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CHAPITRE 3 Sédimentation Holocène dans le Lac de Shkodra

D. Etude de la carotte SK19

4. Approche spectrocolorimétrique : potentiel méthodologique pour l’étude des

Une mesure spectrocolorimétrique a été effectuée tous les 5 mm sur la carotte SK19. Nous avons dans

un premier temps étudié les variations de la réflectance (L*), qui est un paramètre pouvant être lié à

l’évolution du taux de carbonates (Balsam et al., 1999), a* (couleur « rouge-vert » de Hemke et al., 2002)

semble un paramètre intéressant pour caractériser la présence d’oxydes de fer et b* qui s’est révélé

comme potentiellement intéressant comme marqueur d’environnements anoxiques (Debret et al., 2006). Nous avons ensuite étudié les dérivées premières des variations. Comme nous l’avons vu dans le chapitre 2, cette méthode permet de mettre en évidence des longueurs d’ondes particulières, typiques d’enrichissements en matière organique (675 nm), oxydes (565 nm) etc…

La figure 3.30 illustre les variations des trois paramètres évoqués précédemment (L*, a* et b*) et

permet un découpage stratigraphique en 3 unités principales (A, B et C). L’unité basale A est

comprise entre 4,6 m et la base de la carotte. Elle est caractérisée par une diminution importante des paramètres spectrocolorimétriques, particulièrement dans les 60 derniers centimètres de la carotte

pour L* et b* (sous-unité 1, figure 3.30) alors que a* évolue peu. Dans la sous-unité 2, les trois

paramètres décroissent, mais on observe néanmoins une légère augmentation à 4,9 m.

L’unité B est comprise entre 4,2 m et 4,6 m, elle présente des fluctuations importantes du paramètre L*, une stabilisation de a* et la fin de la décroissance du paramètre b*.

L’unité C (figure 3.30) est caractérisée par la stabilité de L* au long de la carotte. a* et b* varient de

manière un peu plus importante entre 4,2 m et 70 cm. Dans la sous-unité 3 (70 premiers centimètres,

figure 3.30), a* et b* augmentent de manière remarquable.

Figure 3.30 Evolution des paramètre spectrocolorimétriques L*, a* et b* au long de la carotte SK19. Evolution of spectrophotometric parameters in SK19 core.

L* est un bon descripteur des faciès sédimentaires tels que nous les avons définis par observation directe de la carotte. La signature spectrale du mélange sédimentaire « fraction terrigène +carbonates » est caractérisée par un L* à 40 SI. Si l’on compare nos observations avec les résultats obtenus précédemment, on remarque que L* est influencé non seulement par le taux de carbonates mais également par la kaolinite et la matière organique (unité B). L* est bien corrélée avec les proportions d’argiles granulométriques et pourrait ainsi être considéré comme un indicateur (préliminaire) rapide de granulométrie pour les sédiments de Shkodra. a*, potentiellement représentatif des proportions d’oxydes de fer, présente des valeurs fortes à la base de la carotte fortement carbonatée et au sommet de la carotte où les valeurs de susceptibilité magnétiques augmentent fortement. Les deux niveaux de cendre, riches en titanomagnétite, ne présentent pas de signature spectrale particulière avec le paramètre a*. Dans la carotte SK19, b* (potentiel descripteur de milieu anoxiques) suit les mêmes tendances que le carbone inorganique.

Nous avons affiné nos observations en étudiant les variations des dérivées premières des spectres

(figure 3.31). Nous identifions des dérivées importantes, à λ=435 nm, 515 nm et 545 nm. La première

dérivée est représentative des carbonates et de la goethite (Balsam et al., 1999), les deux autres des oxydes de fer (s.l.). On observe une forte intensité de ces dérivées dans l’unité A, leur chute dans l’unité B et des valeurs intermédiaires dans l’unité C. Le spectre des dérivées premières met en

évidence dans l’unité A la présence d’oxydes et d’hydroxydes de fer (λ=495 à 575 nm) qui vient

corroborer les résultats d’aimantation de la carotte SK12. L’évolution en phase de ces trois dérivées tend à indiquer que, dans l’unité A, l’environnement de dépôt est tel que des carbonates précipitent avec des oxydes de fer. Nous nous sommes également intéressés à la dérivée à 675 nm, utilisée par Debret et al., (2006) comme proxy descripteur de taux de matière organique (figure 3.31). On remarque que, si les niveaux enrichis en matière organique sont effectivement caractérisés par une intensité importante de la dérivée première, les valeurs de cette même dérivée sont également très importantes dans l’unité C, où la MO est dispersée dans le sédiment avec les particules terrigènes et carbonatées. La base de la carotte, riche en carbonates et oxydes présente une intensité de la dérivée à 675 nm comparable à celle obtenue dans l’unité C. Ce résultat implique un taux de matière organique important dans cette unité qui n’est pas confirmé par la perte au feu.

Figure 3.31 : Evolution des dérivées premières à 435 nm, 515 nm, 545 nm et 675 nm et représentation de la totalité de leur spectre.

First derivative evolution for 435 nm, 515 nm, 545 nm and 675 nm wavelength and representation of the spectra.

En conclusion de cette approche de la sédimentation par spectrocolorimétrie nous pouvons faire plusieurs remarques :

Les paramètres de réflectance se révèlent d’utiles descripteurs des changements environnementaux car ils permettent de définir rapidement des unités dont les différences de faciès sédimentaire sont bien exprimés mais (et c’est peut être la caractéristique qui nous intéresse le plus) elle permet de

définir rapidement les transitions entre les différents faciès, i.e. des changements de dynamique de

sédimentation/(paléo-)environnements de dépôt.

Dans le cas de la carotte SK19, les changements d’un environnement de dépôt carbonaté au lacustre « moderne » en passant par une tourbification partielle du lac sont parfaitement mis en évidence. De même, la spectrocolorimétrie permet de mettre en évidence la présence d’oxydes particuliers tels l’hématite dans les sédiments de cette carotte, observation corroborée par l’étude des paramètres d’aimantation dans la carotte SK12. Le paramètre a* présente des variations particulièrement intéressantes, même si elles ne sont pas associables à un seul oxyde : a* est associé à des oxydes antiferromagnétiques (hématite) dans la partie basale de la carotte et suit les fluctuations de susceptibilité magnétique du premier mètre de sédiment. Néanmoins, pour le cas de Shkodra et de la carotte SK19, il est difficile d’utiliser simplement la spectrocolorimétrie du fait de la complexité de l’assemblage sédimentaire. L’unité basale est non seulement riche en carbonates, mais aussi en kaolinite, lesquels induisent une réflectance élevée et, par conséquent, la dérivée première à 435 nm ne peut pas caractériser uniquement le taux de carbonates. Les dérivées proches de 500 nm permettent de mettre en évidence la présence d’oxydes de fer, mais également de montrer que leur présence est quasi-permanente dans le sédiment.

La dérivée première à 635 nm, potentiellement marqueur de l’évolution du taux de matière organique n’est ici pas pleinement utile car elle ne suit pas l’évolution du taux de matière organique définie par perte au feu. Il est probable que la signature de cette dérivée à la base de la carotte soit faussée par la présence de micro-galets mous argileux qui viennent assombrir le sédiment.

Le paramètre L* et le spectre de dérivées premières semblent les plus riches en informations pour l’étude de cette carotte, mais la compréhension du signal de a* semble également prometteuse, notamment pour caractériser le détritisme.