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I. Introduction

I.1. Contexte

Les matériaux carbonés [Legendre] sont des matériaux qui ne sont composés, presque exclusivement, que du seul élément carbone. Pourtant, l’ensemble que constitue ce type de matériaux présente à l’état solide une diversité de structures1 et de textures2 plus grande que n’importe quel autre type de matériaux. On trouve ainsi dans cette famille de matériaux les diamants, les graphites, les pyrocarbones (PyCs), les fullerènes, les fibres de carbone, les carbones amorphes, … Une telle diversité n’est pas sans rapport avec le caractère exceptionnel de l’élément carbone (C) qui, bien que n’étant que le quinzième élément de l’écorce terrestre par sa quantité (soit 0,05% de la croûte terrestre), constitue la très large majorité de tous les composés chimiques existants (dont ceux constitutifs de la matière vivante). Comme la structure/texture et les propriétés sont liées, il est alors possible de moduler les propriétés des matériaux carbonés en jouant sur leurs conditions d’élaboration. Les matériaux carbonés peuvent ainsi être conducteurs ou isolants, perméables ou étanches, lubrifiants ou résistants ; ils peuvent se présenter sous forme de tissus, de blocs, de fibres ou encore de rubans flexibles. Enfin, ils permettent la réalisation de matériaux composites carbonés dont les propriétés uniques les rendent irremplaçables.

Les composites carbone/carbone (renforcement de matrice carbone par des fibres de carbone (aussi appelés C/C, Cf/C, CFC ou CFRC)) [Manocha 1998] et les composites à

matrice céramique [Naslain 2004] (tels que les composites SiC/SiC) sont des composites thermo-structuraux à hautes performances. Ils trouvent leurs applications dans des environnements extrêmement difficiles. En effet, ces matériaux doivent maintenir leurs propriétés mécaniques à haute température et garder une très bonne résistance aux agressions thermochimiques et thermomécaniques. Ils remplacent ainsi favorablement les métaux et les superalliages dans des applications aéronautiques (disques de frein d’avion [Awasthi 1988] ou de formule 1), aérospatiales (cols de tuyère et divergents des propulseurs à poudre des lanceurs spatiaux [Choury 1976], [Prel 1999], [Wade 2014], [Herakles] (figure I.1), boucliers thermiques (ou TPS : Thermal Protection Systems) pour la rentrée atmosphérique [Butyrin

1

Agencement des atomes, et en particulier des défauts, à l’échelle de quelques angströms à quelques nanomètres.

2

Degré d’anisotropie du matériau, ou encore sur une image, perception visuelle de directionnalité, de régularité, de finesse, de granularité, ...

2012], [Chollon 2014]) et nucléaires (parois du divertor (ou tuiles de protection) de Tokamaks en contact avec le plasma [Duffy 2010]).

Figure I.1. Image d’un lanceur Delta IV et d’un de ses divergents déployables C/C. (Adapté de la plaquette institutionnelle d’Herakles [Herakles plaquette 2013]).

Grâce aux qualités que leur confère le carbone, les composites C/C sont des matériaux à la fois légers, rigides, résistants, réfractaires et dimensionnellement stables. Ainsi, ils conservent leurs propriétés mécaniques jusqu’à environ 3000°C et ils possèdent une bonne tenue aux chocs thermiques (car ils possèdent à la fois un faible coefficient de dilatation et une bonne conductivité thermique). Ce sont également d’excellents matériaux de friction. Ils sont néanmoins soumis aux agressions externes qui dégradent l’ensemble de leurs propriétés. En particulier, du fait de leur nature carbonée, ils sont sensibles à l’oxydation par l’oxygène à partir de 500°C [Couzi 1998], et un peu plus haut en température ils deviennent sensibles à d’autres oxydants comme H2O et CO2. Mais cette relative insuffisance peut être limitée ou

supprimée par des revêtements ou bien des imprégnations ayant pour résultat le colmatage de la porosité. Enfin, au-delà de 3000°C, la sublimation du carbone doit être prise en compte dans le processus de dégradation [Dolton 1968]. Par ailleurs, les propriétés des composites C/C peuvent fortement varier en fonction de la nature précise des phases carbonées.

