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Chapitre V. INTERACTIONS ARGILE AMMONIEE / ACIDES CARBOXYLIQUES

V.1. Comportement de l’échantillon SWy-2(NH 4 ) en présence de différents acides

V.1.4. Discussion

V.1.4.4. Evolution de la distance basale avec le taux d’échange

Acides acétique et formique

Nous étudierons d’abord le comportement de l’argile ammoniée avec les acides acétique et formique. L’évolution de la distance basale en fonction du taux d’échange est reportée sur la figure V.16 (a) et peut être décomposée en différents domaines. En dessous de 40% de taux d’échange, la distance basale est quasiment constante autour de 1,19 nm ce qui correspond à la valeur initiale de la distance basale de la SWy-2(NH4). Au dessus de

40% de taux d’échange, une augmentation progressive, limitée mais significative de la d001

est observée de 1,19 à environ 1,24 nm (cas de l’interaction avec l’acide acétique en concentration 1 mol/L, pH=2,5). Pour des milieux encore plus acides, l’augmentation continue et d001 atteint 1,33 nm pour un taux d’échange de 71% (acide formique en

concentration 1M – pH=1,8).

Figure V.16 : a/ Evolution de la distance basale avec le pourcentage d’échange cationique pour l’argile ammoniée après interactions avec les acides acétique et formique. b/ Quantité des espèces dominantes en

position échangeable en fonction de la distance basale.

Sachant que l’espacement basal de la montmorillonite protonée est autour de 1,26 nm (Glaeser et al., 1960 ; Ferrage et al., 2005) et que nous avons mesuré celui de l’argile totalement échangée Al à 1,50 nm, l’évolution de la distance d001 peut être interprétée de la

façon suivante. En dessous 40% de taux d’échange, l’augmentation de la distance d001 est

dûe à un échange partiel de NH4+ pour H3O+. A partir de 40%, les cations aluminium

apparaissent comme cations compensateurs dans l’argile (figure V.16 (b)). Dès 50% de taux d’échange, l’espace basal des argiles traitées dépasse la valeur de 1,26 nm d’une argile protonée (figure V.16 (a)). La coexistence de l’ammonium, de l’hydronium et de

l’aluminium comme cations compensateurs principaux existe (figure V.16 (b)). En plus de l’augmentation de la distance interfoliaire d001, la largeur à mi-hauteur de la réflexion 001

augmente légèrement, caractéristique d’une diminution de l’homogénéité des feuillets empilés (interstratification de feuillets NH4+, H3O+, Al3+) (figure V.16 (b)).

Acide chloroacétique

Le comportement de la réflexion 001 après interaction avec l’acide chloroacétique est très proche de celui observé avec les acides acétique et formique. La figure V.17 (a) montre qu’à environ 44% d’échange cationique (acide chloroacétique en concentration 0,01 mol/L et pH=2,7) la distance basale est 1,21 nm et augmente continuellement pour atteindre environ 1,39 nm à 85% d’échange (acide chloroacétique en concentration 1 mol/L et pH=1,4). Cette évolution de l’espace interfoliaire peut s’expliquer simplement par l’échange cationique. Sous conditions acides, les cations NH4+ sont d’abord échangés avec H3O+, puis un échange

avec Al3+ apparaît pour les plus fortes conditions acides. Les larges réflexions 001 obtenues en DRX (figure V.11) sont dûes à une interstratification de monocouches et de bicouches d’eau dans l’espace interfoliaire en raison de la présence de différents cations (H3O+ et NH4+

s’entourant plutôt d’une couche d’eau et Al3+ de deux couches d’eau dans les conditions ambiantes, figure V.17 (b)). Pour le très fort taux d’échange (environ 85 %) obtenu avec l’acide chloroacétique 1 mol/L, la distance d001 de 1,39 nm correspond à un état

intermédiaire entre 1 et 2 couches avec majoritairement des cations aluminium et hydronium comme cations compensateurs. Les évolutions de la distance d001 avec le taux d’échange

(figure V.17 (a)) et des quantités d’espèces dominantes en position échangeable en fonction de la distance basale (figure V.17 (b)) s’interprètent de la même façon que pour les acides acétique et formique. Ceci suppose que l’acide chloroacétique fixé l’est essentiellement à la surface des particules et sur les faces latérales. L’espace basal n’étant affecté que par l’échange cationique.

Figure V.17 : a/ Evolution de la distance basale avec le pourcentage d’échange cationique pour l’argile ammoniée après interactions avec les acides acétique, formique et chloroacétique. b/ Quantité des

espèces dominantes en position échangeable en fonction de la distance basale.

