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Excitations des électrons : coefficient de Sommerfeld et singularité

2.2 Contributions à la chaleur spécifique

2.2.2 Excitations des électrons : coefficient de Sommerfeld et singularité

T ΘD 3 =βT3. (2.10)

Ainsi, ce modèle appelé "modèle de Debye" montre que la capacité thermique des phonons aux plus basses températures a un comportement cubique en température. À température finie, l’intégrale de l’équation (2.8) n’est plus constante en température, ce qui donne lieu à des termes correctifs d’ordres supérieurs à la capacité thermique des phonons, qui devient Cph =βT3+δT5+δ0T7+ · · ·.

2.2.2 Excitations des électrons : coefficient de Sommerfeld et singularité de van Hove

Nous allons maintenant détailler une autre contribution importante à la chaleur spécifique, celle des électrons. La majorité des métaux sont bien décrits par la théorie du liquide de Fermi, dans laquelle la masse des électrons est renormalisée pour tenir compte des interactions qui ne sont pas traitées dans le modèle des électrons libres. Nous allons brièvement rappeler le développement de Sommerfeld qui montre que la chaleur spécifique électronique dépend exclusivement de la structure de bandes.

Contribution des électrons de la surface de Fermi

Dans le formalisme du liquide de Fermi, le nombre et l’énergie interne des électrons peuvent être déterminés par les intégrales suivantes :

N= Z +∞ 0 f(E)g(E)dE et U= Z +∞ 0 E f(E)g(E)dE, (2.11) où f(E) = h1+e(Eµ)/kBTi1

est la distribution de Fermi-Dirac (FD) qui traduit la probabilité d’occupation d’un état électronique, g(E)est la densité d’états électroniques

et µ le potentiel chimique. Alors que le nombre total d’électrons N dans le système est indépendant de la température, l’énergie totale, elle, n’est pas fixée. En utilisant la conservation du nombre d’électrons et en séparant les intégrales en dessous et au-dessus du niveau de Fermi EF, on peut déterminer la variation d’énergie entre T et T=0 :

U(T) −U(T=0) = Z EF 0 (EF−E)(1− f(E))g(E)dE+ Z +∞ EF (E−EF)f(E)g(E)dE, (2.12) qui traduit la diminution de la population des états électroniques en dessous du niveau de Fermi, au profit d’états plus énergétiques situés au-dessus du niveau de Fermi.

La chaleur spécifique électronique est ensuite obtenue par dérivation de cette va-riation d’énergie par rapport à la température. Ici, la dépendance en température de l’énergie est contenue dans la distribution de FD (à basse température, on suppose le potentiel chimique constant et égal à EF) :

Cel = dU dT = Z +∞ 0 (E−EF)d f(E) dT g(E)dE. (2.13)

En procédant au changement de variable x= (E−EF)/kBT et comme la dérivée de la distribution de FD est très piquée autour du niveau de Fermi, on peut sortir la densité d’états électroniques de l’intégrale en prenant sa valeur au niveau de Fermi g(EF)(ceci

est uniquement justifié lorsque g(E)ne présente pas de singularité autour du niveau de

Fermi, nous verrons quelles sont les conséquences lorsque ce n’est pas le cas). Après dérivation de la distribution de FD, on obtient :

Cel ' g(EF)k2BT

Z +∞ −TF/T

x2ex

(ex+1)2dx, (2.14)

avec TF= EF/kBla température de Fermi, qui est généralement de l’ordre de 104K, une valeur bien plus élevée que la température de fusion de la majorité des métaux. Pour les températures qui nous intéressent, à savoir les températures cryogéniques, l’approxima-tion TF/T→∞ est plus que raisonnable. Sous cette approximation, l’intégrale prend la valeur π2/3 et la chaleur spécifique électronique prend la forme finale :

Cel =g(EF)(πkB)

2

3 T=γT, (2.15)

où le coefficient Sommerfeld γ= g(EF)(πkB)2

3 est directement proportionnel à la densité d’états électroniques au niveau de Fermi.

En 3D, la densité d’états électroniques dépend de la densité (volumique)des électrons ainsi que de leur masse effective. Dans le cas de matériaux dont la dispersion électronique est 2D comme les cuprates, la densité d’états électroniques dépend uniquement de la masse effective des électrons et du volume de la maille unité. Dans ce cas, le coefficient de Sommerfeld est donné par la relation suivante, qui exprime la chaleur spécifique électronique par mole de maille unité :

γ=m×a×b× π NAk

2 B

3¯h2 , (2.16)

ce qui fait de la chaleur spécifique une mesure directe de la masse effective des élec-trons. Lorsque la surface de Fermi d’un système est composée de plusieurs poches, chacune contribue à la chaleur spécifique électronique en fonction de sa masse effective, le coefficient de Sommerfeld est la somme de toutes ces contributions :

γ=a×b× π NAk 2 B 3¯h2

i mi. (2.17)

Faisons un point sur la notation utilisée plus tard durant cette thèse : γ est définie comme la constante vers laquelle tend Cel/T à T→0 dans un état métallique décrit par le développement présenté ci-dessus. Nous allons voir par la suite que dans certains cas, Cel/T peut acquérir une dépendance en température et ne pas tendre vers une valeur finie quand T→0 et par conséquent la définition de γ n’a plus de sens. Nous utiliserons seulement la notation γ pour décrire les comportements métalliques de Cel/T. Dans les nombreux cas où nous noterons une déviation au comportement métallique associée à une dépendance en température de Cel/T, nous utiliserons la notation γ0pour décrire le terme constant de Cel/T.

