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4.2 Dans le composé LSCO

4.2.5 Dépendance en dopage et discussion

Les Fig.4.13et4.14montrent l’évolution de la chaleur spécifique électronique de LSCO à 2 K, après soustraction de la contribution des phonons et de l’anomalie de Schottky. Nous les utiliserons afin de comparer nos résultats avec ceux de la littérature que nous avons présentés dans la Fig.4.8, puis pour discuter de la contribution de la vHs. Nous vérifierons que cette singularité, qui doit être localisée à un dopage voisin de p?, ne peut être à l’origine du comportement de la chaleur spécifique observé en fonction du dopage et de la température. Une fois la contribution de la vHs écartée, nous discuterons du scénario de criticalité quantique, en mettant en évidence les similarités de nos résultats sur LSCO avec ceux de notre précédente étude sur Nd-LSCO et Eu-LSCO. Enfin, nous discuterons des différences entre ces deux études.

Comparaison avec la littérature

La Fig.4.13a) compare nos résultats avec ceux de la littérature montrés en Fig.4.8. Premièrement, nos résultats sont en très bon accord avec les mesures effectuées dans les échantillons de LSCO non supraconducteurs à bas et forts dopages [119,120,30]. Pour les dopages intermédiaires, nos mesures à hauts champs confirment les résultats des références [66,127] déterminés dans Zn-LSCO et au-dessus de Tc, qui suggèrent des valeurs de l’ordre de∼15 mJ/mol K2pour p=0.20−0.25. Cependant, les valeurs déterminées par Loram et al. [126] au-dessus de Tc sont deux fois plus faibles que celles que nous mesurons dans l’état normal à basse température. Les valeurs plus élevées que nous obtenons pour p=0.22−0.25 par rapport à Zn-LSCO s’expliquent très facilement par la prise en compte du terme en ln(T)additionnel dans notre estimation

0 5 10 15 20 0 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 0.3 0.35 0.4 C el / T (m J/m ol.K 2 ) p Komiya et al. Wang et al. Nakamae et al. Momono et al. Loram et al. Matsuzaki et al. Cel/T à T > Tc Zn-LSCO NS LSCO C el/T à 2 K a) 0 5 10 15 20 0 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 0.3 0.35 0.4 Gamma 0.04t Gamma 0.28t

Komiya Gamma (mJ/mole.K2) Wang Gamma (0) (mJ/mole.K2) Nakamae Gamma (mJ/mole.K2) Ce/T (2K) smooth LSCO C el / T (m J/m ol.K 2 ) p 2D 3D 0.04 t 0.28 t b)

F i g u r e 4.13Comparaison de la dépendance en dopage de la chaleur spécifique élec-tronique Cel/T à 2 K de nos sept échantillons avec : a) les données de la littérature, telles qu’illustrées en Fig.4.8; b) les mesures de LSCO non supra-conducteurs [119,120,30], comparées aux prédictions de la singularité de van Hove obtenue avec les paramètres de bandes mesurés en ARPES, dans le cas d’une dispersion parfaitement 2D (bleu), en prenant en compte la dispersion en z (violet) et avec différents temps de vie des quasi-particules (rose et violet) [38].

de la chaleur spécifique électronique, contrairement aux autres études qui supposent Cel/T indépendante de la température.

Singularité de van Hove

Le point de van Hove de LSCO est situé à un dopage pvHs ≈ 0.20 [124,125] très proche de p?. On s’attend donc à observer une augmentation de la chaleur spécifique électronique au voisinage de pvHs, due à la proximité au point de van Hove, comme nous l’avons vu dans la section2.2.2. La contribution à la chaleur spécifique de la singularité de van Hove dans LSCO, déterminée dans la référence [38] à partir des paramètres de bandes mesurés en ARPES, est représentée Fig.4.13b). Si l’on prend en compte une dispersion parfaitement 2D, la vHs entraîne un pic à pvHs≈0.20 beaucoup trop étroit pour décrire nos données.

En prenant en compte la dispersion selon l’axe z, quantifiée par τz =13 mev [38], le pic se transforme en un plateau étendu de p = 0.18 à pvHs ≈ 0.20, dont la valeur maximale∼10 mJ/mol K2est bien inférieure aux valeurs que nous reportons. De plus, l’échelle de température associée à τz est de l’ordre de 150 K, une température bien plus élevée que celle de nos mesures. Cela veut dire que le comportement de la chaleur spécifique électronique Cel/T∼ln(T0/T)ne peut pas être expliqué par la proximité au

point de van Hove (la dépendance en température est coupée en dessous de l’échelle d’énergie correspondant à τz, comme nous l’avons vu dans la section2.2.2).

