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Aide à la décision dans l'évaluation des impacts des politiques de financement de la recherche

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Academic year: 2021

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(1)

THÈSE DE DOCTORAT

de

l’Université de recherche Paris Sciences et Lettres 

PSL Research University

Préparée à

l’Université Paris-Dauphine

COMPOSITION DU JURY :

Soutenue le

par

École Doctorale de Dauphine — ED 543

Spécialité

Dirigée par

Aide à la décision dans l'évaluation des impacts des

politiques de financement de la recherche

19/12/2018

Romain TOURET

Alexis TSOUKIAS

Miguel COUCERIO Alberto COLORNI Vincent MOUSSEAU Remzi SANVER Florent JOERIN Alexis TSOUKIAS Jean-Claude PETIT Informatique Président du jury Rapporteur Rapporteur Membre du jury Membre du jury Directeur de thèse Membre du jury

(2)
(3)

Sommaire

INTRODUCTION 1

Contexte . . . 1

L’apport de la "Policy Analytics" dans l’aide à la décision . . . . 6

La complexité du cycle politique . . . 9

I ANALYSE DU SYSTEME FRANCAIS

15

Introduction de la partie cartographie 17 1 LES SYSTÈMES NATIONAUX 19 1.1 A l’origine, la notion de système d’innovation (SI) . . . 21

1.1.1 Qu’est-ce qu’un système ? . . . 21

1.1.2 Les différentes approches des SI . . . 22

1.2 L’extension au concept du SNRI . . . 25

1.3 Les premières tentatives de "fonctionnalisation" du SI . . . 28

1.4 Une approche dynamique de SNRI à créer . . . 33

1.5 L’étude du SFRI : théorie fonctionnelle et organisationnelle . . . 35

1.5.1 L’organisation séparée . . . 38

1.5.2 L’organisation intégrée . . . 39

1.5.3 L’évolution d’une organisation intégrée vers une organisation séparée via un stade hybride . . . 40

1.6 Dépasser les modèles actuels pour comprendre la dynamique du système . . . 42

2 LA FONCTION EVALUATION 43 2.1 La fonction Evaluation . . . 45

2.2 L’évaluation de la recherche une vision très méthodologique et pas suffisamment contextualisée . . . 46

2.3 L’évaluation de la recherche, un débat scientifique . . . 49

(4)

SOMMAIRE

2.3.2 Bibliométrie et examen par les pairs un débat

méthodolo-gique ancien . . . 56

2.4 L’évaluation de la recherche et du système : un problème de péri-mètre et de méthode . . . 58

2.5 Les indicateurs en question . . . 59

2.5.1 Histoire des indicateurs d’évaluation de la recherche . . . 60

2.5.2 Peut-on définir un bon indicateur d’évaluation de la recherche ? 61 2.5.3 Des critères d’Evaluation au service de l’Orienation . . . 64

3 CARTOGRAPHIE DU SYSTÈME FRANÇAIS 67 3.1 Méthodologie . . . 69

3.1.1 Périmètre de l’étude . . . 69

3.1.2 L’observation participante comme cadre méthodologique . . 81

3.1.3 Concrétisation de la méthodologie et de son application . . . 82

3.1.4 Limites de la méthodologie . . . 84

3.2 Construction de la carte du SNFRI Français . . . 84

3.2.1 Organisation hiérarchique et fonctionnelle . . . 85

3.2.2 Evaluation quantitative du SNFRI français . . . 89

3.2.3 Evaluation qualitative du SNFRI français . . . 89

3.2.4 Processus de décision du financement d’un projet . . . 93

3.2.5 Processus détaillé du financement d’un projet dans le cadre du SNFRI français . . . 95

Conclusion de la partie cartographie 99

II CONCEPTION DU MODELE

101

Introduction de la partie modélisation 103 4 UN NOUVEAU MODÈLE 107 4.1 Le problème de la double évaluation de système national du finan-cement de la recherche et de l’innovation (SNFRI) . . . 109

4.1.1 Définition de la fonction projet . . . 109

4.1.2 L’Evaluation du système, un problème de point de vue . . . 112

4.1.3 Un modèle unique d’évaluation du système . . . 113

4.1.4 Limites de la fonction projet . . . 118

4.2 L’organisation circulaire du SNFRI : la dynamique du système . . . 119

4.2.1 L’organisation du SNFRI ? . . . 119

4.2.2 Le problème de la double gouvernance du système . . . 121

(5)

SOMMAIRE

4.3 Proposition d’une nouvelle organisation du SNFRI . . . 127 4.3.1 La diversité des organisations vers le modèle diagonal . . . . 127 4.3.2 Une nouvelle classification de la recherche . . . 129 4.3.3 L’organisation diagonale pour séparer le système . . . 131 4.3.4 L’organisation diagonale pour légitimer l’action publique . . 133

Conclusion de la partie modélisation 137

III EXPERIMENTATION : ANALYSE

SYSTEME-TRIQUE DU FINANCEMENT DE LA RECHERCHE

EN REGION CENTRE VAL DE LOIRE

139

Introduction de la partie expérimentation 141

5 LÉGITIMITÉ DU SYSTÈME RÉGIONAL 143

5.1 Panorama de la recherche en Région Centre-Val de Loire . . . 145 5.2 Etat des lieux des politiques publiques de recherche en région

Centre-Val de Loire . . . 149 5.2.1 2000-2006 : Constat de la nécessité d’une instance stratégique151 5.2.2 2007-2013 : Expression d’une volonté de choix autonome . . 151 5.2.3 2014-2020 : Stratégie régionale d’innovation pour une

spé-cialisation intelligente . . . 155 5.2.4 2016-2021 : Schéma Régional de l’Enseignement Supérieur

de la Recherche et de l’Innovation (SRESRI) . . . 157 5.3 Légitimité du système régional de recherche et d’innovation (SRRI) 157 5.3.1 Représentation du SRRI . . . 157 5.3.2 Légitimité du SRRI . . . 160

6 EXPERIMENTATION 165

6.1 Méthodologie d’intervention . . . 167 6.2 Donnée disponibles et anonymisation . . . 168 6.3 Identification des variables représentatives de la politique régionale . 170 6.3.1 Taille de l’échantillon et choix du modèle . . . 173 6.3.2 ROUGH SET comme alternative pour réduire le nombre de

variables . . . 176 6.3.3 Validation de la réduction obtenue par ROUGH SET . . . . 180 6.4 Des acteurs qui s’adaptent à la politique régionale et premier aperçu

de celle-ci . . . 185 6.4.1 Variables représentatives de la politique régionale . . . 185 6.4.2 Variables non représentatives de la politique régionale . . . . 188

(6)

SOMMAIRE

6.4.3 Premier aperçu de la politique régionale . . . 190

6.5 Apprentissage de la politique régionale . . . 193

6.5.1 La méthode MR-Sort . . . 193

6.5.2 Apprentissage du modèle MR-Sort . . . 196

6.5.3 Enseignements du profil de la politique régionale identifié . . 200

6.6 Ébauche d’un outils d’aide à la décision . . . 201

6.6.1 Evolution du modèle MR-Sort . . . 202

6.6.2 Analyse des erreurs du modèle . . . 204

6.6.3 Politique régionale corrigée . . . 207

6.6.4 Outil d’aide à la décision . . . 208

Conclusion de la partie expérimentation 211

CONCLUSION 213

BIBLIOGRAPHIE

216

ANNEXES

236

ANNEXE 1 : LE SYSTEME FRANCAIS DE RECHERCHE ET D’INNOVATION (SFRI) DE 1945 A NOS JOURS 239 ANNEXE 2 : ETAT DE L’ART DES CARTES DU SNFRI

EXIS-TANTES 243

ANNEXE 3 : DETAIL DES VARIABLES DE LA BASE DE DONNEES PROJETS DE LA REGION CENTRE VAL DE

LOIRE 249

ANNEXE 4 : REPRESENTATION DES POLITIQUES

AP-PRISES PAR LA METHODE MR-SORT 253

ANNEXE 5 : ALGORITHME SOUS R PERMETTANT D’IDENTIFER LA MEILLEURE COMBINAISON DE

(7)

Table des figures

1 Ressources de la recherche publique (source :

MENESR-DGESIP/DGRI-SIES) . . . 2

2 Mesure de la qualité de l’air ATMO . . . 4

3 Cycle politique de [Tsoukiàs et al., 2013] (traduction libre) . . . 11

4 Engagement des parties prenantes et de l’expert dans le cycle poli-tique (inspiré de [Tsoukiàs et al., 2013] en collaboration avec K.A. Daniell) . . . 12

