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CHAPITRE 3 Sédimentation Holocène dans le Lac de Shkodra

D. Etude de la carotte SK19

5. Evolution de la texture sédimentaire

Dans cette partie, nous allons étudier les variations de la texture sédimentaire telle qu’elle peut être décrite par la microgranulométrie laser. Nous avons mesuré les valeurs des paramètres granulométriques sur sédiment total, sans décarbonatation ni retrait de la matière organique. En effet, l’observation par microscopie optique révèle que la fraction carbonatée est composée de micrite et de grains plus grossiers (carbonates détritiques et coquilles) analysables en terme de dynamique de dépôt. Concernant la matière organique, nous avons identifié deux niveaux particulièrement riches en matière organique par observation visuelle, avec la perte au feu et la spectrocolorimétrie. L’observation optique par frottis de ce niveau révèle que les quelques particules des fractions terrigènes et carbonatées présentes dans ces niveaux sont des particules de petite taille (< 63 microns) dispersées dans les éléments végétaux.

Les figures 3.32 et 3.33 présentent l’évolution des paramètres que nous avons défini dans le chapitre 2.

Figure 3.32 : Evolution des proportions en particules de taille argileuse, silteuse et sableuse en fonction de la profondeur dans la carotte SK19.

a. Résultats

Les variations de la valeur du grain moyen permet de découper la carotte en 4 grandes unités (A, B, C

et D, figures 3.32 et 3.33).

La première unité s’étend entre 4,6 m et la base de la carotte. C’est une unité caractérisée par une granularité fine, avec une taille moyenne de grain de 4 µm, un mode et une médiane inférieures à 10 µm, un classement mauvais, compris entre 2,5 et 3,5 et une asymétrie inférieure à 1. Les particules argileuses représentent plus de 50% de l’ensemble, elles décroissent de 60% à la base jusque 44% au sommet de l’unité. Les silts passent de 33% à 53%. Les particules de la taille des sables représentent moins de 5%, mais avec un Q99 dont les valeurs maximales atteignent 300 µm.

L’unité B remonte jusque la profondeur de 4,1 m. C’est une unité dont la principale caractéristique est la présence de deux niveaux à granularité grossière (4,5 m et 4,2 m). Ces grains grossiers ne représentent pas l’arrivée de matériel détritique grossier, mais correspond aux niveaux riches en

matière organique que nous n’avons pas traité à l’H2O2.

Le grain moyen de l’unité C est de l’ordre de 35 µm. Le mode fluctue à haute fréquence entre 10 et 50

µm alors que la médiane évolue peu (25 µm). Les valeurs de classement sont relativement stables -entre 2,5 et 3,5- avec les valeurs les plus fortes comprises -entre 3,35 et 2,20 m. Les valeurs d’asymétrie varient peu, elles sont de l’ordre de 1. Les silts représentent plus de 60% de l’ensemble des particules, ils augmentent légèrement et progressivement de la base de l’unité à son sommet, mais présentent des diminutions importantes de leur proportion aux profondeurs 3,2 m, 2,9 m, 2,7 m et 2,3 m. Les argiles décroissent légèrement de 25% à 20% à partir de 2,5 m de profondeur avec des pics à 3,4 m, 2,7 m et 2,3 m. Les sables décroissent de 20% à 0% entre 4,1 m et 3,4 m puis remontent pour représenter environ 20% de l’ensemble des grains. Des pics de sable sont identifiables aux niveaux où les proportions de silt diminuent.

Figure 3.33 : Evolution des paramètres de texture sédimentaire de la carotte SK19 en fonction de la profondeur. Evolution of textural parameters in SK19 core.

La dernière unité présente des valeurs de grain moyen de l’ordre de 20µm avec des valeurs plus importantes à 1,9 m, 80 cm, 60 cm (40 µm) et sont plus faibles sur les 20 premiers centimètres de la carotte. Entre 1,65 m et 1 m, les valeurs de mode et de médiane varient peu alors que le classement passe de 2,5 à 3 avec un pic à 3,5 vers 1,2 m de profondeur. L’asymétrie a une valeur de 1, mais descend à 0,8 à 1,75 m. Entre 1 m et le sommet de la carotte, le mode fluctue de manière notable entre 10 et 100 µm. Le classement varie entre 3 et 3,7 sauf pour les 20 cm supérieurs où sa valeur est inférieure à 2,5. L’asymétrie décroît jusque 0,5 entre 1 m et 60 cm puis varie entre 0,8 et 1. La valeur de Q99 décroît de 200 µm à 100 µm.

