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Quelques exemples de préconisations et pratiques européennes sur la prise en charge des MNA dans le cadre d’une politique de PE

L’APPROCHE EUROPÉENNE DE LA PROTECTION DES MNA

2. Quelques exemples de préconisations et pratiques européennes sur la prise en charge des MNA dans le cadre d’une politique de PE

2. 1. Sauvegarder l’intérêt de l’enfant non accompagné dans les procédures : le rôle du tuteur

Le droit de l’Union Européenne propose de nombreux textes de référence pouvant s’appliquer aux MNA en Europe, qui proposent notamment des garanties procédurales. Mais un problème majeur réside au cœur même du croisement entre protection de l’enfance et droit des étrangers qui caractérise la situation des MNA : le droit pour un mineur issu d’un pays tiers de rester dans un État membre n’est expressément donné du point de vue de l’Union qu’à partir du moment où ce dernier a demandé l’asile (article 7 de la directive sur les procédures d’asile).

Il n’y a aucune directive qui permette de définir le devoir de protection s’agissant de mineurs qui ne demandent pas la protection internationale (FRA, 2014). La quasi-totalité des textes européens qui s’appliquent sont pensés et proposés dans le cadre des procédures d’asile.

Or, en France, un mineur étranger peut séjourner sur le territoire sans autorisation de séjour, et la demande d’asile d’un mineur ne peut être enregistrée sans représentant légal (administrateur ad hoc ou tutelle d’État). La demande d’asile est donc loin d’être systématique ou immédiate pour les MNA en France (le ministère de la Justice comptait 4 000 jeunes reconnus mineurs et isolés en 2014 ; pour la même année, l’Office français pour la protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) ne comptait que 273 demandes d’asile pour des mineurs isolés). Les règles européennes visant à protéger l’enfant MNA, notamment sur le délai de désignation d’un tuteur après le dépôt de la demande d’asile sont donc sans effet pour la grande majorité des MNA en France. Les règles mises en place dans le cadre du système de Dublin III pour transmission aux autorités d’autres États membres restent, elles aussi, sans effet tant que la demande d’asile n’est pas enregistrée en France. C’est ainsi que l’Upper Tribunal, haute juridiction britannique, a décidé le 21 janvier 2016 que les demandes de protection déposées par des MNA envers le Royaume-Uni pouvaient être instruites indépendamment de la saisine officielle par les autorités françaises, pour tenter de combler ce vide.

De même, le droit de l’UE propose de nombreuses recommandations concernant les procédures d’identification de l’âge et des liens familiaux, mais en l’absence d’organismes internationaux facilitateurs, les désaccords entre les droits nationaux causent, là aussi, des retards et difficultés (comme le montre le rapport No place for Children de la Croix-Rouge britannique s’agissant des tests ADN).

Le programme de l’Union européenne en matière de droits de l’enfant 2011-2014, présenté au Parlement européen le 12 février 2011, propose un plan de 11 actions 3. L’un des points développés par ce programme concerne la nécessité « d’adapter le système judiciaire aux enfants en Europe. C’est un domaine d’une grande importance pratique, dans lequel l’UE est compétente, en vertu des traités, pour traduire les droits de l’enfant dans la réalité à l’aide de sa législation. »

L’Union européenne évoque ici que « lorsque des enfants sont confrontés à des systèmes judiciaires qui ne leur sont pas adaptés, il arrive que leurs droits fassent l’objet de diverses restrictions ou violations. Les enfants peuvent rencontrer des obstacles au niveau de leur représentation en justice et de leur audition par les juges. De même, il arrive que les informations dont les enfants et leurs représentants ont besoin pour exercer leurs droits ou défendre leurs intérêts dans le cadre de procédures judiciaires soient inadaptées. Il se peut que les enfants soient traités comme des adultes, sans que des garanties spécifiques leur soient accordées en fonction de leurs besoins ou de leur vulnérabilité, et qu’ils vivent cette situation avec difficulté.

L’accès effectif à la justice et la participation effective aux procédures administratives et judiciaires sont deux conditions fondamentales pour assurer un niveau de protection élevé des intérêts légitimes des enfants. » En réponse, l’Union européenne comme le Conseil de l’Europe insistent, dans leurs différentes publications, sur la nécessité d’assurer à l’enfant la désignation rapide d’un tuteur ou d’un représentant.

On peut citer comme exemple de réalisation européenne pouvant intéresser les praticiens en France concerne particulièrement cette question du « tuteur » (dans les pratiques françaises, il s’agit plutôt de l’administrateur ad hoc), s’agissant en particulier d’enfants victimes de traite, le manuel La tutelle des enfants privés de soins parentaux réalisé par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA, 2014).

S’appuyant sur une comparaison des rôles de « représentant » de l’enfant ou de « tuteur » dans les différents textes européens, et reconnaissant les cadres nationaux très différents dans lesquels s’exerce le mandat de tuteur, l’Agence des droits fondamentaux inscrit cette fonction au cœur de quatre principes : le meilleur intérêt de l’enfant ; le droit de l’enfant à être entendu ; le droit à la vie et au développement ; et la non-discrimination. Le tuteur accompagne l’enfant dans ses interactions avec son environnement et avec les institutions.

Le rapport insiste particulièrement sur les standards professionnels pour les tuteurs. Si certains cadres réglementaires nationaux permettent à des volontaires d’être tuteurs, la sélection de ces derniers doit néanmoins obéir à des procédures rigoureuses. Une information sur leurs rôles et compétences doit être faite aux enfants d’une manière qui puisse être comprise.

Le rapport fait également état de pratiques prometteuses : notamment la base de données finlandaise « Find-a-Guardian » permettant de recenser toutes les personnes habilitées à être tuteurs, ou les pratiques de la Croix-Rouge belge s’agissant de la formation des tuteurs.

