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Evaluation de la cytotoxicité d’une prodrogue glucuronylée de la cyclopamine et de son

Chapitre V. Discussion, conclusion et perspectives

1. Evaluation de la cytotoxicité d’une prodrogue glucuronylée de la cyclopamine et de son

Le premier inhibiteur connu de la voie Hh est la cyclopamine. Cet alcaloïde extrait de Veratum californicum, inhibe la voie Hh en se fixant directement à SMO. Plusieurs études ont

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montré que la cyclopamine inhibe la croissance des glioblastomes in vitro et in vivo. L’inconvénient de l’utilisation de cet inhibiteur de la voie Hh pour un traitement anticancéreux des GBM est sa potentielle toxicité sur des cellules souches neurales qui présentent aussi une voie Hh active (Palma et al., 2005).

De nombreuses molécules anticancéreuses n’arrivent pas à l’étape de phase clinique à cause de leur toxicité sur les cellules saines de l’organisme. Différentes techniques de ciblage thérapeutiques, regroupées sous le nom de TAP (Tumor Associated Prodrug) visent à activer des drogues anticancéreuses préférentiellement au niveau des tumeurs en s'appuyant sur des caractéristiques spécifiques des tumeurs telles que pH, potentiel redox, enzymes (Denny et al., 2004). La stratégie qui a été utilisée dans l’étude ici présentée a consisté à inactiver la cyclopamine en la dérivant sous forme d’une prodrogue glucuronylée. La liaison entre la cyclopamine et le β-glucuronide est clivable par l’enzyme β-glucuronidase, une enzyme lysosomale. Dans l’organisme, la prodrogue ne devrait donc pas être en contact avec l’enzyme β-glucuronidase et ne devrait donc pas être activée. Cependant, lorsque les tumeurs atteignent un certain volume, une zone nécrotique apparaît et de la β-glucuronidase est retrouvée dans le milieu extracellulaire grâce au recrutement des cellules immunitaires au niveau de cette zone (Bosslet et al., 1995 ; 1998). Selon ce principe, les prodrogues glucuronylées sont clivées par la β-glucuronidase dans le microenvironnement tumoral et la drogue, ici la cyclopamine peut ainsi être libérée sélectivement au niveau de la masse tumorale.

Deux prodrogues glucuronylées dérivées de la cyclopamine ont été élaborées au sein du Laboratoire de Chimie des anticancéreux de l’Université de Poitiers. Ces prodrogues se différencient par l’espaceur qui sépare la cyclopamine et le β-glucuronide qui comporte dans la deuxième version de polyéthylèneglycol lui assurant une solubilité plus importante. Des tests de viabilité sur les cellules de GBM U87 ont montré que la cyclopamine constitutive de ces prodrogues (1a et 1b) est bien inactive puisqu’en absence de β-glucuronidase les cellules traitées par cette prodrogue demeurent viables. En revanche, un traitement de ces cellules avec les prodrogues et la β-glucuronidase restaure une activité cytotoxique similaire à celle de la cyclopamine seule (Hamon et al., 2010 ; Renoux et al., 2011). La solubilité plus importante de 1b par rapport à 1a pourra constituer un avantage pour de futures études in vivo.

Les effets cytotoxiques de la prodrogue 1b ont été examinés sur les cellules C6 de GBM de rat ainsi que sur leur population de cellules souches, C6-GSC. L’intérêt des cellules C6 est que lorsqu’elles sont injectées dans le cerveau de rat, elles forment des GBM avec une zone

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nécrotique similaire à celle retrouvée dans les GBM humains (Morrone et al., 2006). Cette stratégie en cours de développement dans notre équipe nous permettra à terme de disposer d’un modèle animal pour de futurs tests in vivo de molécules à potentialité anticancéreuse.

Alors qu’en absence de la β-glucuronidase, la prodrogue n’affecte pas la viabilité des cellules, en présence de la β-glucuronidase, la prodrogue 1b diminue la viabilité des cellules C6 et C6-GSC avec des valeurs d’IC50 proches de celle obtenue pour la cyclopamine. Ceci confirme la libération efficace par la β-glucuronidase de la cyclopamine constitutive de la prodrogue dans les milieux de culture avec le même effet pro-apoptotique que la cyclopamine.

