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Evolution de la température du matériau après irradiation par une impulsion laser

PARTIE II – E XPERIENCES ET RESULTATS

5.3 Evolution de la température du matériau après irradiation par une impulsion laser

L’effet d’accumulation thermique en surface d’un matériau peut être décrit quantitativement de manière simple. L’augmentation de température, due à l’énergie thermique résiduelle associée à l’absorption de chaque impulsion, est supposée être instantanée. En effet, la durée des impulsions de quelques centaines de femtosecondes est significativement inférieure au temps de diffusion thermique, qui est supérieur à 0,1 µs [Eaton et al. 2005].

Pour estimer la température résiduelle de la surface, la dissipation de l’énergie thermique par conduction après l’absorption d’une impulsion laser, est déterminée en résolvant l’équation de la chaleur. Dans le cas d’un milieu isotrope et homogène, avec des coefficients thermodynamiques constants et sans source interne volumique, cette équation s’écrit :

, = . , (5.2)

avec , la température (en K), la conductivité thermique du matériau (en W.m-1.K-1), la masse volumique du matériau (en kg.m-3) et la capacité thermique massique (en J.kg-1.K-1). Les coefficients , et permettent de définir la diffusivité thermique (en m².s-1) par :

= . (5.3)

Dans les années 1950, N.N. Rykalin a développé et mis au point les solutions à l’équation de la conduction de chaleur, dans "Die Wärmegrundlagen des Schweißvorgangs" (VEB Verlag Technik, en 1957), pour décrire les procédés de soudage dans des corps semi-infinis et infinis [Radaj 1992]. Ces solutions peuvent également servir à étudier l’évolution temporelle et spatiale du champ de température après une irradiation laser par des impulsions courtes et ultracourtes. La durée des impulsions laser n’intervient pas dans les différentes équations de ce modèle.

Le type de solution qui nous intéresse se rapporte au cas où on considère que la géométrie de la source de chaleur est un point source stationnaire, induisant ainsi une conduction de chaleur en 3D dans une calotte sphérique (Fig. 5.2) [Weber et al. 2014].

Figure 5.2: Géométrie du point source de chaleur Q, qui induit une conduction thermique en 3D dans le matériau selon une demi-sphère.

On considère une quantité de chaleur ponctuelle Q présente au centre de la surface du solide semi-infini, et se propageant à partir d’un instant t = 0 dans les trois dimensions. Cette quantité Q correspond à l’énergie thermique résiduelle, ce qui en 3D correspond à = 2 = 2 . L’augmentation de la température ∆ , sur une distance R dans une direction arbitraire par rapport au point source, et à l’instant t s’écrit alors :

∆ = − = 2

4 (5.4)

avec la température initiale, et = + + ² où x, y et z sont les coordonnées spatiales de la zone considérée [Weber et al. 2014]. Nous considérons que les coordonnées x et y correspondent au diamètre de notre spot à la surface donc au diamètre du faisceau focalisé en surface donc à z = 0, et que la température initiale est la température ambiante, soit = 293 K. Weber et al. présentent des courbes d’évolution de la température de surface correspondant à l’équation (5.4) sur une surface d’acier inoxydable (CrNi-steel). Ils considèrent que l’énergie laser est déposée à la surface, donc que la chaleur résiduelle se trouve en x = y = z = 0, et ils présentent l’évolution de température pour deux valeurs d’énergies thermiques résiduelles de 0,1 et 1 µJ (Fig. 5.3).

Figure 5.3: Evolution de la température en surface du matériau (acier inoxydable) pour deux énergies thermiques Eth de 0,1 et 1 µJ. Les lignes horizontales représentent la température de vaporisation Tvap et

de fusion Tfus du matériau. Les double-flèches décrivent ce qui est considéré comme le temps de dissipation Δtth de l’énergie thermique au sein du matériau.

Au début du processus à t = 0, la température au point irradié présente une valeur non physique extrêmement élevée en surface sur une durée très courte, car le point source et la durée sur laquelle le matériau est soumis à l’énergie thermique résiduelle sont tous deux des données infinitésimales, comme le suppose le modèle de [Radaj 1992]. Malgré cette singularité, le point à noter est que l’augmentation de la température est plus importante avec une énergie incidente plus élevée.

