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Chapitre II. ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE

II.1. Les phyllosilicates

II.1.3. Hydratation et gonflement des minéraux argileux

II.1.3.3. Les différents états d’hydratation

Deux cas sont différenciés : l’état déshydraté et celui hydraté. Le stockage amènera plutôt une hydratation des argiles dans le sens état sec-état hydraté. Les mécanismes d’hydratation, notamment dans le contexte de stockage des déchets nucléaires, ont fait l’objet de plusieurs études (Ferrage, 2004 ; Salles, 2006).

L’état déshydraté

L’état déshydraté ou faiblement hydraté constitue le point de départ de l’hydratation. Il est nécessaire de bien définir cet état, pour déterminer ensuite les propriétés de l’état hydraté. L’état déshydraté correspond à un taux d’hydratation proche de zéro (ou théoriquement à une pression relative de P/P0=0), l’argile est dans un état tel qu’il est

impossible de revenir facilement à un état hydraté sans modifier fortement sa structure (Tessier, 1984 ; Laird, 1996 ; Raynal et al., 1999).

Une diminution des différentes porosités est également probable (Tessier, 1984). A cet état déshydraté correspond un espacement interfoliaire minimum, puisque toute l’eau interfoliaire est partie. Dans la localisation des cations à l’état déshydraté une distinction peut être fait entre les argiles homoioniques et les argiles contenant plusieurs cations. Pour

les argiles homoioniques, à l’état déshydraté, le cation monovalent se place dans ou proche du site hexagonal, en fonction de la taille du cation considéré (Calvet, 1972). Il est classique de considérer que, pour les alcalins, les seuls cations qui peuvent réellement rentrer dans le site hexagonal sont les cations Li et Na. Le cation K possède une taille qui lui permet de rentrer partiellement (mais presque totalement) dans la cavité. Par contre, les autres cations (Rb et Cs pour les alcalins) sont trop gros pour pouvoir rentrer dans le site d’accueil. Il résulte de ces empilements que les feuillets peuvent se fermer totalement pour les cations Li et Na et ces cations peuvent légèrement bouger dans les sites hexagonaux. Les feuillets sont presque totalement fermés avec le cation K et les feuillets sont alors tangents et l’ensemble est figé. Pour les cations plus gros, les feuillets ne peuvent pas se toucher. Cette description en taille de cations permet d’expliquer les mesures d’espacement interfoliaires réalisées par diffraction des rayons X. Pour les cations divalents, le positionnement est plus complexe. En effet, si on compare les cations en fonction de leur rayon, on obtient le classement suivant : Li+ < Mg2+ < Na+ < Ca2+ < K+ < NH4+ < Rb+ < Cs+ (Huheey et al., 1998). Ce classement

nous conduit à penser que les cations divalents, de taille plus petite que le potassium, peuvent s’insérer dans les cavités hexagonales. Le cas de l’ammonium est traité dans le chapitre IV.

Description du processus d’hydratation et de dispersion

Les études par diffraction des rayons X des minéraux hydratés sous pression relative d’eau contrôlée montrent l’existence successive, sur des plages plus ou moins larges de pression relative, d’hydrates homogènes (caractérisés par une série rationnelle de raies d001)

à une, deux ou plusieurs couches d’eau interfoliaire (figure II.12) pour des pressions relatives d’eau croissantes (Bradley et al, 1937 ; Glaeser et Mering, 1968). Le mécanisme d’hydratation a largement été décrit par Bérend qui a utilisé les résultats des isothermes d’adsorption d’eau, les résultats de diffraction des rayons X réalisée à humidité contrôlée et les résultats d’immersion (Mooney et al., 1952 ; Norrish, 1954 ; Fripiat et al., 1965, 1982 ; Calvet, 1972 ; Prost, 1975 ; Kehres, 1983 ; Ben Brahim, 1985 ; Ben Brahim et al., 1986 ; Bérend, 1991 ; Bérend et al., 1995).

Les équilibres entre les forces répulsives des feuillets 2 :1 et les forces attractives dues à la présence d’un cation interfoliaire ont conduit à établir des modèles pour prédire l’épaisseur d’équilibre de l’interfoliaire (Norrish, 1954 ; Van Olphen, 1964 ; Laird, 1996,

1999). Les propriétés d’hydratation, de gonflement et de dispersion n’existent que parce que l’énergie de cohésion interfoliaire est suffisamment faible pour les molécules d’eau puissent pénétrer entre les feuillets. Expérimentalement les résultats de DRX montrent une augmentation par paliers de la distance interfoliaire (Ben Brahim, 1985 ; Calvet, 1972 ; Kehres, 1983 ; Faisandier, 1997 ; Ferrage, 2004).

