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B.2.1 Evolution de la profondeur lixiviée et des quantités d’espèces lixiviées

L’évolution de la profondeur lixiviée en fonction de la racine carrée du temps, est donnée ci-après (Figure III-36)

Figure III-36 : Evolution de la profondeur lixiviée en fonction de la racine carrée du temps pour la pâte de ciment dégradée

181 La proportionnalité entre l’épaisseur dégradée et la racine carrée du temps est la signature du caractère diffusif du processus de lixiviation. Pour ces essais, le coefficient de proportionnalité est de 0,24 mm/j 0.5. Des valeurs de 0,12 mm/j 0.5 et de 0,138 mm/j 0.5 sont respectivement obtenues par Adenot [Adenot, 1992] et Tognazzi [Tognazzi,1998] sur pâtes de ciment CEMI (E/C=0.4) également dégradées sous eau désionisée à pH=7. Leurs valeurs plus faibles sont la conséquence d’une diffusivité moins importante liée à une porosité initiale moins élevée. Il faut également tenir compte de leur potentiel d’attaque qui est moins agressif que le nôtre en raison de rapports S/V (surface exposée/volume de solution lixiviante) plus élevés (respectivement 8m-1 et 25 m-1). Les résultats précédents sont confirmés par l’évolution linéaire du flux de calcium lixivié par rapport à la racine carrée du temps (Figure III-37), avec un coefficient de proportionnalité (1,56 mol/m2/j0.5) supérieur à ceux mesurés par Adenot et Tognazzi (respectivement 1 et 0,6 mol/m2/j0.5).

Figure III-37 : Evolution du flux de calcium lixivié en fonction de la racine carrée du temps pour la pâte de ciment dégradée

182 Figure III-38 : Evolution des flux d’alcalins lixiviés en fonction de la racine carrée du temps pour

la pâte de ciment dégradée

Les alcalins sont initialement majoritairement présents dans la solution interstitielle mais peu dans la phase solide. Une fois relargués, ils ne sont pas renouvelés. Comme le montre la Figure III-38, le relarguage des alcalins se fait progressivement en suivant l’évolution de la dégradation. Ils semblent être totalement épuisés à partir de 120 j.

III.B.2.2 Evolutions de la microstructure et des propriétés de transfert sur la pâte de ciment lixiviée

III.B.2.2.1 Porosité accessible à l’eau et masse volumique sèche

Les évolutions de la porosité accessible à l’eau et de la masse volumique sèche de la pâte de ciment à l’issue de la dégradation, sont données dans le Tableau III-10 suivant :

183 Pâte saine Pâte lixiviée

Porosité (%) 45±0,10 70±0,90

Masse volumique sèche (kg/m3) 1451±1,00 844±0,02

Tableau III-10 : Evolutions de la porosité accessible à l’eau et de la masse volumique sèche à l’issue de la lixiviation

Des mesures de porosité accessible à l’eau sur pâtes de ciment CEMI (E/C = 0,3 et 0,5) soumises à différents taux de lixiviation (au nitrate d’ammonium), ont été faites par Carde [Carde, 1996] [Carde et François, 1998]. Leur objectif était d’évaluer l’influence du rapport E/C sur les résistances à la compression résiduelle de ces pâtes lixiviées. Différents diamètres d’éprouvettes (avec un élancement égal à 2), ont été testés pour vérifier si un effet de taille ne viendrait pas affecter les paramètres mesurés. Ceci n’a cependant pas été constaté par les auteurs. Nous rapportons dans le Tableau III-11 ci-après, les valeurs de porosité accessible à l’eau relevées sur éprouvettes saines et totalement dégradées, de rapport E/C=0,5.

Diamètre éprouvette (mm)

Porosité (%)

Pâte saine Pâte lixiviée

10 42,1 63,1

12 43 63,5

20 40 59,8

Tableau III-11 : Evolutions de la porosité accessible à l’eau obtenues par [Carde et François, 1998] lors d’essais de lixiviation au nitrate d’ammonium sur pâtes de ciment CEMI à E/C=0,5

Les porosités obtenues par Carde et François sur pâtes saines sont légèrement inférieures à la nôtre qui est de 45%. Nous n’avons pas plus d’informations concernant la structure poreuse de leurs matériaux mais il est possible que ce soit du à une quantité d’eau insuffisante, conséquence d’un effet de ressuage. Il en découle que les porosités mesurées sur pâtes lixiviées soient également un peu plus faibles que celle que nous obtenons (70%). Malgré ceci, la différence de porosité entre l’état sain et l’état dégradé reste assez proche : aux alentours de 20% pour Carde et François et 25% dans notre cas.

184 En utilisant les teneurs en hydrates dans la pâte saine calculées via l’approche proposée par Adenot [Adenot, 1992] (cf.Tableau III-5), nous devrions être en mesure de calculer les évolutions de porosité et de masse volumique sèche présentées dans le Tableau III-10. Ces évolutions correspondent normalement à une dissolution totale de la portlandite et des aluminates ainsi que des C-S-H. En considérant dans un premier temps, la dissolution totale de la portlandite, le volume total des vides passe de 0,435m3 à 0,555m3 ; ce qui signifie que la porosité passe de 43,5% à 55,5%. La masse volumique sèche diminue à 1230,36 kg/m3. Après la dissolution des aluminates (AFm et C3AH6), le volume des vides est de 0,705 m3 et

