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II. L’amélioration du blé tendre

3. Introduction de variabilité génétique chez le blé par hybridation interspécifique

3.2. Exploitation de la variabilité interspécifique dans la tribu des Triticées

La tribu des Triticées (Triticeae) de la famille des Poacées (Poaceae) (anciennement

Gramineae) représente un intérêt d’un point de vue agronomique puisqu'elle contient des

céréales à paille : blé (Triticum), orge (Hordeum), seigle (Secale), Triticale (Triticosecale), et de nombreuses espèces appartenant aux genres Aegilops, Agropyron, Elymus, Leymus,

Thinopyrum, Roegneria.

Les espèces de la tribu des Triticées proviennent d’une large gamme de distribution géographique et climatique, ce qui leur permet de s’adapter à des conditions très diverses, des régions les plus froides et humides aux régions les plus chaudes et arides. Ainsi, les espèces de Triticées cultivées ou sauvages représentent un potentiel de transfert de gènes d’intérêt pour améliorer la résistance aux stress biotiques (insectes, pathogènes) et abiotiques (tolérance au froid, tolérance à la salinité, résistance à la sécheresse…). Afin de rendre compte de la possibilité de croiser plus ou moins facilement une espèce avec une autre, trois types de pools génétiques (gene pools) : primaire, secondaire et tertiaire, ont été définis au sein des espèces :

3.2.1. Groupe génétique primaire

Le groupe génétique primaire du blé tendre (T. aestivum, 2n=6x=42, AABBDD) comprend des populations de pays, le blé tétraploïde cultivé (T. turgidum 2n=4x=28, AABB) et ses formes sauvages dérivées de T. dicoccoides, les espèces proches du donneur du génome

AA, T. monococcum (incluant var. boeticum et var. urartu), et du donneur du génome DD,

Aegilops tauschii. Les gènes de ce groupe peuvent être transférés au génome du blé tendre par

hybridation directe, recombinaison des chromosomes homologues, rétrocroisement et sélection (GILL and RAUPP 1987). Aucune manipulation cytogénétique n'est requise à l’exception du sauvetage d’embryon qui s'avère nécessaire pour produire l’hybride F1 dans certains cas. Ce pool primaire inclut aussi les progéniteurs diploïdes de l’orge (HH, Hordeum

spontaneum) et du seigle (RR, Secale vavilovii, Secale montanum) qui bien qu'appartenant à

des espèces différentes et portant des génomes non homéologues sont sexuellement compatibles avec le blé (FEUILLET et al. 2008).

relations phylogéniques, puisque des espèces du genre Aegilops sont impliquées dans l’évolution du génome du blé hexaploïde. Ces proprietés ont été utilisées pour réaliser de nouvelles hybridations entre des blés tétraploïdes et Ae. tauschii (JIANG et al. 1994) afin de produire des blés synthétiques qui réintroduisent de la diversité dans le pool cultivé. Plusieurs gènes ont été introduits dans le blé hexaploïde à partir d'Ae. Tauschii, le donneur du genome

D (FRITZ et al. 1995). L’introgression des gènes directement dans le génome du blé tendre à

partir du génome du blé tétraploïde a aussi été accomplie au cours de plusieurs études (HAYES

et al. 1920; MCFADDEN and SEARS 1946; READER and MILLER 1991).

3.2.2. Groupe génétique secondaire

Ce groupe comprend des espèces proches notamment les espèces polyploïdes de

Triticum et d'Aegilops telles que T. timopheevii (AAGG) qui contient un génome commun

(AA) avec ceux du génome du blé tendre. Les espèces diploïdes d’Aegilops de la section Sitopsis qui sont proches du génome BB du blé font également partie de ce groupe du fait d'un appariement chromosomique réduit et de la difficulté de réalisation du transfert de gènes. Ce pool secondaire inclut aussi le tétraploïde Hordeum bulbosum,Elymus (HHStSt) et Secale

sylvestre (FEUILLET et al. 2008; JIANG et al. 1994). Le transfert de gènes vers le génome du

blé tendre peut être réalisé par hybridation directe et sélection si ceux-ci sont issus d'un des génomes homéologues du blé (A, B, D). S'ils proviennent d'un génome non homéologue, une manipulation cytogénétique supplémentaire est nécessaire comme dans le cas du groupe génétique tertiaire (cf. ci-dessous).

