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La cavité buccale

Dans le document L'halitose : une approche pluridisciplinaire (Page 90-138)

II. CAUSES DE L’HALITOSE

1. La cavité buccale

La cavité buccale est la première source d’halitose pathologique par la production de composés gazeux malodorants (et notamment des composés sulfurés volatiles ou CSV). Elle représenterait en effet entre 70 et 95% des causes d’halitose vraie [2-22]. Ces composés nauséabonds sont le résultat de la dégradation de molécules protéiniques par des bactéries anaérobies à Gram négatif colonisant la cavité buccale. Ces molécules protéiniques proviennent de deux origines :

- Une origine exogène : l’alimentation. Une hygiène bucco-dentaire déficiente induit une accumulation de débris alimentaires qui favorisent ainsi la croissance et la multiplication des bactéries de la plaque dentaire. Certains facteurs favorisent l’accumulation bactérienne : des soins dentaires et des couronnes prothétiques débordants/mal adaptés, la douleur provoquée par des lésions muqueuses, des plaies, des malpositions dentaires, des gencives lésées, des poches gingivales et parodontales, une surface linguale irrégulière sont autant d’éléments qui empêchent un nettoyage correct de la cavité buccale par le patient.

- Une origine endogène : la salive (dont les modifications qualitatives ou quantitatives limitent le nettoyage physiologique et la protection des muqueuses), le sang, les tissus nécrosés… Toute inflammation gingivale, parodontale, ou muqueuse provoque un afflux sanguin riche en protéines ainsi qu’une nécrose cellulaire, conséquence des réactions inflammatoires locales. Les cellules du turn-over physiologique et celles issues de la destruction tissulaire induite par les bactéries en présence seront dégradées par lesdites bactéries.

Cette activité bactérienne anaérobie produit ainsi des CSV responsables de l’halitose. Elle peut aussi engendrer des phénomènes de surinfection avec la formation d’un abcès contenant du pus nauséabond. Ce dernier va renforcer la mauvaise haleine.

La cavité buccale est un milieu complexe naturellement riche en bactéries. Cependant, certaines conditions locales ou générales modifient cet écosystème et favorisent le développement des bactéries anaérobies à Gram négatif responsables de l’halitose. Parmi les conditions locales influençant la prolifération bactrienne, la langue joue un rôle prépondérant, mais elle n’est pas la seule. Les couronnes (dentaires ou prothétiques), le parodonte, les muqueuses et la salive ont aussi un rôle significatif à jouer.

A Causes parodontales

Le parodonte regroupe l’ensemble des tissus de soutien de la dent. On distingue le parodonte superficiel (gencive) et le parodonte profond (ligament alvéolo-dentaire, cément, os et attache épithéliale). Une hygiène bucco-dentaire incorrecte induit une accumulation de bactéries. Ces bactéries provoquent une irritation puis une inflammation de la gencive (gingivite, hypertrophie gingivale). Cette inflammation atteignant la gencive peut, en cas de persistance de la plaque dentaire, se propager dans les tissus parodontaux profonds (parodontite, abcès parodontal, parodontopathies nécrosantes). Certains actes chirurgicaux ou certains médicaments peuvent directement engendrer une inflammation osseuse (ostéite, alvéolite, ostéonécrose). Toutes ces pathologies parodontales peuvent être associées à une halitose.

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a) Influence d’une hygiène bucco-dentaire déficiente

Le but des mesures d’hygiène orale (brossage des dents, bain de bouche, gratte-langue…) est d’éliminer la plaque dentaire qui se dépose sur les dents et les muqueuses après une prise alimentaire. Cette plaque dentaire, ou biofilm, est un dépôt constitué de bactéries, d’éléments salivaires et de débris alimentaires (substrat) [1, 19] (voir chap. I 6). En l’absence de toute hygiène, la plaque dentaire s’accumule et évolue d’une flore aérobie vers une flore à prédominance anaérobie [4, 10, 110] ; ces bactéries anaérobies étant en grande partie responsables de la production des mauvaises odeurs.

