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CHAPITRE 3 Sédimentation Holocène dans le Lac de Shkodra

E. Etude de la carotte SK13

1. Concentration magnétique, taux de carbonates et texture sédimentaire

La valeur moyenne de la susceptibilité magnétique est de 14.10-5 SI (e.g. figure 3.8). Cette valeur faible s’explique par une composition essentiellement carbonatées et argileuse. Si l’on considère que les minéraux argileux sont les porteurs du magnétisme, les variations de susceptibilité reflètent le détritisme. Nous avons vus précédemment que certains nivaux présentent de fortes susceptibilités liées aux niveaux de cendres volcaniques ; le magnétisme y est porté par la (titano-)magnétite.

Les niveaux de cendre sont présents aux profondeurs 2,8 m, 4 m, 5,1 m, 5,6 m, 6,7 m. Le « bruit de

fond » sédimentaire sur l’ensemble de la carotte est de 10.10-5 SI. Entre 2,3 m et le sommet de la carotte,

on observe une augmentation de la valeur de susceptibilité magnétique de 9.10-5 à 30.10-5 SI. Cette

augmentation est liée à une augmentation de la proportion relative des particules argileuses par

rapport aux carbonates et date de 1300 AD (650 BP) soit à peu près le début du Petit Age Glaciaire l.s.

L’augmentation de la valeur n’est pas constante indiquant des fluctuations dans les apports de particules argileuses au cours du temps. On observe un premier palier entre 1520 AD et 1620 AD (430 BP et 320 BP) puis la valeur de susceptibilité magnétique augmente à nouveau pour se stabiliser à 1680

AD à une valeur de 25-30.10-5 SI. Les fluctuations de SM sont faibles, mais on note néanmoins une

augmentation de l’apport détritique lors de l’installation de conditions climatiques plus froides.

b. Taux de carbonates

La valeur du taux de carbonates volumique de la carotte SK13 a été déterminée par décarbonatation directe dans la cuve du microgranulomètre laser, elle diminue logiquement dans les niveaux de cendre (figure 3.40). Ce taux de carbonates (téphras compris) est en moyenne de 43%. Entre la base de la carotte et 5,6 m de profondeur (3.5 ka cal. BP), le taux de carbonates est plus important (50%), il décroît ensuite à 40% entre 4.8 et 3.3 m (3 et 2 ka cal. BP. A 2,2 m de profondeur (1.1 ka cal. BP / 900 AD), le taux de carbonates est particulièrement important (61%), mais il descend progressivement pour atteindre 30% au sommet de la carotte.

c. Paramètres texturaux

Les paramètres texturaux (figure 3.40) ont été mesurés tous les centimètres dans la carotte SK13. En terme de taille de grain, ce sont les particules silteuses qui dominent (60%) puis les argiles (35-40 %), les sables représentant 0 à 5% de l’ensemble des particules. Par soustraction entre les pourcentages de classes granulométriques des sédiments totaux (bulk) et celles des sédiments décarbonatés, on peut étudier les enrichissements/appauvrissements relatifs en particules suite à la décarbonatation et donc estimer la taille particules carbonatées. Dans la carotte SK13 les particules magnétiques sont de taille variable (entre 6 µm et 120 µm) mais la décarbonatation dissous préférentiellement les particules entre 7 et 10 µm (silts fins).

Figure 3.40 : Evolution de la susceptibilité magnétique, du taux de carbonates et des paramètres texturaux de la carotte SK13 en fonction de la profondeur.

Bien que les divers paramètres n’évoluent pas avec de fortes amplitudes, nous proposons une différenciation de la carotte SK13 en 5 unités :

- L’unité A (base-4 ,2 m, 4,6-2,6 ka cal. BP/-630 AD) est caractérisée par des sédiments silto-argileux (95%) avec 5 % de sables. Hormis le niveau de sable volcanique, le grain moyen est de 13 µm, mode et médiane sont confondus à 7-8 µm, le classement est de l’ordre de 3 et l’asymétrie est proche de 1. Le percentile le plus grossier est de 200 µm.

- L’unité B est comprise entre 4,2 et 3,4 m de profondeur (2.1 ka cal. BP/-105 AD). Par rapport à l’unité A, cette unité est caractérisée par une augmentation de la proportion relative de silts (80%), ce qui se traduit par une augmentation du mode et de la médiane (10-12 µm), une augmentation de l’asymétrie (>1) et une diminution particulièrement visible du classement, une augmentation de l’asymétrie (>1) et une diminution particulièrement visible du classement (1.8-1.9). Les paramètres de grain moyen et de Q99 n’évoluent pas particulièrement.

- L’unité C est située entre 3,4 m et 2,4 m (1.3 ka cal. BP/660 AD) de profondeur. Dans cette unité, la proportion relative d’argiles est intermédiaire entraînant une augmentation de la valeur du classement (2,3). Entre 1,7 ka cal. BP et 1,3 ka cal. BP, divers auteurs mentionnent une période de forte pluviosité (Indiger, 1999, Wunsam et al., 1999).

- L’unité D est une petite unité de 20 cm d’épaisseur dans laquelle la proportion de sable diminue (moins de 3%) ainsi que le grain moyen, les paramètres de mode et de médiane. Le classement se détériore légèrement.

- L’unité E représente les 2.2 m (1.1 ka cal. BP/900 AD) supérieurs de la carotte SK13. Cette unité est caractérisée par une forte diminution de la proportion des silts et des sables en faveur des argiles. Elle s’accompagne d’une diminution du grain moyen, de la médiane et de Q99. Le mode et le classement augmentent tous deux faiblement. Cette période correspond à l’installation de la civilisation romaine dans le Nord de la Croatie (Schmidt et al., 2000). Dans la partie supérieure de cette unité (50 premiers centimètres soit depuis 1830 AD soit la période la plus froide du PAG), la taille des grains augmente de façon notable.

Ces différentes unités témoignent de légers changements dans la dynamique de dépôt. L’unité B illustre un dépôt dans des conditions de dépôt plus énergiques que dans l’unité A, alors que les sédiments de l’unité C se sont déposés dans un milieu d’énergie intermédiaire. L’unité D n’est que très peu différente des unités sous-jacente si ce n’est au niveau de l’homogénéité des valeurs du mode et de la médiane qui pourraient indiquer un processus de dépôt légèrement différent des autres unités. Enfin, l’unité sommitale témoigne d’une mise en place de sédiments dans des conditions de dépôt très calmes car quasi aucune particule de la taille des sables n’est apportée dans le centre du lac. Le changement de sédimentation vers un dépôt dans des conditions d’énergie plus faible (niveau lacustre plus haut) a débuté à 660 AD et le changement le plus important au niveau des proportions relatives de sables, silts et argiles est daté à 900 AD d’après notre modèle d’âge. Seuls les 50 centimètres sommitaux témoignent d’une augmentation de l’énergie de dépôt associée ici à une nouvelle baisse du niveau du lac (à partir de 1830 AD). Cette baisse de niveau pourrait donc être, au moins pour partie, d’origine climatique. Les autres variations granulométriques observées dans la carotte SK13 ne peuvent pas être corrélées à des événements climatiques. Les changements de la dynamique de sédimentation du lac pourraient donc être dues d’une part à des perturbations autocycliques de la dynamique fluviatile-lacustre avec des changements des profils d’équilibre des rivières Drin, Ziri et Buna. L’hypothèse de modifications morphologiques brutales (d’origine sismo-tectonique) peut être gardée en tête, mais les paramètres texturaux ne donnent pas d’arguments permettant d’infirmer ou confirmer cette hypothèse.