• Aucun résultat trouvé

Evaluation subjective

I. GENERALITES ET MOYENS DE MESURE DE L’HALITOSE

4. Evaluation subjective

L’évaluation de la qualité et de l’intensité de l’haleine peut se faire de multiples façons. La plus simple est d’estimer soi-même son odeur buccale par de simples tests tels que le wrist licking test, le spoon test ou le floss test. On peut aussi faire appel à des praticiens qualifiés pour effectuer un test organoleptique plus précis.

A Auto-évaluation

La première chose à laquelle on pense lorsqu’on souhaite évaluer son haleine est de la sentir soi-même. Or c’est une erreur car comme nous l’avons dit précédemment, le « paradoxe de la mauvaise haleine » [10] rend impossible une auto-évaluation objective [14].

Rosenberg et al. [10, 42] ont montré qu’il est impossible d’auto-évaluer son haleine. Ces auteurs ont évalué l’haleine des patients à un an d’intervalle. L’amélioration de l’haleine, mesurée par le praticien n’est pas perçue par le patient [42].

D’autres études ont montré que les femmes ont un meilleur odorat, mais elles ont tendance à empirer la perception de leur haleine [10]. Une étude saoudienne menée par Almas et al. [43] semble prouver que les hommes ont une prévalence ou une perception plus importante de leur mauvaise haleine (voir Figure 5). Mais comme nous manquons de données épidémiologiques sur la prévalence globale de l’halitose dans cette population, ces résultats sont discutables.

Figure 5. Fréquence de la mauvaise haleine auto-évaluée chez des étudiants en chirurgie dentaire de sexe masculin et féminin (D'après ALMAS et al. 2003 [43])

Nous pouvons observer sur ce graphique que 8,9% des hommes trouvent qu’ils ont mauvaise haleine, alors que seulement 4,7% des femmes estiment en souffrir.

Mais pourquoi ne peut-on sentir notre propre haleine ? Il semblerait que les molécules odorantes que nous dégageons saturent les récepteurs olfactifs, ce qui provoque une adaptation par épuisement de la stimulation [9, 24, 33]. En d’autres termes, nous ne pouvons sentir notre propre odeur car nos récepteurs olfactifs y sont habitués. De plus, il ne faut pas oublier la part psychologique dans la sensation olfactive [42]. C’est notamment cette notion qui explique les problèmes de pseudo-halitose.

29

Dans ce cas, n’existe-t-il aucun moyen d’auto-évaluer simplement notre haleine ? Le plus simple est de demander l’avis d’un confident ou d’une personne proche qui donnera des réponses un peu plus objectives que nous-mêmes [9, 44]. On peut aussi faire appel à un chirurgien dentiste, un médecin ou un juge d’odeurs qui lui, sera entraîné à reconnaître la mauvaise haleine et sera impartial [9].

Il existe donc différents tests simples à mettre en œuvre :

- Le « wrist licking test » : ce test consiste à lécher la face interne de son poignet, puis à laisser sécher 5 secondes. Ensuite, l’examinateur se place à 5 centimètres du poignet et sent [2, 9, 44]. Il peut ainsi dire s’il existe une mauvaise haleine ou non. Attention toutefois car ce test a tendance à donner des surestimations.

- Le « spoon test » : on racle la partie postérieure du dos de la langue avec une cuiller en plastique puis on sent le résidu ainsi formé (voir Figure 6) [2, 9, 18].

Figure 6. Cuiller en plastique pour le spoon test (D'après Rosenberg 1996 [33])

- Le « floss test » : on passe un fil dentaire non ciré entre les espaces inter-dentaires des dents postérieures puis on évalue son odeur [2, 9].

Pour réaliser des tests les plus objectifs possibles, certaines conditions sont nécessaires [2, 9]: le patient doit éviter de boire ou de manger 4 heures avant la mesure (surtout des aliments très odorants tels que ail, oignon, alcool), de fumer, de réaliser des soins d’hygiène bucco-dentaire ; et il doit éviter toutes les odeurs parasites telles que parfums, cosmétiques, rafraîchisseurs d’haleine, etc.… L’examinateur quant à lui doit également éviter de fumer, de boire ou de manger des aliments très odorants et de porter des parfums ou cosmétiques. Il faut aussi s’assurer qu’il ne souffre pas de troubles qualitatifs ou quantitatifs de l’olfaction [9].

Il faut également faire attention à la prise de médicament. En effet, certains médicaments (les antibiotiques notamment) modifient notre perception en provoquant une dysgueusie [24]. C’est le cas par exemple pour Rodogyl®, Flagyl®, et pour le disulphirame. Donc la mesure doit être faite en dehors de toute prise médicamenteuse et à distance de la prise d’antibiotiques.