La plaque dentaire peut, dès 72 heures après son accumulation, se minéraliser en tartre [21, 110]. Ce tartre présente une surface rugueuse qui favorise la rétention de plaque dentaire et de débris alimentaires [4]. Il apporte des nutriments pour les bactéries buccales productrices d’odeurs et aggrave donc l’halitose (voir chap. I 2 B) [2, 4]. De par leur structure et leur composition, le tartre et la plaque dentaire sont des irritants pour les tissus parodontaux via leur action mécanique (le tartre rugueux frotte la gencive et la blesse) et via leur action chimique (libération de toxines par les bactéries) [6, 21]. Une hygiène bucco-dentaire incorrecte est un facteur favorisant l’halitose d’origine buccale [4, 6, 24, 109, 111-114].

b) Les maladies gingivales

Les maladies gingivales prennent des formes cliniques variables selon leur étiologie, comme par exemple les gingivites, les hypertrophies gingivales et les parodontopathies ulcéro-nécrotiques.

(1) Inflammation gingivale ou gingivite

La plaque dentaire se dépose sur les dents et les gencives et engendre une inflammation gingivale, ou gingivite [6, 8, 19, 21, 109, 111, 115]. La gencive est lisse, rouge, oedématiée, perd son aspect « peau d’orange » et saigne facilement (spontanément ou suite au brossage ou au sondage parodontal) [9]. (Voir Figure 53)

L’afflux sanguin qui caractérise l’inflammation apporte des nutriments supplémentaires qui seront métabolisés par les bactéries buccales en composés volatiles malodorants. La production de CSV étant corrélée aux bactéries qui les produisent, la gingivite est une cause fréquente d’halitose d’origine buccale [111, 116]. De plus, lorsque la gingivite est sévère, elle peut devenir très douloureuse. Ceci dissuade souvent les patients de se brosser les dents d’où une accumulation de plaque dentaire riche en bactéries qui aggravent la gingivite.

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Voici une classification des différentes formes de gingivites (induites par la plaque dentaire, ou non induites par la plaque) (voir Tableau 7) :

Tableau 7. Classification des maladies gingivales (D’après Armitage 1999 [118]) Maladies gingivales induites par la plaque dentaire

Associées à la plaque seulement :

- Avec facteurs locaux favorisants (soins dentaires défectueux, défaut d’alignement dentaire…)

- Sans facteurs locaux favorisants

Associées à des facteurs systémiques :

- Modifications endocriniennes (puberté, cycle menstruel, grossesse, diabète)

- Troubles hématologiques (leucémie ou autre)

Associées aux médicaments :

- Hypertrophie gingivale induite par les médicaments

- Gingivite aggravée par les médicaments (contraceptifs oraux, etc.…)

Associées à la malnutrition (carence en vitamine C)

Maladies gingivales non induites par la plaque dentaire

D’origine bactérienne spécifique :

- Associées à Treponema Pallidum (syphilis)

- Associées à Neisseria Gonorrhea (blennorragie)

- Autres

D’origine virale :

- Associées à l’herpès virus (gingivostomatite herpétique, herpès buccal récidivant, etc.…)

- Autres

D’origine fongique :

- Candidose gingivale

- Erythème gingival linéaire

- Histoplasmose

- Autres

D’origine génétique (fibromatose gingivale héréditaire) Manifestations gingivales de maladies systémiques :

- Cutanéomuqueuses (lichen plan, pemphigoïde, pemphigus vulgaire, lupus érythémateux, érythème polymorphe)

- Allergiques (produit de rinçage, dentifrice, matériaux d’obturation dentaire comme l’acryl, le mercure, etc.…)

D’origine traumatique (lésion chimique, physique, thermique) D’origine auto-immune

Non spécifiques

Du fait de l’inflammation, la gencive augmente en volume et peut provoquer la formation de « poches gingivales » favorisant la prolifération de bactéries anaérobies à Gram négatif productrices de CSV [5, 44]. Cette pseudo-poche peut se surinfecter et former un abcès gingival duquel un pus d’odeur nauséabonde peut s’écouler dans la bouche et provoquer une mauvaise haleine [9].

La gingivite, qu’elle soit aigüe ou chronique, favorise donc l’halitose pathologique d’origine buccale surtout lorsqu’elle est généralisée et sévère [3, 5, 14, 19, 21, 25, 55, 111, 114, 119, 120]. Elle représenterait environ 20 à 30% des causes orales d’halitose [10, 121].