Nous allons maintenant voir comment le comportement de Cel/T peut être modifié lorsque la densité d’états électroniques présente un comportement singulier autour du niveau de Fermi, au voisinage de ce que l’on appelle un point de van Hove.

Singularité de van Hove

Nous venons de voir que la chaleur spécifique électronique ne dépend que de la densité d’états électroniques au niveau de Fermi g(EF)et qu’en 2D, g(EF)ne dépend

que des paramètres cristallins et de la masse effective des électrons. Au voisinage de certains points, la densité d’états électroniques, définie comme l’intégrale sur le contour d’isoénergie g(E) ∼ R

SE

dS

|∇E(k)|, peut avoir un comportement singulier si le gradient

|∇E(k)|s’annule pour des valeurs particulières d’énergie.

Ces singularités sont appelées singularités de van Hove ou van Hove singularities (vHs). À l’approche de EvHs, la densité d’états électroniques augmente fortement. En trois dimensions, elle varie en racine de la proximité au point de van Hove g(E) ∝ p

| (1−E/EvHs)|[103] et en deux dimensions elle diverge logarithmiquement g(E)∝

|ln(1−E/EvHs)|[103]. Ainsi autour de EvHs, l’hypothèse d’une densité d’états

électro-niques qui varie peu avec l’énergie, qui sous-tend le développement de Sommerfeld n’est plus valide. Cet effet induit également une dépendance en température (non triviale) de la chaleur spécifique électronique Cel/T∝−ln(T)[103].

a) b)

F i g u r e 2.1Évolution de la densité d’états électroniques et du coefficient de Sommerfeld en fonction du dopage à une singularité de van Hove, dans Eu-LSCO et LSCO, où les points de van Hove sont respectivement à p0.20 et0.23. a) Comparaison entre la divergence logarithmique aux points de van Hove obtenue avec une dispersion purement 2D (traits pointillés) et le plateau observé lorsque la structure de bandes avec dispersion en z (3D) mesurée en ARPES est prise en compte. b) Effet du temps de vie ¯h/τ des quasi-particules sur la singularité de van Hove 3D de LSCO, la diminution du temps de vie des quasi-particules étale la dépendance en dopage de la singularité de van Hove. Figures issues de la référence [38].

Il est important de noter que les signatures d’un PCQ (que nous allons voir dans la section2.2.5) peuvent être similaires à celles d’une vHs en 2D, à savoir une divergence logarithmique de Cel/T en fonction de la température et du dopage. Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent avec la Fig.1.5, la SF des cuprates passe d’une poche de trous centrée en M à une poche d’électrons centrée en Γ pour un dopage pvHs qui correspond à un point de van Hove. Cela va compliquer l’interprétation des résultats, puisqu’il sera a priori possible d’attribuer une dépendance en température de la chaleur spécifique, potentiellement causée par la présence d’un PCQ, à la présence d’une vHs.

En réalité, la dispersion des porteurs de charge des cuprates n’est pas parfaitement 2D : leur SF est un cylindre dont la section est modulée selon l’axe ckz. À cause de cette

dispersion en z, les tranches de la SF à différentes valeurs de kz vont passer le point de van Hove pour des valeurs de dopages différentes. La SF sera purement de type électron pour tout kz pour les dopages au-dessus de peet purement de type trou en dessous de ph. Entre ces deux dopages, la vHs aura lieu pour des valeurs de kzdifférentes, ce qui aura pour effet de transformer la divergence de la densité d’états électroniques en un plateau de largeur pe−ph, représenté sur la Fig.2.1a).

De plus, les quasi-particules qui forment la SF ne sont pas parfaitement définies, i.e. elles possèdent un temps de vie τ fini. Si les quasi-particules étaient parfaitement définies (1/τ=0), la vHs prendrait la forme que nous venons de présenter et la densité d’états électroniques divergerait. Comme elles ne le sont pas, l’incertitude sur leur énergie, donnée par la relation de Heisenberg ∆E∼ ¯h/τ, étale la vHs sur une gamme d’énergie ∆E, ce qui remplace la divergence de la densité d’états électroniques par une fonction plus étalée, comme le montre la Fig.2.1b).

Ces deux phénomènes ont également un impact sur la dépendance en température de Cel/T induite par la vHs. La présence de ces deux échelles d’énergies : ¯h/τ associée au temps de vie des quasi-particules et de la dispersion tz, va introduire deux températures de coupure en dessous desquelles la dépendance anormale de Cel/T cesse et retrouve un comportement métallique standard.

En prenant en compte ces deux effets, il est donc possible de distinguer les signatures d’une vHs de celles d’un PCQ, que nous allons présenter à la fin de ce chapitre.