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Evénements physiologiques associés à l’inhibition de l’excision de la méthionine N-terminale dans le cytoplasme

Maturation, destinée cellulaire des protéines et thérapeutique

II. Evénements physiologiques associés à l’inhibition de l’excision de la méthionine N-terminale dans le cytoplasme

des eucaryotes supérieurs

La NME est un processus essentiel à la survie cellulaire et de ce fait toute inactivation ou inhibition totale de la NME est associée à un phénotype létal ce qui en a compliqué les études fonctionnelles. Il en résulte que le maintien systématique d’un unique acide aminé en position N-terminale, la méthionine, engendre la mort de l’organisme. Jusqu'à présent très peu d’études se sont focalisées sur cette question en particulier dans le cytoplasme des eucaryotes supérieurs. En effet, la cascade d’événements reliant l’apparition systématique de la méthionine initiatrice lors de l’inhibition de la NME cytoplasmique et la mort de l’organisme était très largement énigmatique. De plus, depuis plus de 10 ans, il est acquis que les METAPs sont la cible de composés ayant notamment un effet anticancéreux [277, 89, 90]. Dans le cytoplasme des eucaryotes la situation est également complexe car les deux types de METAPs y sont retrouvés posant également la question du rôle et de l’importance relative des deux types de METAPs dans ce même compartiment cellulaire. Les données obtenues avec les analyses de spécificité de substrats sont importantes afin de définir l’ensemble des protéines substrats de la NME et de comprendre la contribution respective des deux types de METAPs dans le processus. En effet, c’est parmi les protéines substrats des METAPs qu’il y a les protéines responsables du phénotype sévère observé dès lors que leur méthionine N-terminale est maintenue. Néanmoins, la NME affecte environ deux tiers d’un protéome donné, ce qui représente dans le cytoplasme des eucaryotes supérieurs milliers de protéines substrats différentes, ceci empêche toute étude de protéines cibles une à une comme première approche.

1. Le glutathion comme une cible physiologique de la NME

Chez le modèle A. thaliana, il a été mis au point en 2005 un système unique chez un eucaryote supérieur pour moduler l’expression de la NME cytoplasmique. Ce système repose sur (i) la construction d’un mutant dans lequel le gène METAP1A a été inactivé, (ii) la vérification que la fumagilline agit comme un inhibiteur spécifique des METAP2s et (iii) que chaque système d’inactivation utilisé séparément n’induit aucun phénotype sur la plante.

Ainsi, l’applicatation sur le mutant metap1a d’une concentration en fumagilline inhibant toute l’activité METAP2 est létale confirmant l’essentialité de la NME cytoplasmique chez A. thaliana [82]. Cette même concentration de fumagilline appliquée dans le milieu de culture de la lignée sauvage d’A. thaliana n’a pas d’effets visibles tout comme le mutant nul de la METAP1A appuyant l’hypothèse d’une redondance fonctionnelle des deux types de METAPs cytoplasmiques chez A. thaliana [82]. Ce résultat fonctionnel est en accord avec la spécificité de substrats décrite pour les deux types de METAPs cytoplasmiques [275, 325] et avec les premiers résultats que j’ai obtenus avec la METAP1A purifiée d’A. thaliana. Nous avons souhaité identifier les composants qui font de la NME un processus essentiel c'est-à-dire les composants les plus sensibles à l’inhibition de la NME cytoplasmique. Pour cela, il nous a fallu déterminer des conditions dans lesquelles la NME est inhibée partiellement mais suffisamment pour engendrer un phénotype et ainsi découvrir les cibles les plus dépendantes de la NME. Pour cela, le mutant metap1a a été cultivé en présence de différentes concentrations en fumagilline ce qui permet de moduler le niveau de NME cytoplasmique [82]. Un phénotype sévère et reproductible est obtenu avec 100 nM de fumagilline appliqué sur le mutant metap1a. Par conséquent, cette condition a été retenue et constitue notre système biologique dans lequel la NME cytoplasmique est diminuée partiellement. Une analyse par spectrométrie de masse a permis de vérifier in vivo l’effectivité de l’inhibition partielle de la NME cytoplasmique [1].

En utilisant ce système de modulation de la NME cytoplasmique conjointement avec une étude protéomique sans a priori dans le but d’identifier les voies physiologiques les plus dépendantes de la NME cytoplasmique, j’ai pu pour la première fois dans le cytoplasme d’un eucaryote supérieur identifier comme cible physiologique de la NME cytoplasmique le glutathion cellulaire. La complémentation du phénotype induit par la diminution de la NME cytoplasmique avec du glutathion réduit ou son précurseur limitant la cystéine constitue un exemple frappant de l’existence d’un lien entre ces deux grands processus cellulaires [1]. Le glutathion est le thiol non protéique cellulaire majeur à travers le vivant et est essentiel à l’homéostasie redox cellulaire et donc à la survie cellulaire. J’ai pu démontrer que la diminution de la NME cytoplasmique induit chez A. thaliana une perturbation du statut du glutathion cellulaire. En effet, j’ai constaté une augmentation de la quantité de glutathion (formes réduite et oxydée) lors de la diminution de la NME cytoplasmique. De plus, le rapport GSH/GSSG est plus bas que dans les contrôles et le reste au cours du développement de la

