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Du projet de film à l’expérimentation à Saint-Jean-de-la-Ruelle

Dans le document Jeunes, racisme et construction identitaire (Page 58-60)

La recherche-action s’y est focalisée, d’une part sur la question de la sortie de la victimisation, et d’autre part, plus largement, sur celle de la sensibilisation à la question du racisme des dif- férents acteurs locaux – la victimisation étant une des réactions possibles34aux phénomènes

de racisme que subissent un certain nombre de jeunes (et leurs familles).

Le support à l’expérimentation pédagogique a été le film Parcours et trajectoires : nos vies en question, réalisé par un collectif de jeunes, Rachid Afkir, Oulimatou Coly, Amine Hassani, Thillo Sall, Roulem Seghir, accompagnés par Halim Souidi, animateur responsable de l’espace accueil des Salmoneries et du développement animation jeunes plus de 16 ans. Plusieurs d’en- tre eux étaient engagés par ailleurs dans le processus de la recherche-action « Jeunes, racisme et construction identitaire ». Ils se sont appuyés pour la réalisation sur des étudiants en cinéma. Ce projet a été soutenu par la Ville dans le cadre d’une démarche d’appui à l’initiative des jeunes.

Ce film – dont l’origine, la responsabilité et la richesse n’incombent qu’à ses auteurs – n’au- rait pu voir le jour sans la recherche-action. Il s’est alimenté de la réflexion menée dans ce cadre, dont il garde des traces à la fois dans le propos du film (comment sortir de la victimi- sation), la nature des questionnements et jusqu’à l’usage récurrent de certains termes dans les entretiens qui constituent la matière du film.

Il a constitué en soi une expérimentation pour mettre au travail le processus de victimisation et à ce titre s’est inscrit dans la dynamique collective.

Il a enfin été approprié par l’ensemble des membres de la recherche-action comme support à l’expérimentation pédagogique.

Ce film de témoignage ne saurait constituer un outil pédagogique en soi, mais il peut en être un support. D’où la nécessité de réfléchir à la manière de le présenter. Cette réflexion a cons- titué la troisième étape du travail de la recherche-action, après les phases de problématisation, puis d’analyse des processus à l’œuvre dans le racisme – plus précisément en lien avec la pro- blématique stéoruellane35.

L’émergence du projet

Un projet étroitement lié à des enjeux multiples

Depuis trois ans, la question de la construction identitaire, des phénomènes de rejet et ses effets est devenue une préoccupation centrale du travail mené sur notre territoire d’intervention. Cette préoccupation a été largement « alimentée » par le croisement d’histoires de vies multiples (jeunes de quartiers, adultes professionnels, responsables au sein de la ville), histoire personnelle des jeunes du groupe enfants issus de l’immigration né en France et ayant grandi dans un quar- tier populaire recensé depuis les années 1980 comme quartier « prioritaire ».

L’idée a germé de rendre perceptible, à partir de leurs propres histoires, comment ils avaient vécu des situations de rejets, réussi plus ou moins à les dépasser, et parfois subies.

Leur projet, ou leur idée, était de témoigner en partant de leur vécu, ou celui de jeunes comme eux, pour une prise de conscience collective…

34/ GOFFMANE., op. cit. 35/ De Saint-Jean-de-la-Ruelle.

PRATIQUES/ANALYSES

Les étapes de l’expérimentation

Neuf séances de projection ont eu lieu entre décembre 2007 et juillet 2008, au cours desquel- les un protocole pédagogique a pu être élaboré : séances publiques à Saint-Jean-de-la-Ruelle (dans la salle du conseil municipal, en présence du maire, d’élus, d’institutionnels, de profes- sionnels et d’habitants de la ville) ; dans des équipements de quartier (devant des jeunes et/ou des habitants) ; dans une manifestation publique à Orléans ; lors d’une des journées d’étude qui a accompagné la recherche-action ; dans une école d’élèves assistants sociaux… La démarche se voulait expérimentale, c’est-à-dire qu’elle devait, en s’appuyant sur une expé- rience inédite, à partir d’une méthodologie rigoureuse (observation – hypothèse – expérience – résultats – interprétation) permettre de construire un modèle (en l’occurrence une métho- dologie) pédagogique. Conformément à cette définition, la méthode de travail a été faite d’es- sais, de tâtonnements, enrichis par l’analyse. Le travail s’est déroulé ainsi :

– au début, projection du film puis analyse des réactions et première élaboration d’une démarche ; – ensuite préparation de la séance suivante, projection, analyse, amélioration de la démarche ; – et ainsi de suite.

