1. Contexte
1.1. Le risque biologique et la menace bioterroriste
1.1.2. Evaluation du risque et de la menace biologique
La coévolution des Hommes et des agents infectieux semble être aujourd’hui une évidence.
Ces interactions réciproques permettent à la fois leur modelage et leur renouvellement.
L’Homme voit son physique, sa longévité et sa santé modifiés mais il est également acteur, par son mode de vie, de l’évolution des agents infectieux (déplacements des biotypes,
acquisition de résistances, croisements d’espèces, mutagénèse et biologie synthétique).
Les maladies provoquées par les agents infectieux présentent un risque d’atteinte à la santé,
mais constituent également un potentiel important de désordre économique et social.
L’exemple le plus parlant est celui des pandémies grippales. Outre un impact sanitaire considérable, les conséquences psychologiques et économiques peuvent être importantes,
telles que l’inquiétude générale, les arrêts-maladie, les restrictions commerciales et les interdictions de voyager. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime qu’une telle pandémie se déclare tous les 25 à 30 ans. D’impact sanitaire modéré par rapport aux
anciennes pandémies grippales (Figure 1), la dernière pandémie grippale (2009) a
néanmoins permis la mise en place d’un plan de prévention et de lutte en 2011 (3) afin que chacun, dans son secteur de responsabilité, puisse être prêt le jour venu, à faire face au
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Figure 1 : Historique des pandémies grippales
Un rapport provenant du Centre de formation en sécurité de Zurich (4) a évalué le risque
lié aux maladies infectieuses, et celui lié aux pandémies grippales figure parmi les menaces
prioritaires.
Les progrès de la science, en particulier de la médecine ainsi que le développement de
l’hygiène ont été très importants lors du dernier siècle et ont permis d’éradiquer des maladies jusqu’alors endémiques. Cependant l’Homme est toujours aussi fragile et les
progrès n’empêchent pas la ré-émergence ou l’émergence de nouvelles maladies ; le SIDA qui sévit depuis 1981 en est le parfait exemple (5).
De plus, les diverses contaminations comme la fièvre aphteuse et la vache folle ainsi que
les épidémies par des virus jusqu’alors inconnus, comme le syndrome respiratoire aigüe sévère (SRAS) et le virus influenza H5N1 ont fait prendre conscience à la gouvernance
mondiale et aux gouvernements de la réalité de ces dangers.
1.1.2.2. Etat actuel du risque biologique provoqué accidentel
Le risque provoqué accidentel est dû à l’erreur humaine (infection nosocomiale, risque
d’exposition professionnelle, risque alimentaire). Ce risque est largement pris en charge par les autorités en santé publique, car celui-ci est évitable par la prise de mesures
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d’hygiène et de prévention. De plus, il fait d’ores et déjà l’objet de mesures de surveillance (Institut National de Veille Sanitaire (INVS), Institut National de Recherche et de Sécurité
(INRS), OMS) et de réglementations (code du travail) afin de prévenir les maladies
infectieuses et de limiter le risque de transmission.
1.1.2.3. Etat actuel du risque biologique provoqué criminel et de la menace biologique
Il est important de distinguer l’acte de bioterrorisme de l’arme biologique de guerre qui a été maintes et maintes fois développée mais qui ne sera pas abordée ici. Les agents sont les
mêmes mais la liste peut être élargie à d’autres agents qui n’ont jamais fait l’objet de
programme d’armement biologique. Toute infection inhabituelle ou d’origine inexpliquée doit alors être considérée comme suspecte. Dans le cadre du bioterrorisme, bien que
l’utilisation d’agents biologiques comme arme ne soit pas une pratique récente (Figure 2), la prise de conscience de la menace date du dernier siècle. Pour preuve, en 1925, les
dirigeants politiques mirent en place le protocole de Genève traitant de l’interdiction de l’utilisation d’armes chimiques et biologiques modifiées en 1972 par la convention interdisant la mise au point, la fabrication et le stockage des armes biologiques et des
toxines.
La guerre biologique est devenue une inquiétude bien identifiée au milieu des années
1980-1990, en particulier après la mise à jour de l'ampleur du programme soviétique
consacré aux armes biologiques. Par la suite, des réserves considérables de toxines
botuliques et de bactérie du charbon ont été découvertes en Irak en 1995 suite à première
guerre du Golfe. Parmi les vrais actes de bioterrorisme, l'affaire des lettres piégées au
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infectant 22 personnes, tout en terrifiant des millions de citoyens, a entrainé des dégâts
financiers évalués à plusieurs milliards de dollars.
Figure 2 : Historique de l’utilisation d’agents biologique comme arme de guerre (6,7)
Parmi les vrais actes de bioterrorisme, l'affaire des lettres piégées à l’anthrax survenue aux
Etats-Unis à l'automne 2001 entrainant la mort de 5 personnes, infectant 22 personnes,
tout en terrifiant des millions de citoyens, a entrainé des dégâts financiers évalués à
plusieurs milliards de dollars. Bien qu’aucune autre enveloppe ou colis contenant des
spores de charbon n’aient été découverts, de fortes perturbations sur les envois postaux ainsi qu’un sentiment de panique ont envahi la France.
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La mise en évidence de ces programmes de recherche a conduit de nombreux pays à
augmenter les investigations sur les pathogènes de la menace bioterroriste avec notamment
des études fondamentales, le développement de systèmes de détection ainsi que de
nouveaux moyens de défense et de prévention (traitements, vaccins). C’est alors l’essor de
la biodéfense civile. Cependant, la frontière entre la mise au point de vaccins et la
fabrication d’agents microbiens pour équiper les armes biologiques est mince et aucun
système de surveillance ne permet de vérifier le bon respect de la convention de 1972 ainsi
que la régulation du transfert, accidentel ou non, de ces données à des organisations dont le
but est de nuire.
En plus du danger lié à ces recherches, le développement de la biologie et des
biotechnologies, avec notamment l’apparition d’outils d’analyse performants, permet
d’intervenir directement sur le matériel vivant. Ainsi, il est aujourd’hui possible de modifier les génomes en agissant par exemple sur des gènes intervenant dans la virulence
ou la résistance aux traitements. Ces avancées technologiques sont cependant à double
usage et peuvent aussi bien contribuer à la santé de l'humanité que permettre de perpétrer
des actes malveillants, comme la fabrication d'armes biologiques. Les récents débats
concernant l’autorisation ou non des publications sur « la manière de rendre transmissible le terrible virus de la grippe H5N1 de l'animal à l'homme » (8,9) témoigne de la limite
entre biosûreté, reconnaissance des chercheurs et avancée des connaissances.
Jusqu’à présent, le terrorisme se tournait vers une action de masse visant à toucher le plus grand nombre et ainsi obtenir un impact important. Avec les armes biologiques, de petits
attentats peuvent, en plus des dommages physiques (5 morts aux USA en 2001), également
causer d’énormes dommages psychologiques, sociaux et économiques comme l’a montré l’attentat aux lettres piégés de 2001. Aujourd’hui, un attentat de grande envergure avec une
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arme biologique faisant plusieurs milliers de morts est peu probable, mais l'impact serait
tellement catastrophique qu'on ne peut pas négliger ce risque (10).
1.1.3. Les armes biologiques