• Aucun résultat trouvé

THYMECTOMIE CHEZ LE MYASTHENIQUE

I. PERIODE PREOPERATOIRE

1. Evaluation préopératoire

Les suites opératoires de la thymectomie sont conditionnées par la qualité de la préparation préopératoire. La survenue de complications respiratoires serait liée à une préparation préopératoire inadéquate [7,51].

L’objectif est d’obtenir un statut respiratoire optimal et une fonction des muscles oropharyngés aussi normale que possible [7,52].

a. La consultation pré-anesthésique

L’évaluation classique de la consultation pré-anesthésique est très importante dans la mesure où elle permet d’évaluer l’état clinique du patient, ses antécédents, ses risques par rapport aux différents types d’anesthésie, par rapport à la chirurgie et en fonction des traitements qu’il prend. Cette consultation recherche les éventuels critères d’intubation difficile ou de nécessité de ventilation, souligne la capacité fonctionnelle et requiert un bilan préopératoire complet [7].

Cette consultation a un autre rôle capital et qui est d’informer le patient et de le rassurer. Les éléments d’information portent sur la procédure et la technique chirurgicale, la technique d'anesthésie choisie et retenue pour ce patient, et éventuellement sur les risques encourus [7].

b. Evaluation clinique

L’évaluation clinique a pour but de rechercher les signes cliniques de la myasthénie, son stade selon la classification d’Osserman, ainsi que les signes de gravité : atteinte des muscles pharyngo-laryngés et respiratoires ou un syndrome restrictif (une capacité vitale inférieure ou égale à 15ml/kg est un signe de gravité) [7].

c. EFR

Les explorations fonctionnelles respiratoires participent au diagnostic et à la prise en charge d’innombrables pathologies respiratoires. Elles viennent juste après la radiographie du thorax dans l’orientation étiologique d’une dyspnée chronique [7]. Elles permettent de caractériser un trouble ventilatoire et de différencier s’il s’agit d’un trouble obstructif, restrictif ou mixte et font partie des scores prédictifs de ventilation mécanique postopératoire [7,53].

Le syndrome restrictif est défini par une diminution de la capacité vitale et de la capacité pulmonaire totale à l’EFR. Tous les patients qui présentent un syndrome restrictif chronique ont une diminution de la force ou de l’efficience musculaire inspiratoire. Lorsque la capacité vitale est inférieure à 30% de la valeur théorique, les patients développent une hypoventilation alvéolaire nocturne [7].

Ce syndrome est le point commun d'un certain nombre d'affections de nature et de fréquence très diverses qui peuvent schématiquement être

70

étiologiques, la fréquence de survenue respective de chaque affection causale est inégale : les cyphoscolioses, les séquelles de tuberculose, et les fibroses sont fréquentes, tandis que les affections neuromusculaires sont plus rares [54].

Les maladies neuromusculaires diffuses se compliquent généralement d’une atteinte respiratoire chronique restrictive, en particulier, les myasthénies et les myopathies (myopathie de Duchenne chez les sujets jeunes et myopathies chez les adultes) [7].

Ces patients ont en général un suivi neurologique et pulmonaire spécialisé dans un centre de référence. En plus du déficit musculaire inspiratoire, ils présentent un déficit des muscles expiratoires qui diminuent leurs capacités de désencombrement [7,55].

Dans notre étude, un syndrome restrictif à l’EFR en préopératoire a été retrouvé chez 10 patients soit 40% des patients.

d. La gazométrie

La gazométrie, quant à elle, permet d’évaluer la fonction respiratoire et acidobasique. Associée à la spirométrie, elle permet une approche de la physiologie respiratoire du patient. C’est un examen clé dans le diagnostic et la surveillance de l’insuffisance respiratoire chronique [7].

Chez les myasthéniques, l’échangeur gazeux reste intact. En cas de décompensation respiratoire, les gaz du sang artériel sont normaux dans un premier temps (il ne faut pas attendre la modification de la gazométrie pour affirmer la décompensation). Dans un second temps, l’hypoxie-hypercapnie est témoin d’une hypoventilation alvéolaire et d’une gravité de la décompensation respiratoire. L’hypoxie se traduit par la diminution de la pression artérielle en

oxygène, et elle est suivie d’une accumulation excessive de gaz carbonique dans le sang. La défaillance respiratoire est la conséquence d’une faiblesse voire une paralysie des muscles respiratoires avec diminution des volumes, surinfections, inefficacité de la toux favorisant l’encombrement bronchique [7].