Dans les faits, toutes les séances n’ont pas pu laisser place à cette méthodologie systéma- tique, mais toutes ont été suivies d’un travail de debriefing alimentant la réflexion collective.

La vidéo comme support

Face à la diversité des participants, il est apparu (et nous étions plusieurs à l’exprimer), qu’il était important de trouver des supports qui permettraient de mettre en action notre réflexion sur le plan local, et de contribuer à terme à produire du changement. Très vite, le support vidéo a été évoqué par plusieurs d’entre nous qui avions eu une expérience de réalisation d’un court métrage retra- çant les trois ans du dispositif Forum Initiative Jeunes.

Comment, à partir d’une idée, un groupe se fédère

Avec un groupe de jeunes filles et garçons des deux quartiers sensibles de la ville qui participent à la recherche-action, nous avons réfléchi à la construction de ce projet.

Plusieurs temps de travail ont été nécessaires pour clarifier le sens de la construction identitaire, identifier les freins et les leviers possibles, liés à ces problématiques, le souci de pouvoir tout dire, la recherche de ressources (réseaux, accompagnement…).

Les quatre jeunes impliqués dans la recherche-action étaient partants pour engager ce travail et ont su en convaincre d’autres qui ont rejoint le projet. Après plusieurs échanges, nous avons décidé d’étudier les effets des phénomènes de rejet sur la question de la construction identitaire de chacun. Le groupe a pris appui sur tout un réseau ressource qui se reconnaissait dans ou adhérait à cette démarche :

– En premier lieu, le collectif 40 lynx, des jeunes cinéastes, qui eux aussi en pleine construction identitaire et professionnelle, ne se sont pas impliqués en tant que prestataires mais comme coac- teurs du projet et n’ont pas seulement amené un apport technique mais ont été source de nom - breux échanges, de débats contradictoires sur les différentes thématiques abordées sur le documentaire. En concertation avec le groupe le montage s’est construit en partie en prenant appui sur le fait que le collectif 40 lynx était plus distancié par rapport à l’objet que les membres du groupe porteur du projet qui eux étaient totalement immergés dans cette réalité.

– L’association Némésis, association qui rassemble un certain nombre d’acteurs sociaux (psy, éducateurs spécialisés, assistantes sociales, etc.). Cette collaboration présentait un double inté- rêt pour Némésis : c’était l’occasion d’être en relation avec des jeunes et de mettre à disposition ses savoirs et expériences. C’était aussi l’occasion de mettre en place une soirée dans le cadre du forum.

Enfin pour le groupe, il s’agit d’observer pour tenter de comprendre à partir de leur cadre de vie qui comporte un certain nombre de caractéristiques liées à l’accès à l’emploi, le logement, l’école, les loisirs, comment les phénomènes de rejet peuvent être selon les individus des freins ou des leviers dans leur construction identitaire et de ce fait agir sur celle-ci.

L’action pédagogique visait plusieurs publics :

– les jeunes, auteurs du film eux-mêmes (la conception et la réalisation du film s’étant révé- lées aussi pour eux occasion de poursuivre le travail engagé) ;

– l’ensemble des membres du groupe de recherche-action (qui enrichissaient leur réflexion et mettaient en place progressivement la démarche pédagogique, objet final du travail collectif) ; – les acteurs du territoire dans leur diversité (institutions, professionnels, associatifs, citoyens) ; – et au-delà tous ceux qui pourraient être en contact avec le film.

Ce travail a débouché sur l’élaboration d’une maquette pédagogique. Il s’agissait de construire un outil d’accompagnement du film : non pas un outil tout fait, un prototype, et d’un usage sté- réotypé (les fameuses « boîtes à outils », avec des solutions prépensées), mais plutôt un « kit méthodologique », une grille de questionnement relative aux situations, contenus ou pratiques pédagogiques, pouvant être utilisée dans des contextes pédagogiques diversifiés, conçue comme accompagnement de processus en situation.

Cet outil doit pouvoir in fine être déconnecté du support film de notre expérimentation, et pou- voir s’appuyer sur d’autres supports sensibles et viser d’autres publics que les publics des « quartiers » ou les professionnels qui travaillent avec eux.

Dans le document Jeunes, racisme et construction identitaire (Page 58-60)