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(2) Les hypertrophies gingivales

L’hypertrophie gingivale est un cas particulier de maladie gingivale caractérisée par une augmentation localisée ou généralisée du volume de la gencive, soit génétique, soit médicamenteuse [122]. Cliniquement, la gencive a parfois un aspect fibreux, ferme ; elle peut être rosée ou rouge, lisse, piquetée ou lobulée (constituée de petits lobes arrondis) et présente peu, voire aucun signe d’inflammation (peu de saignements) [95, 123]. Son volume nettement plus important qu’à l’accoutumée va même jusqu’à recouvrir les dents (voir Figure 54).

La cause principale de ces hypertrophies gingivales est la prise de certains médicaments : traitement de l’épilepsie ou des névralgies du trijumeau (diphénylhydantoïne ou Di-Hydan®, phénytoïne ou Dilantin® [123, 124]), traitement de l’hypertension artérielle ou de l’angor (nifédipine ou Adalate®, félodipine ou Flodil® [123]), traitement immunosuppresseur pour les greffes d’organes (ciclosporine A [124]) [9].

Comme pour la gingivite, l’augmentation du volume de la gencive (et le recouvrement des dents par celle-ci) induit la formation de poches gingivales inaccessibles au brossage [9]. Ces réservoirs bactériens offrent les conditions idéales pour la production de composés malodorants (environnement pauvre en oxygène, flux salivaire réduit, absence de brossage). L’hypertrophie gingivale favorise donc l’halitose.

Figure 54. Hypertrophie gingivale d’origine médicamenteuse [122] (3) Les maladies parodontales ulcéro-nécrotiques

L’une des formes les plus graves de pathologie parodontale est la gingivite ulcéro-nécrotique (GUN) et ses complications (parodontite ulcéro-nécrotique ou PUN et noma). Ces pathologies, ou parodontopathies nécrosantes, sont des maladies parodontales d’origine infectieuse (bactéries anaérobies de la plaque dentaire [6]) qui affectent les tissus de soutien de la dent [125]. Elles peuvent être aigües ou chroniques et sont classées dans le groupe des stomatites ulcéro-membraneuses (inflammation de la muqueuse buccale caractérisée par une ulcération recouverte d’une fausse membrane) :

- La GUN touche uniquement le parodonte superficiel (gencives). La GUN aigüe est aussi appelée stomatite de Vincent [21, 125] ou maladie de Plaut-Vincent [126].

- La PUN touche à la fois le parodonte superficiel et le parodonte profond : il y a rupture de l’attache entre la dent et la gencive, destruction osseuse, nécrose du ligament alvéolo-dentaire et mobilité alvéolo-dentaire [9, 125, 127].

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- Le noma, qui est une forme étendue de GUN, est une maladie extrêmement grave et potentiellement mortelle [126]. Il s’agit d’une stomatite gangréneuse c'est-à-dire une inflammation de la muqueuse buccale évoluant vers la nécrose de celle-ci [1].

Le signe clinique majeur de ces parodontopathies nécrosantes est l’apparition brusque d’ulcérations multiples au niveau de la gencive marginale et de la papille inter-dentaire (voir Figure

55). Ces lésions sont très douloureuses et saignent au moindre contact [9, 125, 127]. L’haleine est

fétide à cause du phénomène de nécrose : les bactéries digèrent les éléments nécrosés pour produire des composés gazeux malodorants [125-128]. Puis la nécrose s’étend vers les papilles inter-dentaires avec « décapitation » de celles-ci. Les lésions prennent un aspect cratériforme dont le fond est recouvert d’un enduit gris-blanchâtre adhérent [9, 125-129] : c’est le stade de gingivite ulcéro-nécrotique.

Figure 55. Gingivite ulcéro-nécrotique douloureuse, sévère et généralisée (D'après Piette et al. 2005 [126]) Des ulcérations irrégulières analogues peuvent apparaître ailleurs (joues, lèvres, trigone rétro-molaire, plancher buccal) [126]. On parle de parodontite ulcéro-nécrotique lorsque la nécrose atteint le parodonte profond : il y a destruction du ligament alvéolo-dentaire et de l’os alvéolaire. La dent perd son soutien et devient mobile, jusqu’à tomber. Dans les cas graves, on observe une dégradation de l’état général avec malaise, fièvre, adénopathies (inflammation des ganglions lymphatiques [1]), difficulté à déglutir (dysphagie), trismus (limitation d’ouverture buccale par spasme des muscles élévateurs de la mandibule [1]), salivation abondante et toujours une haleine fétide [124-128].