L’auto-évaluation de notre haleine est donc la façon la plus simple, la plus logique et la plus pratique de procéder. Mais elle souffre de nombreux handicaps (idées préconçues sur notre propre haleine, difficulté d’une auto-évaluation objective, nécessité d’un accompagnateur, nombreux biais). Quelques mesures simples, comme l’intervention d’une personne proche, permettent néanmoins d’avoir une idée plus ou moins objective de notre trouble.

30

B Test organoleptique et méthode hédonique

La détection organoleptique est un test subjectif reposant sur la perception de la mauvaise haleine du sujet par un examinateur ou un juge d’odeur [6, 9, 10, 33, 45].

Cette détection organoleptique peut se faire selon deux techniques [14, 21, 28] :

- La méthode hédonique [14, 28] : c’est une mesure simple de l’air exhalé du sujet par un examinateur. Cette technique mesure l’intensité de la mauvaise haleine et ne vise qu’à dire si cette haleine est socialement acceptable ou non. C’est une technique qui ne nécessite aucun entrainement spécifique et qui peut se réaliser chez soi par n’importe qui dans son entourage. Elle peut dans une certaine mesure permettre le diagnostic différentiel. Sa réalisation est identique à celle du test organoleptique.

- Le test organoleptique [2, 6, 9, 10, 14, 16, 18, 19, 21, 28, 31] : cette technique est utilisée dans le domaine de la recherche clinique. On fait appel à des juges d’odeurs experts. Ce sont des cliniciens expérimentés dans le diagnostic de l’halitose.

Les juges d’odeurs sont en effet entraînés et se réfèrent à des étalons qualitatifs et quantitatifs de l’odorat (coffrets de différents parfums *évaluation qualitative+, ou du même parfum mais en différentes dilutions pour différencier la force des senteurs [évaluation quantitative]) [9, 18, 19]. Un protocole d’entraînement a d’ailleurs été proposé dans une étude [46]. Le but étant d’améliorer la mesure de chaque juge d’odeurs.

Mais pour augmenter la reproductibilité et la fiabilité du test, on utilise aussi un panel de 2 ou 3 juges [6, 16, 18, 28, 31]. Cela permet d’atténuer les variations inter et intra-examinateur telles que le sexe (les femmes ont un odorat plus performant), l’âge (la sensibilité de l’odorat diminue avec l’âge), le degré d’attention ou d’expérience du juge et son état psychologique ou physiologique (menstruation, maladie, tabac, café, parfum…) [2, 28].

Ces juges vont donc examiner différents types d’odeurs [2, 9, 18, 33] :

- Odeur buccale - Odeur nasale

- Odeur parodontale : odeur des zones sous-gingivales et inter-dentaires (floss test, voir I.4.A) - Odeur des prothèses dentaires : on place les prothèses dans un sac en plastique pendant

quelques minutes puis on les sent - Odeur salivaire

- Odeur de la partie postérieure du dos de la langue (spoon test, voir I.4.A) - Odeur bronchique

Pour mesurer l’odeur buccale et bronchique [2, 9, 16, 18, 28] on peut procéder de différentes façons :

- On demande au patient de fermer la bouche et de ne pas déglutir pendant 3 minutes, puis on lui demande de pincer son nez et :

o D’ouvrir la bouche sans expirer : cela permet d’explorer les troubles d’origine buccale.

31

o D’ouvrir la bouche et d’exhaler doucement à 10 centimètres du nez de l’examinateur : cela permet d’explorer les troubles d’origine buccale et de la partie supérieure des bronches.

o D’ouvrir la bouche et de réaliser une expiration forcée : cela permet d’explorer les troubles broncho-pulmonaires.

- On demande au patient de compter de 1 à 20. On enregistre le premier chiffre à partir duquel l’odeur se manifeste. Cela permet d’explorer les troubles buccaux car la conversation assèche les muqueuses et permet la libération de composés malodorants [9, 33].

- On demande au patient d’inspirer ou de se mettre en apnée. Si la mauvaise haleine persiste c’est qu’il s’agit d’un trouble respiratoire [2].

Pour mesurer l’odeur nasale :

On demande au patient de fermer la bouche pendant 3 minutes puis d’expirer par la narine gauche (la droite étant obturée par un doigt du patient). Puis on répète la mesure avec la narine droite [2, 6, 9, 18].

Afin de rendre la mesure plus fiable et diminuer les biais, on peut utiliser un dispositif particulier : il s’agit d’un tube en plastique transparent (2,5 cm de diamètre et 10 cm de long [16]) que l’on insère dans la bouche ou dans une narine du patient (dans ce cas on utilise une paille en plastique). Le juge, placé à l’autre extrémité du tube, sent l’air expiré (voir Figure 7). Ceci permet d’éviter toute dilution de l’air nasal ou buccal dans l’air ambiant [16, 18]. Pour cela, on peut aussi utiliser un échantillonneur spécial : le patient ferme la bouche pendant 30 secondes puis exhale dans un sac en plastique pendant quelques secondes (voir Figure 25). Puis l’examinateur se place à 10 cm du sac et sent [47].