La quantification du déficit des muscles respiratoires repose sur l’évaluation de la diminution des volumes pulmonaires et de la force des muscles respiratoires par la mesure de la capacité vitale (CV), ainsi que des pressions maximales expiratoires (Pme) et inspiratoires (Pmi). La surveillance répétée de ces mesures et la cinétique de leurs variations sont nécessaires à l’identification des patients à risque de décompensation respiratoire et de ceux nécessitant une suppléance immédiate de la fonction respiratoire [7,56].

e. Classification d’Osserman

La classification d’Osserman décrit les stades cliniques de la myasthénie [7].

STADE I : atteinte localisée oculaire ou isolée d’un groupe musculaire STADE IIA : faiblesse généralisée sans atteinte bulbaire

STADE IIB : faiblesse généralisée avec atteinte bulbaire STADE III : faiblesse généralisée sévère

72

f. Classification MGFA

La classification internationale de l’American Foundation for Myasthenia Gravis est unanimement retenue pour classer la gravité. Cette classification permet d’apprécier la qualité de vie ainsi que l’éventuel retentissement socioprofessionnel et psychologique de la myasthénie. Elle permet aussi d’apprécier la tolérance du traitement [7].

Le tableau suivant décrit la classification MGFA [43] :

Classe Déficit moteur

I Déficit des muscles oculaires. Faiblesse de l’occlusion des yeux possible

II Déficit discret des muscles autres que les muscles oculaires

IIa Atteinte prédominante des muscles des membres ou axiaux

IIb Atteinte prédominante des muscles oropharyngés ou respiratoires

III Déficit modéré des muscles autres que les muscles oculaires. Déficit des muscles oculaires possible

IIIa Atteinte prédominante des muscles des membres ou axiaux

IIIb Atteinte prédominante des muscles oropharyngés ou respiratoires

IV Déficit sévère des muscles autres que les muscles oculaires. Déficit des muscles oculaires possible

IVa Atteinte prédominante des muscles des membres ou axiaux

IVb Atteinte prédominante des muscles oropharyngés ou respiratoires

g. Gestion des médications myasthéniques

g.1. Anticholinesterasiques

Constituant le traitement symptomatique de première intention de la myasthénie, les anticholinésthérasiques diminuent l’activité de l’acétylcholinestérase. Cette laquelle clive l’acétylcholine, ce qui permettra l’accumulation de ce dernier au niveau des fentes synaptiques, ce qui renforce sa fixation sur les récepteurs malgré la présence des auto- anticorps. L’influx nerveux est tout de même transmis au muscle qui se contracte. Ce traitement est peu efficace chez les personnes atteintes de myasthénie auto-immune avec anti-MuSK [7].

Trois substances partagent cette indication et sont généralement indiquées préférentiellement selon l’ordre suivant : la pyridostigmine (Mestinon®) [7]. La dose quotidienne du début de 60 à 420 mg/j était répartie entre 3 et 7 prises par jour. Le chlorure d'Ambénonium (Mytélase®) de 20 jusqu’à 50 mg/j[19], et la néostigmine (Prostigmine®).

La Prostigmine® a une durée d’action de 1h à 1h20, le Mestinon® de 4h et la Mytélase® de 4 à 6h. Les prises à jeun, une heure avant le repas, et toujours espacées de 4heures minimum afin d’éviter les surdosages.

La posologie quotidienne n’est pas facile à estimer et peut être insuffisante quand le patient fournit un effort physique considérable. Elle est recherchée de façon progressive en commençant par des doses minimales efficaces afin de

74

de surdosage qui se traduit par une accentuation de la faiblesse musculaire et une accentuation des effets muscariniques, voire une paralysie respiratoire, dans ce cas de faibles doses de produits atropiniques peuvent être prescrites [7].