1.1 Relations entre les frontières nationales, sectorielles et technolo-giques des systèmes d’innovation, inspiré de [Hekkert et al., 2007] . 25 1.2 Définition du périmètre d’un système à travers sa modélisation fonc-tionnelle . . . 29

1.3 Schéma du modèle d’analyse dynamique de [Bergek et al., 2008] . . 32

1.4 Ressources de la recherche publique (source : MENESR-DGESIP/DGRI-SIES) . . . 34

1.5 Schéma organisation SNRI . . . 37

1.6 La transmission d’information dans une organisation séparée . . . . 39

1.7 Les différentes organisations hybrides du SNRI . . . 41

3.1 Le financement et l’exécution de la recherche en France en 2012 (Sources : MENESR-SIES Recherche et Insee) . . . 72

3.2 Budget MIRES 2012 (source : bleu budgétaire [MIRES, 2015a]) . . 75

3.3 Liste des opérateurs de la MIRES . . . 77

3.4 Concentration des opérateurs de recherche . . . 78

3.5 Organisation du système français du financement de la recherche . . 87

3.6 Stratégie nationale de la recherche (SNR) . . . 88

3.7 Évaluation quantitative du SNFRI . . . 89

3.8 Évaluation qualitative du SNFRI . . . 92

3.9 Processus de décision de financement d’un projet . . . 94

3.10 Processus détaillé du financement d’un projet dans le cadre du SN-FRI français . . . 96

(8)

TABLE DES FIGURES

4.1 La transmission d’information dans une organisation séparée . . . . 119

4.2 Organisation circulaire du SNRI . . . 120

4.3 La dualité du SNFRI . . . 124

4.4 Les différentes organisations hybrides du SNRI . . . 128

4.5 Modèle diagonal . . . 129

5.1 Région Centre-Val de Loire : la carte des implantations des prin-cipaux établissements d’enseignement supérieur et organismes de recherche (Source Etude STRATER [MESR, 2016]). . . 146

5.2 budget RTI de la région Centre Val de Loire en millions d’euros . . 150

5.3 Stratégie de recherche et d’innovation pour une spécialisation in-téligente en région Centre (extrait de [Région Centre, 2013] page 16). . . 156

5.4 Méthodologie proposée pour la mise en oeuvre de la politique de recherche régionale. Les acteurs intervenant à chaque étape figurent en bleu, les outils utilisés en rouge (extrait de [Région Centre, 2007] page 18). . . 158

5.5 Schéma du système régional de recherche et d’innovation (SRRI) de la région Centre-Val de Loire . . . 159

5.6 Schéma du système régional de recherche et d’innovation (SRRI) de la région Centre-Val de Loire limité aux APR IR et IA . . . 160

6.1 Typologie des 64 variables caractérisant les projets présentés à l’APR IR de 2012 à 2017 . . . 168

6.2 Programme répété 100x (10x par taille) sur l’ensemble de la base de test . . . 174

6.3 Programme répété 100x (taille de l’échantillon d’apprentissage à 50 %) sur l’ensemble de la base de test . . . 175

6.4 Matrice de confusion pour un modèle LASSO (α = 1, λ = 0, 04037, AUC = 0, 82366), taux de succès = 82,02 % . . . 175

6.5 Valeur des coefficients du modèle LASSO (α = 1, λ = 0, 04037, AUC = 0, 82366) . . . 176

6.6 Nombre de réductions à X variables en fonction du nombre d’itéra-tions de l’algorithme de [Janusz et Ślęzak, 2012] . . . 178

6.7 Nombre total de réductions en fonction du nombre d’itérations de l’algorithme de [Janusz et Ślęzak, 2012] . . . 179

6.8 Nombre total de réductions en fonction du nombre d’itérations de l’algorithme de [Janusz et Ślęzak, 2012] . . . 181

6.9 Variation du classement des variables selon le nombre d’itérations . 182 6.10 Variables présentes dans la réduction finale . . . 183

(9)

TABLE DES FIGURES

6.11 Programme répété 100x (taille de l’échantillon d’apprentissage à 50 %) sur l’échantillon des données nettoyées en imposant d’utiliser les variables issues de la réduction ROUGH SET . . . 183 6.12 Matrice de confusion pour un modèle ELASTIC NET (α =

0, 44, λ = 0, 03678, AUC = 0, 83202), taux de succès = 83,15 % . . . 184 6.13 Evolution par année de la moyenne de chaque variable

représen-tatives en faisant la distinction entre les projets financés (courbe verte) et les projets non financés (courbe rouge) - # correspond au classement de la variable dans la réduction Rough Set . . . 186 6.14 Régressions linéaires de variables représentatives de chacun des 4

groupes . . . 188 6.15 Evolution par année de la moyenne de chaque variable non

repré-sentatives en faisant la distinction entre les projets financés (courbe verte) et les projets non financés (courbe rouge) - # correspond au classement de la variable dans la réduction Rough Set . . . 190 6.16 Exemple de critères et de catégories pour un modèle MR-Sort fictif

utilisé pour déterminé si un projet est financé ou non . . . 194 6.17 Prédiction de la décision en utilisant un modèle MR-Sort : moyenne

des CA et AUC pour différentes tailles d’ensembles d’apprentissage et de test (30 %, 50 % et 70 % de l’ensemble des données) - 100 itérations sur l’échantillon des données de test. . . 197 6.18 Matrice de confusion pour un modèle MR-Sort, taux de succès =

82,5 % . . . 198 6.19 Ensemble des coalitions gagnantes des 59 meilleurs modèles

MR-Sort appris . . . 199 6.20 Ensemble des combinaisons de coalitions gagnantes des 59 meilleurs

modèles MR-Sort appris . . . 199 6.21 Modèle MR-Sort qui représente la politique régionale . . . 200 6.22 Note des projets de l’APR IR 2018 calculée sur base du poids des

critères issue du modèle MR-Sort . . . 203 6.23 Matrice de confusion pour le modèle issu du tableau 6.22, taux de

succès = 83,75 % . . . 204 6.24 Evolution des notes de structuration données par la DESRTT dans

le cadre des différents APR IR . . . 205 6.25 Evolution des notes des projets en prenant en compte le véto de la

DESRTT . . . 205 6.26 Matrice de confusion pour le modèle issus du tableau 6.25, taux de

succès = 90 % . . . 206 6.27 Evolution des notes des directions pilotes dans le cadre des différents

(10)

TABLE DES FIGURES

6.28 Evolution des notes des projets en prenant en compte le véto de la direction pilote . . . 207 6.29 Matrice de confusion pour le modèle issus du tableau 6.28, taux de

succès = 92,5 % ± 3,75 % . . . 207 6.30 Modèle MR-Sort évolué et corrigé qui représente la politique régionale208 6.31 Exemple d’utilisation du modèle comme outil d’aide à la décision . 209 6.32 Exemple de retour aux porteurs de projets . . . 210 6.33 Une organisation hiérarchique et fonctionnelle incomplète du SFFRI 245 6.34 Des flux financiers flous et un ébauche de quantification . . . 247

(11)

INTRODUCTION

Contexte

Un problème assez souvent ignoré dans la mise en place des dispositifs de fi-nancement de la recherche au travers d’appels à projets est « l"efficacité » de ces dispositifs. Le financement par projets étant devenu une pratique incontournable aujourd’hui, il est plus que jamais nécessaire pour les agences de financement d’éva-luer son efficacité et ses résultats. Pour s’en convaincre, nous proposons en Figure 1 l’évolution (absolue et relative) des ressources de la recherche publique française depuis 20001. Ces graphiques montrent ainsi clairement une diminution des do-tations budgétaires au profit des ressources sur contrat (financement sur projet) et dans une moindre mesure des ressources propres (redevances de la propriété intellectuelle, dons, legs et prestations de services).

En outre, force est de constater que les pouvoirs publics ne communiquent que de manière très vague les résultats attendus d’un appel à projets. En effet, ils disposent d’outils d’évaluation très imparfaits de l’impact d’un dispositif et ne peuvent donc pas déterminer si un appel à projets aura un impact positif sur la recherche ou conduira à une amélioration substantielle par rapport au précédent.