La proportion d’argiles est de l’ordre 30 % mais avec deux niveaux plus appauvris à 1,4 m et 60 cm. Les silts sont majoritaires et représentent jusque 70% des grains au sommet de la carotte. La proportion de silts descend néanmoins sous les 60% aux profondeurs de 1,2 m, 1 m et 60 cm. Les sables représentent 10% des grains entre la base de l’unité et 20 cm de profondeur. Les sédiments les plus superficiels comprennent moins de 5% de particules sableuses. Dans le détail, on note 4 niveaux sableux à 1,2 m, 1 m, 60 cm et 40 cm de profondeur.

b. Interprétation

Les unités A et B ont déjà été décrites par les paramètres étudiés précédemment. L’unité basale A, carbonatée correspond à un environnement de faible énergie en comblement et où le détritisme augmente néanmoins (d’où la présence plus marquée des silts et sortable silts). Le comblement s’achève avec l’unité B tourbeuse, la matière organique perturbant les paramètres granulométriques. Le passage aux unités supérieures est brutal. L’évolution du grain moyen indique que l’unité C correspond à un milieu de plus haute énergie que dans l’unité sommitale. Les observations granulométriques et la susceptibilité magnétique sont parfaitement en accord.

Figure 3.34 : Diagramme de Passega (1964) pour les sédiments de la carotte SK19. Unité en cm. Passega diagram for SK19 sediments. Unit in cm.

Dans le diagramme de Passega (1964, figure 3.34), les unités sont relativement bien individualisées. Les sédiments de l’unité A sont regroupés dans la zone définie comme un environnement de dépôt

pélagique alors que les unités C et D sont dans la zone correspondant aux suspensions uniformes, indiquant la présence d’un courant permettant la mise en place des sédiments. Notre interprétation est en partie faussée car la matière organique qui compose l’unité B n’est pas détritique et le signal granulométrique ne reflète pas totalement une dynamique de dépôt. Les niveaux de cendre ne s’individualisent pas, cela témoignerait d’une (re-)distribution contrôlée par les processus hydrodynamiques du lac.

Dans les unités C et D, l’évolution des proportions de sables est associée en partie à la présence de niveaux coquilliers et du téphra le plus ancien et n’est pas reliée à des pics de susceptibilité magnétique. Au contraire, les pics de SM sont caractérisés par une augmentation soit des particules argileuses, soit une augmentation des silts. Les faibles augmentations de grain moyen dans ces grandes unités se traduisent par des augmentations notables du classement et parfois une association avec une très faible diminution des valeurs d’asymétrie indiquant une plus grande contribution des particules fines dans ces intervalles. Nous avons vu dans les carottes courtes que la moindre modification du régime hydrologique du lac entraîne une réponse du système. Nous émettons donc l’hypothèse que ces petites augmentations de la granulométrie soient liées à une diminution générale du niveau du lac, mais sans liaison avec les crues puisque elles ne sont pas associées aux pics de susceptibilité magnétique comme c’est le cas dans les carottes courtes (van Welden et al., 2008). La

carotte SK19 est située loin de la Morača et est donc peu susceptible d’enregistrer des excès d’érosion

ou d’apport grossier relayé par cette dernière. Néanmoins, le panache turbide riche en particules fines couvre tout le lac (Lasca et al., 1981). La zone étudiée ici est par contre directement soumise aux variations du niveau du lac et de l’entrée potentielle de la Drin en crue dans le lac. C’est le cas pour le Lac du Bourget (Alpes Françaises) où une partie du flux du Rhône se déverse dans le lac lors des crues majeures. Les crues sont caractérisées par une augmentation relative des particules argileuses ou silteuses.