Yariv et Shoval (1982) ont travaillé sur l’association entre les acides gras et la montmorillonite, et ils ont identifié deux types distincts d’interaction. Dans la première situation la molécule est sous forme neutre, RCOOH, et caractérisée par une bande d’absorption en infrarouge comprise entre 1660 et 1725 cm-1. Dans l’autre cas, la molécule est sous forme anionique, RCOO-, et caractérisée par deux bandes d’absorption entre 1420 et 1610 cm-1. Ces deux cas sont identifiés dans nos spectres infrarouge (figures V.7 (d), V.10 (b)). La bande observée à 1722 cm-1 est caractéristique des groupes COOH. Le lien est réalisé par une liaison hydrogène entre l’oxygène d’un groupe carbonyle et l’hydrogène d’une molécule d’eau ou entre l’hydrogène d’un groupe hydroxyle de l’acide et l’oxygène de l’eau ou de la couche silicatée (Yariv et Shoval, 1982 ; Yariv, 1996). Les bandes caractéristiques de l’anion RCOO- sont présentes à 1600 et 1453 cm-1 (figure V.10 (b)). Ces absorptions peuvent être attribuées à un lien entre un groupe COO- et un hydroxyle de la couche octaédrique sur les faces latérales, ou à un lien entre un groupe COO- et un cation échangeable, par l’intermédiaire ou non d’une molécule d’eau en surface de l’argile (Yariv et Shoval, 1982).

Acide oxalique

La figure V.18 (a) montre qu’en dessous 50% de taux d’échange la distance d001

augmente lentement comme précédemment, mais au dessus 50% d’échange cationique, son comportement est différent du comportement observé avec les autres acides. La distance d001

n’augmente plus fortement. Elle atteint environ 1,26 nm à 80% et reste constante à cette valeur, malgré de grandes quantités d’aluminium mesurées en position interfoliaire (figure V.18 (b)). Dans le même temps, avec l’augmentation de la concentration, la réflexion 001 s’affine (figure V.12). Ce comportement implique une modification de l’espace interfoliaire qui peut s’expliquer par l’intercalation de l’acide oxalique, notamment sur les cations aluminium présent dans l’interfoliaire.

Figure V.18 : a/ Evolution de la distance basale avec le pourcentage d’échange cationique pour l’argile ammoniée après interactions avec les acides acétique, formique, chloroacétique et oxalique. b/ Quantité

des espèces dominantes en position échangeable en fonction de la distance basale.

De plus, le tableau de l’annexe 1, qui reporte les concentrations en carbone après interaction, montre que cette fixation augmente fortement avec la concentration en acide. Les valeurs de pH après interaction avec l’acide oxalique (comprise entre 1 et 2,1 selon la concentration en acide oxalique) sont très proches du pKa1 (1,26) de l’acide oxalique, et

celui ci peut donc agir comme une ou deux fonctions acides. Ces situations particulières ont été étudiées par Yariv et Shoval (1982) pour les espèces RCOOH et RCOO-. Dans notre cas, R correspond simplement à la fonction carboxylique COOH. Specht et Frimmel (2001) ont étudié les interactions entre l’acide oxalique et la kaolinite. De la même façon, Yoon et al. (2004) ont travaillé par ATR-IRTF sur l’adsorption d’oxalate sur des interfaces boehmite/eau ou corindon/eau. Ces travaux nous permettent d’analyser nos spectres

infrarouge et de confirmer notre hypothèse. La bande à 1718 cm-1 (figure V.10 (b)) est attribuée aux bandes l’élongation νC=O du groupe carbonyle sous la forme COOH (Yariv et

Shoval, 1982 ; Cabaniss et al., 1998 ; Specht et Frimmel, 2001 ; Yoon et al., 2004). Le très faible épaulement à 1626 cm-1 peut être attribué au groupe carboxylate COO- de la molécule déprotonée une fois, soit la bande d’élongation antisymétrique νCOO- (Specht et Frimmel,

2001), soit à celle symétrique νC=O (Cabaniss et al., 1998).

Différents modes de fixation sont donc envisagées. Tout d’abord, le groupe COOH de la forme neutre peut se fixer sur les oxygènes des couches tétraédriques par des liaisons hydrogènes, en surface ou sur les faces latérales. Sur les faces latérales, la forme déprotonée COO- peut se fixer de la même façon avec les hydroxyles des couches octaédriques. Toujours avec ces couches, une fixation directe sur le cation aluminium semble difficile, mais ne peut pas être totalement exclu ayant été observé par Specht et Frimmel (2001) sur la kaolinite. La réflexion 001 très affinée nous montre une forte organisation de l’espace interfoliaire. La formation d’un complexe entre l’acide oxalique et les cations interfoliaires, principalement l’aluminium, est donc envisagée. Sous la forme déprotonée, Yariv et Shoval (1982) ont en effet déjà observée une liaison directe entre le groupe carboxylate et le cation, par l’intermédiaire ou non de molécules d’eau.