De manière générale, aucune réflexion n’est menée sur ce que signifie

"amé-liorer l’efficacité d’un dispositif de financement de la recherche" et ceci selon les

points de vue des différentes parties prenantes (chercheurs, agences, entreprises, territoires...).

Cependant, sur certains points, il est possible de rapprocher cette probléma-tique de nombreux travaux liés à l’évaluation des universités ou plus généralement de la recherche. En effet, les activités traditionnelles d’enseignement et de recherche des universités sont de plus en plus confrontées aux besoins réels de la société (voir [Etzkowitz, 2003]). En outre, les évolutions légales et institutionnelles tendent vers une indépendance sociale et financière de ces structures (voir [Taylor, 2002]).

1. On peut noter une cassure de la série entre 2009 et 2010. Celle-ci n’est en aucun cas conjoncturelle mais s’explique par un changement méthodologique dans la prise en compte de certaines ressources.

(12)

INTRODUCTION

Figure 1 – Ressources de la recherche publique (source : MENESR-DGESIP/DGRI-SIES)

Dans ce contexte, disposer d’outils d’évaluation des universités est devenu une priorité dans la plupart des pays du monde. En Europe, ce besoin a ainsi clairement été identifié aussi bien au niveau national que communautaire (voir [Murias et al., 2008]). La démarche amorcée par les universités il y a quelques an-nées est ainsi similaire à celle initiée aujourd’hui par les agences de financement de la recherche sur projet.

De très nombreuses méthodes d’évaluation ont été développées avec plus ou moins de succès (voir [Bana e Costa et Oliveira, 2011]). Ces outils sont de véri-tables opportunités pour les universités qui disposent de solutions capables d’éva-luer leurs politiques au regard des décisions stratégiques réalisées par ces institu-tions.

Bien que pertinents, les modèles développés pour les universités ne pourront pas être utilisés dans le cadre de cette thèse de doctorat. En effet, ces outils ne sont pas adaptés à l’évaluation d’un système de financement. En outre, ils sont utilisés pour évaluer les résultats d’une stratégie et ne peuvent pas être utilisés pour concevoir cette stratégie. Ces modèles développés ne peuvent ainsi pas être déployés à l’intérieur d’une politique, ils restent des outils ex-post.

(13)

d’évalua-INTRODUCTION

tion qui s’inscrirait à l’intérieur d’une politique et la servirait directement. Par exemple si l’on souhaite développer une politique qui vise à augmenter le nombre de chercheurs, quelle méthode d’évaluation faut il déployer pour être certain que les décisions prises dans le cadre de cette politique permettront d’augmenter le nombre de chercheurs ?

Ainsi, l’élaboration des politiques publiques est un domaine d’étude tradition-nel de l’aide à la décision où de nombreux outils et méthodes ont été développés pour aider les responsables politiques à prendre des décisions (pour une étude récente voir [De Marchi et al., 2016]).

En outre, au cours des dernières années, avec l’émergence de nouveaux outils de data-mining et l’explosion du big-data, les chercheurs se sont concentrés sur le développement de méthodes d’aide à la décision fondées sur les données. Ce phénomène s’est accentué avec l’apparition de ces techniques dans les entreprises qui génèrent de plus en plus de données et souhaitent pouvoir les utiliser dans leurs processus décisionnels (voir [Davenport et al., 2010]).

A travers le développement de ces outils fondés uniquement sur les données, les chercheurs se sont peu à peu éloignés des problématiques liées à l’élaboration des valeurs sur lesquelles se fondent les politiques publiques. En effet, ce domaine de recherche doit prendre en compte des déterminants moins quantifiables tels que les questions sociales ou culturelles qui jouent un rôle majeur dans le processus de décision (voir [White et Bourne, 2007]). D’autre part, l’élabora-tion des politiques publiques suit un cycle chronologique de long terme trop complexe pour lui appliquer des outils développés initialement pour les entreprises. Dans ce cadre, l’élaboration des politiques publiques est un processus beaucoup trop dense pour être appréhendé par les approches analytiques classiques (voir [Almquist et al., 2013] et [Juntti et al., 2009]).

D’autres méthodes ont ainsi été développées, à l’instar de l’analyse coûts-bénéfices (voir [Dasgupta, 1974] et [Nas, 2016]) qui, en dépit de certaines critiques (par exemple [Ackerman et Heinzerling, 2004] et [Adler et Posner, 2006]), est sans doute l’approche connue la plus efficace pour l’évaluation des politiques publiques. On y ajoutera d’autres méthodes, telles que l’analyse d’options réelles (voir [Smith et Trigeorgis, 2004] et [Trigeorgis, 1990]) ou l’analyse décisionnelle qui ont développé des approches visant à répondre à l’élaboration des politiques publiques (voir par exemple [Pollock et al., 1994]).

Bien qu’elles aient fait leurs preuves pour la plupart, la majorité de ces mé-thodes présentent les problèmes suivants :

— Elles se limitent à la seule évaluation d’un ensemble donné sans se poser la question de la conception de cet ensemble ou de la structuration de la

(14)

INTRODUCTION décision ;

— Elles imposent des formalismes de modélisation avant la modélisation elle-même ;

— Elles ne permettent pas de créer un cadre qui autorise à argumenter, négo-cier et comprendre au-delà de la recommandation formulée par la méthode elle-même.

En outre, [De Marchi et al., 2016] montre clairement qu’une approche de l’éla-boration des politiques fondée sur les preuves analytiques ou données objectives (Evidence based policy making - EBPM), bien que provenant d’une demande légitime des décideurs, ne parvient pas à répondre à la problématique posée. La raison est essentiellement l’idée "naïve" que la preuve existe indépendamment des politiques et qu’une fois identifiée elle pourrait "objectivement" conduire le cycle politique.

Pour bien comprendre les limites de l’EBPM nous pouvons prendre l’exemple documenté par [De Marchi et al., 2016] de l’indice de mesure de la qualité de l’air français ATMO. Cet indice prend en compte les quatre principaux polluants de l’air (CO2, SO2, O3, concentration en poussière), mesure leur concentration sur une échelle de 1 à 10 et choisit parmi les 4 critères le plus élevé (c’est à dire le pire) pour évaluer la qualité de l’air. Dans ce contexte, considérons trois mesures consécutives de la qualité de l’air : la première à t1 est la situation initiale alors que t2 et t3 reflètent le résultat de deux politiques distinctes. Les résultats sont proposés dans le tableau en figure 2 :

pollutant CO2 SO2 O3 dust ATMO

t1 5 5 8 8 8

t2 3 3 8 2 8

t3 7 7 7 7 7

Figure 2 – Mesure de la qualité de l’air ATMO

Si l’on considère l’indice ATMO comme une preuve analytique, alors la politique menée par les pouvoirs publics conduirait nécessairement à définir la situation t3 meilleure que t2. En outre, pour l’indice ATMO, aucune amélioration n’a été perçue entre t1 et t2 alors que cette situation est complètement contre-intuitive.

Cet exemple montre que l’utilisation d’indices comme preuves analytiques pour définir une politique entraine nécessairement des dérives qui peuvent mener à des situations déconnectées de la réalité.

En outre avec ATMO, il est facile de comprendre que la méthode d’évaluation d’une politique influe naturellement sur celle-ci. Ainsi, une politique qui

(15)

consiste-INTRODUCTION

rait à améliorer la qualité de l’air évaluée par ATMO conduirait naturellement au résultat t3.

Pour chaque indicateur, il est ainsi possible d’identifier le biais induit par celui-ci. En revanche, il n’existe aujourd’hui aucune solution pour construire un indicateur fiable qui permettrait avec certitude d’induire le bon comportement en fonction de la politique mise en oeuvre.

Alors qu’un indice ne peut pas être utilisé comme preuve analytique, une statistique brute qui reporterait des faits précis peut-elle l’être ? Pour répondre à cette question, nous pouvons utiliser un exemple également documenté par [De Marchi et al., 2016] et considérer le fait suivant :

"95 % des ménages ruraux dans le pays XXX n’ont pas accès à l’eau du robinet".

La réponse naturelle à cette statistique est de faire du raccordement des mé-nages au réseau d’eau potable une priorité nationale et donc d’instaurer une poli-tique adaptée notamment en matière d’investissement.

