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Données issues de la microscopie de fluorescence :

A partir des images de fluorescence, nous avons vu qu’il était possible de recueillir plusieurs informations, une information sur la surface de la cellule (en nombre de pixels), la fluorescence totale (intégrée sur tous les pixels de la cellule) et la fluorescence moyenne (moyennée sur tous les pixels de la cellule). Les différentes cellules imagées ne se trouvent pas au même stade du cycle cellulaire, ce qui se manifeste en particulier par des tailles différentes. Ces différences contribuent à générer de la variabilité sur le nombre de protéines par cellule et représentent une source de bruit extrinsèque. Cette source de bruit se retrouvera dans notre analyse si on mesure l’hétérogénéité des signaux de fluorescence en termes de fluorescence totale. Pour s’affranchir de cette contribution, plusieurs auteurs (Elowitz et al, 2002 ; Golding et al, 2005 ; Taniguchi et al, 2010) suggèrent de normaliser le signal de fluorescence total par la taille des cellules, ce qui revient à raisonner en termes de fluorescence moyenne c’est à dire en termes de concentration de fluorophores. Nous montrons sur la figure 23-A l’évolution de la fluorescence totale, qui est une indication du nombre de fluorophores contenus dans la cellule, en fonction de la surface de la bactérie. On observe une corrélation forte (coefficient de corrélation linéaire de Pearson de 0,9) entre ces deux quantités. Une régression linéaire imposant le passage par zéro rend bien compte de l’évolution de la fluorescence totale avec la surface des cellules. Après normalisation du signal de fluorescence totale par la surface des cellules, la corrélation linéaire entre les deux quantités chute pour atteindre -0.097. Ainsi, la normalisation du signal de fluorescence total par la surface des bactéries permet ainsi de supprimer la dépendance du signal de fluorescence avec la taille.

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I.1.2 Photobleaching :

Dans les expériences visant à caractériser le phénomène du photobleaching, nous avons recueillis les données de fluorescence moyenne de plusieurs cellules appartenant à une même micro-colonie à différents instants. Pour un fluorophore donné, le temps d’attente avant la perte de sa capacité à fluorescer est distribué exponentiellement et caractérisé par un taux de photobleaching constant 𝑘𝑃𝐵. Ainsi, pour une population 𝑁0 de fluorophores émettant un signal 𝐼0à un instant 𝑡 = 0, l’intensité du signal émis par cette même population après un temps 𝑡 d’illumination peut être décrit par une fonction exponentielle décroissante :

𝐼(𝑡) = 𝐼0exp (−𝑘𝑃𝐵𝑡)

Dans nos expériences, pour chaque instant où une image a été acquise, la fluorescence mesurée pour une cellule est l’intégrale de l’intensité lumineuse 𝐼(𝑡) sur un temps ∆𝑡 correspondant au temps d’acquisition de la caméra. Par exemple, pour la première image acquise, on détecte pour une cellule donnée une fluorescence moyenne 𝐹0 qui s’écrit selon :

𝐹0 = ∫ 𝐼0exp (−𝑘𝑃𝐵𝑡)𝑑𝑡

∆𝑡

0

96 𝐹0 = 𝐼0

𝑘𝑃𝐵[1 − exp(−𝑘𝑃𝐵∆𝑡)] Pour la deuxième image, le signal mesuré s’écrit :

𝐹1 = ∫ 𝐼0exp (−𝑘𝑃𝐵𝑡)𝑑𝑡 2∆𝑡 ∆𝑡 Soit : 𝐹1 = 𝐼0 𝑘𝑃𝐵[exp (−𝑘𝑃𝐵∆𝑡) − exp(−𝑘𝑃𝐵2∆𝑡)] = 𝐼0

𝑘𝑃𝐵exp(−𝑘𝑃𝐵∆𝑡) [1 − exp(−𝑘𝑃𝐵∆𝑡)] = 𝐹0exp(−𝑘𝑃𝐵∆𝑡) On montre par récurrence que la fluorescence moyenne d’une cellule 𝐹𝑛 au bout d’un temps cumulatifs d’illumination de 𝑛∆𝑡 s’écrit :

