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Le SNI (système national d’innovation) ou SNRI (système national de recherche et d’innovation) est un concept relativement récent introduit dans les années 1980 notamment par [Freeman, 1987], [Lundvall, 1992], [Nelson, 1993], [Edquist, 1997] pour expliquer les interactions entre public, privé, universités et agences dans la production de science et technologie (voir [Lundvall et al., 2002], [Edquist et al., 2006] et [Lundvall, 2007] pour des papiers plus récents). Il existe par ailleurs certaines variantes telles que les systèmes régionaux d’inno- vation ([Saxenian, 1994]) ou les systèmes sectoriels d’innovation ([Malerba, 2002]).

CHAPITRE 1. LES SYSTÈMES NATIONAUX

De ce fait, en s’intéressant aux déterminants et à l’organisation qui conduisent à l’innovation, les travaux autour du concept de SNI ont permis d’aller beaucoup plus loin que l’étude du nombre de produits ou procédés innovants conçus dans un pays pendant une période donnée.

L’approche systémique de l’innovation est ainsi basée sur la perception que l’innovation est produite par différents acteurs en relation. Dans ce cadre, l’intérêt de cette méthode est d’étudier les liens entre les scientifiques et le secteur marchand ainsi que la coopération entre les firmes. Cette approche part du principe que l’innovation est le résultat de l’organisation du système.

Le SNI dépasse donc la simple considération d’un système avec plusieurs acteurs et organisations qui collaborent dans l’objectif commun d’innover. Il met donc l’accent sur le rôle des facteurs institutionnels spécifiques au système stimulant et entravant l’innovation et les changements technologiques.

Par conséquent, selon [Balzat, 2002] la définition d’un SNI doit inclure au moins trois dimensions :

1. La considération du système dans sa globalité

2. L’analyse de tous les acteurs du système et des liens qui les unissent 3. La configuration institutionnelle comme modèle pour l’action économique [Niosi, 2002] fait la liste des principales définitions des SNI (traduction libre) : — "Le réseau d’institutions des secteurs public et privé dont les activités et les

interactions initient, importent, modifient et diffusent les nouvelles techno- logies" [Freeman, 1987]

— "Les éléments et les relations qui interagissent dans la production, la diffu-

sion et l’utilisation de connaissances nouvelles et économiquement utiles [...] Et sont situés à l’intérieur ou enracinés dans les limites d’un État-nation"

[Lundvall, 1992]

— "L’ensemble des institutions dont les interactions déterminent la perfor-

mance innovante des entreprises nationales" [Nelson, 1993]

— "Le système national d’innovation est constitué par les institutions et les

structures économiques affectant le rythme et la direction des changements technologiques dans la société " [Edquist et Lundvall, 1993]

— "Un système national d’innovation est le système d’interaction des entre-

prises privées et publiques (grandes ou petites), des universités et agences gouvernementales visant à la production de science et de technologie à l’in- térieur des frontières nationales. L’interaction entre ces unités peut être

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technique, commerciale, juridique, sociale et financière, dans la mesure où l’objectif de l’interaction est le développement, la protection, le financement ou la réglementation de la science et de la technologie" [Niosi et al., 1993]

— "Les institutions nationales, leurs structures incitatives et leurs compé-

tences, qui déterminent le rythme et l’orientation de l’apprentissage de la technologie (ou le volume et la composition des activités génératrices de changement) dans un pays" [Patel et Pavitt, 1994]

— "Cet ensemble d’institutions distinctes qui, conjointement et indivi-

duellement, contribuent au développement et à la diffusion de nouvelles technologies et qui fournit le cadre dans lequel les gouvernements forment et mettent en oeuvre des politiques pour influencer le processus d’innovation. En tant que tel, c’est un système d’institutions interconnectées pour créer, stocker et transférer les connaissances, les compétences et les artefacts qui définissent de nouvelles technologies "[Metcalfe, 1995]

Dans la littérature, nous trouvons ainsi principalement deux approches du concept de SNRI qui se distinguent par le point de vue adopté par l’obser- vateur en matière d’innovation (pour une vision plus élargie voir notamment [McKelvey, 1991] et [Vertova, 2014] pour une critique et une mise en perspective). Ainsi [Lundvall, 1992] fait la distinction entre une approche étroite ou restreinte et une approche large ou étendue.

L’approche dite "restreinte" développée notamment par [Nelson, 1993] et [Mowery et Oxley, 1997] ne mesure l’innovation qu’à travers les activités liées à la R&D et aux activités scientifiques. De ce point de vue, le SNRI inclut uniquement les organisations et institutions nécessaires à ces activités. C’est donc un système intégré d’agents en lien direct avec la production d’innovation. [Nelson, 1993] qui fonde son point de vue sur une analyse empirique et intègre dans son SNRI, les activités de R&D, les politiques scientifiques et la législation sur la propriété intellectuelle. De ce point de vue, on considère explicitement hors de son champ les déterminants et conséquences de l’innovation qui sont externes à ce champ. Cette approche avec son périmètre restreint permet ainsi de réaliser des analyses précises et détaillées de l’architecture institutionnelle et organisationnelle des SNI (voir notamment [Nelson, 1993]).

Le passage à la conception plus étendue se fait par une logique de proximité des différents domaines à considérer (science, technique, éducation supérieure, firme...) qui laisse la porte ouverte à des interprétations plus ou moins extensives du système (culture, traditions nationales, législations...).

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De ce fait, l’approche du SNRI dite "large", décrite notamment par [Lundvall, 1992], [Freeman, 1988] et [Edquist, 1997], voit l’innovation comme un processus cumulatif continu inhérent à la diffusion, l’absorption, et l’utilisation des connaissances. De ce point de vue, l’accent est placé sur les processus d’apprentissage. Ainsi, d’après [Lundvall et Jonhson, 1994], la compétitivité du SNRI correspond à la capacité d’apprentissage de ses agents. Dans ce cadre, le SNRI est donc constitué de toutes les institutions politiques, sociales, économiques et culturelles affectant l’apprentissage, la recherche et les activités d’exploration. L’apport théorique et la construction du concept sont établis par [Lundvall, 1992] qui met l’apprentissage au coeur du SNRI à travers une vision microéconomique de l’innovation comme processus interactif. Freeman a par ailleurs développé l’approche à travers une mise en perspective historique, notamment en faisant référence à la révolution industrielle allemande [Freeman, 1988] et aux pays d’Asie du Sud Est et d’Amérique [Freeman, 1995].

Selon [Casadella et Benlahcen-Tlemcani, 2006], l’approche étroite est la plus développée car elle permet une vision quantitative (très à la mode) du problème. En revanche, toujours selon [Casadella et Benlahcen-Tlemcani, 2006], lorsque l’on s’intéresse à certaines économies moins structurées et notamment celle des pays du Sud, une vision du SNRI plus large est indispensable pour appréhender cette question dans sa globalité. Cette analyse est par ailleurs partagée par [Viotti, 2002]. Cette remarque est fondée lorsque, comme ces auteurs, on s’intéresse au degré d’innovation d’un pays. En revanche, l’approche restreinte semble plus adaptée à notre cas d’étude qui se limite au financement des projets de R&D. En effet, non seulement elle est construite selon une démarche empirique fondée sur l’observation de la réalité, mais en plus elle se limite à l’étude des acteurs nécessaires aux activités de R&D, et par voie de conséquence aux acteurs qui participent directement à son financement.

1.3 Les premières tentatives de "fonctionnalisa-