L’activation de la voie Hh dans les cellules de GBM ainsi que son inactivation par la cyclopamine ont été largement démontrées. De plus, la cyclopamine améliore la sensibilité des GSC au TMZ, tandis que la stimulation de la voie Hh augmente la résistance au TMZ (Bar et al., 2007 ; Ulasov et al., 2011). Cependant certaines études ont révélé que la cyclopamine ainsi que d’autres alcaloïdes stéroïdiens peuvent exercer des effets cytotoxiques indépendants de la voie Hh (Shahi et al., 2008 ; Warzecha et al., 2008). Par conséquent, la vérification de l’inhibition de la voie Hh dans les cellules C6 et C6-GSC par la prodrogue 1b activée a été réalisée en analysant l’expression du gène cible de cette voie, le gène GLI1. Les résultats de cette analyse par RT-qPCR montrent que dans les cellules C6 et C6-GSC l’expression de GLI1 est bien inhibée par la prodrogue 1b seulement en présence de la β- glucuronidase. Ceci confirme que la voie Hh est active dans ces cellules et qu’elle est inhibée par la cyclopamine provenant de la conversion de la prodrogue par la β-glucuronidase.

Afin de vérifier que la prodrogue en absence de la β-glucuronidase n’affecte pas la viabilité des cellules somatiques du cerveau, nous avons réalisé une culture primaire d’astrocytes de rat nouveau-nés (NRA). Nous avons montré que la viabilité de ces cellules n’est affectée ni par la prodrogue en présence ou en absence de la β -glucuronidase, ni par la cyclopamine. Ceci peut être expliqué par la faible activité de la voie Hh dans ces cellules. En effet, un très faible niveau d’expression du gène GLI1 a été détecté dans ces astrocytes. De plus, nous avons observé que ces cellules forment des gouttelettes lipidiques après traitement avec la cyclopamine ou la prodrogue en présence de la β-glucuronidase. Ces gouttelettes lipidiques ont été identifiées comme des organites dynamiques contrôlant le stockage des lipides et leur mobilisation (Farese and Walther, 2009). Elles sont également connues pour leur fonction de détoxication en séquestrant des composés organiques et en les rendant ainsi

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biologiquement inactifs (Aishan et al., 2011). Cela pourrait aussi expliquer la résistance des NRA à la cyclopamine. Il serait intéressant d’analyser plus précisément les mécanismes de formation de gouttelettes lipidiques, car ils pourraient être liés à la détoxication, à la résistance à des drogues médicamenteuses et aux effets neuroprotecteurs exercés par les astrocytes dans le parenchyme cérébral (Cabezas et al., 2012 ; Durand et al., 2013).

Dans le cerveau, les cellules souches neurales possèdent une voie Hh active et leur viabilité pourrait être affectée par la prodrogue 1b. Ceci nous a conduit à évaluer la cytotoxicité de la prodrogue 1b sur des coupes de cerveau de rat adulte. Sans l’addition de la β-glucuronidase, la prodrogue n’affecte pas la viabilité du parenchyme cérébral, confirmant l’absence d’une β-glucuronidase endogène suffisante dans le milieu extracellulaire. Cependant, après l’ajout de la β-glucuronidase, une toxicité de la prodrogue 1b a été observée dans différentes zones des coupes de cerveaux étudiées telles que le cortex et le striatum, tandis qu'une toxicité élevée a été observée dans les environs de la zone sous-ventriculaire où se situent des cellules souches neurales. Ces données montrent bien l’avantage de l’utilisation d’une prodrogue pour un inhibiteur de la voie Hh. En effet, la prodrogue en libérant la cyclopamine dans l’environnement tumoral devrait permettre de réduire l’étendue de ces éventuels effets toxiques sur le parenchyme cérébral sain.

L’ensemble de ces données révèle que la prodrogue 1b glucuronylée de la cyclopamine pourrait être un bon candidat pour de futures investigations in vivo en utilisant la lignée cellulaire C6 qui mène au développement de GBM avec une zone nécrotique après injection dans le cerveau de rat. Pour cela des études sont en cours pour la réalisation de ce modèle animal. Des expériences de mise aux points ont été initiées afin de déterminer le nombre de cellules qu’il faut injecter dans le cerveau des rats adultes ainsi que la durée nécessaire pour le développement d’un GBM avec une zone nécrotique. L’effet de la prodrogue 1b pourra être comparé à celui du TMZ et aussi être testé en association avec le TMZ.

2. Régulation de la migration et de l’invasion des cellules de GBM par le