Ces médicaments ne doivent en aucun cas être interrompus et sont pris par le patient jusqu’au jour de l’intervention chirurgicale.

g.2.Corticoïdes

Appelés aussi anti-inflammatoires stéroïdiens, les corticoïdes sont des dérivés synthétiques des hormones naturelles (cortisol et cortisone), dont ils se distinguent par un pouvoir anti inflammatoire plus marqué, et doués de propriétés anti-allergiques et immuno-modulatrices [7]. Ils sont administrés dans le cas d’une inefficacité ou d’une efficacité partielle des anticholinéstérasiques, et dans les formes chroniques mal équilibrées.

La prednisone, le plus souvent, prescrite à la dose initiale de 1mg/kg/j dans la myasthénie généralisée, pendant 4 à 6 semaines. Les posologies sont progressivement réduites après stabilisation[7]. La dose la plus basse était de 5mg/j, et la plus élevée était de 60mg/j avec une dose moyenne de 31mg/j.

Par conséquent, il faut être vigilant devant tout patient qui présente un état infectieux non traité par un traitement spécifique :

- herpes et zona oculaire, varicelle

- un diabète déséquilibré ou une poussée hypertensive - une crise de goutte

- une maladie ulcéreuse hémorragique et/ou évolutive - états psychotiques

La cortico-dépendance est un phénomène fréquent traduit par la rechute à l’arrêt de la corticothérapie de longue durée, c’est ce qu’on appelle effet rebond. L’arrêt du traitement doit se faire de manière dégressive, une réduction progressive jusqu’au sevrage, sinon risque d’une insuffisance surrénalienne aigue qui est une urgence thérapeutique qui peut aller d’une simple déshydration à un choc, voire décès.

g.3.Immunosuppresseurs

Ils sont administrés pour réduire l’auto-réactivité en apaisant globalement le système immunitaire.

L’Azathioprine (Immurel®) est l’immunosuppresseur le plus utilisé dans la myasthénie. Elle agit par inhibition de la synthèse de la purine et donc de la prolifération cellulaire. Selon une étude d’Arnold S. et al,, la dose utilisée était de 50 mg/ j avec augmentation hebdomadaire de 50 mg jusqu'à atteindre une dose totale de 2 à 3 mg par kg de poids corporel [7]. Une numération globulaire complète ainsi qu’un bilan hépatique ont été effectués avant le traitement. Ces tests ont été répétés toutes les 4 à 6 semaines [57]. Les vaccinations anti-pneumococcique et anti grippale sont nécessaires.

Ils sont prescrits en association avec les corticoïdes lorsqu’un déficit fonctionnellement important persiste sous traitement anticholinestérasique. En effet, une étude par Fonseca V. et al, a également conclu que l'azathioprine, administré seul ou en association avec les corticostéroïdes, a sa place dans la gestion de la myasthénie grave, en particulier pour les patients chez qui la

76

Les immunosuppresseurs sont principalement utilisés chez les patients qui ne tolèrent pas la corticothérapie ou qui n’y répondent pas, ou comme une aide pour diminuer les doses de corticoïde lorsqu’un patient le souhaite. Les effets secondaires de ce traitement sont moins variés que ceux liés à la corticothérapie mais ils peuvent être très sérieux comme la tératogénicité et les malformations des fœtus pour les femmes en âge de procréation.

g.4.Echanges plasmatiques

La plasmaphérèse (échanges plasmatiques) consiste à passer le sang du patient dans une centrifugeuse pour être traité et retourner la fraction cellulaire complétée par du plasma artificiel dans la veine (figure 18) [59]. La réinjection des cellules sanguines est faite aux patients, après prélèvement des éléments. Des études montrent que les échanges plasmatiques semblent être plus efficaces que les traitements par immunoglobulines pour les patients ayant des anticorps anti MuSK.

Généralement, le traitement nécessite plusieurs séances. Toutes les recommandations s’accordent sur le fait que 5 à 6 séances, tous les 2 jours, sont nécessaires pour un résultat clinique optimal. Efficaces de façon transitoire, les EP sont contraignants car ils nécessitent une hospitalisation de quelques heures (en général une demi-journée). De plus en plus de centres utilisent également les échanges plasmatiques comme un traitement à long terme avec des patients qui viennent tous les mois recevoir un échange plasmatique. Il faut cependant noter qu’il n’existe que peu de littérature sur cette dernière approche.

