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3 Chapitre – Vers un nouveau modèle de management de

3.3 Proposition d’un nouveau modèle intégrateur

3.3.1 Présentation des 4 facettes

3.3.1.2 Expérience proposée

L'expérience proposée est une traduction opérationnelle de l'expérience voulue, basée sur la définition de stimuli (Gentile et al., 2007 ; LaSalle et Britton, 2002 ; Shaw et Ivens, 2002 ; Schmitt, 1999a) devant contribuer à façonner les perceptions des clients, voire les amener à mobiliser des connaissances et éprouver des émotions, ces différents éléments donnant lieu à une expérience vécue.

Cette déclinaison en termes très concrets aboutit à l’expérience qui est proposée réellement aux clients. Il s’agit d’organiser l’entreprise pour mettre en scène les expériences (Pine et Gilmore, 1999). Il est à noter que, dans le champ de la stratégie, l’accent est davantage mis dans les recherches académiques sur

l’élaboration d’une stratégie que sur les modalités concrètes de sa mise en œuvre (voir notamment Porter, 1985). Cette facette est originale dans la mesure où elle met l’accent sur le déploiement opérationnel et son importance dans la réussite d’une stratégie de différenciation ou d’une innovation stratégique.

Cette démarche peut constituer un véritable projet d’entreprise car toutes les équipes sont impliquées dans la mise en œuvre (la mise en scène) de l’expérience proposée.

La gestion des ressources humaines revêt un aspect très important dans cette phase. C’est ainsi que Villa Beausoleil précise dans ses offres de recrutement qu’elle recherche des « animateurs de loisirs » ayant une formation d’infirmiers et non des infirmiers !

Le choix d’un langage spécifique, au-delà d’une stratégie de communication, peut être considéré comme une production symbolique, révélatrice d’une culture d’entreprise (Schein, 1985).

Chez Châteauform’, le rôle de la « nounou » – et si c’est un garçon de « nounours » ! – est d’accompagner les organisateurs des séminaires d’entreprise sur toute la durée entre le moment où ils ont acheté la prestation et le moment où ils arrivent sur le site sélectionné : il s’agit de définir la liste des participants, la logistique, les besoins spécifiques sur site… « Si nous avions appelé nos « nounous », responsables logistique, nous aurions été sur un mode uniquement « transactionnel ». En choisissant le mot « nounou », nous indiquons au contraire à nos équipes et à nos clients que nos équipes peuvent s’occuper de tout dans la préparation réussie d’un séminaire et ce, jusqu’à contribuer à déstresser l’organisatrice qui a leur numéro de téléphone personnel. »

Le facteur humain se retrouve au cœur de l’opérationnalisation de l’expérience. Au Club Med, « Faire en sorte dans les 70 villages, qu’il pleuve qu’il vente, que les 4000 GO [Gentils Organisateurs] aient une qualité d’interaction avec les 1,5 millions de GM [Gentils Membres] qui soit exceptionnelle est un véritable challenge. Ce qui fait pardonner le fait qu’il y ait des cafards dans la chambre, c’est la qualité de l’interaction. Au temps de Gilbert et Serge Trigano, ce challenge était accompli parce que dans les critères de recrutement, c’était un élément important et il y avait des formations et un suivi des GO. »

Cette facette du management de l’expérience est critique dans la qualité de l’expérience vécue par le client. Les exemples de « non pilotage » de cette opérationnalisation sont nombreux, nous n’en citerons que quelques-uns :

Dujarier (2008) rapporte une expérience personnelle : « J’ai voulu acheter un abonnement internet. Je suis allée dans une agence où j’ai fait la queue une demi-heure. Je suis repartie avec mon kit d’installation. J’ai mis trois jours à essayer de le faire marcher. J’ai appelé la hotline qui coûte les yeux de la tête, tout ça pour tomber sur une boîte vocale qui n’a pas pu m’aider à résoudre mon problème. J’ai finalement réussi à parler à un opérateur, qui m’a fait des réponses standardisées inutiles. J’ai cru que j’allais l’insulter. »

Autre anecdote issue d’une discussion avec un proche : « J’ai pris l’avion pour Boston où je devais me rendre pour faire cours. Après une demi-heure de vol, nous avons commencé à sentir une forte odeur de brûlé. Le commandant de bord nous a indiqué que nous ne devions pas nous inquiéter mais qu’il était préférable de faire demi-tour. Le personnel de bord était très calme et tout s’est déroulé dans un climat serein. De retour à Roissy, nous avons été accueillis par les camions de pompiers

dans le coin le plus reculé de l’aéroport. Nous avons débarqué dans le calme. Là les choses se sont compliquées. Nous avons dû repasser l’immigration alors que nous l’avions passé dans l’autre sens une heure plutôt. Il n’y avait qu’un seul douanier pour contrôler les papiers de tous les passagers… Après plus d’une heure d’attente à la douane, nous voilà de retour dans le hall de l’aéroport. Le personnel d’Air France n’a aucune information à nous communiquer si ce n’est que l’avion a eu un problème technique, ce que nous avions tous constaté. Nous sommes invités à refaire la queue au guichet d’enregistrement. Nous restons ainsi près de deux heures immobiles, pour découvrir qu’en fait l’avion n’allait pas repartir et que le vol était annulé. Air France n’a offert ni boisson ni restauration, ni aucune compensation, se contentant d’indiquer que le problème n’était pas de leur faute ! ».

Dans le cas présent, Air France a de toute évidence des procédures de sécurité parfaitement rodées. Mais l’expérience voulue en matière de confort de voyage et de prise en charge des passagers ne s’est pas retrouvée dans les faits. Cet exemple met en évidence combien l’expérience est façonnée par les différentes facettes du processus global : qu’une seule fasse défaut et c’est toute l’expérience qui est impactée.

Dernier exemple : chute de neiges à Paris le lundi 5 janvier 2009. 1600 passagers d’Air France restent bloqués à Roissy suite à l’annulation de 120 des 400 vols du jour. Aux comptoirs Air France, les hôtesses ne répondent pas aux voyageurs et vont se cacher derrière les cloisons à l’arrière des comptoirs pour ne pas être vues par les usagers. Les vidéos de ces scènes tournent en boucle sur Youtube. Pine et Gilmore (1998) nous rappellent que s’assurer de l’intégrité de l’expérience client nécessite d’éliminer tous les indices négatifs. « Experience stagers must eliminate anything

Ainsi, que l’entreprise l’ait formalisée ou non, elle propose toujours une expérience à ses clients. En agissant de façon délibérée sur la mise en scène de l’expérience proposée, par la définition d’un ensemble de stimuli et la contribution à la construction de sens pour le client (cf. mécanisme de sensegiving décrit par Gioia et Chittipeddi, 1991), l’entreprise peut espérer agir sur l’expérience vécue.

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