Les composites C/C sont des matériaux structurés à plusieurs échelles. Ils sont constitués de tissus de fils - le renfort, qui assure la tenue mécanique - immergés dans une matrice de pyrocarbone (PyC), qui assure la cohésion de la structure et la retransmission des efforts vers le renfort ainsi que la protection du renfort vis-à-vis des diverses conditions environnementales. A plus petite échelle, ces fils sont composés d’un ensemble de fibres de carbone qui sont elles-mêmes enrobées d’une matrice de PyC (figure I.2.a). A la fois les fibres

et la matrice appartiennent à la catégorie des carbones denses, i.e. des phases dans lesquelles l’arrangement des atomes de carbone est principalement basé sur l’empilement de feuillets de graphène, mais avec une certaine quantité de défauts, ce qui leur confère une faible masse volumique (ou « densité ») ρ comprise entre 1,4 et 2,2 g.cm-3.

Dans les composites SiC/SiC, le PyC joue un rôle de « fusible mécanique » [Pompidou 2007] en se situant à l’interphase entre les fibres et la matrice céramique, leur conférant ainsi d’excellentes propriétés mécaniques [Cavalier 2006] (figure I.2.b).

Figure I.2. a) Image en Microscopie Electronique à Balayage (SEM) d’un composite C/C : renforcement de matrice de carbone par des fibres de carbone. (Adapté de X. Bourrat et al. [Bourrat 2006]) ; b) Déviation d’une fissure matricielle au niveau de l’interphase en PyC au sein d’un composite SiC/SiC. (Tiré de [CEA 2010]).

La matrice de PyC constitue donc un élément essentiel des composites C/C et de certains CMC.

On peut également mentionner l’utilisation de PyCs isotopes haute température dans des applications industrielles, comme les pièces pour les fours à très hautes température (bols en C/C) [Hathcock 2000], [Mersen 2014], mais aussi dans des applications médicales, comme les biomatériaux (valves cardiaques [Gott 2003], [Bokros 1977], prothèses de genou [Cook 1999], …). Dans ce dernier cas, l’utilisation de PyCs est liée avant tout à leur excellente biocompatibilité [Hench 1998] et non à leurs excellentes propriétés y compris à hautes températures.

Cette thèse s’inscrit dans le projet PyroMaN (Pyrocarbon Matrices at the Nanoscale - ANR Blanc 2010 0929 01) [PyroMaN projet]. Ce projet accompagne un ensemble de travaux

a) b)

matrice

répondant à des besoins exprimés par l’industrie des composites thermo-structuraux à hautes performances. En effet, comme les applications sont extrêmement exigeantes, il est nécessaire d’acquérir une meilleure connaissance et un meilleur contrôle des relations élaboration- structure/texture-propriétés afin de développer de meilleurs matériaux. Le projet PyroMaN se focalise sur le PyC. Il propose une approche combinant élaboration et caractérisation expérimentale, analyse et synthèse d’image, modélisation atomistique et simulations de propriétés. Le but de ce projet est d’obtenir une description fine des structures/textures de divers PyCs aux échelles « micro- » et « méso-scopiques » (i.e. respectivement de quelques nanomètres à quelques centaines de nanomètres), et de les corréler à leurs propriétés (en particulier mécaniques et thermiques). De plus, comme l’un des partenaires du projet a développé la connaissance sur la relation entre les conditions d’élaboration et la structure des matériaux, le cycle complet élaboration-structure/texture-propriétés sera ainsi à portée de main.

Dans le cadre de ce projet, cette thèse porte en particulier sur l’étude nano-texturale et nano-structurale de PyCs par analyse d’image et par modélisation atomistique basée sur l’image ainsi que sur la simulation des propriétés et leur mise en relation avec la nanostructure/-texture des PyCs.