Le but de l’échange plasmatique est d’enlever les AC anti-RACh circulants du plasma, ce qui permet de réduire l’attaque auto-immune au niveau de la JNM [7].

Les EP ont une indication majeure dans les crises myasthéniques et les formes graves de la myasthénie[19].

Toutefois, ce traitement n’est pas dénué d’effets indésirables : hypotension, troubles du rythme cardiaque, fièvre, malaise vagale, crampes musculaires, céphalées, hypoglycémie, hématome au point d’injection, infection broncho-pulmonaire, septicémie ayant comme porte d’entrée un cathéter central, et décès suite à un pneumothorax suffocant [7,60].

Dans notre série, un seul patient a bénéficié d’EP en préopératoire.

Figure 18: Plasmaphérèse ou échange plasmatique par filtration [59]

78

Dans une étude de Wegner et al,, la dose initiale utilisée d'IgIV était de 400 mg/kg/jour pendant 5 jours. Les doses d'entretien des IgIV étaient de 400 mg/kg/jour tous les trois mois, ce qui a permis de maintenir l'état neuromusculaire du patient sans aucune aggravation [7].

Bien qu’onéreux, les IgIV demeurent néanmoins un traitement efficace. Toujours est-il, son but principal actuellement est d’éviter ou de raccourcir un séjour en unité de soins intensifs à l’hôpital. On les appelle aussi « gamma globulines humaines », et sont utilisées depuis des décennies par la médecine moderne dans le traitement de multiples maladies infectieuses ou inflammatoires, et également utilisées dans le traitement de diverses pathologies auto-immunes. Au cours des vingt dernières années, leur usage a été étendu dans le traitement de la MG. Il est possible que certains patients ne répondent pas à cette thérapie et l'utilisation d'IgIV doit être limitée aux seuls cas qui répondent. Les effets secondaires du traitement par les IgIV, qui peuvent être graves chez certains patients, doivent être gardés à l'esprit [7]. De ce fait, il est recommandé que ces patients soient minutieusement examinés et sélectionnés pour un traitement par IgIV de longue durée [61].

Le traitement est injecté en intraveineuse lente sur un nombre d’heures, beaucoup de patients sont traités par une série de perfusions sur 3 à 5 jours. La durée d’amélioration est habituellement de quelques semaines à quelques mois. La principale complication est l’aggravation d’une insuffisance rénale préexistante [7].

Les effets indésirables que l’on retrouve fréquemment chez les patients qui ont reçu des immunoglobulines étaient une réaction cutanée du site d’injection et des maux de tête, ceci dit, une quantité suffisante de liquides doit accompagner le traitement afin de minimiser les risques de maux de tête sévères.

Parmi les autres effets secondaires constatés, on cite nausées, diarrhée, vomissement, douleurs abdominales et des douleurs articulaires, une toux sèche, des paresthésies, une fatigue, des acouphènes et une lésion pulmonaire aigue (TRALI : Transfusion-Related Acute Lung Injury).

h. Prise en charge psychologique

Les complications peuvent impacter le pronostic vital [62]. D’emblée, le patient doit être informé, soutenu et rassuré en pré et en post-opératoire, et doit également être éduqué et alerté sur la consultation en urgence dès l’apparition de signes d’alarme (troubles respiratoires ou de déglutition, ou de signes de surdosage (crise cholinergique). Il doit, en effet pouvoir vivre une vie normale sur les plans personnel et professionnel.

2. Prémédication

La prémédication préopératoire doit éviter les traitements ayant un effet dépresseur respiratoire de durée d’action prolongée. Les benzodiazépines, par exemple, ne sont pas indiquées. De nombreux médicaments interfèrent avec la JNM et sont susceptibles d’aggraver la maladie, pouvant aller jusqu’à provoquer des crises myasthéniques [7].

On cite parmi les traitements qui présentent une contre-indication absolue : les aminosides, la triméthadione, la colistine, les cyclines injectables, les béta-bloquants, la D-pénicillamine et aussi les quinines, quinidine, et procaïnamide. Les benzodiazépines, les neuroleptiques, la carbamazépine et le lithium sont des

80

Documents relatifs