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Ce ne sont là que quelques exemples mais ils attestent la singularité et la richesse du patrimoine rhônal pin (Les services de l’État en préfecture de région Auvergne-Rhône-Alpes,2015).

LE PATRIMOINE BÂTI EN PISÉ

Le patrimoine bâti en pise, conjugue harmonieusement les nombreuses facettes du pa- trimoine avec une étonnante diversité des constructions en terre, œuvres de bâtisseurs locaux et témoins d’un art de bâtir qui remonte à la nuit des temps et perdure dans de nombreux pays du monde.

La région Auvergne-Rhône-Alpes est l’une des régions les plus riches d’Europe en construc- tion en terre. L’essentiel de ce bâti date du 18ème, 19ème et du début du 20ème siècle. La

technique de construction en pisé fut abandonnée au profit de l’utilisation en masse du béton. Depuis la fin des années 1970, la construction en terre fait l’objet de recherches, de formations, de chantiers qui constituent des étapes décisives dans la valorisation et réutilisation du matériau.

- On ne construit pas en pisé avec n’importe quelle terre. La nature du sol de la région, d’origine glacière et alluvionnaire invita les paysans d’hier à l’utiliser sous forme de pisé. Cette terre rouge, peu organique, composée d’un peu d’argile et de li- mons, riche en sables et en graviers, se travaillait, dit-on, au printemps ou automne, lorsqu’elle était “en sève“.

L’EXEMPLE DE LA TERRE A PISÉ DU NORD DU DÉPARTEMENT DE L’ISÈRE

Le patrimoine architectural en pisé du Nord Isère est l’un des plus divers et riche en expressions architecturales remarquables de la culture planétaire du pisé. Il constitue l’un des traits domi- nant du paysage aménagé par l’homme (Hubert Guillaud, 2006). Par leur volumétrie, leur couleur et leur texture des murs, les bâtiments en pisé se fondent admirablement dans les paysages du territoire. Ce patrimoine est une représentation de l’identité de la région.

La terre à pisé, c’est une matière naturellement élaborée par la nature avant d’être transformée par l’homme en matériau de construction. Les terres, les sols, sont composés d’un ensemble de grains de tailles diverses, qui proviennent de la désagréga- tion et de l’altération des roches. Leurs structures et solidité dépendent en partie des fractions respectives des grains qui les constituent.

Les dépôts d’origine glaciere, autour des Alpes, forment d’excel- lentes terres à pisé : ce sont de véritables « bétons d’argile » prêts à l’emploi.

L’exceptionnel patrimoine du Nord Dauphiné témoigne des qua- lités naturelles de la terre locale où les habitations tradition- nelles sont quasi exclusivement en pisé.

« En effet, la terre est un

véritable béton naturel,

dans lesquel les autres

grains sont agglomérés par

l’argile. » (Fontaine et An-

ger, 2009)

Les phénomènes de ségrégation granu- laire ne sont pas spécifiques à la mani- pulation des grains par l’homme. Avant lui, sur des échelles de temps géolo- gique, la nature a déplacé cailloux, graviers, sables, silts et argiles. De cette manière, elle trie plus ou moins les grains et les classe par catégorie de taille. La diversité granulométrique des terres en est la conséquence. Les glaciers, les cours d’eau et le vent sont les principaux agents de transport des particules.

LES GLACIERS

Le transport des grains par les glaciers est caractérisé par un déplacement lent et peu sé- lectif des particules. Les sédiments ainsi formés, appelés moraines, présentent des tailles très diverses, allant de la particule argileuse au bloc de plusieurs mètres, en passant par des sables d’une grande diversité granulométrique. On dit de ce type de dépôt hétéro- gène qu’il est mal trié, ou encore fortement polydispersé. Quant aux sols qui résultent de l’altération des moraines, ils présentent une gamme très étendue de taille de grains, des cailloux aux argiles, en proportion équilibrée. A moins qu’elles ne soient tamisées, ces terres avec leurs gros cailloux, ne sont pas adaptées aux techniques plastiques où la terre est mise en forme à la main. A l’inverse, de tels mélanges sont très souvent propices à la confection d’excellents pisés (Fontaine et Anger, 2009).

LES COURS D’EAU

Dans le cours d’eau, les grains sont triés en fonction de leur taille et de la force du courant. Les cailloux et les graviers restent au fond du lit de la rivière tandis que les sables fins, les silts et les argiles sont facilement transportés sur des longues distances. De cette ségréga- tion naissent de grands dépôts limoneux (silteux) aux abords des grands fleuves, là où le courant ralentit. Les terres obtenues sont un mélange de sables, de silts et d’argiles.

