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Evolution du facteur Fano intrinsèque et extrinsèque en fonction de

A partir des données de fluorescence émanant des deux fluorophores, nous calculons maintenant les facteurs Fano extrinsèque, intrinsèque et total. Les résultats sont reportés sur la figure 38-B. Les marqueurs bleus représentent le

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facteur Fano associé aux sources de bruits intrinsèques, les marqueurs rouges celui associé aux sources de bruit extrinsèque et les marqueurs noirs le facteur Fano total. On constate alors que les facteurs Fano extrinsèque et intrinsèque évoluent linéairement avec la force des promoteurs. Les régressions linéaires de la répartition des données extrinsèques et intrinsèques donnent des pentes ~ 0,011 et ~ 0,0014 respectivement. La pente obtenue pour le facteur Fano total est ~ 0,012. Ainsi, la pente obtenue pour la partie extrinsèque du facteur Fano est près de 10 fois supérieure à celle obtenue pour la partie intrinsèque, et cette pente est de ce fait similaire à la pente du facteur Fano total. Ainsi, l’augmentation inattendue du facteur Fano avec la force du promoteur semble en grande partie être due au comportement du bruit extrinsèque avec le taux de transcription. Si on reprend l’analyse des pentes des régressions linéaires des données obtenues avec les souches “mono-couleur” et le modèle développé par Taniguchi et al, quand on modifie uniquement la transcription, les pentes obtenues sont constantes (~0,008) et ne dépendent pas des conditions de traduction. D’après les données “deux-couleurs”, la valeur obtenue correspond à un terme de bruit extrinsèque. Quand on modifie uniquement la traduction à l’aide des différents TIR de la collection, si le promoteur (ainsi que son TSS naturel) n’est pas trop faible, le terme de bruit extrinsèque est dominant dans la pente de la régression et la valeur de la pente est également autour de 0,008. Dans le cas où les conditions de transcription sont faibles, il faut ajouter à cette valeur de pente un terme inversement proportionnelle à la force du promoteur, ce qui conduit à une augmentation de la pente. En considérant la hiérarchisation des promoteurs suivante : ykwB<yufK<yqzM<zwf<ykpA<fbaA<rrnJP2<ylxM, on constate que la contribution des sources de bruit intrinsèque devient négligeable devant le bruit d’expression génique pour les souches possédant des promoteurs au moins aussi forts que le promoteur ykpA.

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Figure 38 : Partitionnement du bruit total en bruit intrinsèque et extrinsèque. A) Evolution du bruit

intrinsèque avec l’inverse du niveau moyen d’expression (〈𝑝〉). Une régression linéaire du type 𝑦 = 𝑎𝑥 + 𝑏 donne une droite qui s’ajuste bien avec les données expérimentales. Ce résultat est en accord avec le modèle à deux niveaux de l’expression génique, puisqu’avec les souches utilisées, la traduction n’est pas modifiée. B) Bruit extrinsèque (rouge), intrinsèque (bleu) et total (noir) en fonction du niveau moyen d’expression. Le niveau moyen de fluorescence est modulé en utilisant les différents promoteurs (50 nucléotides en amont du TSS) de la banque. Ces résultats sont similaires à ceux obtenus par Elowitz et al (Elowitz et al, 2002). C) Facteur Fano extrinsèque (rouge), intrinsèque (bleu) et total (noir) en fonction du niveau moyen d’expression. Les graphes B) et C) montrent que les sources de bruit extrinsèques sont dominantes par rapport aux sources de bruit intrinsèque et expliquent les résultats obtenus à partir des souches « mono-couleurs ».

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DISCUSSION

I

Résultats de notre étude :

D’après nos résultats, chez la bactérie modèle Gram positive B. subtilis et dans la gamme d’expression visitée, la composante extrinsèque du bruit d’expression génique domine la composante intrinsèque. Cette forte composante extrinsèque du bruit fait que pour la plupart des souches possédant des promoteurs pas trop faibles et d’un point de vue du bruit d’expression génique, pour obtenir un niveau moyen d’expression, il est équivalent de modifier la traduction ou la transcription. Autrement dit, pour un niveau d’expression moyen, et dès que les promoteurs ne sont pas trop faibles, un gène avec une traduction forte et une transcription faible ne sera pas nécessairement plus bruité qu’un gène avec une transcription forte et une traduction faible (Figure 35). Pour des promoteurs très faibles cependant, une contribution du bruit intrinsèque supplémentaire fait qu’il vaut mieux dans ce cas augmenter la force du promoteur qu’augmenter la force du RBS si on veut augmenter le niveau moyen d’expression en minimisant le bruit.