La cause exacte de ce processus n’est pas connue [128]. On considère qu’il s’agit soit d’une modification du système immunitaire qui permet une surinfection bactérienne, soit d’une infection primaire par des pathogènes majeurs [126]. Il existe toutefois des facteurs prédisposant connus : une mauvaise hygiène bucco-dentaire, le tabac, le stress, une immunodépression, une malnutrition, un trouble hématologique, une mononucléose infectieuse, une syphilis, ou une infection déclarée par le VIH (Virus de l’Immunodéficience Humaine) [9, 124, 126-128].

Du fait de la nécrose et de la digestion des substances mortes par les bactéries, l’haleine est forte et caractéristique. La GUN, la PUN et le noma seraient donc une importante source d’halitose d’origine buccale [2, 10, 21].

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c) Les maladies parodontales

(1) La parodontite

La parodontite est une maladie infectieuse caractérisée par une perte d’attache (rupture de l’attache épithéliale) et du ligament alvéolo-dentaire, associée à une alvéolyse (destruction de l’os alvéolaire). Il s’ensuit la formation de poches parodontales et une infection du cément (voir Figure

56) [9, 127]. Le mécanisme de formation est le même que pour la gingivite : le manque d’hygiène

bucco-dentaire favorise une accumulation de plaque dentaire et de tartre qui provoquent une inflammation touchant la gencive puis, chez certains patients, le tissu osseux sous-jacent [6, 9, 21, 25, 127].

Figure 56. Parodontite [122]

Selon la profondeur de la poche, on distingue trois stades de parodontite [9] : - Parodontite légère ou débutante : 1 à 2mm de profondeur de poche - Parodontite modérée : 3 à 4mm de profondeur de poche

- Parodontite sévère : 5mm ou plus de profondeur de poche

La parodontite est localisée (inférieur ou égal à 30% des sites atteints) ou généralisée (plus de 30% des sites atteints) [9]. Il en existe différentes formes (voir Tableau 8) :

Tableau 8. Classification des parodontites (D’après Armitage 1999 [118]) Parodontites chroniques - Localisées - Généralisées Parodontites agressives - Localisées - Généralisées

Parodontite en tant que manifestations de maladies systémiques Associées à une hémopathie :

- Leucémie

- Neutropénie

94 Associées à des anomalies génétiques :

- Neutropénie familiale cyclique

- Syndrome de Down

- Syndrome de Papillon-Lefèvre

- Syndrome de Chediak-Higashi

- Syndrome de déficience d’adhésion leucocytaire

- Histiocytose

- Agranulocytose génétique infantile

- Syndrome de Cohen

- Syndrome d’Ehlers-Danlos

- Hypophosphatasie

Autres Non spécifiées

Les maladies parodontales sont essentiellement dues à des bactéries anaérobies à Gram négatif présentes dans la plaque dentaire par exemple. Or ces bactéries produisent des CSV, principaux composés de l’halitose. Il serait donc logique de penser que les maladies parodontales, comme la parodontite, sont une source d’halitose par leur origine bactérienne. C’est d’ailleurs ce postulat que défendent nombre de chercheurs [5, 8, 19, 21, 25, 44, 55, 114, 115, 120]. Pourtant ce sujet fait grand débat dans la communauté scientifique. A ce jour, nous ne savons toujours pas si la parodontite est une cause ou une conséquence de l’halitose, ni même prouvé l’existence d’un lien, qu’il soit direct ou indirect, entre cette halitose et la parodontite [2, 9, 18].

D’une part, certaines études démontrent qu’il n’existe aucun lien entre le statut parodontal et l’halitose [9, 130]. Ce lien n’est pas systématique puisque de nombreux patients sans problèmes parodontaux, voire sans dents, ont de hauts niveaux de CSV et une haleine forte [9, 10, 13, 14, 37]. Réciproquement, on trouve des patients ayant des problèmes parodontaux mais présentant une haleine tout à fait acceptable. Donc l’association parfois observée entre halitose et parodontite est purement fortuite.

