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Chapitre VI. INTERACTIONS ARGILE AMMONIEE / MOLECULES

VI.3. Les molécules non retenues sur l’argile ammoniée

VI.3.1. Mise en évidence de l’absence de sorption

Après les interactions avec l’acétonitrile, le MTBE, le dichlorométhane et le benzène, la quantité de carbone dans l’argile ammoniée reste constante aux erreurs expérimentales près (tableau VI.1), montrant l’absence de sorption de ces molécules. Les spectres d’absorption infrarouge des argiles qui ont interagi avec la série de molécules en concentration 0,01 mol/L sont représentés sur la figure VI.1 pour exemple. Les spectres infrarouge des échantillons ayant interagi avec les concentrations intermédiaires et pures sont sensiblement identiques et ne sont pas représentés. Les différences observées d’un spectre infrarouge à l’autre viennent essentiellement des épaisseurs d’argiles analysées sous microscope variables selon les échantillons. En comparaison avec le spectre de départ de l’argile ammoniée, les spectres après les interactions ne présentent pas de différences. L’absence de bandes nouvelles confirme les résultats quantitatifs obtenus avec l’appareillage LECO, soit la non sorption des molécules. La concentration d’azote reste également relativement constante après interaction (tableau VI.1), montrant l’absence d’échange cationique. Outre les incertitudes de mesures, les petites différences observées dans les quantités de carbone dans l’argile doivent aussi s’expliquer par la capacité de solvatation de chacune de ces molécules. L’augmentation de la concentration en solvant favorise en effet la dissolution des phases annexes présentes dans l’argile, comme observée avec la diminution des quantités de carbone dans l’argile.

Figure VI.1 : Spectres infrarouge de l’argile SWy-2(NH4) après 7 jours d’interaction avec l’eau (a, référence), l’acétonitrile (b), le M.T.B.E (c), le dichlorométhane (d) et le benzène (e). Toutes les molécules

sont en concentration 0,01 mol/L.

En complément, les diffractogrammes de rayons X des argiles après les interactions avec chacune de ces molécules ont été enregistrés. Les résultats obtenus avec la série de concentration la plus faible (0,01 mol/L) sont représentés sur la figure VI.2. Les autres diffractogrammes obtenus avec les autres concentrations sont sensiblement identiques et ne sont pas représentés. Ils ont tous été obtenus à 30°C et 50% d’humidité relative après une période d’équilibre d’une heure avant les mesures. En comparant les diagrammes obtenus avec celui de l’argile ammoniée initiale, aucune différence significative n’est à mettre en évidence sur l’ensemble des diagrammes. Toujours par rapport à l’échantillon de départ, la position de la réflexion 001 reste constante à 1,19 nm et sa largeur à mi hauteur n’évolue pas. Ces résultats confirment les conclusions obtenues, notamment l’absence d’intercalation et d’échange cationique. a b c d e

Figure VI.2 : Diffractogrammes des rayons X de l’argile SWy-2(NH4) après 7 jours d’interaction avec l’eau (a, référence), l’acétonitrile (b), le M.T.B.E (c), le dichlorométhane (d) et le benzène (e). Toutes les

molécules sont en concentration 0,01 mol/L.

Dans les paragraphes qui suivent nous apportons quelques éléments pour expliquer cette absence de sorption, notamment en s’intéressant aux propriétés des molécules et s’appuyant sur des travaux déjà réalisés et présentés dans la littérature.

VI.3.2. Discussion

VI.3.2.1. L’acétonitrile

Zhang et al. (1990b, 1990c) ont étudié la sorption et la désorption de l’acétonitrile sur des montmorillonites K, Na, Mg et Ca. Dans leurs travaux, l’adsorption est mise en évidence notamment par la présence de deux bandes nouvelles en infrarouge : une bande C≡N à 2260 cm-1 et une bande de déformation HCH à 1375 cm-1. Mais la fréquence de ces bandes ne change pas entre le spectre infrarouge de la molécule d’acétonitrile en solution et celui de la molécule sorbée sur la surface de l’argile. L’absence de déplacements des fréquences montre clairement l’absence d’interaction (Zhang et al., 1990b), et est donc indicative d’une adsorption très faible et à priori facilement réversible. Zhang et al. (1990c) ont de plus montré que pour la montmorillonite K l’adsorption est limitée en comparaison des montmorillonites échangées avec Na, Ca et Mg. Les feuillets plus collapsés de la montmorillonite K empêcherait les molécules d’entrer dans l’espace interfoliaire, alors qu’elles le peuvent dans le cas des autres montmorillonites plus expansées. Ces auteurs

a b c d e

n’attribuent pas la sorption de l’acétonitrile sur la montmorillonite à des liaisons particulières entre les molécules organiques et la surface de l’argile, mais à un phénomène de physisorption à la surface des particules (molécule en solution formant une couche interfaciale). La taille de l’ammonium se rapproche de celui du cation potassium, comme expliquée dans le chapitre 3, et confère donc à l’argile ammoniée des propriétés proches de l’argile potassique. Ceci explique que dans nos conditions, l’acétonitrile ne soit donc pas retenu sur l’argile ammoniée, quelle que soit la concentration.

