• Aucun résultat trouvé

4.2 Dans le composé LSCO

4.2.3 Dépendance en champ magnétique

Nous allons commencer par présenter l’évolution de la chaleur spécifique en fonction du champ magnétique, qui a permis de mettre en évidence une anomalie de Schottky hyperfine et de vérifier la suppression de la supraconductivité dans la majorité de nos échantillons.

Anomalie de Schottky hyperfine

Tout d’abord, nous allons présenter les résultats des mesures de la dépendance en champ magnétique de la chaleur spécifique dans LSCO25, le premier échantillon que nous avons mesuré en3He jusqu’à 18 T. La chaleur spécifique de l’échantillon LSCO25, après soustraction de la contribution des phonons (déterminée dans la section suivante) est représentée en Fig.4.9. On observe déjà une chaleur spécifique résiduelle en champ nul importante de l’ordre de 12 mJ/mol K2. Pour les trois températures étudiées : 0.55, 1.1 et 2.2 K, nous observons à bas champ (H <5 T) l’augmentation de la chaleur spécifique en

H caractéristique de l’état mixte d’un supraconducteur de type d (voir équation (2.23)).

10 15 20 25 30 0 50 100 150 200 250 300 350 (C-C ph )/ T (m J/m ol.K 2 ) µ02H2 (T2) 0.55 K 1.1 K 2.2 K C Sch/T ~ H2/T3 H c2 ~ 15 T p = 0.25

F i g u r e 4.9Dépendance en champ magnétique de la chaleur spécifique de LSCO p=0.25 après soustraction de la contribution des phonons, à 0.55 K, 1.1 K et 2.2 K (cercles pleins et traits épais) en fonction du carré du champ magnétique. Les lignes en pointillés représentent les contributions d’une anomalie de Schottky décrite par Chyp/T=4.5×10−3H2/T3, plus une constante permettant de décrire aux mieux les données à hauts champs magnétiques aux différentes températures.

À 0.55 K et 1.1 K, la chaleur spécifique ne sature pas à plus hauts champs au-delà de Hc2comme on l’attendrait après la destruction de la supraconductivité, au contraire, elle augmente de plus en plus rapidement. Cette augmentation forte et monotone de la chaleur spécifique à basse température est généralement l’indication de la présence d’une anomalie de Schottky hyperfine. Au-dessus de 10 T à 0.55 K, l’augmentation de la chaleur spécifique est bien décrite par Chyp/T= AH2/T3, comme le montre la ligne en pointillés sur la Fig.4.9. Comme attendu pour une anomalie de Schottky hyperfine, la simple variation de la température dans l’équation de Chyppermet aussi d’expliquer raisonnablement la partie H>10 T des courbes à 1.1 K et 2.2 K. À 1.1 K, l’anomalie de Schottky montre une augmentation visible mais moins marquée qu’à 0.55 K tandis qu’à 2.2 K, celle-ci est quasiment négligeable.

La présence de cette anomalie de Schottky hyperfine est confirmée par la dépendance en température de la chaleur spécifique dans le même échantillon à 18 T, tracée en Fig.4.11, qui montre une forte remontée à basse température (en dessous de 2 K) qui est également décrite par AH2/T3.

Le coefficient A de l’anomalie de Schottky qui permet d’expliquer les dépendances en champ magnétique vaut environ 3−5×103mJ K/mol T2

, tandis que celui extrait à partir de la dépendance en température vaut 5−6×103mJ K/mol T2, ce qui confirme l’origine commune des deux anomalies observées dans la dépendance en température et champ magnétique de la chaleur spécifique. Il est difficile de déterminer exactement la

valeur de A car nous ne connaissons pas a priori le comportement des autres contributions à la chaleur spécifique, notamment celle de la supraconductivité pour la dépendance en champ et celle de la remontée au-dessus de 2 K (dont nous parlerons juste après) dans la dépendance en température.

Dans Nd-LSCO et Eu-LSCO, nous avions observé une anomalie de Schottky avec une dépendance en champ magnétique et en température similaire (voir Fig.4.2), avec un coefficient comparable A=4−7×103mJ K/mol T2. La présence d’une telle anomalie de Schottky hyperfine dans les trois cuprates au lanthane semble donc être une propriété intrinsèque à ces composés.

Dans le seul autre échantillon que nous avons mesuré en3He, LSCO12, nous obser-vons une anomalie de Schottky similaire dans sa dépendance en température en dessous de 2 K, visible dans la Fig.4.11.

En utilisant la loi déterminée ci-dessus, nous pouvons estimer l’ordre de grandeur de la contribution de l’anomalie de Schottky pour les différents champs et températures de mesures de notre étude, afin de déterminer la région sur laquelle elle est négligeable. Ces estimations sont visibles dans le Tab.4.2.

H (T) Chyp/T à 0.5 K à 1 K à 2 K

8 2 0.2 0.03

18 10 1 0.2

32 32 4 0.5

35 39 5 0.6

Ta b l e 4.2 Valeurs approchées de la contribution de Chyp/T = 4×10−3H2/T3 en mJ/mol K2.

Dans Nd-LSCO et Eu-LSCO, les valeurs de Cel/T que nous avons obtenues sont de l’ordre de 3−22 mJ/mol K2. En dessous de 10 K, la contribution des phonons est inférieure à 20 mJ/mol K2, tandis que la contribution de l’anomalie de Schottky à 8 T est inférieure à 10 mJ/mol K2 au-dessus de 0.3 K. Ainsi, de 0.3 K à 10 K, la chaleur spécifique électronique constitue une part importante, voire dominante de la chaleur spécifique totale, ce qui a permis de justifier notre processus de soustraction de la chaleur spécifique des phonons et de l’anomalie de Schottky. Si l’une de ces contributions avait été beaucoup plus élevée que celle des électrons, des variations relatives de Chypet Cph entre les échantillons auraient fortement affecté la valeur de Celobtenue par soustraction. C’est la raison pour laquelle nous nous étions limités aux mesures à 8 T en3He.