GÉOLOGIE

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Les grands massifs montagneux comme Belledonne ou l’Oisans sont constitués de roches cristallines métamor- phiques (gneiss et granit) avec des alternances de calcaire du jurassique inférieur.

Les Préalpes – Vercors et Chartreuse – sont constituées de sédiments du secondaire et notamment du crétacé (Ugo- nien).

Dans le Bas-Dauphiné, des bancs de grès du tertiaire (la molasse) sont recouverts de dépôts morainiques. Ces dé- pôts glaciaires sont aussi à l’origine de la terre à pisé. Le plateau de Crémieu est un ensemble de calcaires ap- partenant au Jura.

(Scaratto, Rideaud et Monzies, 1985).

- La terre est damée à l’aide d’un “pison“ – aujourd’hui fouloir pneumatique – en couches successives épaisses d’environ 20 cm à l’intérieur d’un coffrage en bois formé de deux banches. Immédiatement décoffrées, les « banchées“ se suivent pour former le périmètre du bâtiment puis se superposent en plusieurs “tours de banchées“ élevant les murs.

À noter

Se référer à la par- tie 2.a de ce docu- ment : « le pisé comme technique construc- tive » et « histoire et évolution de la tech- nique dans la région »

- Le charpentier était le seul ouvrier spécialisé qui livrait les murs et la toiture. Il véri- fiait tout au long du chantier la solidité des murs qui devaient porter le poids de la charpente. Il perçait et étayait les ouvertures. Autrefois, la construction d’une mai- son appelait l’entraide des voisins et amis du propriétaire qui leur rendait le même service.

- « Une bonne paire

de bottes et un bon chapeau », ce dicton

britannique illustre bien à quelles conditions une maison en terre peut défier les siècles : un soubassement de pierres, ou de galets roulés ou de concret aujourd’hui, doit former une barrière efficace contre l’humidité du sol et un toit à larges dé- bords la protègera de la pluie.

- L’inertie des murs épais en pisé (entre 40 et 60 cm) et leur faible conductivité de la chaleur ou du froid permettent à ces maisons d’amortir les écarts de température et les rendent très confortables en toute saison.

Fait d’un élément naturel qui est directement mis en œuvre, le mur en pisé “res- pire“. Le recouvrir d’un enduit trop rigide et imperméable (ciment) cause de graves détériorations.

Construire en terre n’engendre aucune pollution et constitue une méthode alterna- tive respectueuse de notre environnement. En cela il s’affirme comme un matériau d’avenir (Elisabeth Boivin, 2003).

HISTOIRE ET ÉVOLUTION DE LA TECHNIQUE DANS LA RÉGION

En Rhône-Alpes, c’est en effet le procédé de la construction de pisé qui traduit l’évolution pleinement maîtrisée de la culture constructive traditionnelle du territoire, depuis des temps anciens. Un territoire offrant une terre faite d’argile, de silts, de sables et de graviers, dont les caractéristiques minérales la rendent propice à être compactée dans des coffrages, à son état d’humidité naturelle pour constituer un véritable béton (Hubert Guillaud, 2006). Le terme pisé apparaît en France en 1562 à Lyon, du latin pi(n)sare devenu piser, c’est-à- dire broyer, piler. Comme technique constructive, il semble être venu du Moyen-Orient par le Maghreb et l’Espagne (Claude Royer, 1979).

La construction en pisé, dans la région du Dauphiné, a été largement employée jusqu’à la fin des années 40, ce qui explique que plus de 80% du patrimoine rural de la région soit en pisé. Le Nord de l’Isère témoigne d’une des plus belles traditions mondiales des architec- tures de pisé déclinées en habitats paysans et ouvriers, en immeubles d’habitation urbains, en maisons bourgeoises et châteaux, en chapelles et églises, en bâtiments de mairies- écoles, ou encore en sheds industriels.

Malheureusement les savoir-faire de la construction en pisé ont quasiment disparu. D’une part, parce que les charpentiers, détenteurs de cette culture constructive, ont été particu- lièrement décimés dans les tranchées lors de la Première Guerre mondiale, et d’autre part, parce qu’après la Deuxième Guerre mondiale ; les maçons ont été formés aux pratiques dominantes du béton de ciment par les centres de formation professionnelle du bâtiment. Ainsi, la tradition du pisé a-t-elle rapidement décliné en trois décennies. Mais elle nous laisse en témoignage un remarquable patrimoine architectural, expression d’une véritable culture de bâtisseurs (Le Tiec et Paccoud, 2006).

«  … le patrimoine en