3  Programme de l’Union européenne en matière de droits de l’enfant, communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 15 février 2011, pour la période 2001-2014, COM(2011) 60 final. Une nouvelle stratégie n’a pas été proposée pour la période 2015-2020, mais la défense des droits de l’enfant est intégrée au plan d’action en faveur des droits de l’homme et de la démocratie 2015-2019 et l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne collabore régulièrement avec le Conseil de l’Europe dans le cadre de sa stratégie pour les droits de l’enfant 2016-2021 (Conseil de l’Europe, 2016).

Il prévoit aussi une liste des actions, groupées par thème, qu’un tuteur peut entreprendre et rappelle les recommandations européennes quant au caractère intégré que doivent avoir les politiques en direction de l’enfance, et la large place qui doit être faite à l’écoute de l’expression de l’enfant. Il rappelle également les recommandations européennes sur l’importance de rendre transversales les politiques de l’enfance. Il recommande aussi des accompagnements spécifiques lors de l’accession à la majorité, pour garantir l’orientation idoine du jeune vers les services compétents et, enfin, il promeut l’identification de la meilleure solution pour l’enfant, celle qui correspond le plus à ses souhaits et à son intérêt, notamment s’agissant du pays dans lequel une solution durable doit être trouvée.

2.2. Le projet de vie pour les mineurs non accompagnés

Le Conseil de l’Europe propose lui aussi des outils visant à soutenir les professionnels de terrain, en particulier dans le cadre de l’application de la recommandation CM/Rec(2007)9 du Comité des ministres des États membres.

Étape par étape, des conseils méthodologiques détaillés sont donnés dans le document Projets de vie pour des mineurs migrants non accompagnés : manuel à l’usage des professionnels de terrain rédigé par Louise Drammeh, dans le cadre du programme « Mise en œuvre des projets de vie en faveur de mineurs migrants non accompagnés au niveau national (2008-2010) », financé par les contributions volontaires de la principauté d’Andorre, de la Belgique (région wallonne), de la France, et avec le soutien de l’Italie. De la construction de la relation avec l’enfant à l’élaboration, puis au suivi, et à l’éventuelle révision, de ses projets de vie, la figure 1, page suivante, récapitule tous les aspects de la mise en œuvre pratique de cet outil, étape par étape :

Tout projet de vie repose sur une approche globale, intégrée et pluridisciplinaire, et doit être fondé sur une approche systémique (selon les termes mêmes de la recommandation). Ce projet de vie tente de déterminer avec l’enfant, objectif par objectif, ce qui peut être fait et quelles collaborations seraient à solliciter, en des termes qu’il peut comprendre et avec des possibilités de repli en cas d’échec (voir figure 2 page suivante).

Des initiatives nationales, repérées dans le cadre d’études sur des exemples européens, vont également dans ce sens. Le Réseau européen des migrations (REM) présente dans son étude ciblée de 2014 les plans personnalisés proposés par la Finlande aux MNA demandeurs de la protection internationale : « En Finlande, la mise en œuvre de différents plans personnalisés pour les MIE permet de pallier les difficultés éventuelles auxquelles ils sont confrontés. Élaborés de concert avec l’enfant conformément à l’article 12 de la Cide des Nations unies, ces plans comprennent :

- un plan établi par un travailleur social pour l’ensemble des MIE demandeurs d’asile dans l’hébergement, en tenant compte de la situation du mineur et de l’assistance dont il a besoin. Le plan client définit dans les grandes lignes les outils et les mesures visant à améliorer la situation du mineur ;

- un plan de prise en charge et d’éducation parachevant le plan client. Élaboré par un conseiller assigné au sein de l’hébergement, il transpose en actions quotidiennes concrètes les outils et mesures évoqués précédemment ;

Figure 1 : les étapes de réalisation du projet de vie (Drammeh, 2010, p. 25)

Figure 2 : un exemple de travail sur les objectifs (Drammeh, 2010, p. 37)

- un plan de prise en charge et d’éducation est également mis en place dans l’hébergement pour les MIE bénéficiant de la protection internationale. Il est mis à jour tous les trois mois et constitue un outil de concertation sur le soutien personnalisé à apporter au mineur ;

- enfin, un plan d’acquisition de l’autonomie est élaboré au moment où les MIE bénéficiant de la protection internationale atteignent leur majorité. Sports, activités de loisirs, cours particuliers et soutien à l’assiduité scolaire sont proposés dans le cadre de ce plan.

Conjointement avec l’ancien MIE bénéficiaire de la protection internationale, l’Agence pour l’emploi et le développement économique et/ou la municipalité établissent également un plan d’intégration comprenant une formation à la réinsertion, ainsi que d’autres mesures et services favorisant l’intégration, l’emploi et l’inclusion sociale. » 4 Signalons enfin que la « relocalisation » des MNA, rendue possible dans le cadre du règlement de Dublin III et du programme européen de relocalisation d’urgence, fait l’objet d’un travail spécifique par les services éducatifs de plusieurs pays membres 5. Ce travail d’accompagnement s’adapte aux parcours des enfants, selon que ces derniers s’apprêtent à retourner volontairement dans leur pays d’origine ou que leur projet migratoire se poursuive dans un autre État membre, au regard des accords européens en termes de politique migratoire. Cependant, le Réseau européen des migrations appelle à la plus grande vigilance et prudence dans le suivi de ces

« relocalisations », afin de s’assurer que l’intérêt de l’enfant est bien respecté et qu’un tuteur ou responsable légal est en capacité de l’accueillir dans de bonnes conditions dans le pays de relocalisation.