Étonnamment, lorsque l’on interroge les ménages, on découvre que le raccor-dement à l’eau du robinet, n’est absolument pas une priorité pour eux. Certains pourront dire que les personnes interrogées sont principalement des hommes et que la corvée d’eau est généralement réalisée par les femmes, mais lorsque l’on veille à n’interroger que des femmes la réponse reste identique. En creusant, il apparaît que pour les femmes, aller chercher l’eau au puits est l’une des rares occasions qu’elles ont de sortir de chez elles. Ainsi, même si la corvée d’eau est une tache difficile, c’est un prix que les femmes sont prêtes à payer pour conserver une vie sociale.

Cette histoire simplifiée mais inspirée de situations réelles, illustre bien le fait que les statistiques ne révèlent pas automatiquement la vérité. Les faits ont néces-sairement besoin d’être interprétés pour être utilisés dans le cadre d’un processus de décision et ces interprétations sont liées à des critères subjectifs tels que l’his-toire ou les normes sociales d’une population ou d’un terril’his-toire.

Pour d’autres exemples documentés tels que l’évolution de la mesure du Score du Décathlon ou l’indice de développement humain IDH, il est possible de se référer à [Marchant et al., 2003] où les auteurs reprennent en grande partie le chapitre 4 de leur ouvrage [Bouyssou et al., 2000].

Dans ces travaux, les auteurs montrent que les trois indicateurs étudiés, ATMO, IDH et Score du Décathlon présentent tous certaines faiblesses telles que peu ou trop de compensation, non-monotonie, incapacité de prendre en compte des dépendances entre dimensions. Ils expliquent par ailleurs que ces problèmes ne sont pas seulement liés à leurs exemples mais peuvent être généralisés à tous

(16)

INTRODUCTION

les indicateurs. Les résultats contre-intuitifs induits par ces indicateurs sont en grande partie dus au fait qu’ils sont généralement construits de façon assez arbitraire sans tenter de tenir compte des préférences des utilisateurs.

Toutefois, la demande pour l’utilisation de l’information analytique afin de sou-tenir l’élaboration des politiques reste valable mais doit être abordée dans un cadre différent que [De Marchi et al., 2016] appellent "Policy Analytics" (voir également [Daniell et al., 2016]).

Ce cadre s’appuie sur les travaux de [Davies, 2004] et définit les différents indicateurs qui influent sur l’élaboration des politiques publiques :

— L’expérience, l’expertise et le jugement des décideurs — Les ressources matérielles et immatérielles disponibles — Les valeurs morales des décideurs

— Les habitudes et traditions

— L’existence de lobbies et groupes de pression — L’urgence de la situation

Cette liste montre que la preuve analytique doit être déclinée au regard des connaissances produites dans un processus de décision et non comme une infor-mation objective révélant la vérité. La Policy Analytics s’attache donc à analyser la connaissance produite par les preuves plutôt que les preuves elles-mêmes.

L’apport de la "Policy Analytics" dans l’aide à la

décision

La "Policy Analytics", est un champ de recherche émergent mais qui s’inscrit entre autres, dans le domaine plus ancien de l’aide à la décision qui est une dis-cipline scientifique qui vise à la construction d’un langage formel et d’un modèle abstrait de décision pour aider un ou plusieurs décideurs à adopter une position dans le cadre d’un processus de décision. L’aide à la décision suppose ainsi un degré de formalisme et d’abstraction suffisamment important pour limiter les am-biguïtés inhérentes au langage humain et être indépendant du domaine spécifique dans lequel se trouve un décideur.

Dans ce contexte, nous utiliserons l’aide à la décision pour proposer un modèle du financement de la recherche qui devrait permettre de mieux appréhender la question plus générale du financement de la recherche d’une part et de la construction des politiques publiques de recherche d’autre part. Dans ce qui suit, nous allons brièvement revenir sur l’approche de l’aide à la décision que nous utilisons. Le lecteur qui souhaite une introduction à l’aide à la décision et en

(17)

INTRODUCTION

particulier à l’aide multicritères à la décision pourra se reporter à [Roy, 1985], [Bouyssou et al., 2000], [Vallin et Vanderpooten, 2002] et [Bouyssou et al., 2006].

Nous faisons ainsi appel à la classification introduite par [Meinard et Tsoukias, 2018] qui s’appuient sur le concept "d’action

commu-nicative" d’Habermas ([Habermas, 1981]) - qui développe quatre « modèles d’actions » qui peuvent être utilisés pour représenter et expliquer les actions et

décisions des agents - pour proposer quatre approches de l’aide à la décision : — L’approche objectiviste est construite en utilisant la conception

stra-tégique de la rationalité d’Habermas ([Habermas, 1981]). Cette approche admet qu’il existe une formulation objective et incontestable du problème du client2 ainsi qu’une ou plusieurs solutions tout aussi objectives et in-discutables, le tout étant indépendant des particularismes du client, de son contexte de décision et des parties prenantes concernées par la décision. Dans cette approche, la formulation des objectifs et des solutions ne sont pas interrogées pendant le processus d’aide à la décision, ils sont considérés comme des pré-requis qui contraignent le processus.

— L’approche conformiste est construire en utilisant la conception norma-lisée de la rationalité d’Habermas ([Habermas, 1981]). Cette approche vise à aider le client à prendre une décision que les autres parties prenantes considéreront comme conforme à ce que le client est censé faire, a le devoir de faire ou plus simplement apparait comme satisfaisant. Dans ce contexte, le travail de l’analyste est de chercher à identifier et à comprendre les types de décisions possibles et ensuite de définir les critères qui les rendent satis-faisantes dans le contexte spécifique du processus de décision.

— L’approche adaptative est construite en utilisant la conception drama-turgique de la rationalité d’Habermas ([Habermas, 1981]) en s’adaptant aux particularismes du client. Un processus d’aide à la décision adaptatif ne peut ainsi convenir que pour un client donné et dans un contexte particulier. Pour l’analyste, cette approche consiste à identifier au mieux les besoins, préférences et valeurs du client.

— L’approche réflexive est construite en utilisant la conception

commu-2. Pour [Roy, 1985] toute aide à la décision suppose :

— un décideur (individu, corps constitué ou collectivité) qui décide en dernier lieu et qui déter-mine les objectifs du problème ;

— un homme d’étude (on trouve également dans la littérature le terme d’analyste) qui propose une solution scientifique au problème de décision posé ;

— un client (Roy parle de demandeur) qui saisit l’homme d’étude sur un problème de décision, le client peut être confondu avec le décideur ou au contraire être un tiers différent et faire le lien entre l’homme d’étude et le décideur.

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INTRODUCTION

nicative de la rationalité d’Habermas ([Habermas, 1981]). Contrairement aux trois autres types d’approches, l’approche réflexive ne part d’aucune référence fixe et indiscutable. De ce fait, la formulation des objectifs, des solutions et de ce qui est satisfaisant peut être questionnée. De même, les préférences du client peuvent être remises en question. Le travail de l’analyste utilisant cette approche est donc la structuration du problème du client, sa formulation, l’identification des outils pertinents pour l’adresser et l’identification de ses préférences.

Le choix de l’approche a de nombreuses conséquences notamment en matière de validité et de légitimité de l’aide à la décision apportée par l’analyste. De ce fait, lors de l’élaboration de modèles d’aide à la décision, selon l’approche choisie, la tâche principale pour l’analyste sera, respectivement, d’analyser les implications des normes exogènes postulées (approche objectiviste), de rassembler et d’ana-lyser des observations empiriques (conformiste), d’identifier le système de valeur du client (adaptative), de rechercher une compréhension mutuelle avec le client (réflexive).

Les notions de validité et de légitimité étant très controversées, [Meinard et Tsoukias, 2018] préfèrent admettre qu’elles renvoient toutes les deux à la « justifiabilité » telle que décrite par [Ormerod, 2010]. Notons cependant qu’alors que la validité se réfère plus à une justification scientifique, la légitimité renvoie à une justification publique, voir notamment [Meinard, 2017]. Dans ce contexte, les auteurs décrivent pour chaque approche les implications en matière de validité et de légitimité.

L’approche objectiviste suppose que, parce que les formulations et les solutions adoptées sont incontestables, elles doivent être acceptées publiquement, ce qui implique que le processus est légitime. La validité est également inscrite dans le fait que les formulations et les solutions sont considérées comme incontestables.

Dans l’approche conformiste, la légitimité repose sur le fait que le client et les personnes qui interagissent avec lui ou l’observent considéreront que ses décisions correspondent bien à ce qui doit être fait. L’acceptation de la décision du client et des personnes avec lesquelles il interagit détermine si le processus est justifié ou légitime. La validé est ici jugée par la manière dont le processus est capable à la lumière des connaissances existantes de bien refléter les meilleures pratiques.