L’ordre de l’hydratation retenu par Bérend et al. (1991, 1995) est : hydratation des surfaces externes, hydratation des surfaces internes ou interfoliaires (à 1 couche d’eau, puis à 2 couches d’eau le cas échéant), puis le remplissage des autres porosités par condensation capillaire. Lors de l’hydratation interfoliaire, en adsorption ou en désorption, le gonflement du système à 1 couche ou 2 couches d’eau fait intervenir deux phases successives : une variation rapide de la distance d001 en fonction de la pression partielle (qui correspond à une

ouverture rapide des feuillets) puis une variation plus lente du paramètre cristallographique (qui correspond à une phase de remplissage des feuillets). Cette différence suggère l’existence d’une phase d’ouverture des feuillets, puis une organisation des molécules d’eau. Il n’existe pas d’état d’hydratation totalement homogène, mais seulement une majorité d’un état donné (Ferrage, 2004). Le plus souvent, on observe des états interstratifiés entre ces différents états homogènes (Bradley et al., 1937 ; Méring, 1946 ; Pons, 1980 ; Ben Rhaiem

et al., 1986 ; Bérend, 1991 ; Gaboriau, 1991). A ce stade des faibles états d’hydratation,

entre 1 et 4 couches d’eau interfoliaires, le minéral reste dans un état que Pons et al. (1981) et Ben Rhaiem et al. (1986) qualifient de solide hydraté.

L’aptitude d’un phyllosilicate à s’hydrater se résume dans la concurrence entre : (i) l’énergie d’attraction des molécules d’eau qui se traduit par la somme des interactions eau- cations, eau-eau et eau-feuillets et (ii) l’énergie de cohésion interfeuillets qui dépend des cations interfoliaires, de l’origine de la charge du feuillet et du mode d’empilement des feuillets. La séquence complète d’hydratation a été résumée et schématisée par Salles (2006). Cette schématisation pour les états d’hydratation supérieurs à 20% d’humidité relative est représentée figure II.13.

Figure II.13 : Séquence du gonflement des smectites pour des hydratations relatives supérieures à 20% (Salles, 2006)

Facteurs influençant l’hydratation

Les facteurs qui conditionnent le processus d’hydratation des argiles sont :

 la nature et la structure de l’argile.

La kaolinite et la chlorite s’hydrate assez peu en quantité, contraitrement aux smectites qui peuvent s’hydrater de manière conséquente. La nature de l’argile et donc la présence de cations compensateurs dans l’espace interfoliaire est une condition nécessaire à l’hydratation.

 la nature et la charge du cation compensateur.

Hendricks et al. (1940) se sont les premiers intéressés à préciser le rôle des cations échangeables sur le début de l’hydratation. Il ressort des nombreuses études ultérieures (Méring et Glaeser, 1954 ; Norrish, 1954 ; Besson, 1980 ; Pons et al., 1981 ; Ben Rhaiem et

al., 1986 ; Touret et al., 1990 ; Faisandier, 1997) dont certains résultats ont déjà été évoqués

précédemment. Chaque cation est caractérisé par son énergie d’hydratation ; plus cette énergie est élevée et plus l’ouverture des feuillets est facile. Le gonflement des argiles à l’hydratation peut être relié aux cations en classant ces derniers par valeur décroissante de leur énergie d’hydratation. Norrish (1954) a obtenu le classement suivant pour la série des

HR>60% 20%<HR<60% Argile gonflante à 2 couches d’eau Argile gonflante à 1 couche d’eau

alcalins et le calcium : Li+>Na+>Ca2+>K+>Cs+. Le passage à l’état deux couches se fait facilement (Li+, Na+, Cu2+, Ba2+), difficilement (K+) ou ne se fait pas en fonction de l’énergie d’hydratation décroissante du cation. Les montmorillonites saturées par des cations à coordinence octaédrique (Ca2+, Mg2+) s’hydratent à deux couches d’eau dès les faibles pressions relatives. Un autre facteur à prendre en compte est la taille du cation. Le cation peut se placer en différents endroits de l’espace interfoliaire selon sa taille. Ainsi, le potassium reste logé dans les cavités hexagonales du feuillet tétraédrique et retarde l’hydratation de l’espace interfoliaire (Boek et al., 1995).

 la nature et la position de la substitution

L’influence électrique de la substitution entre en jeu car elle influe sur la densité et la localisation des charges. Si la charge est tétraédrique (charge localisée à la surface), l’argile gonfle peu, si la charge est octaédrique (charge délocalisée), l’argile gonfle plus.