𝐹𝑛 = 𝐹0exp(−𝑘𝑃𝐵𝑛∆𝑡)

En introduisant 𝑡𝑐𝑢𝑚 = 𝑛∆𝑡, la fluorescence moyenne d’une cellule au bout d’un temps d’illumination 𝑡𝑐𝑢𝑚 s’écrit :

𝐹(𝑡𝑐𝑢𝑚) = 𝐹0exp(−𝑘𝑃𝐵𝑡𝑐𝑢𝑚)

Ainsi, pour chaque cellule, la répartition des points montrant la dépendance de la fluorescence 𝐹(𝑡𝑐𝑢𝑚) en fonction du temps 𝑡𝑐𝑢𝑚 est ajustée numériquement par la fonction précédente. On en déduit alors pour chaque cellule le paramètre 𝑘𝑃𝐵 dont on déduit un 𝑘𝑃𝐵 moyen pour chaque intensité d’illumination. On est alors capable d’estimer les pertes de fluorescence.

D’après les résultats obtenus, la décroissance des niveaux moyens de fluorescence de chaque cellule est bien exponentielle. En effet, si on trace le logarithme népérien de la fluorescence moyenne en fonction du temps on constate qu’une droite d’équation 𝑦 = 𝑎𝑥 + 𝑏 ajuste parfaitement la répartition des données (Figure 24-A-B). La pente de la droite nous permet donc, d’après ce qui précède, de déduire le taux 𝑘𝑃𝐵.

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Deuxièmement, on constate que ces taux varient considérablement d’une cellule à une autre, ce qui peut être vue qualitativement sur la figure 24-C. Il apparaît clairement que les cellules contenues dans un disque autour du centre de l’image ont un signal très peu dégradé. Ce résultat est d’autant plus surprenant que, bien que a priori corrigé, le défaut d’illumination du dispositif fait que les bactéries se situant au centre de l’image devrait être plus éclairé et donc avoir un temps caractéristique de dégradation du signal de fluorescence plus faible que les cellules excentrées. Plus surprenant encore, cet effet disparaît si on effectue la même expérience avec des billes fluorescentes de 5 µm mais réapparaît si on image des cellules d’E. coli exprimant le fluorophore mCherry. Ce phénomène semble donc propre aux cellules et ne dépend pas du fluorophore utilisé. Cependant, en éliminant le laser permettant de maintenir le focus, on observe que cet effet disparaît. Dans ce cas, on constate une nette diminution de l’écart type de la constante 𝑘𝑃𝐵 autour de sa valeur moyenne : de 0,0182 𝑠−1 avec le laser activé à 0,0048 𝑠−1 quand le laser est désactivé (ces valeurs sont obtenues avec une illumination de 32%, un temps d’exposition de 300 ms et avec la souche PL1S24). Le taux moyen 〈𝑘𝑃𝐵〉, quant à lui, augmente lorsque on éteint le laser

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(de 0,0499 𝑠−1 à 0,0643 𝑠−1). Ce phénomène semble donc résulter d’un processus biologique (les billes ne sont pas affectées) couplé avec un processus photochimique, le rayonnement du laser jouant un rôle majeur dans ce processus.

Enfin, pour estimer l’importance du photobleaching sur nos expériences, on analyse les données collectées sur la souche PL1S05 avec l’illumination maximale (100%) qui devrait correspondre a priori au cas le plus affecté. Compte tenu de la présence du laser d’auto-focus dans les expériences, on considère les taux 𝑘𝑃𝐵 maximal et minimal et on évalue pour chacun la perte de fluorescence au bout d’une seconde au lieu d’estimer le taux 𝑘𝑃𝐵 moyen :

𝑘𝑃𝐵𝑚𝑎𝑥~0,1 𝑠−1 ⟹ 𝐹(1𝑠) = 0,9𝐹(𝑡 = 0) 𝑘𝑃𝐵𝑚𝑖𝑛~0,02 𝑠−1 ⟹ 𝐹(1𝑠) = 0,98𝐹(𝑡 = 0)