Dans l’approche adaptative, la légitimité du processus de décision repose sur la capacité de l’analyste à capter au mieux les valeurs et préférences du client. Le résultat sera considéré comme légitime ou justifié si et seulement si l’analyste est parvenu à retranscrire les particularismes du client, de sorte que ce dernier puisse s’y référer. La validité est alors évaluée par la compétence de l’analyste à diagnostiquer une situation et obtenir les valeurs du client.

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INTRODUCTION

Contrairement aux trois autres approches, l’approche réflexive permet une prise en compte plus élaborée des exigences de légitimité et de validité mais peut en contrepartie impliquer de plus grandes difficultés et des délais d’analyse plus longs. Cette approche permet une remise en question globale de tous les éléments du processus de décision. De ce fait en accord avec la conception com-municative de la rationalité décrite par Habermas [Habermas, 1981], l’analyste ne peut pas prétendre que son approche est rationnelle à moins de fournir des arguments acceptables, non seulement par le client, mais aussi par la commu-nauté scientifique (validité) et par le public (légitimité). Ceci pouvant impliquer de nombreuses difficultés dont la description n’est pas le propos des auteurs de la classification, voir [Cailloux et Meinard, 2018] pour une exploration partielle. Chacune de ces approches est ainsi caractérisée par un modèle de rationalité et une source de légitimité différents. Dans le cadre de ce travail, nous utiliserons majoritairement une approche conformiste qui est fondée sur l’observation de la réalité et dispose d’une rationalité légitimée par la construction d’un modèle empirique. La construction d’un modèle de décision utilisant une approche confor-miste nécessite donc de trouver une certaine logique exogène au décideur dans les décisions de financement. Si tel n’était pas le cas, il faudrait changer d’approche et se tourner par exemple vers une approche adaptative. Ce changement de fond serait en soit un résultat intéressant puisqu’il mettrait en évidence le fait que le financement de la recherche en France ne dispose pas d’un modèle de rationalité compréhensible par un observateur extérieur.

Enfin, pour [Roy, 1985] qui cite [Simon, 1979], lorsque l’on travaille sur un pro-blème d’aide à la décision, il faut distinguer décision et processus de décision. C’est en effet l’ensemble des temps forts du déroulement d’un processus de dé-cision qui détermine la dédé-cision finale. Pour une présentation plus détaillée des différentes approches de l’aide à la décision ainsi que du processus de l’aide à la décision on peut se référer à [Meinard et Tsoukias, 2018], [Bouyssou et al., 2014], [Bouyssou et al., 2006], [Tsoukiàs, 2008] et [Tsoukiàs, 2007].

La complexité du cycle politique

La notion de cycle politique s’inscrit dans un contexte scientifique très largement développé depuis de nombreuses années (voir notamment [Tsoukiàs et al., 2013], [De Marchi et al., 2016], [Kraft et Furlong, 2007], [Lasswell, 1956], [May et A.B.Wildavsky, 1978],[Parsons, 1995], [Hill, 1997], [Dunn, 2012], [Savard et Banville, 2012] et [Howlett et Ramesh, 2003]) qui sup-pose qu’il n’est pas possible de s’intéresser à la conception de politiques sans

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INTRODUCTION

parler de cycle politique (voir notamment [Lasswell, 1956]).

La notion de cycle politique a ainsi été développée dans les années 1950 aux États-Unis par Harold Lasswel ([Lasswell, 1956]) en décrivant la science de l’analyse des politiques publiques comme étant multidisciplinaire, orien-tée vers la solution de problèmes et explicitement normative (voir notamment [Howlett et Ramesh, 2003]). Sur la base de ces caractéristiques, Lasswel avait pro-posé un cycle politique en sept étapes fondamentales de prise de décision. Bien que pionnier dans la discipline, [Howlett et Ramesh, 2003] et [Savard et Banville, 2012] nous apprennent que ce modèle a rapidement été critiqué en raison de son analyse fragmentaire des facteurs explicatifs. De ce fait, selon [Howlett et Ramesh, 2003] un autre modèle en cinq étapes s’est imposé pour faire consensus au sein de la communauté scientifique :

1. Mise à l’agenda

2. Formulation des politiques 3. Prise de décision

4. Mise en oeuvre des politiques 5. Évaluation des politiques

Le cycle politique tel que présenté précédement s’inscrit dans un contexte scientifique des sciences politiques. Bien que très intéressant, ce cadre n’est pas suffisant pour étudier précisement la décision. Il existe cependant quelques tra-vaux qui font le lien entre science politique et aide à la décision. En parti-culier, selon [Tsoukiàs et al., 2013], le cycle politique consiste en un ensemble séquencé d’actions liées par un objectif commun ou plus généralement par une problématique publique commune. Dans ce contexte, il est ainsi possible de faire un parallèle original entre cycle politique et processus de décision, voir notamment [De Marchi et al., 2016] qui reprend [Lasswell, 1956]. De ce fait, [Tsoukiàs et al., 2013] en collaboration avec K.A. Daniell ont proposé un cycle qui s’articule autour de huit étapes inspirées du processus de décision présenté en fi-gure 3 (traduction libre de l’anglais) ainsi qu’un schéma présentant l’engagement des parties prenantes et de l’expert dans ce cycle présenté en figure 4 (traduction libre du schéma, pas encore publié par les auteurs).

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INTRODUCTION

Étape dans le cycle

politique Action dans un contextede Business analytics Action dans un contextede Policy analytics

Identification du pro-blème

Définition du problème par l’analyste

Compréhension des pers-pectives de chaque partie prenante

Définition des objec-tifs publics

Définition des attributs fon-dée sur les données

Définition des objectifs fon-dée sur les valeurs et la culture des parties pre-nantes

Conception de la poli-tique

Conception des alternatives fondée sur les données

Conception des alternatives fondée sur l’innovation et les valeurs

Test et analyse de la politique

Tests et apprentissage fondés sur les données (data-mining, analyse prédictive...)

Différents tests pour com-prendre les impacts poten-tiels (sondage, data-mining, analyse prospective...) Finalisation de la

poli-tique et acceptabilité

Analyse sensitive du résul-tat compte tenu des para-mètres entrés

Analyse robuste du résultat compte tenu d’une problé-matique large et de nom-breuses valeurs considérées

Mise en oeuvre de la politique

Mise en oeuvre simple compte tenu du problème considéré

L’analyste aide à la mise en oeuvre à travers la cartogra-phie des résistances et des effets secondaires de la po-litique

Évaluation et monito-ring de la politique

Évaluation menée en fonc-tion des critères de réussite initialement fixés

Critères de réussite mul-tiples et contestés ; l’évalua-tion est fondée sur les valeur et les parties prenantes Enseignement de la

politique, réajuste-ment et innovation

L’innovation est fondée sur les données donc réactive

L’innovation est fondée sur les valeurs donc proactive 11

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INTRODUCTION

Figure 4 – Engagement des parties prenantes et de l’expert dans le cycle politique (inspiré de [Tsoukiàs et al., 2013] en collaboration avec K.A. Daniell)

Enfin, l’étude du cycle politique dispose d’éléments de complexité propres qui s’ajoutent au cadre plus classique du processus de décision. [Tsoukiàs et al., 2013] liste cinq attributs que l’analyse doit prendre en compte (traduction libre) :

1. L’utilisation de ressources publiques

2. La multitude de parties prenantes qui participent "de facto" à la décision 3. Les effets à long terme

4. La légitimation et la responsabilisation 5. La délibération

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INTRODUCTION

L’approche conformiste que nous utilisons complétée par les enseignements de la "Policy Analytics" sont essentiels pour la bonne compréhension de la définition formelle que nous donnerons de l’évaluation du système qui ne doit en aucun cas être confondue avec l’évaluation de la recherche.

L’idée de fond de cette thèse est donc d’intégrer la gestion de la recherche dans le cadre des investigations sur l’aide à la décision en apportant une double contribution :

— L’expérimentation de nouveaux concepts et méthodes identifiant les liens entre les processus de conception et d’évaluation (thématiques très peu développées en aide à la décision) ;

— La proposition d’un modèle permettant de produire des recommandations "signifiantes" , "utiles" et "légitimes" aux parties prenantes.

L’étude devra ainsi permettre de définir un cadre pour l’analyse et l’élabora-tion des politiques publiques de la recherche. En parallèle ce travail permettra de mieux comprendre les processus de sélection des projets pour évaluer leurs chances de financement et proposer des pistes d’optimisation.

