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Articulations des relations entre les juridictions, la préfecture et le département pour accompagner la sortie du dispositif de protection

de l’enfance

Le parquet a très peu de visibilité sur la sortie du dispositif puisque c’est le juge des enfants qui clôt le dossier d’assistance éducative. Le parquet se situe vraiment au stade initial de la saisine.

On peut suivre s’il y a des difficultés particulières, si l’on doit assister le juge des enfants ou prendre des réquisitions particulières dans le cadre de l’assistance éducative. On vise également la décision de clôture. J’ai souvent des demandes de l’Ofpra ou de la préfecture pour formuler des demandes d’asile au titre de la minorité, alors qu’en parallèle le juge des enfants saisi a clôturé la procédure car le retour de l’expertise d’âge osseux écarte la minorité… C’est un exemple concret des prémisses du décloisonnement des institutions car, alors qu’auparavant nous n’arrivions pas à croiser les données, en parvenant à présent à des croisements d’identité, le parquet peut répondre à la préfecture par un refus de désigner un administrateur ad hoc, en motivant cela par le fait qu’il ne considère pas le jeune comme mineur à un stade parallèle d’investigation. Il faut veiller à une évaluation croisée en permanence.

Ce n’est pas parce que le juge des enfants a été saisi que le parquet n’a plus à croiser les données. Ces obstacles sont tout de même majeurs et dépassent celui de la détermination de la minorité. Je construis les outils de référence de tous les acteurs de manière empirique, mais il faudrait un outil « clé en main ».

Par ailleurs si nous avons beaucoup progressé en termes de détermination de la minorité au stade de la première instance, en revanche au stade de la cour d’appel nous n’avons pas la même visibilité et les mêmes éléments d’appréciation. Pour le parquet, les papiers d’identité ne doivent pas fonder la minorité en première instance (il existe des falsifications régulières et cela ne doit pas justifier d’écarter systématiquement la minorité). À nous de détecter d’expérience et par des regards spécialisés d’évaluateurs la possible minorité.

L’enjeu consiste désormais à harmoniser les pratiques sur l’ensemble du territoire national. À Paris, nous n’avons pas attendu la circulaire de janvier 2016 3 pour fluidifier les relations entre la préfecture, l’ASE et la Justice. Le parquet a une politique partenariale quotidienne, avec des personnes identifiées aux différents stades de la prise en charge. Il existe des protocoles sur chaque thématique. Pour les MNA, il y a une superposition de protocoles : le protocole relatif aux familles à la rue, aux mendiants qui organise les compétences entre la préfecture, l’ASE, les associations et le parquet au moment du signalement ; la convention interministérielle relative à la protection des femmes victimes de la traite ; le partenariat développé avec les associations en matière de prostitution (domaine où, à l’inverse, les jeunes dissimulent leur minorité). De même, nous avons développé un partenariat avec les UMJ de l’Hôtel-Dieu. La cheffe de service expose régulièrement aux partenaires (police et département) les moyens dont elle dispose pour détecter la minorité, afin de parvenir à une meilleure compréhension des examens physiologiques.

Il ne faut pas que les circuits de communication reposent sur les personnes ou sur les seules institutions. Pour éviter cela, nous avons mis en place des boîtes courriel structurelles dédiées.

Nous avons également des « fiches réflexes » au parquet qui décrivent le dispositif en interaction avec les autres institutions. Il faut cependant veiller à ce que les protocoles ne figent pas les choses – il faut savoir s’adapter en fonction des origines des jeunes, de l’évolution des flux migratoires en cours d’’année.

Le parquet a par ailleurs entrepris un dialogue constructif avec le barreau parisien et l’antenne des mineurs, en particulier le pôle des mineurs isolés étrangers, afin de rendre plus fluide la transmission des décisions judiciaires de mise à l’abri. Le rôle des avocats spécialisés et des administrateurs ad hoc est ici primordial pour la coordination des démarches du MNA.

Une difficulté majeure persiste : une fois un jeune orienté en application des décisions de la cellule de répartition, la situation nous échappe et peut faire l’objet d’une nouvelle évaluation par un autre département.

Les jeunes risquent ainsi d’être considérés comme majeurs dans un autre département les accueillant, et devront revenir à Paris où il faudra tout recommencer. Il faudrait que l’on ait au moins communication en temps réel de ces process réactualisés, afin que le parquet initialement saisi puisse réagir (ou pas). À terme, il faudrait homogénéiser les pratiques d’évaluation dans l’intérêt des mineurs. Je serais extrêmement curieuse de savoir quelles sont les pratiques à Calais pour repérer les mineurs. Je crois qu’il faut s’appuyer sur des expériences qui marchent, connaître les raisons qui ont permis une adhésion à une prise en charge, et par la suite systématiser les modes opératoires ayant permis aux institutions d’arriver à cette

3  Circulaire interministérielle du 25 janvier 2016 relative à la mobilisation des services de l’État auprès des conseils départementaux concernant les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et personnes se présentant comme tels.

adhésion, mais cela se construit encore de manière très artisanale.

Par ailleurs, l’évaluation poussée des besoins des MNA (et non plus de l’isolement et de la minorité) ne peut se faire qu’avec leur adhésion à une prise en charge pérenne et doit venir compléter l’évaluation initiale du Semna, aussi bonne soit-elle.

LA SPÉCIFICITÉ DES MINEURS ISOLÉS ÉTRANGERS