Nous montrons également sur la Fig. 4.13 b) l’élargissement de la contribution de la vHs dû au temps de vie fini des quasi-particules, pour les valeurs particulières déterminées par la résistivité résiduelle dans Nd-LSCO (¯h/τ = 0.04t) et Zn-LSCO

(¯h/τ = 0.28t). Le temps de vie des quasi-particules dans LSCO est a priori plus long que dans Zn-LSCO, puisqu’il n’y a pas d’impuretés de zinc. Ainsi, la contribution de la singularité de van Hove dans LSCO doit se situer entre le cas de Zn-LSCO ¯h/τ=0.04t et le cas 3D idéal ¯h/τ =0. Malgré cette différence de temps de vie, nous observons un comportement très similaire de Cel/T avec le dopage dans Zn-LSCO et LSCO.

Nous concluons que la vHs ne permet dans aucun des cas d’expliquer le comporte-ment en dopage de Cel/T dans LSCO. De plus, l’échelle de température associée à la dispersion hors des plans entraîne une dépendance en température de Cel/T seulement au-dessus de la centaine de kelvins, ce qui est incompatible avec l’observation d’une dépendance en température de Cel/T pour les températures inférieures à 10 K que nous reportons. Cela suggère donc qu’un autre mécanisme est responsable des fortes valeurs de la chaleur spécifique électronique autour de p=0.22−0.25 et de sa dépendance en température logarithmique.

Point critique quantique à p?

La Fig. 4.14 a) compare les valeurs de Cel/T à 2 K en fonction du dopage dans LSCO à hauts champs avec celles de Nd-LSCO et Eu-LSCO à 8 T. On remarque que le comportement de Cel/T en fonction du dopage est très similaire entre ces deux familles : à bas dopage, sa valeur est faible et augmente avec le dopage, puis présente un minimum aux alentours de p = 0.12, où l’ordre de charge est présent. À forts dopages, Cel/T semble tendre vers la valeur 5−7 mJ/mol K2"universelle" également observée dans Tl2201 [121,27].

Aux dopages intermédiaires, nous avions observé dans Nd-LSCO et Eu-LSCO un pic marqué à p? =0.23±0.01, que nous avons interprété comme une signature du PCQ de la phase pseudogap. Dans LSCO, la dépendance en dopage de Cel/T semble plus large, notamment si l’on suppose que les résultats de Zn-LSCO [66] sont représentatifs de ceux de l’état normal de LSCO.

En effet, si l’on compare les valeurs de Cel/T dans Nd-LSCO de part et d’autre de p?, on remarque qu’à p=0.20, Cel/T∼9 mJ/mol K2et à p=0.27, Cel/T∼11 mJ/mol K2, alors qu’elle vaut 17 mJ/mol K2 à p? = 0.23±0.01. Autrement dit, Cel/T baisse très rapidement de part et d’autre de p?. Dans LSCO, nous n’avons pas étudié d’échantillons aussi proches de p?car les champs critiques deviennent trop élevés et nous ne sommes pas en mesure de dire si les valeurs de Cel/T augmentent davantage autour de p? =

0.195±0.025, ou s’il existe un plateau autour de 0.19−0.26 comme ce qui est observé dans Zn-LSCO [66]. Si les valeurs de Cel/T chutent aussi rapidement de part et d’autre de p? dans LSCO que dans Nd-LSCO, alors Cel/T devrait piquer à une valeur bien plus élevée que 17 mJ/mol K2à p?. Si Cel/T ne forme pas un pic à p?comme dans Nd-LSCO et Eu-LSCO mais un plateau comme dans Zn-LSCO, alors il est difficile d’expliquer les données du point de vue de la criticalité quantique, puisque dans la limite T → 0, la chaleur spécifique est censée diverger au PCQ.

Si l’on compare la dépendance en température de Cel/T de LSCO avec celles de Nd-LSCO et Eu-LSCO (illustrées en Fig.4.3), ce que nous faisons sur la Fig.4.12, nous remarquons que le comportement logarithmique de Cel/T∼ B ln(T0/T)est quasiment

identique pour les trois dopages p = 0.22, 0.24 et 0.25 et très similaire à celui des échantillons à p = 0.24 de Nd-LSCO et Eu-LSCO, avec des valeurs de B de l’ordre

0 5 10 15 20 0 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 0.3 0.35 0.4

Wang Gamma (0) (mJ/mole.K2) Nakamae Gamma (mJ/mole.K2) Loram Gamma (mJ/mole.K2)

Matsuzaki Gamma Supra (mJ/mole.K2) Matsuzaki Gamma Normal (mJ/mole.K2) Ce/T (2K) smooth LSCO C el /T (mJ/mol.K 2 ) p 200 150 100 50 0 T (K) b) 0 5 10 15 20 0 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 0.3 0.35 0.4

smooth Nd-Eu LSCO2K

smooth LSCO

Nd-2K Nd Power 10K Eu-2K

Nakamae Gamma (mJ/mole.K2)

Wang Gamma (0) (mJ/mole.K2) Komiya Gamma (mJ/mole.K2) Ce/T (2K) C el / T (mJ/mol.K 2 ) p LSCO Nd-LSCO Eu-LSCO T = 2 K a)