3.2.3. Groupe génétique tertiaire

Ce groupe inclut des espèces diploïdes et polyploïdes contenant des génomes non homéologues à ceux du génome du blé. Une large proportion d’espèces appartenant à ce groupe est pérenne et importante pour l’amélioration du blé. Il inclut des espèces de Secale (RR), Thinopyrum (EE), et Hordeum bulbosum (XX), mais aussi les orges américaines sauvages et H. bogdanii. Dans ce cas, le transfert génétique ne peut pas être réalisé par recombinaison homologue. Cependant, les génomes des espèces dans ce groupe sont génétiquement proches de ceux du génome du blé, et le transfert peut être réalisé par des techniques de cytogénétique ou par translocation chromosomique en utilisant l’irradiation ou la culture in vitro. L'un des meilleurs exemples de l’introgression d’une chromatine d’une espèce apparentée dans le génome du blé est la translocation chromosomique 1BL/1RS à partir du seigle. Seules quatre sources de transferts et de substitutions (deux mises au point en

Allemagne par Salzmunder et Weihenstephan entre 1920-1930, une développée au Japon dans les années 1960, et une développée aux Etats-Unis dans les années 1970) sont à l'origine des centaines de variétés commerciales du blé comportant cette translocation dans les différents pays (pour plus de détails voir RABINOVICH , 1998). Le bras court du chromosome 1R du seigle porte plusieurs gènes influençant le rendement du blé au travers de gènes de résistance à des pathogènes majeurs tels que la rouille brune (Lr29) et la rouille jaune (Yr26), et de gènes améliorant l’adaptation et la tolérance au stress, fournissant une masse aérienne supérieure et un poids de grains plus élevé (ZARCO-HERNANDEZ et al. 2005).

Enfin, l'une des réalisations les plus remarquables issue des hybridations blé-seigle est l’obtention de la première espèce hybride crée par l'homme, le Triticale (Triticosecale). Le premier hybride a été généré en Ecosse en 1876 mais il a fallu attendre 1938 avant de voir le premier hybride fertile (pour revue voir OETTLER 2005). L'objectif était de combiner les qualités du blé et la robustesse du seigle dans une nouvelle espèce, afin d'explorer de nouveaux marchés et exploiter des terres moins favorables à la production du blé ou de l'orge. La sélection et la production de Triticale n'ont réellement débuté que dans les années 1960 pour atteindre ~2 millions de tonnes dans les années 1980 et 13 millions de tonnes en 2005 (http://faostat.fao.org/).

Limites et solutions

- L'’introgression d’un fragment d’ADN issu d'espèces proches sauvages ou cultivées dans le génome du blé peut présenter un inconvénient important surtout lorsque le fragment introgressé est de grande taille et porte des gènes ayant un effet négatif sur la variété ainsi crée. Ce phénomène de "linkage drag" a beaucoup limité l'efficacité de l'exploitation des espèces sauvages apparentées dans les programmes de sélection, car le processus visant à éliminer les effets négatifs des allèles adjacents au gène d’intérêt est long et laborieux.

- La recombinaison entre le chromosome apparenté introduit et ses homéologues est, en général, extrêmement restreinte et dépend du niveau de similarité entre les séquences. Pour surmonter ce problème, des techniques de génie chromosomique (chromosome engineering) ont été développées afin d'augmenter la fragmentation des chromosomes du donneur et ainsi favoriser leur recombinaison avec les génomes receveurs (ENDO 2007; FEDAK 1999; FEUILLET et al. 2008; JIANG et al. 1994; QI et al. 2007). Une meilleure connaissance de la structure du génome des Triticées, de la distribution de la recombinaison et de sa régulation permettra également dans le futur de développer des stratégies plus fines telles que « le

de réduire l’effet des gènes qui peuvent être porté sur le fragment introgressé (FEUILLET et al. 2008).

- Le gène Ph1 qui régule l’appariement et la recombinaison entre les chromosomes homéologues (RILEY and CHAPMAN 1958 ; RILEY et al. 1959) a été caractérisé et sa structure récemment définie (GRIFFITHS et al. 2006). L'allèle ph1 a été largement exploité pour induire de la recombinaison homéologue et permettre de réduire la taille du segment introgressé afin d’éliminer certaines parties qui portent des gènes/allèles non désirables.

III. Déterminismes génétiques et physiologiques de