Dans ce cadre, la question principale de cette thèse de doctorat est de comprendre la place de l’aide à la décision dans la gestion du financement de la recherche publique et dans la construction des politiques publiques de recherche. Ces travaux pourront ainsi contribuer à la mise en oeuvre des politiques de programmation des appels à projets et proposer un modèle d’évaluation associé.

Pour traiter ce sujet, nous allons dans une première partie proposer une car-tographie du système national français du financement de la recherche sur projet qui s’appuie sur le contexte scientifique des systèmes nationaux d’innovation que nous détaillerons. Cette carte, réalisée dans le cadre d’une observation participante, nous permettra une première approche de l’évaluation du système que nous distin-guerons de l’évaluation de la recherche. Dans la partie suivant nous formaliserons la définition de la fonction Evaluation pour ensuite proposer à la fois un modèle d’évaluation du système ainsi qu’une nouvelle organisation qui pourrait être une réponse aux limites de ce dernier que nous aurons préalablement identifiées. Enfin dans une troisième partie nous présenterons les résultats d’une expérimentation de cette nouvelle organisation réalisée en collaboration avec la région Centre-Val-de-Loire.

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Première partie

ANALYSE DU SYSTEME

FRANCAIS

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Introduction de la partie

cartographie

Cette première partie s’intéresse à la dynamique d’évolution d’un système de financement de la recherche. Nous cherchons à comprendre l’ensemble formé par le système de financement de la recherche et la politique dans laquelle il s’inscrit comme un ensemble dynamique, dont les caractéristiques évoluent, entre autres en réponse à des ajustements de structure qu’une méthode d’évaluation du système satisfaisante serait capable de préconiser.

Plus précisément, les questions qui vont nous occuper sont les suivantes :

Dans le cadre d’une politique de recherche donnée, quelle méthode d’évaluation du système de financement de la recherche faut-il déployer pour faire en sorte que les projets financés permettent d’atteindre les objectifs fixés dans le cadre de cette politique ? Et, s’ils ne le permettent pas, comment alerter les décideurs que le système s’oriente dans une direction différente de celle escomptée ?

Trois principaux types d’approches peuvent être mis à contribution pour ré-pondre à ces questions :

1. Une approche historique [Freeman, 1995], qui relate l’évolution factuelle des systèmes considérés ;

2. Une approche comportementale [Lundvall et Jonhson, 1994], qui étudie la manière dont les acteurs se positionnent dans le système notamment en matière d’apprentissage, les motivations qui les animent et les incitations auxquels ils répondent ;

3. Une approche modélisatrice3, qui s’articule autour de l’identification et de la modélisation des différentes fonctions qui constituent le système,

3. La notion de modèle est comprise ici en son sens usuel en sciences sociales, comme une re-présentation simplifiée et compréhensible d’une situation réelle plus complexe ([Schneider, 1996] parle du principe de similarité) réalisée pour comprendre ou expliquer un phénomène précis (principe d’utilité de Schneider).

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Introduction de la partie cartographie

dans la lignée des travaux sur les systèmes nationaux d’innovation (SNI) [Nelson, 1993] et leur dynamique.

C’est dans cette dernière dynamique que nous nous inscrivons dans ce travail, en développant un modèle du système de financement de la recherche.

L’approche historique appliquée au système français a été développée par [Heraud et Lachmann, 2015] dont nous rappelons en Annexe 1 les éléments les plus pertinents de cette analyse de notre point de vue. L’approche comporte-mentale n’a, à notre connaissance, pas encore été déployée pour la France. Il est à souhaiter qu’elle le soit car les résultats de son application pourraient être complémentaires à la fois avec nos résultats et avec ceux de l’approche historique. Dans le cadre de l’approche de modélisation des fonctions qui est la nôtre dans cette partie, nous proposons de cartographier le système de recherche et d’innovation français en nous intéressant tout particulièrement au financement de la recherche, selon une méthodologie d’observation participante opportuniste [Soulé, 2007].

En déployant cette démarche, nous montrerons que, bien que les trois fonctions proposées par ([Barre et al., 2007] et [Barré, 2011]) (Orientation, Programmation et Recherche) soient présentes dans le système de financement de la recherche en France, il convient de leur ajouter une quatrième fonction, l’Evaluation, qui rend compte d’une remontée de l’information responsable de la dynamique du système. Cette partie est organisé comme suit. Dans un premier chapitre, nous pré-sentons les grilles de lecture des SNI présentes dans la littérature et mettons en évidence l’originalité de notre apport. Nous continuons en présentant notre pro-position de fonction Evaluation. Enfin, nos résultats (la cartographie du SNFRI) ainsi que notre méthodologie sont présentés dans un troisième chapitre.

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Chapitre 1

LES SYSTÈMES NATIONAUX

DE RECHERCHE ET

D’INNOVATION

"Les auteurs qui ont contribué à forger et développer les concepts de système d’innovation ont régulièrement souligné qu’il ne s’agit pas seulement de décrire un réseau d’acteurs et de mesurer leurs comportements de R&D ainsi que leurs interactions, mais aussi de caractériser les politiques de recherche et d’innovation. Chaque pays et même chaque territoire exprime par son approche de l’innovation une philosophie politique particulière. Cette dernière est le fruit d’une histoire, et les diverses cultures et contextes institutionnels qui sont à l’oeuvre sont susceptibles d’évoluer dans le temps".[Heraud et Lachmann, 2015]

Travaux publiés :

TOURET, R., MEINARD, Y., PETIT, J-C., TSOUKIAS, A. (2018). Cartogra-phie descriptive du système national français du financement de la recherche sur projet en vue de son évaluation. Innovations, prépublication, art50I-art50XXXV. https ://www.cairn.info/revue-innovations-2018-0-page-art50I.htm.

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CHAPITRE 1. LES SYSTÈMES NATIONAUX

Résumé du chapitre

Dans ce chapitre nous proposons une analyse des différentes représentations des systèmes d’innovation en nous attachant à identifier les limites de chacune de ces représentations. Nous verrons par ailleurs l’intérêt de l’analyse systémique tout en insistant sur les avantages offerts par la "fonctionnalisation" du système qui permet notamment une première approche dynamique de cette analyse. Enfin, nous réaliserons une première représentation du système français à travers une étude fonctionnelle et organisationnelle de ce dernier.

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CHAPITRE 1. LES SYSTÈMES NATIONAUX

1.1 A l’origine, la notion de système

d’innova-tion (SI)

Selon [Amable, 2002], la notion de système d’innovation englobe l’ensemble des travaux de recherche qui cherchent à incorporer des éléments institutionnels dans l’analyse économique du changement technique. De ce fait, le point de départ commun à l’ensemble de ces études correspond à un changement de paradigme dans la conception de l’innovation, qui cesse d’être vue comme un processus de décision individuel indépendant de l’environnement, mais plutôt comme un réseau d’acteurs insérés dans différentes institutions. L’innovation apparait ainsi comme le résultat d’interactions entre ces acteurs (entreprises, labo-ratoires, universités...) et leur environnement, où ce dernier ne se réduit pas à un ensemble de prix de marché mais plutôt à un ensemble de règles et d’organisations. De ce fait, [Carlsson et al., 2002] précise qu’un SI dispose d’au moins trois dimensions :

1. Dimension physique ou géographique 2. Dimension sectorielle ou technologique 3. Dimension temporelle

En ce qui concerne cette dernière dimension, Carlsson décrit la construction des SI à travers un mécanisme de retour d’information ("feedback" en anglais) où la configuration des composantes, des attributs et des relations est en perpétuel changement. L’image d’un système à un temps donné n’est donc pas nécessaire-ment identique à celle prise à un temps différent.

En outre, Carlsson précise que dans la littérature, il n’existe que très peu de discussions concernant les fonctions de chaque système et en quoi consiste leurs input et output. De ce fait, il existe encore moins d’études qui s’intéressent aux performances d’un système.