la masse volumique sèche devient 916,7 kg/m3. A ce stade, nous atteignons déjà la valeur de porosité accessible à l’eau déterminée expérimentalement. Qu’en est-il alors de la décalcification des C-S-H ? D’après Adenot et Aspart [Adenot et Aspart, 1998], cette décalcification entraîne l’ouverture d’une porosité extrêmement fine (< 3nm) qui demeure négligeable à l’égard de la microporosité et de la porosité capillaire existante. Cette approximation a été adoptée par les auteurs dans la modélisation du processus de lixiviation des matériaux cimentaires, reprise par [Tognazzi, 1998] et [Mainguy et al., 2000]. Par ailleurs, la diffusivité à travers cette porosité fine est faible et a donc peu d’effet sur le transfert ; son action sur la porosité et le transfert est négligé. Comme il a été relaté dans la synthèse bibliographique, des mesures de porosité accessible à l’eau ont été effectuées par Le Bellégo [Le Bellégo, 2001] sur 3 zones différentes de mortiers à base de CEMI (E/C=0,4) lixiviés au nitrate d’ammonium. La première zone est située dans la partie encore saine et présente une porosité de 18,2%. Les deux autres zones sont localisées dans la partie dégradée. Il s’agit respectivement de la zone dite de transition située immédiatement en aval de la partie saine du matériau dans laquelle seule la portlandite est dissoute, et de la zone présentant un état de dégradation avancé où la décalcification des autres phases hydratées a eu lieu. Au niveau de ces deux zones où les masses volumiques apparentes sont nettement différentes (2g/cm3 pour la zone de transition et 1,75g/cm3 pour la zone très décalcifiée), les porosités accessibles à l’eau sont au contraire identiques (33%). Le Bellégo en déduit que la dissolution partielle des C-S-H est responsable d’une augmentation de la porosité mais qui n’est pas forcément accessible à l’eau. Le raffinement de la porosité des C-S-H à l’issue de leur décalcification est en fait du à un effet de retrait qui devient particulièrement marqué au dessous d’un rapport Ca/Si de 1,2 [Chen et al., 2006]. 3 mécanismes sont évoqués par [Chen et al., 2006] pour expliquer ce phénomène de retrait dit de décalcification. Il s’agit de :

185  La polymérisation des chaînes silicates (condensation des groupes Si-OH en siloxane

Si-O-Si) suite au départ du calcium des C-S-H. Les liens siloxane formés viennent alors ponter deux régions ou surfaces adjcentes de C-S-H en les rapprochant davantage.

 La perte de cohésion et une mobilité accrue des C-S-H à l’issue du départ du calcium. Ceci engendre une possible réorganisation structurale de ces derniers en des morphologies plus denses.

 La décomposition des feuillets de CaO (Figure I-3) laissant place à du gel de silice qui se précipitent ou se polymérisent. Ceci se produit généralement lorsque le rapport Ca/Si est inférieur à 0,66. Cette polymérisation du gel de silice a été observée auparavant par [Hunt et Tomes, 1962] et [Swenson et Sereda, 1968] dans le cas de la carbonatation.

III.B.2.2.2 Porosimétrie au mercure

Les évolutions de la distribution de taille des pores de la pâte à l’issue de la lixiviation, d’après les essais de porosimétrie au mercure, sont données sur la Figure III-39. Précisons que pour une comparaison plus objective des courbes porosimétriques entre l’état sain et l’état dégradé, nous avons ramené le volume de mercure injecté dans la pâte lixiviée à la masse sèche de la pâte saine, les masses volumiques sèches étant connues (Tableau III-11). La montre l’apparition de 2 nouveaux modes dont les rayons d’accès sont respectivement localisés aux alentours de 20 et 125 nm. Il est tout à fait possible que le mode situé à 20 nm englobe celui situé initialement à 10 nm sur la pâte saine. Par contre, on voit clairement que le mode poreux associé aux pores des C-S-H centré sur environ 2 nm de rayon, n’a pas du tout évolué malgré une légère augmentation de son volume. Ceci corrobore le fait que la décalcification des C-S-H influe peu sur l’évolution de la porosité comme cela a été avancé préalablement. Cette non évolution de la porosité fine est une donnée qui nous est indispensable pour la transposition de notre modèle de réseau poreux d’un matériau sain à un matériau lixivié. Les caractéristiques de structure poreuse de la pâte lixiviée d’après ces essais de porosimétrie mercure, sont enregistrées dans le Tableau III-12. A titre de comparaison, nous donnons également les valeurs obtenues sur pâte saine.

186 Pâte saine Pâte lixiviée

Surface spécifique totale (m2/g) 78,37 124,80

Rayon moyen des pores (nm) 5,50 35,00

Porosité totale (%)

Mercure 27 58,76

Eau 45 70

Tableau III-12 : Comparaison entre les caractéristiques de la structure poreuse de la pâte saine et de la pâte lixiviée d’après les essais de porosimétrie au mercure

D’après les valeurs du Tableau III-12, la différence entre les porosités accessibles à l’eau de la pâte saine et de la pâte lixiviée (25%) est assez proche de celle entre les porosités mesurées au mercure (31%). Ce résultat confirme une fois de plus que l’évolution de la porosité globale concerne surtout les pores capillaires puisqu’une fraction de la porosité fine demeure inaccessible par la porosimétrie au mercure. On constate cependant que la surface spécifique mesurée est beaucoup plus importante sur pâte lixiviée que sur pâte saine. Ceci semble montrer que la décalcification des C-S-H conduit bien à l’ouverture d’une porosité encore plus fine malgré le fait que le volume des petits pores reste globalement constant. Des observations similaires ont également été faites par [Perlot, 2005]. Il faut toutefois rester prudents vis-à-vis de l’interprétation de ces résultats car on peut également mettre en avant, un accroissement de la connectivité du réseau poreux qui permet de mieux accéder aux C-S- H.

187 Figure III-39 : Comparaisons entre les distributions de taille des pores sur pâte saine et pâte

lixiviée (résultats CEA Marcoule)