On a donc au maximum pour les souches excentrées une diminution de ~10% contre 2% au centre de l’image. Ces différences ajoutent de la variabilité supplémentaire qui n’est pas d’origine « biologique » et doit être corrigé. Cependant, cette correction peut s’avérer fastidieuse. Pour contourner cette difficulté, nous tâcherons pour chaque expérience de décentrer les colonies dans la mesure du possible avant de réaliser les acquisitions de fluorescence, en particulier pour les souches ayant un faible niveau d’expression et nécessitant une intensité d’excitation maximale. Les pertes de fluorescence dans ce cas seront homogènes sur l’ensemble de la population imagée et de l’ordre de 10%, ce que nous considèrerons par la suite comme négligeable. Pour les autres intensités du faisceau d’excitation utilisées, (50%, 32% et 2%), les pertes de signal par

photobleaching sont négligeables.

I.1.3 Normalisation des signaux de fluorescence :

On détermine l’évolution de l’intensité d’émission du fluorophore GFPmut3 en fonction de l’intensité d’excitation. Pour cela, on utilise la souche PL1S05 que l’on image avec les différentes intensités d’illumination (exprimée en pourcentage de lumière transmise) que nous permet d’utiliser le dispositif expérimental (%T : 2%, 5%, 10%, 15%, 20%, 25%, 32%, 50% et 100%) avec un temps d’exposition fixe (150 ms). Pour rappel, pour chaque intensité d’excitation, on image 5 micro-colonies. Pour chaque micro-colonies, on mesure la fluorescence moyenne de chaque cellule puis on en déduit une moyenne sur l’ensemble des cellules de la micro-colonie. On moyenne de nouveau la fluorescence moyenne de chaque micro-colonie (5 au total). On en déduit un niveau de fluorescence moyen pour une intensité d’excitation donnée (Figure 25-A). On procède de même avec le temps d’exposition (dans ce cas on image 1 micro-colonie de la souche PL1S05 par temps d’exposition) en fixant l’intensité

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d’excitation à 10%. Les différents temps d’exposition visitées vont de 5 ms à 1s. les résultats sont reportés sur la figure 25-B.

On constate que lorsque varie l’intensité d’excitation, l’intensité de fluorescence n’évolue pas linéairement avec l’intensité d’excitation, si bien que pour normaliser les signaux de fluorescence entre souches imagées avec des intensités d’excitation différentes, une simple multiplication par le rapport des illuminations ne suffit pas et il faut considérer chaque illumination au cas par cas et normaliser en multipliant par le rapport des signaux de fluorescence mesuré ici. Toutes les souches sont normalisées par rapport à l’intensité d’excitation maximale (100%). Les constantes multiplicatives sont répertoriées dans le tableau 10. Par exemple, pour comparer une souche imagée avec une illumination de 100% et une autre imagée avec une intensité d’excitation de 2%, multiplier le niveau de fluorescence moyen ainsi que la variance du signal de fluorescence de cette dernière souche respectivement par 50 et 2500 entraînera une surestimation de ces quantités. Au lieu de ça, on doit multiplier la moyenne par 39,7 et la variance par le carré de cette valeur. En effectuant la même expérience avec des billes fluorescentes de 5 µm, on obtient le même comportement et les constantes de normalisation à appliquer sont identiques, ce qui montre que ce comportement est dû au système d’imagerie. En revanche, l’intensité de fluorescence est proportionnelle au temps d’exposition de la caméra. Dans ce cas, une simple multiplication par le rapport des temps d’exposition permet de correctement comparer des souches imagées avec des temps d’exposition différents. Tous les résultats présentés dans ce qui suit ont été normalisés par les procédures expliquées ici. Ceci revient à considérer que toutes les souches ont été acquises avec la même illumination (100%) et le même temps d’exposition (1 s).

100 Illumination initiale (%T) Illumination finale (%T) Constante de normalisation 2 100 39,7 5 100 10 10 100 5,35 15 100 3,68 20 100 3,01 25 100 2,53 32 100 2,19 50 100 1,54 100 100 1

Tableau 10 : Constante de normalisation pour comparer des souches qui n’ont pas été caractérisées avec les mêmes paramètres d’illumination. Sont indiqués en gras les intensités d’illuminations utilisées dans cette étude ainsi que les constantes de normalisation à utiliser.