D’autre part, de nombreuses études concluent à l’existence d’une corrélation entre l’intensité de l’halitose et l’intensité de l’inflammation parodontale [10, 13, 14, 119, 131] : plus la parodontite est sévère, plus l’activité métabolique des bactéries productrices de CSV est accentuée [30]. La mauvaise haleine est donc plus intense dans le parodonte malade que dans le parodonte sain car les poches parodontales sont des niches pour les bactéries anaérobies à Gram négatif et des réservoirs pour les débris alimentaires [5, 10, 13, 14, 19, 21, 37, 50, 94, 109, 114, 116, 132]. Ces poches parodontales fournissent ainsi un environnement favorable au développement des bactéries productrices de CSV de par l’anaérobiose et la présence de nutriments [119]. Ces nutriments sont apportés par l’inflammation qui provoque une augmentation du débit salivaire sulculaire (riche en protéines salivaires), des saignements fréquents et une nécrose des cellules parodontales [2, 4, 10, 133]. Dégradés par les bactéries, ils sont à l’origine des mauvaises odeurs buccales. Donc plus la parodontite est sévère, plus les poches sont profondes et saignent, et plus le processus de dégradation est important (voir Figure 57) [9, 10, 13, 14, 50, 94, 131].

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Figure 57. Lien entre certains paramètres parodontaux et l’halitose (D'après Hinode et al. 2003 [94])

Les diagrammes a-e montrent le lien entre le pourcentage de poches parodontales profondes d’une part et le score organoleptique (a), le taux de H2S (b), le taux de CH3SH (c), le taux de (CH3)2S (d) et la concentration totale en CSV (e) d’autre part.

Les diagrammes f-j montrent le lien entre le pourcentage de dents présentant un saignement au sondage d’une part et le score organoleptique (f), le taux de H2S (g), le taux de CH3SH (h), le taux de (CH3)2S (i) et la concentration totale en CSV (j) d’autre part.

Cependant, il semblerait que ce lien direct entre l’halitose et la parodontite ne soit valable que lorsque les poches parodontales sont profondes [9, 10]. Les dépôts linguaux, majorés par la maladie parodontale, sont constitués de bactéries productrices de composés malodorants. Cet enduit lingual est plus épais et plus important en présence de parodontite [9, 10, 14]. Il est la source majeure d’halitose d’origine buccale, bien plus que la maladie parodontale en elle-même. Dans une bouche saine ou avec une parodontite légère à modérée, l’halitose est principalement provoquée par l’enduit lingual en présence [9, 10]. Alors que pour une bouche présentant une parodontopathie sévère, l’halitose provient des poches parodontales.

Pour conclure, nous pouvons donc dire que les pathologies parodontales sont des facteurs favorisants l’apparition de l’halitose [3, 6, 9, 18, 24, 31, 112, 122]. Mais le rapport de cause à effet n’est pas toujours direct et dépend de la sévérité de l’atteinte parodontale. Une atteinte parodontale sévère est corrélée à une production de CSV élevée, ces derniers étant toxiques pour le parodonte.

(2) Effets des CSV sur le parodonte

Le tissu gingivo-épithélial, ou attache épithéliale, joue un rôle clé dans le parodonte car il forme une barrière à la pénétration des bactéries [22]. Cette barrière épithéliale est altérée par de nombreux facteurs et les CSV (notamment le méthyle mercaptan et l’hydrogène sulfuré) jouent un rôle dans ce phénomène. En effet, ils sont hautement toxiques pour les tissus, même à de très faibles quantités, car ils sont capables de fragiliser l’attache épithéliale en augmentant la perméabilité de l’épithélium buccal et jonctionnel [2, 4, 9, 10, 22, 133]. Ils permettent ainsi le passage des bactéries dans les tissus sous-jacents [2, 9, 22, 133].

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Le LPS (lipopolysaccharide, endotoxine de la paroi bactérienne des bactéries à Gram négatif [126]) et les CSV déclenchent alors une cascade de réactions enzymatiques et immunitaires destructrices dans les tissus parodontaux profonds [4, 9, 10, 126] : activation des monocytes [4] et sécrétion de diverses cytokines et autres effecteurs moléculaires pro-inflammatoires (qui augmentent la sécrétion d’interleukine 1 et 6 et de prostaglandine PGE2 pro-inflammatoire [2, 4, 10, 22]). Ces CSV sont capables d’induire une destruction des cellules parodontales par apoptose (mort cellulaire programmée) [10, 22, 126]. De ce fait, le parodonte lésé résiste moins aux agressions, ce qui aggrave et entretient la maladie parodontale [9, 126].