Après une durée qui dépend de cette énergie incidente, la température de surface décroît pour atteindre la température de vaporisation , qui dans le cas d’un acier inoxydable est d’environ 2750°C soit 3023 K. A partir de cette valeur de température, le modèle est considéré comme valide. Cela nous permet d’avoir un ordre de grandeur du temps à partir duquel on peut suivre l’évolution de la température de surface.

L’autre température qui nous intéresse est la température de fusion de l’acier inoxydable, qui est d’environ 1440°C soit 1713 K. Cette valeur permet de définir la durée nécessaire pour que la température résiduelle de la surface décroisse jusqu’à cette température de fusion (Fig. 5.3). Au-delà de cette durée de dissipation de l’énergie thermique, que l’on note ∆ , on considère que la matière est à nouveau à l’état solide.

Utilisons ce modèle en faisant varier la quantité d’énergie participant à l’augmentation de la température de la surface. Pour avoir une première estimation de la dissipation de l’énergie

thermique au sein du matériau après une impulsion, nous faisons l’hypothèse que l’énergie thermique résiduelle est égale à la moitié de l’énergie des impulsions incidentes , autrement dit que la fraction vaut 0,5.

Ce choix de valeur pour est justifié par le fait qu’une certaine partie de l’énergie incidente de l’impulsion est réfléchie, selon le coefficient de réflexion du matériau pour une longueur d’onde donnée. La réflectivité du matériau dépend également du type de métal considéré et de sa rugosité initiale. Sa valeur n’est pas exactement connue dans le cas des échantillons d’acier inoxydable 316L utilisés dans ces travaux.

De manière générale, les mesures expérimentales de la réflectivité des matériaux donnent des valeurs comprises entre 50 % et 80 %, pour des surfaces polies dans le domaine du visible et du proche infra-rouge [Nayak & Gupta 2010 ; Vorobyev & Guo 2012, 2015]. Aussi, comme il s’agit surtout de donner des ordres de grandeur des quantités d’énergie mises en jeu pour augmenter la température de la surface, nous utilisons ce facteur de 0,5.

D’après les caractéristiques de notre source laser à fibre Ytterbium, il est possible d’atteindre des énergies par impulsion maximales de 150 µJ. Ainsi, en faisant varier la valeur de l’énergie de 1 à 150 µJ, on constate que la durée de dissipation ∆ de l’énergie thermique résiduelle est alors inférieure à la vingtaine de microsecondes en fonction de la quantité d’énergie résiduelle (Fig. 5.4). Ceci vérifie bien l’assertion qui stipule que la durée de relaxation de l’énergie incidente par couplage électron-phonon, d’une dizaine de picosecondes, est largement inférieure à la durée de diffusion thermique [Eaton et al. 2005 ; Valette 2004 ; Weber et al. 2014]. Cela reste valable même pour de très faibles valeurs d’énergie incidente, comme à 1 µJ.

Figure 5.4: Evolution de la température en surface d’acier inoxydable, pour des énergies par impulsion

Eimp allant de 1 à 150 µJ, afin de définir la durée de diffusion thermique Δtth.

Pour résumer, nous voyons qu’après irradiation d’une unique impulsion laser sur une surface d’acier inoxydable, la température de cette surface croît brutalement pour vaporiser une partie du matériau. Ensuite la température décroît et tend vers sa valeur initiale, sur une durée de quelques microsecondes. A partir de ce moment, nous pouvons considérer que la topographie de la surface s’est stabilisée après avoir subi des modifications de topographie liée à un début d’ablation.

Dans la suite, nous considérons l’irradiation par un train d’impulsions, dont le nombre est donné par le temps de tir dans un cas statique ou par le recouvrement des impacts dans un cas dynamique. Ces impulsions sont plus ou moins rapprochées dans le temps, et il convient de mettre

en relation le temps de relaxation de l’énergie thermique avec cette période temporelle entre chaque impulsion.