Les résultats obtenus suggèrent de plus que les sources de bruit extrinsèque peuvent être une raison possible au “plateau” du bruit d’expression observé précédemment, ce qui serait en accord avec les conclusions de Taniguchi et al dans leur étude génomique sur E. coli (Taniguchi et al, 2010). Ces auteurs démontrent en effet expérimentalement que les sources de bruit extrinsèques deviennent majoritaires sur le bruit d’expression total dès que le niveau d’expression moyen dépasse ~10 protéines par cellule. Les souches utilisées dans notre étude dépassant toutes cette limite pour les fluorophores utilisés, les résultats obtenus chez B. subtilis semblent cohérents avec ce qui a été conclu pour la bactérie E. coli : pour la plus grande majorité des niveaux d’expression présents naturellement chez ces bactéries, le bruit d’expression est dominé par les sources de bruit extrinsèque. Il a également été montré que les sources de bruits extrinsèques sont à l’origine d’un “bruit plancher” chez la levure qui intervient cependant pour des niveaux d’expression moyens beaucoup plus élevé que chez

E. coli et B. subtilis.

Sur la figure 38-B, on note que si le comportement du bruit intrinsèque est similaire à celui observé dans les expériences d’Elowitz et al, le bruit extrinsèque ne suit pas la même tendance. Dans notre cas, le bruit extrinsèque est une fonction décroissante du niveau d’expression moyen tandis que dans l’étude d’Elowitz, le bruit extrinsèque n’est pas une fonction monotone et atteint un maximum pour des niveaux d’expression intermédiaire. Cette différence provient probablement des différences de stratégie pour modifier le niveau d’expression moyen, et le

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maximum obtenu avec un promoteur inductible reflète probablement l’influence des fluctuations de concentration du répresseur Lac.

II

Bruit extrinsèque et validité du modèle à deux niveaux :

Nos résultats sur le bruit d’expression total sont en désaccord avec les prédictions du modèle stochastique à deux niveaux qui ne prend en compte que les sources de bruit intrinsèque (Thattai & van Oudenaarden, 2001). Ce modèle prévoit une évolution linéaire du facteur Fano avec l’abondance moyenne des protéines lorsque celle-ci est modifiée par modification du taux de traduction tandis qu’une modification du taux de transcription ne doit pas modifier le facteur Fano : 𝐹𝐹 = 1 + 𝑏. Nos données, en revanche, semblent en accord avec le modèle développé par Taniguchi et al qui prévoit une évolution du facteur Fano selon :

𝐹𝐹 = 1 + (1 + 𝜂𝑏2)〈𝑏〉 + (𝜂𝑎2 + 𝜂𝑎2𝜂𝑏2 + 𝜂𝑏2)〈𝑎〉〈𝑏〉 Ou

𝐹𝐹 = 1 + (1 + 𝜂𝑏2)(〈𝑝〉 〈𝑎〉⁄ ) + (𝜂𝑎2+ 𝜂𝑎2𝜂𝑏2+ 𝜂𝑏2)〈𝑝〉

Où le dernier terme qui s’explique par la contribution de sources de bruits extrinsèque permet d’observer la dépendance linéaire du facteur Fano avec le niveau moyen d’expression lorsqu’est modifié le taux de transcription. Les données concernant le bruit d’expression total ne sont donc pas bien décrites par le modèle à deux niveaux qui ne prend en compte que les sources de bruits intrinsèques. Mais peut-on conclure quant à la validité du modèle à deux niveaux en ce qui concerne les données de bruit intrinsèque ? Pour rappel, les souches exprimant les deux fluorophores nous ont permis d’estimer le niveau de bruit intrinsèque et le facteur Fano associé et d’observer son évolution en fonction de la force des promoteurs utilisés dans ces souches. Nous observions alors que la pente obtenue après régression des données intrinsèques était près de 10 fois inférieure à la pente obtenue pour les données de bruit total (Figure 38-B). Cependant, cette évolution linéaire du facteur Fano intrinsèque avec la force des promoteurs peut être discutée et remise en question. En effet, la méthode “deux couleurs” suppose que (i) les deux rapporteurs ont des temps de maturation identiques, et repose (ii) sur l’interprétation de chaque terme de la loi de variance totale comme le bruit intrinsèque d’une part et le bruit extrinsèque d’autre part.