

plusieurs indicateurs du second-ordre pour décrire les dépendances d’orientation dans une texture, parmi lesquels figure la différence d’orientation moyenne (MOD), qui est défini par :

MOD( ) = 〈

+

Δ(Θ

+

)〉 (équation IV.4)

où w est un vecteur déplacement donné, (u, u+w) sont les couples de sites de l’image séparés de w, Θ sont les orientations et η sont les indices de confiances associés aux orientations.

Dans ce calcul, la carte de confiance (voir la figure IV.8.c) est utilisée afin de prendre en compte correctement les frontières des cristallites. La MOD est une mesure pondérée (par les indices de confiances) de la différence entre deux orientations séparées par une distance w. Cependant, cet indicateur n’est pas invariant en rotation dans la mesure où une variation de l’orientation globale de la texture induit une variation de l’indicateur. Da Costa et al. [DaCosta 2014] ont alors proposé d’utiliser une nouvelle formulation. Soit ( ,ψ) la représentation polaire du déplacement = (wx, wy). La formulation invariante en rotation

(RIMOD) consiste à tenir compte, non pas de l’orientation de l’image mais des orientations locales :

RIMOD( ,ψ) = 〈

+

Δ(Θ

+

)〉 (équation IV.5)

où = ( cos(Θu+ψ), cos(Θu+ψ))

La RIMOD permet de mesurer une différence moyenne d’orientation lorsque l’on s’écarte d’un pixel d’une distance ρ dans une direction spécifique θ, au regard de l’orientation locale (et non pas de l’orientation globale) de la texture, tel que cela est représenté sur la figure IV.9.

Figure IV.9. Représentation polaire du vecteur déplacement = ( ,ψ) utilisé dans le cas de la formulation invariante par rotation (RIMOD).

Plusieurs représentations graphiques pertinentes peuvent être utilisées pour tracer ce type de statistique en fonction des coordonnées du vecteur de déplacement . Si l’on considère sa représentation polaire ( ,ψ), on aboutit à une carte d’interaction polaire [DaCosta 2001 thèse], [DaCosta 2002]. Dans ce mémoire, on utilise plutôt deux autres représentations. La première consiste à tracer RIMOD(ρ,0°) et RIMOD(ρ,90°) en fonction de la distance ρ. Cette représentation permet d’analyser comment la décohérence d’orientation augmente avec la distance et aussi de faire la distinction entre les pertes de cohérence longitudinale (i.e. le long des franges) et transverse (i.e. à travers les franges). Une seconde possibilité consiste en une représentation radar (en coordonnées polaire) de la distance ρ à laquelle, pour chaque angle polaire ψ, l’indicateur RIMOD atteint une valeur φ donnée. Cette représentation est très utile pour identifier une sorte de diagramme de cohérence spatiale d’orientation moyenne (DCSO), typique de la nano-texture du matériau observé.

Afin d’évaluer quel type d’information quantitative peut être donnée par les statistiques d’orientation, Da Costa et al. [DaCosta 2014] ont généré des images de franges de réseaux artificielles. Ces dernières sont constituées de pavages de Voronoї décorés par des franges 002 espacées de 0,34 nm, avec un écart type d'orientation de franges, et avec une dimension et une quantité de grains ajustables. La figure IV.10 montre un exemple de cette étude réalisé sur une image de franges de réseaux artificielle contenant des domaines anisotropes (comme dans les PyCs hautement texturés).

Figure IV.10. a) Agrandissement d’une image de franges de réseaux artificielle contenant des domaines colonnaires, et b) carte d’orientations locale, c) courbes de cohérence parallèle (RIMOD(ρ,0°)) et perpendiculaire (RIMOD(ρ,90°)) aux franges et d) courbes d’iso-niveau de RIMOD, correspondantes à l’image totale. La taille de l’image utilisée pour les calculs de statistiques d’orientation est de 2048 × 2048 pixels (5742 nm2). Elle contient 1436 domaines avec une taille moyenne de 4,0 nm2, un rapport de croissance Y/X = 2 et un écart-type d’orientation σ = 9°. L’image a été prétraitée avec un filtre radial passe-bas. La résolution est de 0,037 nm/pixel et 002 = 0,34 nm. (Adapté de Da Costa et al. [DaCosta 2014]).