VI.3.2.2. Le MTBE

Hoffman et Brindley (1960) ont étudié l’adsorption de composés aliphatiques non ioniques en solution sur une montmorillonite calcique, notamment des éthers et des éthers nitriles. Ils ont montré que la longueur de la chaîne avait une influence importante sur la sorption de la molécule, et qu’une longueur de chaîne minimum de 5 ou 6 unités de groupe CH2 était nécessaire pour observer une adsorption de la molécule présente en phase aqueuse.

D’autre part, Leal-Bautista et Lenczewski (2002) ont mis en évidence la sorption très faible du MTBE sur des argiles naturelles contenant peu de matière organique. La quantité de MTBE sorbée est directement dépendante de la quantité de matière organique dans les argiles (Leal-Bautista et Lenczewski, 2002 ; Greenwood et al., 2007). La courte chaîne du MTBE et la quasi absence de carbone d’origine organique dans nos échantillons ne semblent donc pas favoriser l’adsorption du MTBE sur la montmorillonite SWy-2 ammoniée.

VI.3.2.3. Le dichlorométhane

Dans nos conditions (expérience en solution), le dichlorométhane n’est pas retenu sur l’argile ammoniée. Lors du lessivage de cette argile par une solution contenant du dichlorométhane, l’interaction principale sera donc une dissolution des matières organiques éventuellement présentes. De plus, parmi les composés étudiés, c’est celui qui possède la plus grande tension de vapeur et une évaporation très rapide dans les conditions ambiantes est donc à envisager. La littérature (Cabbar et al., 1996, 1998) a d’ailleurs montré que ces hydrocarbones halogénés sont souvent détectés dans les phases gaz du sol et présentent donc une fixation possible en phase vapeur.

VI.3.2.4. Le benzène

Comme dans le cas des molécules précédentes, il n’y a pas de sorption du benzène sur l’argile ammoniée. Du fait de la symétrie de la molécule, le moment dipolaire du benzène est nul et la capacité de former des liaisons est donc limitée. Différents auteurs ont étudiés la sorption en phase gazeuse. Jaynes et Vance (1999) ont expliqué que les argiles naturelles sont des sorbants inefficaces pour un composé organique non polaire et non ionique (NOCs) tel que le benzène. Ces auteurs ont notamment expliqués que les cations échangeables naturels de l’argile (principalement Na+, K+, Ca2+ et Mg2+) sont hydratés dans l’eau et produisent donc une couche hydrophilique à la surface de l’argile qui limite l’adsorption du benzène. En présence de cations ammonium, cette couche d’hydratation autour du cation existe également et a le même rôle. L’augmentation de la valence du cation peut favoriser la sorption. Malgré des quantités sorbées très limitées, Rogers et al. (1980) ont montré que l’adsorption du benzène était trois fois supérieure sur une argile saturée avec l’aluminium qu’une argile saturée avec le calcium. Les cations monovalents, comme l’ammonium, ne semblent donc pas les plus propices à l’adsorption du benzène.

Plusieurs autres études (Lee et al., 1990 ; Smith et Galan, 1995 ; Jaynes et Vance, 1999 ; Koh et Dixon, 2001) se sont intéressées à la sorption sur l’argile du benzène sous forme aqueuse, mais chacune de ces études a porté sur une argile préalablement échangée par des cations alkylammonium ou des cations organiques aromatiques, afin d’augmenter la distance de l’espace interfoliaire et de favoriser les possibilités d’intercalation. Yong et Rao (1991) ont étudié la contamination des hydrocarbures du pétrole et ont montré que les mécanismes de liens entre ces hydrocarbures non polaires et la surface de l’argile se fait par l’intermédiaire de l’attraction de Van der Waals. Ils ont de plus noté que des solutions diluées d’hydrocarbures dans l’eau, i.e. des concentrations d’hydrocarbures à ou sous la limite de solubilité, ne présentent aucune adsorption sur les sols argileux. Pour nos concentrations supérieures, le séchage à 40°C suffirait à éliminer les liaisons de Van der Waals connue pour être très faible. En phase aqueuse, le benzène va donc principalement jouer un rôle de solvant en dissolvant notamment des espèces organiques sans être retenu directement sur l’argile ammoniée.

Les travaux cités ci-dessus apportent des éclaircissements sur la non-sorption du benzène. Cependant, sa très faible dissolution dans l’eau et sa grande volatilité vont en faire un polluant susceptible de se retrouver également dans la phase gazeuse des sites de

stockage. Des auteurs (Lee et al., 1990 ; Hinedi et al., 1993 ; Zhu et Su, 2002) ont d’ailleurs montré que la sorption du benzène sous forme vapeur sur des montmorillonites est possible. A partir de la phase gazeuse, Doner et Mortland (1969a) ont montré la possibilité de former des complexes cuivre-benzène dans l'espace interfoliaire d'une montmorillonite (Pinnavaia et Mortland, 1971 ; Vande Poel et al., 1973).