1.1.1 Qu’est-ce qu’un système ?

Dans ce paragraphe nous utilisons les travaux de [Carlsson et al., 2002] qui définissent un système comme un ensemble de composants interdépendants tra-vaillant vers un objectif commun. Les systèmes sont constitués de composants, de relations et d’attributs, où :

— Les composants sont les éléments opérationnels du système. Ils peuvent être matériels comme des individus, des entreprises, des banques, des universi-tés, des instituts de recherche ou des agences de politiques publiques, ou

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CHAPITRE 1. LES SYSTÈMES NATIONAUX

immatériels comme des artefacts technologiques (exemple des lignes à haute tension dans des systèmes énergétiques ou des dispositifs biomédicaux dans des systèmes biomédicaux) voire même des institutions sous la forme d’ar-tefacts législatifs tels que des lois, des règlements ou des traditions et autres normes sociales.

— Les relations sont les liens entre les composants. Les propriétés et le com-portement de chaque composant du système influencent les propriétés et le comportement de chaque élément de ce dernier. De même, chaque com-posant dépend des propriétés et du comportement d’au moins un autre composant du système. Les composants ne peuvent ainsi pas être divisés en sous-ensembles indépendants. Pour [Blanchard et Fabrycky, 1990] le sys-tème est de ce fait plus que la somme de ses parties. En outre, [Hughes, 1987] rajoute que si un composant est retiré d’un système ou si ses caractéristiques changent alors les autres éléments du système seront également altérés aussi bien dans leurs propriétés propres que dans leurs relations avec les autres composants. Ce dernier point est par ailleurs vérifié si et seulement si le système est robuste autrement, la suppression voire la modification d’un composant du système le ferait s’effondrer.

— Les attributs sont les propriétés des composants et de leurs relations, ils caractérisent ainsi le système.

[Carlsson et al., 2002] ajoutent à cette définition que pour comprendre un sys-tème il est crucial de comprendre sa fonction ou plus largement son objectif. Ainsi toujours selon Carlsson et al, la fonction d’un SI est de générer, diffuser et utiliser la technologie. Dans ce cadre, les principales caractéristiques d’un SI sont la capa-cité de ses acteurs à générer, diffuser et utiliser des technologies qui ont une valeur économique.

1.1.2 Les différentes approches des SI

Historiquement1, le premier modèle à approcher les SI est Leontief [Leontief, 1941] avec son modèle input/output qui s’intéresse aux flux de biens (ici de technologies) entre les différents secteur de l’économie. Quelques années plus tard est apparue l’approche des blocs de développement

("deve-lopment blocs" en anglais) théorisée au début des années 50 par Dahmén (voir

[Dahmén, 1989] pour un travail plus récent). Selon ce modèle, les opportunités dégagées par l’innovation peuvent n’être ni réalisées, ni convertibles dans l’activité économique si les input (ressources et capacités) et les produits ne sont pas mis en place. Chaque innovation provoque ainsi une tension structurelle, laquelle,

1. Cette partie est largement inspirée de la thèse [Costa, 2005] qui utilise [Carlsson et al., 2002]

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CHAPITRE 1. LES SYSTÈMES NATIONAUX

lorsqu’elle est résolue, peut créer du progrès ou au contraire, lorsqu’elle est irrésolue, interrompre le processus d’innovation. Alors que l’analyse input/output est statique, le concept dynamique de Dahmén représente une des premières tentatives d’application d’analyse schumpétérienne (voir [Schumpeter, 1926]). En effet, il incorpore la notion de déséquilibre et se centre sur le rôle de l’entrepreneur. Le produit du système, en plus de s’agrandir au cours du temps, varie aussi de caractère et de contenu. Hakansson ([Håkansson, 1990]) avec son modèle de réseau (Network approach en anglais) reprend l’idée de se concentrer sur des unités d’analyse spécifiques plutôt que d’étudier l’intégralité du système en se focalisant sur le réseau et les relations entre les différentes parties prenantes.

Bien plus tard est apparue l’approche du système national d’innovation (SNI) développée notamment par [Freeman, 1987], [Lundvall, 1992], [Nelson, 1993], [Edquist, 1997]. Nous reviendrons en détail sur ce modèle dans la suite du docu-ment. Il est cependant intéressant de noter que le SNI dépasse largement l’analyse input/output en proposant un périmètre d’étude qui dépasse les entreprises pour s’intéresser à tous les acteurs de la science et de la technologie ainsi qu’à la politique publique. En raison de la dimension et de la complexité des SNI, l’insistance sur l’analyse empirique dans les études effectuées est principalement statique, quoique rien n’empêche qu’elle puisse être plus dynamique.

En parallèle, Porter développe l’approche du "diamant" (voir [Porter, 1990]) pour expliquer pourquoi les nations ont tendance à être plus compétitives dans certaines industries que dans d’autres et qui repose sur quatre facteurs interdépendants : la production nationale, la demande locale, la stimulation mutuelle et la concurrence entre sociétés. De cette façon, la définition du système est plus étroite que celle de l’approche des SNI. À nouveau, le principal foyer est statique ou dans une analyse de statique comparative. De même Malerba (voir notamment[Malerba, 2002]) a proposé l’approche des systèmes sectoriels d’innovation, assez proche du modèle de Porter mais qui contrairement à ce dernier qui s’intéresse à l’interdépendance entre les industries, le système d’innovation sectoriel fait l’hypothèse que chaque secteur technologique dispose de ses propres caractéristiques. Ces régimes peuvent ainsi se modifier au cours du temps, rendant l’analyse dynamique.

Une autre construction de système est définie autour de systèmes régionaux ou locaux d’innovation tels que présentés par Saxenian ([Saxenian, 1994]) dans son étude sur l’industrie électronique dans la Silicon Valley en Californie. Ici la définition du système est avant tout géographique en s’intéressant notamment aux différences entre les zones étudiées.

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CHAPITRE 1. LES SYSTÈMES NATIONAUX

Enfin Carlsson (voir notamment [Carlsson et Stankiewicz, 1995]) a proposé un système technologique désagrégé et dynamique qui se rapproche ainsi des blocs de développement (cette approche reprend une partie des concepts de Hughes - voir notamment [Hughes, 1983] et [Hughes, 1990] - qui a été le premier à s’intéresser à un système centré sur un produit ou une technologie). En effet, il se concentre sur l’étude d’une technologie et repose sur l’idée qu’il existe plusieurs systèmes technologiques dans chaque pays, qui se développent au cours du temps.

Selon les approches, [Amable, 2002] nous apprend que "l’environnement peut

ainsi être, plus ou moins étendu, partant des interactions minimales pour que l’on puisse raisonnablement parler de système, articulées autour des intervenants directs du processus d’innovation, et allant jusqu’à la considération d’une très large gamme d’influences du comportement des agents économiques"

Il se pose ainsi le problème de la délimitation du système qui toujours selon [Amable, 2002] peut être assimilé à un problème théorique en particulier du choix de la théorie économique et de la conception des institutions sur lesquelles doit s’appuyer l’analyse des SI. En outre chaque modèle dispose de ses propres frontières qui peuvent dans certains cas se recouper. Nous proposons ainsi en figure 1.1 un schéma inspiré de [Hekkert et al., 2007] qui présente les frontières des systèmes d’innovation nationale (SNI), des systèmes sectoriels d’innovation (SSI) et des systèmes technologiques d’innovation (SIT).

L’approche des SI, permet ainsi de proposer une nouvelle vision du changement technique qui n’apparaît plus comme autonome vis-à-vis du reste de l’économie mais s’intègre au contraire dans un système économique plus global en allant au-delà du raisonnement économique "trivial" qui voit dans l’innovation le simple résultat d’un investissement. De ce fait, le concept des SI a eu un succès indéniable en particulier dans les grandes institutions telles que l’OCDE (voir notamment [Albert et Laberg, 2007] et [OCDE/Eurostat, 2005] ainsi que [OCDE, 2014] pour une étude du système français) ou la Commission Européenne qui l’utilisent dans la construction de politiques d’innovation.

Enfin, bien que très intéressante, l’approche des SI se situe au croisement de l’économie, de la sociologie, du changement technique, de la théorie de la crois-sance, de la théorie des organisations, de l’analyse comparative des capitalismes... et souffre de ce fait de difficultés à trouver une place bien définie au sein des approches institutionnalistes en économie.

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CHAPITRE 1. LES SYSTÈMES NATIONAUX

Figure 1.1 – Relations entre les frontières nationales, sectorielles et technologiques des systèmes d’innovation, inspiré de [Hekkert et al., 2007]

1.2 L’extension au concept du SNRI

Le SNI (système national d’innovation) ou SNRI (système national de recherche et d’innovation) est un concept relativement récent introduit dans les années 1980 notamment par [Freeman, 1987], [Lundvall, 1992], [Nelson, 1993], [Edquist, 1997] pour expliquer les interactions entre public, privé, universités et agences dans la production de science et technologie (voir [Lundvall et al., 2002], [Edquist et al., 2006] et [Lundvall, 2007] pour des papiers plus récents). Il existe par ailleurs certaines variantes telles que les systèmes régionaux d’inno-vation ([Saxenian, 1994]) ou les systèmes sectoriels d’innod’inno-vation ([Malerba, 2002]).