Sur la figure IV.10.c, les valeurs correspondant aux distances ρ à 90% du plateau selon les directions parallèle et perpendiculaire aux franges, notées « LaMOD » et « LcMOD »

(respectivement en tirets bleus et rouges), donnent une information sur les longueurs de cohérence respectivement parallèlement et perpendiculairement aux franges. En effet, il a été vérifié que ces valeurs sont similaires aux dimensions moyennes des grains du pavage (ici 4,0 nm2) ainsi qu’à l’anisotropie de ces domaines (ici Y/X = 2). Ces données peuvent alors être corrélées aux valeurs de La et Lc obtenues en diffraction (DRX ou DN). De plus, tandis que

les petites valeurs de ρ, relatives à une perte rapide de la cohérence, sont reliées à la taille des domaines (cristallites, texture intra-grains), les plus grandes valeurs de ρ pour lesquelles on obtient un plateau sont reliées à la désorientation moyenne à grande échelle (domaines

b)

a)

c)

d)

βMOD 0.9 βMOD LaMOD LcMOD 0° 90° -90°

mésoscopiques, texture inter-grains). La variabilité globale de l’orientation à l’échelle de l’image est notée βMOD en référence au terme β défini par Oberlin et al. [Oberlin 1984 b]

comme l’angle d’orientation moyen entre les cristallites voisins. Notons que dans le cas de matériaux organisés à plus grande échelle (e.g. empilement de cercles concentriques), on n’obtient pas un plateau mais des oscillations dont les minima correspondent à la distance moyenne entre les unités structurales (ici, les cercles) [DaCosta 2014]. La distance à laquelle un plateau est obtenu est donc révélatrice de l’échelle représentative d’un matériau.

Les courbes d’iso-niveau de RIMOD (ou DCSO) sont représentées sur la figure IV.10.d. Ce graphe représente la distance ρ (en nm) à laquelle l’indicateur RIMOD atteint la valeur de φ degrés. Ici, φ est pris entre 1° et 7°. Une plus grande cohérence spatiale est observée à ψ = 90° i.e. orthogonalement aux franges, ce qui suggère que les empilements des franges parallèles proches ne sont pas isotropes, leur hauteur étant plus grande que leur largeur. Cette anisotropie peut aussi varier en fonction de la distance ρ. Ainsi, les courbes d’iso-niveau de RIMOD donnent à la fois une information sur l'anisotropie de forme des domaines cristallins et sur l’extension spatiale de la cohérence des orientations.

Cette étude réalisée par Da Costa et al. [DaCosta 2014] dans le cadre de cette thèse, a permis de démontrer que plusieurs indicateurs texturaux et nano-texturaux peuvent être obtenus : (i) les longueurs de cohérence parallèle (« LaMOD ») et perpendiculaire (« LcMOD »)

aux franges (taille des cristallites), (ii) la désorientation angulaire moyenne (« βMOD ») des

franges (angle d’orientation moyen entre les grains) et (iii) le degré d’homogénéité de l’échantillon (présence ou non d’oscillation à grande distance). Cette méthode permet ainsi d’obtenir des données quantitatives à plusieurs échelles sur l'organisation de carbones lamellaires (e.g. des PyCs LR, LRe, LL mais aussi des fibres de carbone, des suies, …).

Pour terminer, notons qu’il existe plusieurs méthodes permettant de calculer l’anisotropie associée aux orientations des franges à partir d’une image HRTEM.

Comme cela a été expliqué ci-dessus, une première méthode consiste à calculer la valeur de βMOD, correspondant au plateau des courbes de cohérence. En pratique, βMOD est

calculée en faisant la moyenne des valeurs trouvées au niveau du plateau sur une plage de distance ρ et sur l’ensemble des directions ψ comprises entre 0 et 90°.

Une deuxième méthode consiste à calculer l’écart type associé aux orientations des franges. Pour cela, on calcule la déviation circulaire standard σor [Mardia 2000] du champ

d'orientation.

Enfin, une troisième méthode consiste à réaliser une analyse de Fourier de l’image HRTEM. Celle-ci permet d’obtenir une information quantifiée sur la statistique du désordre d’orientation au sein des domaines anisotropes, par l’enregistrement de l’Angle d’Orientation (OA, en °) des arcs 002. En effet, les réflexions 002 apparaissent sur un cliché de diffraction électronique (voir la figure II.8.b), sous forme de taches pour le graphite, et sous forme d’arcs de plus en plus ouverts lorsque l’anisotropie diminue. La valeur de cette anisotropie est donnée par la largeur à mi-hauteur de la gaussienne modélisant l’arc de diffraction électronique 002. Cette méthode est le pendant analytique, sur une image HRTEM, d’une mesure directe de OA sur un échantillon mince par Diffraction Electronique à Aire Sélectionnée (SAED). En pratique, il existe cependant une différence d’échelle entre une analyse d’image et une mesure directe. En effet, la taille des images HRTEM ne dépassant pas quelques centaines de nanomètres, la méthode analytique donne davantage accès à des anisotropies très locales, alors que la mesure par SAED donne plutôt une information à une échelle plus grande (jusqu’à 3 μm), le diaphragme de sélection le plus petit à disposition sur le MET (CM30ST) mesurant 0,1 μm.