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Des enjeux relevant de l’apprentissage organisationnel

3 Chapitre – Vers un nouveau modèle de management de

3.2 Des implications managériales innovantes

3.2.2 Des enjeux relevant de l’apprentissage organisationnel

L’entreprise engagée dans le management de l'expérience client peut se retrouver dans une dynamique relevant de l’apprentissage organisationnel.

C’est le cas lorsqu’il existe un écart entre les objectifs fixés renvoyant à la théorie professée en matière d’expérience client (réponse à la question : quelle expérience souhaite-t-on faire vivre aux clients ?) et les réalisations renvoyant à la théorie d’usage de l’entreprise (induite par l’observation de l’expérience proposée) (Argyris et Schön, 1978, 1996). Il arrive aussi que l’entreprise souhaite changer sa théorie professée, en revisitant sa conception du management de l’expérience (en passant par exemple d’une conception restant centrée sur le produit à une approche véritablement centrée sur le vécu du client). Si l’entreprise s’est dotée de la capacité à identifier cet écart (nous reviendrons plus tard sur ce point en évoquant la gestion de l’expérience client et les outils de pilotage associés), sa capacité à revisiter sa théorie professée, voire à aligner sa théorie professée et sa théorie d’usage, relève d’une démarche d’apprentissage en double boucle (Argyris, 1993 ; Argyris et Schön, 1996), s’inscrivant dans une logique d’exploration (Abernathy, 1978 ; March, 1991).

Elle peut en effet ne pas avoir intégré l’expérience dans sa proposition de valeur, ou ne pas « tenir ses promesses » en professant vouloir mettre l’expérience vécue par le client au cœur de sa stratégie et, dans les faits, se contenter d’adaptations à la marge, en n’agissant par exemple que sur l’atmosphère du lieu de vente (ce qui a été vu précédemment au sujet du marketing expérientiel).

Une autre forme d’apprentissage plus courante intervient quand l’entreprise est dans une recherche de conformité et d’amélioration incrémentale. Un apprentissage en simple boucle suffit car il ne s’agit pas de modifier les valeurs directrices mais uniquement d’adapter les stratégies d’action.

Sous un effet de mode, de nombreuses entreprises se sont lancées dans le management de l’expérience client en l’intégrant dans leur théorie professée. Comme nous l’avons vu au chapitre 2, placer le client au cœur de sa stratégie est en effet perçu comme une source d’avantage concurrentiel.

Néanmoins, comme évoqué ci-dessus, ce management de l’expérience client ne se retrouve pas nécessairement dans leur théorie d’usage, la mise en œuvre se limitant par exemple à des adaptations purement marketing. Il arrive ainsi que l’entreprise nomme un « Customer Experience Officer ». Mais lorsque l’expérience ne fait pas réellement partie de la stratégie définie et mise en œuvre par l’entreprise, et que les dirigeants ne sont pas impliqués dans cette démarche, son périmètre d’action reste limité, devenant un outil supplémentaire de la palette marketing. C’est ce qui ressort de l’étude du cas d’Air France5.

Le service marketing ou le service client déterminent quels sont les attentes ou les besoins non satisfaits des clients, spécifient et mettent en œuvre les attributs

complémentaires de l’offre, mesurent la satisfaction client et corrigent si nécessaire l’offre ou le processus de réalisations (dans le cadre s’apparentant à la gestion de la qualité). « Quand un décalage est perçu entre les résultats des actions entreprises et les objectifs fixés, la seule réponse possible pour certaines organisations consiste à envisager une nouvelle action sans pour autant questionner la logique sous-jacente, c'est-à-dire sans modifier les choix politiques et les valeurs directrices » (Moingeon et Ramanantsoa, 1995, p. 311). Il s’agit de faire mieux ce que l’on fait déjà. Comme évoqué ci-dessus, cette démarche s’apparente à un apprentissage en simple boucle (Argyris et Schön, 1996).

« Pour qu’une entreprise devienne capable d’apprentissage en double boucle, il est nécessaire tout d’abord que les acteurs prennent conscience de l’écart existant entre leur stratégie professée et leur stratégie d’usage. » (Moingeon et Ramanantsoa, 1995, p. 311). Les entreprises prétendent mettre l’expérience client au cœur de leur stratégie et croient réellement le faire mais n’ont pas défini au niveau du comité de direction quelle est l’expérience qu’ils veulent faire vivre. L’expérience qu’ils font vivre à leur client (relevant de la théorie d’usage) est alors en décalage avec l’expérience voulue (théorie professée).

L’exemple suivant 6 met en lumière ce décalage :

« Le Club Med a été une des premières entreprises a décidé de faire de l’expérience voulue l’un des éléments clés de son modèle. Dans l’expérience, il y a plein d’éléments mais un élément très important de l’expérience est la qualité de l’interaction avec les GO. Le point de différenciation du Club Med avec un hôtel est que le client n’interagit pas avec un GO comme il interagit avec du personnel d’hôtel.

6

Entretien réalisé le 9 décembre 2008 avec Henri de Bodinat, ancien directeur général du Club Méditerranée et auteur d’un ouvrage sur la gestion de la valeur de l’offre.

Ce sont des gens qui sont comme des copains, comme des amis, qui parlent avec toi, qui te présentent à d’autres gens, etc. C’était un des éléments fondamentaux de l’expérience Club Med (…) Ceux qui ont repris le Club Med l’ont considéré comme étant une entreprise qui a un produit. Ils n’ont pas fondamentalement compris cette notion d’expérience, que c’était un élément clé dans la réussite du Club Med. » (Extrait de l’entretien avec de Bodinat).

Ainsi, une stratégie basée sur le management de l’expérience client nécessite d’une part une implication au plus haut niveau de l’entreprise et d’autre part un alignement entre la théorie d’usage et la théorie professée (Argyris et Schön, 1978, 1996). La mise en œuvre du management de l’expérience client comme innovation stratégique relève d’une démarche d’apprentissage organisationnel en double boucle (Argyris, 1993 ; Argyris et Schön, 1996).

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