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CHAPITRE 1. LES SYSTÈMES NATIONAUX

De ce fait, en s’intéressant aux déterminants et à l’organisation qui conduisent à l’innovation, les travaux autour du concept de SNI ont permis d’aller beaucoup plus loin que l’étude du nombre de produits ou procédés innovants conçus dans un pays pendant une période donnée.

L’approche systémique de l’innovation est ainsi basée sur la perception que l’innovation est produite par différents acteurs en relation. Dans ce cadre, l’intérêt de cette méthode est d’étudier les liens entre les scientifiques et le secteur marchand ainsi que la coopération entre les firmes. Cette approche part du principe que l’innovation est le résultat de l’organisation du système.

Le SNI dépasse donc la simple considération d’un système avec plusieurs acteurs et organisations qui collaborent dans l’objectif commun d’innover. Il met donc l’accent sur le rôle des facteurs institutionnels spécifiques au système stimulant et entravant l’innovation et les changements technologiques.

Par conséquent, selon [Balzat, 2002] la définition d’un SNI doit inclure au moins trois dimensions :

1. La considération du système dans sa globalité

2. L’analyse de tous les acteurs du système et des liens qui les unissent 3. La configuration institutionnelle comme modèle pour l’action économique [Niosi, 2002] fait la liste des principales définitions des SNI (traduction libre) : — "Le réseau d’institutions des secteurs public et privé dont les activités et les

interactions initient, importent, modifient et diffusent les nouvelles techno-logies" [Freeman, 1987]

— "Les éléments et les relations qui interagissent dans la production, la

diffu-sion et l’utilisation de connaissances nouvelles et économiquement utiles [...] Et sont situés à l’intérieur ou enracinés dans les limites d’un État-nation"

[Lundvall, 1992]

— "L’ensemble des institutions dont les interactions déterminent la

perfor-mance innovante des entreprises nationales" [Nelson, 1993]

— "Le système national d’innovation est constitué par les institutions et les

structures économiques affectant le rythme et la direction des changements technologiques dans la société " [Edquist et Lundvall, 1993]

— "Un système national d’innovation est le système d’interaction des

entre-prises privées et publiques (grandes ou petites), des universités et agences gouvernementales visant à la production de science et de technologie à l’in-térieur des frontières nationales. L’interaction entre ces unités peut être

(37)

CHAPITRE 1. LES SYSTÈMES NATIONAUX

technique, commerciale, juridique, sociale et financière, dans la mesure où l’objectif de l’interaction est le développement, la protection, le financement ou la réglementation de la science et de la technologie" [Niosi et al., 1993]

— "Les institutions nationales, leurs structures incitatives et leurs

compé-tences, qui déterminent le rythme et l’orientation de l’apprentissage de la technologie (ou le volume et la composition des activités génératrices de changement) dans un pays" [Patel et Pavitt, 1994]

— "Cet ensemble d’institutions distinctes qui, conjointement et

indivi-duellement, contribuent au développement et à la diffusion de nouvelles technologies et qui fournit le cadre dans lequel les gouvernements forment et mettent en oeuvre des politiques pour influencer le processus d’innovation. En tant que tel, c’est un système d’institutions interconnectées pour créer, stocker et transférer les connaissances, les compétences et les artefacts qui définissent de nouvelles technologies "[Metcalfe, 1995]

Dans la littérature, nous trouvons ainsi principalement deux approches du concept de SNRI qui se distinguent par le point de vue adopté par l’obser-vateur en matière d’innovation (pour une vision plus élargie voir notamment [McKelvey, 1991] et [Vertova, 2014] pour une critique et une mise en perspective). Ainsi [Lundvall, 1992] fait la distinction entre une approche étroite ou restreinte et une approche large ou étendue.

L’approche dite "restreinte" développée notamment par [Nelson, 1993] et [Mowery et Oxley, 1997] ne mesure l’innovation qu’à travers les activités liées à la R&D et aux activités scientifiques. De ce point de vue, le SNRI inclut uniquement les organisations et institutions nécessaires à ces activités. C’est donc un système intégré d’agents en lien direct avec la production d’innovation. [Nelson, 1993] qui fonde son point de vue sur une analyse empirique et intègre dans son SNRI, les activités de R&D, les politiques scientifiques et la législation sur la propriété intellectuelle. De ce point de vue, on considère explicitement hors de son champ les déterminants et conséquences de l’innovation qui sont externes à ce champ. Cette approche avec son périmètre restreint permet ainsi de réaliser des analyses précises et détaillées de l’architecture institutionnelle et organisationnelle des SNI (voir notamment [Nelson, 1993]).

Le passage à la conception plus étendue se fait par une logique de proximité des différents domaines à considérer (science, technique, éducation supérieure, firme...) qui laisse la porte ouverte à des interprétations plus ou moins extensives du système (culture, traditions nationales, législations...).

(38)

CHAPITRE 1. LES SYSTÈMES NATIONAUX

De ce fait, l’approche du SNRI dite "large", décrite notamment par [Lundvall, 1992], [Freeman, 1988] et [Edquist, 1997], voit l’innovation comme un processus cumulatif continu inhérent à la diffusion, l’absorption, et l’utilisation des connaissances. De ce point de vue, l’accent est placé sur les processus d’apprentissage. Ainsi, d’après [Lundvall et Jonhson, 1994], la compétitivité du SNRI correspond à la capacité d’apprentissage de ses agents. Dans ce cadre, le SNRI est donc constitué de toutes les institutions politiques, sociales, économiques et culturelles affectant l’apprentissage, la recherche et les activités d’exploration. L’apport théorique et la construction du concept sont établis par [Lundvall, 1992] qui met l’apprentissage au coeur du SNRI à travers une vision microéconomique de l’innovation comme processus interactif. Freeman a par ailleurs développé l’approche à travers une mise en perspective historique, notamment en faisant référence à la révolution industrielle allemande [Freeman, 1988] et aux pays d’Asie du Sud Est et d’Amérique [Freeman, 1995].

Selon [Casadella et Benlahcen-Tlemcani, 2006], l’approche étroite est la plus développée car elle permet une vision quantitative (très à la mode) du problème. En revanche, toujours selon [Casadella et Benlahcen-Tlemcani, 2006], lorsque l’on s’intéresse à certaines économies moins structurées et notamment celle des pays du Sud, une vision du SNRI plus large est indispensable pour appréhender cette question dans sa globalité. Cette analyse est par ailleurs partagée par [Viotti, 2002]. Cette remarque est fondée lorsque, comme ces auteurs, on s’intéresse au degré d’innovation d’un pays. En revanche, l’approche restreinte semble plus adaptée à notre cas d’étude qui se limite au financement des projets de R&D. En effet, non seulement elle est construite selon une démarche empirique fondée sur l’observation de la réalité, mais en plus elle se limite à l’étude des acteurs nécessaires aux activités de R&D, et par voie de conséquence aux acteurs qui participent directement à son financement.

1.3 Les premières tentatives de

"fonctionnalisa-tion" du SI

Pour [Amable, 2002] "La définition du système est donc la plupart du temps

floue : un groupe plus ou moins limité d’organisations et d’institutions dans la conception restreinte, un ensemble potentiellement très large dans la conception étendue". Nous proposons en figure 1.2 une illustration qui schématise ce processus.

Amable continue en citant quelques tentatives de précisions analytiques dans l’étude des SNRI à travers notamment la définition des fonctions du SNRI. Il rappelle toutefois que le fait de considérer des fonctions n’implique

Figure

Figure 1 – Ressources de la recherche publique (source : MENESR- MENESR-DGESIP/DGRI-SIES)
Figure 4 – Engagement des parties prenantes et de l’expert dans le cycle politique (inspiré de [Tsoukiàs et al., 2013] en collaboration avec K.A
Figure 1.1 – Relations entre les frontières nationales, sectorielles et technologiques des systèmes d’innovation, inspiré de [Hekkert et al., 2007]
Figure 1.2 – Définition du périmètre d’un système à travers sa modélisation fonctionnelle
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