Comme les champs critiques supérieurs de LSCO sont plus élevés, la contribution de l’anomalie de Schottky dans l’état normal à forts champs est bien supérieure à celles mesurées dans Nd-LSCO et Eu-LSCO. Comme le montre le Tab.4.2, Chypserait similaire à Cel à 0.5 K pour un champ de 18 T, mais beaucoup plus élevée au-delà de 30 T (en utilisant les valeurs Cel de la littérature), valeurs typiques des champs auxquels nous avons effectué nos mesures. À 1 K, l’anomalie de Schottky serait de l’ordre de grandeur de la chaleur spécifique électronique et elle deviendrait quasiment négligeable pour les températures au-dessus de 2 K.

Par conséquent, nous avons choisi de concentrer notre étude sur la gamme de tem-pérature au-dessus de 2 K pour toutes les mesures effectuées dans les bobines résistives (H >18 T), puisque l’anomalie de Schottky devient dominante pour les températures inférieures.

Supraconductivité

Même si la contribution de l’anomalie de Schottky croit sous champ et limite la gamme de température sur laquelle nous pouvons extraire Cel, il est nécessaire d’ap-pliquer un champ magnétique supérieur à Hc2afin de supprimer la supraconductivité. Comme nous l’avons vu, l’anomalie de Schottky est quasiment négligeable au-dessus de 2 K jusqu’à 35 T lorsque la chaleur spécifique électronique est de l’ordre de plusieurs mJ/mol K2(nous vérifierons que c’est bien le cas). Nous pouvons ainsi déterminer si la saturation de la chaleur spécifique à Hc2est atteinte en observant la dépendance en champ magnétique de la chaleur spécifique à T≈2.2 K, illustrée en Fig.4.10qui montre nos cinq échantillons supraconducteurs.

On observe clairement la saturation de la chaleur spécifique des échantillons LSCO24 et LSCO25 respectivement à 25±2 T et 15±2 T. La chaleur spécifique de LSCO12 semble saturer à 19±2 T, puis continuer d’augmenter légèrement au-delà, ce qui s’explique par la contribution de l’anomalie de Schottky. Après soustraction de cette contribution (en accord avec la dépendance en température montrée dans la Fig.4.11), on observe que la chaleur spécifique électronique sature bien pour 19±2 T. Nous devrions a priori observer une faible augmentation similaire pour LSCO24, ce que nous ne voyons pas.

0 5 10 15 20 0 10 20 30 40 50

C/T LSCO 25% 2.2K (mJ/mol.K2) -phonons (0.67) -0.7 LSCO 25% 2.2K -0.7-phonons (0.67)

LSCO 24% 2.3K (mJ/mol.K2) (-0.6) -phonons (0.9)

LSCO 22% 2.1K (mJ/mol.K2) - phonons (0.67) LSCO 14% - ph (mJ/molK2)

LSCO 12% 2.16K - ph - Sch (mJ/mol.K2) LSCO 12% 2.16K - ph (mJ/mol.K2) LSCO 14% - ph (mJ/molK2) step

(C-C ph )/ T (m J/m ol.K 2 ) µ 0H (T) p = 0.12 0.14 0.22 0.24 0.25 T = 2.2 K

F i g u r e 4.10Dépendance en champ magnétique de la chaleur spécifique de nos échan-tillons de LSCO supraconducteurs à 2.2 K, après soustraction de la contri-bution des phonons et de l’anomalie de Schottky pour p=0.12 (les cercles ouverts représentent les données avant soustraction de Chyp/T). Les flèches indiquent les champs de saturation de la chaleur spécifique aux dopages respectifs et les zones de couleurs représentent les champs magnétiques pour lesquels la chaleur spécifique est supposée saturer (d’après la référence [128]), ainsi que la variation minimale et maximale de la chaleur spécifique à la saturation.

La chaleur spécifique des deux dopages les plus proches du dopage optimal, p=

0.145 et p=0.22 ne montrent pas de saturation jusqu’à 35 T. Les champs de saturation pour LSCO12, LSCO24 et LSCO25 sont en accord avec les limites basses des estimations de Hc2obtenues par mesures de transport et compilées dans la référence [128] (bien plus faibles que celles prédites par la référence [129]). Si celles-ci sont également valables pour LSCO14 et LSCO22, on s’attend respectivement à des champs critiques de l’ordre de 35−48 T et 34−45 T, ce qui semble être en accord avec l’aplatissement de la courbe de LSCO22, qui suggère que Hc2est légèrement plus élevé que 35 T. Sur la Fig.4.10, nous avons reporté les gammes de champs supposées contenir Hc2[128]. Si l’on extrapole linéairement la chaleur spécifique sur cette gamme de champ, on obtient une estimation à la hausse (car en réalité la relation C(H)s’aplatit lorsque l’on s’approche de la saturation)

de la chaleur spécifique électronique manquante, de l’ordre de 1.5 mJ/mol K2 pour LSCO14 et 0.8 mJ/mol K2 pour LSCO22. Cela fixe une borne haute pour la chaleur spécifique dans l’état normal à ces deux dopages, ainsi que nos barres d’erreur sur leur détermination.