Les CSV agissent encore plus profondément en modifiant la morphologie et la fonction des fibroblastes gingivaux qui sont des cellules prédominantes du parodonte [4, 9, 10]. En effet, les CSV, et notamment l’hydrogène sulfuré, seraient génotoxiques : ils provoquent des modifications de l’ADN des fibroblastes gingivaux, induisant leur apoptose ou leur carcinogénèse (transformation d’une cellule normale en cellule tumorale maligne [1]) [2, 22, 133].

Figure 58. Ratio de cellules apoptotiques et nécrotiques suite à l’exposition à H2S (D'après Yaegaki et al. 2008, [22])

Le nombre de cellules nécrosées ou apoptotiques est proportionnel au temps d’exposition à H2S (voir Figure 58). En plus de détruire les cellules parodontales, les CSV en altèrent le fonctionnement. Les protéines produites par ces cellules (et notamment par les fibroblastes gingivaux) seront donc altérées et leur production modifiée [2] :

- Augmentation de la dégradation du collagène [2, 4, 9, 22, 133] - Diminution de la synthèse du collagène [2, 4, 22, 133]

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- Altération du métabolisme de la fibronectine [9, 10]

- Activation de la métalloprotéinase (enzyme qui dégrade les protéines matricielles comme le collagène et la fibronectine) [22]

L’une des conséquences cliniques visible de ce mécanisme est la perturbation du processus de cicatrisation post-chirurgical par inhibition de la prolifération des cellules épithéliales et de la synthèse de membrane basale (matrice extracellulaire indispensable située sous un épithélium) [4, 22]. La cavité buccale n’a donc plus la possibilité de cicatriser ses plaies ce qui aggrave l’halitose.

Les CSV sont toxiques pour les tissus parodontaux car non seulement ils dégradent directement le parodonte, mais en plus ils empêchent sa cicatrisation. Ils favorisent ainsi la mauvaise haleine [22, 133].

Parodontite

Aggravation Production

CSV (halitose) (3) L’abcès parodontal

L’abcès parodontal est une infection purulente localisée au niveau des tissus parodontaux [123]. Il est en général aigu mais peut devenir chronique avec la formation d’une fistule d’où s’écoule du pus. On distingue trois types d’abcès selon leur localisation [9, 127] :

- L’abcès gingival : il se situe au niveau de la gencive marginale ou d’une papille inter-dentaire - L’abcès parodontal : il y a accumulation de pus dans une poche parodontale préexistante

(exacerbation aigüe d’une inflammation parodontale chronique) [123]

- L’abcès péricoronaire : il se situe au niveau des tissus qui entourent la couronne d’une dent en éruption (voir chap. II 1 E)

L’abcès parodontal se manifeste cliniquement par une tuméfaction (voussure) douloureuse, lisse et rouge de la gencive, un écoulement de pus et un œdème (voir Figure 59) [123, 127]. On observe également un saignement au sondage parodontal et parfois une adénopathie et de la fièvre [127]. Les dents adjacentes sont mobiles, légèrement extrusées et sensibles à la pression (mastication et percussion).

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Cette pathologie à plusieures origines mais le mécanisme reste le même : il s’agit d’une surinfection au niveau d’une poche parodontale. En effet, un soin dentaire ou la pénétration d’un corps étranger dans les tissus parodontaux (morceau de tartre par exemple) peut boucher la poche parodontale. Les germes présents dans cette poche (essentiellement des bactéries anaérobies à Gram négatif) vont devenir plus virulents et induire la formation de pus [123]. Les défenses immunitaires des tissus parodontaux sont alors dépassées, d’où la formation d’un abcès. Cet abcès parodontal peut provoquer une mauvaise haleine par la présence de pus (issu de la dégradation des débris cellulaires et sanguins). De plus, la douleur associée n’incite pas le patient à réaliser des soins d’hygiène bucco-dentaire efficaces ce qui aggrave encore l’halitose.

(4) La péri-implantite

La péri-implantite est une inflammation d’origine infectieuse autour d’un implant dentaire touchant les tissus parodontaux (gencive, os) [127]. Le phénomène est semblable à la parodontite : il y a accumulation de plaque bactérienne (par manque d’hygiène orale) ce qui provoque une inflammation des tissus mous autour de l’implant, puis une destruction progressive du parodonte

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