F i g u r e 4.14Comparaison de la dépendance en dopage de la chaleur spécifique électro-nique Cel/T à 2 K de nos sept échantillons de LSCO avec : a) les valeurs de Cel/T à 2 K dans Nd-LSCO et Eu-LSCO issues de l’étude précédente [6] ; b) avec les mesures de LSCO non supraconducteur [119,120,30] et l’évolution en température (axe de droite) et dopage du coefficient de la résistivité en fonction de la température (code couleur : rouge ρT, bleu ρT2) dans l’état normal [58].

de 1.5−3 mJ/mol K2. Dans l’hypothèse d’un PCQ, des valeurs de B identiques sont attendues pour une même classe d’universalité [112]. Dans Nd-LSCO et Eu-LSCO, le comportement logarithmique de Cel/T est observé uniquement sur une petite gamme de dopage à p?±0.02. Nos mesures suggèrent donc que le comportement observé à p? dans Nd-LSCO et Eu-LSCO est présent sur une gamme étendue de dopages au-dessus de p?dans LSCO.

Dans la théorie des PCQ, la zone où les effets de la criticalité quantique sont visibles représente un cône dans le diagramme de phase température - dopage situé au-dessus du point critique quantique, comme le montre la Fig.2.4. Le comportement de la chaleur spécifique rappelle une particularité du transport dans LSCO présentée dans la référence [58]. Celle-ci rapporte que la résistivité linéaire, qui est une signature de la criticalité quantique en transport [111], est observée dans LSCO dans un cône au-dessus p?comme attendu au voisinage d’un PCQ à p?, mais également sur une gamme de dopage étendue p=0.19−0.28 à basse température, appelée zone de criticalité quantique "anormale", et représentée dans la Fig.4.14b).

Cette région de criticalité quantique "anormale" dans LSCO s’avère être similaire à celle où se situe le large maximum de Cel/T dans Zn-LSCO [66], visible en Fig.4.13, et à celle pour laquelle nous reportons des valeurs élevées de Cel/T pour p> p?. Ces fortes valeurs, accompagnées par une dépendance logarithmique en température, comme l’illustre la Fig.4.14b), semblent être en accord avec la présence d’une zone de criticalité quantique étendue dans LSCO. L’origine de cette criticalité quantique reste indéfinie mais suggère, d’après la référence [58], qu’il pourrait exister un second paramètre de contrôle, comme le champ magnétique, et que le PCQ pourrait se situer sur ce nouvel axe du diagramme de phase.

Dans LSCO, il existe un verre AF non commensurable qui perdure à basse température jusqu’à un dopage p≈0.14 [130], bien plus élevé que celui pour lequel de l’ordre AF disparaît. Cet état de spin est favorisé par l’application de champ magnétique [131], qui augmente sa température d’apparition et son extension en dopage jusqu’à une valeur maximale égale à p?, d’après une récente étude de RMN et d’ultrasons [128]. Ces observations font écho à la proposition théorique de la référence [132], présentée dans la section1.3.2, qui suggère qu’il n’y aurait pas de PCQ directement associé à la disparition de la phase pseudogap à p?, mais un PCQ associé à la destruction d’un ordre de spin, qui coïnciderait avec p?en l’absence de supraconductivité.

Il serait donc possible que le comportement que nous observons soit lié à la présence d’un PCQ associé à un ordre magnétique et non un effet direct pseudogap. La présence d’un PCQ dépendant du champ magnétique pourrait jouer un rôle dans l’apparition d’une large gamme de dopage avec un comportement de type critique quantique. Nos mesures suggèrent cependant que le comportement critique quantique est présent au-dessus de p?, ce qui est difficile à associer avec la présence du verre AF si ce dernier est limité aux dopages inférieurs à p?. Ces observations restent fondamentales, car si l’extension maximale en dopage du verre AF est limitée par p?, cela suggère qu’il est étroitement lié à la physique du pseudogap.

4.2.6 Résumé

Pour conclure, nous avons mesuré la chaleur spécifique de sept échantillons de LSCO sur une large gamme de dopage autour du dopage critique du pseudogap p? =0.195±

0.025. L’application de forts champs magnétiques jusqu’à 35 T nous a permis de détruire la supraconductivité dans tous nos échantillons à l’exception de deux dans lesquels nous nous sommes approchés de l’état normal. Nos résultats mettent en évidence une gamme de dopage p=0.22−0.25 sur laquelle la chaleur spécifique électronique varie en ln(T)comme dans Nd-LSCO et Eu-LSCO, et confirment la dépendance en dopage de

la chaleur spécifique électronique précédemment reportée pour des échantillons non supraconducteurs de Zn-LSCO. Le manque d’échantillons au voisinage de p? où les champs critiques ne sont pas atteignables nous empêche de déterminer si la chaleur spécifique électronique présente un pic étroit à ce dopage où si elle prend la forme d’un plateau, comme le suggèrent les mesures sur Zn-LSCO. Nos mesures montrent donc qu’un comportement critique quantique est présent dans LSCO où la phase pseudogap prend fin, mais nous ne sommes pas en mesure de déterminer si ce comportement est dû à un unique point critique quantique à p?ou à une large zone de criticalité quantique anormale, précédemment observée en transport électrique.