plantule. Ces événements ont pour origine une augmentation de la quantité de protéines destinées à la dégradation, observées notamment à travers une accumulation des produits de la protéolyse lors de la diminution de la NME cytoplasmique incluant les acides aminés constitutifs du glutathion. En effet, la synthèse du glutathion réduit est soumise à de nombreux niveaux de contrôle, un des plus importants étant la disponibilité en cystéine [326]. Par exemple, une stimulation de la synthèse de cystéine provoque une accumulation du glutathion [327]. En outre, le NADPH produit par le métabolisme de la cellule n’apparaît pas être en quantité suffisante dans les cellules ayant leur niveau de NME cytoplasmique diminué [1]. Le NADPH est produit par la voie des pentoses-phosphates qui régénère le NADPH à partir du NADP+. La NADPH ayant un potentiel rédox très bas, cela lui permet d’être le premier donneur d’hydrogène du système rédox. En effet, ce métabolite est essentiel à l’activité de la glutathion réductase et de ce fait influence grandement le rapport GSH/GSSG. Parmi les protéines sensibles à la diminution de la NME cytoplasmique, nous avons retrouvé des enzymes intervenant dans la voie des pentoses-phosphates. Pour la première fois, il a été montré que la NME cytoplasmique contrôle l’homéostasie du glutathion cellulaire à travers la protéolyse chez un eucaryote supérieur [1] (Fig. 51).

J’ai également recherché si le phénotype induit par la diminution de la NME cytoplasmique peut être dû à d’autres phénomènes notamment liés à la perturbation du métabolisme du glutathion. En effet, j’ai pu montrer par exemple que la diminution de la NME cytoplasmique n’induit pas une oxydation généralisée de la cellule bien qu’un certain niveau d’oxydation constant soit observé dans tous les échantillons y compris ceux ayant une NME pleinement fonctionnelle. Cela est dû très probablement à l’oxydation des protéines qui est connue pour avoir lieu lors de la germination et correspond à un changement métabolique déjà décrit [328, 282].

Une des propriétés du fer cellulaire est son implication dans la biogenèse des centres [fer-S] nécessaire à l’activité de certaines protéines. Ces centres sont des cofacteurs de nombreuses protéines et donc importants pour la survie cellulaire. De plus, des mutations dans la voie de biosynthèse de ces cofacteurs chez l’Homme conduisent à des pathologies neurologiques. Chez les eucaryotes, un des composants de la biogenèse de ces centres est le glutathion. En effet, il a été précédemment constaté qu’une perturbation de l’homéostasie du glutathion cellulaire affecte la maturation des protéines cytosoliques à centre [fer-S] [329]. Réciproquement, les cellules ayant un défaut de maturation des protéines cytoplasmiques à

centres [fer-S] accumulent du glutathion [330]. Chez les plantes, il a été suggéré que les glutarédoxines (oxydoréductases structurellement reliées aux thiorédoxines) de types II sont impliquées dans la régulation de l’homéostasie du fer [8]. Plus récemment, il a été suggéré que le glutathion agisse dans la même cascade d’évènements que celle de la biogenèse de ces centres [331, 332, 333, 334]. Dans ce contexte et sachant que la quantité de glutathion cellulaire augmente lors de la diminution de la NME cytoplasmique j’ai essayé de complémenter le phénotype en ajoutant du fer (Fe2+ et Fe3+) dans le milieu de culture sans constater de complémentation. L’absence de complémentation du phénotype en conditions non limitantes en fer et les résultats des dosages écartent l’hypothèse d’un défaut de disponibilité de fer cellulaire dans nos échantillons.

Enfin, un des produits de la réaction catalysée par les METAPs est la méthionine qui sera recyclée dans le métabolisme des acides aminés soufrés ou re-incorporée dans une protéine. Etant donnée le coût cellulaire de production de cet acide aminé, la NME a également un rôle de recyclage de cet acide aminé. En outre, la concentration cellulaire en méthionine libre peut contrôler l’activité des METAP2s. C’est le cas chez la levure où la quantité naturellement élevée de cet acide aminé dans le cytoplasme du champignon inhibe la METAP2 [80]. Différents tests de complémentation réalisés chez A. thaliana en utilisant la méthionine ou ces précurseurs n’ont pas permis d’établir clairement l’importance de la NME dans le recyclage de la méthionine chez la plante modèle.

Figure 51 - La NME dans le cytoplasme d’A. thaliana

La diminution de la NME cytoplasmique (rouge) provoque une augmentation du nombre de protéines destinées à une dégradation rapide. Cela induit l’accumulation des produits de protéolyse, peptides et acides aminés libres incluant ceux constitutif du glutathion (Cys, Glu et Gly). Cette accumulation conduit vraisemblablement à une stimulation de la voie de biosynthèse du glutathion. Des analyses protéomiques ont montré que la diminution de la NME cytoplasmique provoque une moindre accumulation d’enzymes impliquées dans la voie de biosynthèse du NADPH, rendant ce dernier limitant pour la régénération du GSSG en GSH. Par conséquent, le rapport GSH/GSSG est plus bas que dans le contrôle. Dans la situation normale (vert), cette perturbation n’a pas lieu car les protéines subissent la NME, et acquièrent leur stabilité naturelle pour exercer leur fonction au sein du métabolisme cellulaire. La restauration d’un rapport GSH/GSSG permet de complémenter le phénotype et de « court-circuiter » l’effet de la diminution de la NME cytoplasmique. La figure est extraite de [Erreur ! Source du renvoi introuvable.].

III. Le maintien de la méthionine N-terminale, signal de