Pour éviter que le patient ne se sente gêné par la proximité du juge et par la nature du test, on peut utiliser un tube plus long et placer un écran protecteur (50 x 70 cm [16]) pour séparer patient et examinateur (voir Figure 7). En recherche clinique, cela permet même au patient de croire à une mesure électronique et non « humaine ».

32

Pour mesurer l’odeur salivaire on réalise un test d’incubation salivaire [14, 18] :

Le patient laisse couler sa salive dans une éprouvette en verre, puis on va incuber cet échantillon dans une chambre anaérobique à 37°C pendant plusieures heures. Cette chambre contient 80% d’azote, 10% de dioxyde de carbone et 10% d’hydrogène. Enfin, l’examinateur sent l’échantillon de salive. Ce test permet de mesurer la capacité de la salive non stimulée à produire des odeurs.

Les résultats du test organoleptique sont exprimés selon une échelle de valeurs. Différentes échelles de graduation semi-quantitatives ont été instaurées [10]. Par exemple, Kaltschmitt et Eickholz utilisent une échelle de 4 degrés ( voir Tableau 4) [19].

Tableau 4. Classification subjective des halitoses (D’après Kaltschmitt et Eickholz 2006 [19])

Degré 0 A environ 10 cm, le patient dit « A ». Aucune odeur déplaisante n’est perçue.

Degré 1 A environ 10 cm, le patient dit « A ». Une odeur déplaisante est perçue.

Degré 2 A environ 30 cm, une odeur désagréable est perçue pendant une conversation.

Degré 3 A environ 1 m, pendant l’interrogatoire, une odeur franchement désagréable est perçue.

Il existe aussi des échelles à 5 ou 6 degrés [2]. Mais un consensus a été trouvé lors du colloque international sur l’halitose d’origine buccale en 1999 [10]. On utilise désormais comme référence une échelle de graduation de 0 à 5 (voir Figure 8) [2, 9, 10, 14, 18, 28, 31] :

Figure 8. Echelle organoleptique (D'après Sanz et al. 2001 [10])

Pour chaque type d’odeur, le juge donne donc un score selon cette échelle de graduation. On parle de score organoleptique. Et même s’il s‘agit d’une mesure subjective forcément biaisée, certaines études ont montré une forte corrélation entre les scores organoleptiques et les mesures instrumentales telles que la mesure de CSV par moniteur de gaz sulfurés ou par chromatographie gazeuse [49]. On peut donc se fier à cette technique pour évaluer la mauvaise haleine.

Mais pour cela il faut respecter certaines conditions [2, 6, 9, 10, 16, 18, 19, 28] :

- Le patient ne doit pas consommer d’aliments très odorants moins de 48 heures avant la mesure (notamment les épices, l’ail, l’oignon), ne doit pas utiliser de cosmétiques parfumés moins de 24 heures avant la mesure (déodorant, parfum, shampoing), ne doit ni fumer, ni faire de soins d’hygiène bucco-dentaire, ni utiliser de bain de bouche ou de rafraîchisseur

33

d’haleine pouvant masquer l’halitose moins de 12 heures avant la mesure, doit être à jeun au moins 2 à 4 heures avant la mesure et doit stopper la prise d’antibiotique 3 semaines avant la mesure.

- L’examinateur ne doit pas boire de café, de thé, de jus et il ne doit pas fumer, ni utiliser de cosmétiques parfumés avant la mesure. Il doit également éviter de consommer des aliments très odorants pouvant fausser son odorat et donc la mesure. Il faut donc éviter toute contamination par des odeurs parasites.

Lorsque toutes ces conditions sont réunies et que les examinateurs sont entraînés, le test organoleptique devient une technique relativement fiable et reproductible. Elle est considérée comme le « gold standard » (traduisez par la référence absolue) en matière d’évaluation de l’halitose [6]. Elle a comme avantage d’être rapide, relativement simple à mettre en œuvre et permet de mesurer à la fois le niveau et le type d’odeur et donc d’établir un diagnostic différentiel. La méthode hédonique quant à elle, est encore plus simple puisqu’elle ne requière pas d’entraînement spécifique. Elle peut être réalisée partout, par un confident ou une personne proche.

Malgré tout, ces deux techniques restent subjectives et ne peuvent remplacer entièrement des mesures instrumentales plus fiables et donc plus objectives. Et de plus, le risque de contamination dû à la proximité entre examinateur et sujet ne peut être totalement écarté.

34

Documents relatifs