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V. Utilisation de la colinéarité entre céréales pour accélérer la cartographie chez le blé

2. Génomique comparée chez les céréales

2.2. Analyses de micro-colinéarité

L'observation croissante au cours de projets de clonage positionnels (KILIAN et al. 1995; KELLER and FEUILLET 2000) que les réarrangements pouvaient limiter dans certains cas l'exploitation directe de la colinéarité entre le riz et les autres céréales a amené les généticiens à développer des ressources génomiques directement à partir des génomes d'intérêt. Plusieurs banques de clones BAC ont ainsi été construites à cette période chez l'orge et le blé, soit à partir de génomes entiers soit à partir de chromosomes ou de bras chromosomiques individuels (revu par SALSE and FEUILLET, 2007). Le séquençage de BACs et la comparaison

dans régions orthologues ont permis d'observer des données plus précises sur le degré de conservation entre genres de graminées. Ils se sont faits à différents niveaux de comparaison.

2.2.1. Microcolinéarité interspécifique chez les céréales

L'une des premières études de micro-colinéarité réalisés chez les céréales a concerné le locus sh2/a1 (Shrunken 2/ Anthocyaninless1) entre le maïs, le sorgho et le riz (CHEN et al. 1997; CHEN et al. 1998). L'analyse comparée de séquences de BAC orthologues montré que malgré une large différence dans la longueur des régions inter-géniques chez le maïs en comparaison du riz et du sorgho et malgré une duplication en tandem d'un gène (A1) chez le sorgho, l'ordre linéaire pour quatre gènes (Sh2, X1, X2 et A1) présents à ce locus était remarquablement conservé entre les trois espèces. Par contre, chez les Triticeae, la colinéarité était limitée à la conservation des gènes Sh2 et X1 sur le chromosome 1L, tandis que les deux autres gènes X2 et A1 étaient localisés sur un chromosome non orthologue (3L) démontrant ainsi que de nombreux réarrangements, incluant une translocation de gènes, ont affecté ce locus depuis la divergence entre les Triticeae et les autres Poaceae (LI and GILL 2002). De manière similaire, des réarrangements substantiels ont été observés au locus adh1 chez le maïs, riz et sorgho. Neuf gènes ont été trouvés en ordre colinéaire entre maïs et sorgho mais trois autres gènes additionnels étaient présents dans un intervalle 3 fois plus large chez le maïs (TIKHONOV et al. 1999). La comparaison avec le riz a montré une histoire complexe de réarrangements impliquant des translocations de gènes, des insertions et délétions conduisant les auteurs à proposer que le génome du riz soit plus stable que celui du maïs qui aurait subi des délétions de gènes à haute fréquence pendant son évolution (TARCHINI et al. 2000; BENNETZEN and RAMAKRISHNA 2002; ILIC et al. 2003). D'autres études de micro-colinéarité réalisées sur d'autres locus orthologues portant des gènes impliqués dans la résistance aux maladies (e.g. Lrk, Rp1 et Rph7), le développement (e.g. Vrna1, lg2/lrs1, phdH1) et la qualité (e.g. Zein, Ha, r/b, Glutenin) ont toutes confirmé un niveau de réarrangements généralement assez important (revu en SALSE and FEUILLET (2007)) qui a amené à l'idée que la colinéarité entre le riz et les autres espèces était d'environ 50% (GAUT 2002) et que le niveau de conservation pouvait varier de façon importante en fonction du type de locus et de la localisation sur les chromosomes.

