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Exemples de situations relues à partir des grilles d’analyse

Dans le document Jeunes, racisme et construction identitaire (Page 49-51)

Les études de cas qui suivent ont été élaborées et rédigées23par des participants au groupe

de recherche-action à la lumière des échanges et des apports théoriques (N. Elias, E. Goffman, A. Sayad).

Étude dʼune situation : identité réelle, identité virtuelle, le poids du stigmate

Un groupe de jeunes dans le cadre du forum initiative jeunes participe à une action d’implication sociale en lien avec le secours populaire. Il s’agit d’une opération de communication sur la place du Martroi un samedi après-midi au cœur du centre-ville d’Orléans. Le but est de collecter des fonds auprès des passants pour les enfants qui ne partent pas en vacances. Dans ce cadre, des préadolescents proposent aux passants une participation financière contre un lot pour cette aide. Une dame passe devant eux, les jeunes préadolescentes lui disent « bonjour » et avant même de lui expliquer leur action, elle leur dit : « Vous êtes des étrangers, allez vous faire voir. » Une jeune fille en particulier expliquera plus tard le sentiment d’humiliation et la blessure qu’elle a eue lors de cet échange, vécu comme une profonde injustice.

Quelques premières pistes de réflexion à partir de la dynamique de recherche-action

– Illégitimité de leur identité française « vous êtes des étrangers… », tous les jeunes présents sont de nationalité française.

– Le poids du stigmate et des représentations bloque toute possibilité d’échange. Leur couleur de peau est associée à un statut « d’étranger ». Ils sont l’objet d’un rejet massif « Allez vous faire voir ». Alors qu’ils étaient dans une logique d’ouverture et une tentative pour s’aventurer vers l’au- tre, l’inconnu « identité réelle », ils sont enfermés dans une identité virtuelle : celle d’un étranger, qui dérange, n’a pas sa place.

Effets de cette situation dans la construction identitaire des jeunes

– Renforcement des mécanismes de défense : la peur d’être confronté à de nouveaux risques d’humiliations amène le repli sur soi, le connu, le sécurisant. La peur de se « risquer », d’aller de l’avant.

– Intériorisation de son illégitimité et mise à distance, considérer que « les Français sont racis- tes », c’est d’une certaine façon intérioriser le fait qu’ils sont donc illégitimes (fragilisation du sen- timent d’appartenance).

Étude dʼune situation : illégitimité face à lʼaccès à la propriété

Un pavillon mitoyen est en vente dans le quartier de la Petite Espère à Saint-Jean-de-la-Ruelle. C’est un quartier résidentiel au sud de la ville, séparé de la ZUS par une rue.

Les vendeurs ont des rapports de voisinage cordiaux.

Un froid dans les relations avec leurs proches voisins s’installe pourtant dès que des acheteurs potentiels de couleur (un couple mixte) ou d’origine nord-africaine visitent la maison.

C’est un jeune ménage d’origine marocaine qui signe le compromis. Les voisins manifestent leur hostilité aux vendeurs, les accusant de dévaloriser leur propre bien et annonçant qu’ils allaient devoir vendre également pour partir.

La personne qui vend sa maison s’interroge sur l’opportunité d’avertir les acheteurs. Après réflexion en équipe, nous nous accordons sur le fait de taire cette hostilité pour donner une meilleure chance au jeune couple de s’adapter dans ce quartier.

Pourtant, lors de la vente, ces derniers questionnent les vendeurs sur les « rumeurs dans le voi- sinage ». Il apparaît que l’agent immobilier qui a conclu la vente les a informés d’un certain mécontentement des habitants du quartier, inquiets de leur arrivée.

Ces faits ont bouleversé les vendeurs qui ne s’imaginaient pas une telle réaction de leurs voisins, mais aussi une de nos collègues, elle-même d’origine marocaine, qui envisage d’acquérir une maison.

Quelques premières pistes de réflexion à partir de la dynamique de recherche-action

– Le racisme s’ancre sur une légitimité des voisins à occuper ce territoire de la commune, légiti- mité qui se fonde sur leur ancienneté. Les voisins justifient leur position sur un plan économique, par une dévalorisation de leur pavillon du seul fait de l’origine apparente des occupants mitoyens. (Le vendeur est lui-même d’origine espagnole et cela n’a jamais posé de problème.)

– Les acheteurs, mais aussi la collègue qui s’identifie au couple, sont choqués par cette démons- tration flagrante de racisme.

– Les acheteurs sont fragilisés dans leur démarche d’accès à la propriété. Quels seront leurs sen- timents en s’installant dans un environnement à l’hostilité affichée ? Victimes, ils seront très cer- tainement dans le schéma « eux-nous » qui alors pourra se lire aussi bien du point de vue des voisins comme de celui des acheteurs.

Étude dʼune situation : identités multiples et légitimité professionnelle, le poids du stigmate

Des animateurs dans leur cadre professionnel accompagnent les jeunes dans leurs démarches d’accès à l’emploi. Dans ce cadre des permanences dans la proximité se sont mises en place pour faciliter les interactions et interrelations entre les jeunes et la mission locale.

Il s’agissait pour les animateurs de créer une situation de rencontre et de partage pour faciliter dans un second temps l’aller vers.

Les permanences après une période de test s’avèrent une réussite dans les relations jeunes, conseillers, conseillers, animateurs… Puis après le départ de la conseillère qui les assurait et l’ar- rivée d’un nouvel intervenant, elles deviennent l’objet de tensions.

Ces situations de tensions se sont révélées notamment suite à des échanges entre le conseiller et les jeunes sur le sentiment exprimé par certains des jeunes « lorsque tu n’as pas la face qu’il faut, cela ne passe pas ». Un animateur, qui voulait revenir avec lui sur cette conversation, reçoit les propos suivants : « il faut arrêter votre victimisation, il y a du travail, c’est juste une question d’en- vie et de motivation. »

Quelques premières pistes de réflexion à partir de la dynamique de recherche-action

– Illégitimité professionnelle de l’intervention « il faut arrêter votre victimisation », le stigmate du grand frère plane et freine toute légitimité par rapport à l’intervention.

– L’humiliation subie induit un repli, « se taire pour ne pas exploser », « exploser, l’humiliation étant si forte ».

Effets de cette situation dans la construction identitaire des professionnels

– Renforcement des mécanismes de défense : la peur d’être confronté à de nouveaux risques d’humiliations amène le repli sur soi, le connu, le sécurisant. La peur de se « risquer », d’aller de l’avant « s’il te plaît ne nous impose plus ces réunions ».

– Démarche de contournement du travail partenarial, considérer que « l’autre est borné », incom- pétent… », rechercher des alliances nouvelles… par difficulté d’accéder à une compréhension puis une formalisation des mécanismes qui sont en jeu « alliances nouvelles, rapports informels… » – Difficulté d’accéder à la complexité eux-nous.

PRATIQUES/ANALYSES

Dans le document Jeunes, racisme et construction identitaire (Page 49-51)