2.2.2. Microcolinéarité intra-spécifique (entre différents génomes de blé)

Les études de micro-colinéarité intra-spécifique, à l'intérieur des espèces qui ont divergé depuis moins de 5 millions d'années comme ceux qui composent les blés polyploïdes, ont pu être réalisées grâce à la construction des banques de clones BAC à partir d'espèces à différents niveaux de polyploïdie. Ainsi, plusieurs études ont comparé des séquences de BAC issues des génomes homéologues A, B et D du blé qui ont divergé d'un ancêtre commun il ya environ 2,5 à 4,5 millions d'année (HUANG et al. 2002). Les deux premières études ont comparé les régions orthologues correspondantes au gène de gluténine dans les génomes A et B de T. durum et D d'Ae. tauschii (GU et al. 2004) ainsi que le génome A de T. durum et T.

monococcum (WICKER et al. 2003). Ces études ont montré que la conservation entre les

différents génomes était souvent limitée aux gènes, alors que les régions inter-géniques étaient totalement différentes principalement en lien avec l'insertion d'éléments transposables et à la suite d'événements de recombinaison illégitimes.

La conservation de la micro-colinéarité entre le génome A de T. monococcum et de T.

aestivum a été exploitée pour réaliser la marche sur le chromosome qui a finalement conduit

au clonage du gène pour la résistance à la rouille des feuilles (Lr10) chez le blé hexaploïde

(STEIN et al. 2000). Puis la micro-colinéarité intra-spécifique a été étudiée plus finement en

comparant trois régions orthologues de T. monococcum, T. durum et T. aestivum (ISIDORE et al. 2005b). Là encore, des insertions ainsi que des délétions et des crossovers entre éléments transposables ont réduit le pourcentage global de conservation de séquence (33% seulement) entre les trois régions orthologues, et peu d'éléments étaient conservés dans les régions inter-géniques. Des réarrangements impliquant des délétions suivies par une grande inversion ont été observés chez le blé hexaploïde. Par contre, une bonne conservation dans l'ordre et le contenu en gènes a été trouvé entre la séquence des blés diploïdes et tétraploïdes.

Finalement, un séquençage comparatif au niveau du locus Ha (Hardness locus) impliqué dans la dureté des grains chez le blé a été réalisé en comparant les BAC orthologues

de T. aestivum, T. durum, et ses progéniteurs diploïdes T. monococcum et Ae. tauschii

(CHANTRET et al. 2005; CHANTRET et al. 2008). Des réarrangements, tels que l'insertion d'éléments transposables, des délétions de séquences, des duplications et des inversions impliquant des événements de recombinaisons illégitimes, ont été détectés comme étant responsables de différences majeures observées entre le même génome à différents niveaux de polyploïdie.

2.2.3. Comparaisons inter-variétales

L'absence de colinéarité inter-génique observée au niveau intra-spécifique entre les espèces ayant récemment divergé amène à poser la question des réarrangements de séquences entre lignées et variétés d'une même espèce. La première a concerné la comparaison de séquences de BAC de maïs portant le gène bz1 (Bronze-1) dans deux lignées (McC et B73). Elle a révélé de manière surprenante des différences étonnantes entre les deux lignées. Celles-ci ont été non seulement observées au niveau de la longueur et la composition des séquences inter-géniques, mais également dans le contenu et la densité des gènes, et à des niveaux équivalents aux différences observées entre deux espèces différentes (FU and DOONER 2002). Des variations similaires ont été observées ensuite à d'autres locus orthologues de maïs tels que le cluster de gènes z1C-1 (zein protein storage cluster) entre les lignées hybrides B73 et BSSS53 (SONG and MESSING 2003) et quatre autres régions chromosomiques alléliques chez les lignées M17 et B73. Chez l'orge, plus de 300 kb d'une séquence contenant le gène de la résistance à la rouille des feuilles (Rph7) ont été comparés entre deux variétés (SCHERRER et al. 2005). La colinéarité était limitée à 5 régions géniques et deux régions inter-géniques représentant moins de 35% de la séquence totale. L'analyse basée sur la PCR pour les régions inter-géniques a montré une divergence récente et rapide au locus homologues dans le génome de l'orge cultivé. Finalement, les réarrangements observés chez l'orge et le riz étaient moins dramatiques que ceux observés chez le maïs, ce qui renforce l'idée que le maïs possède un génome hautement instable en comparaison des autres génomes des Poaceae.