Nous avons précédemment montré que le maintien de la méthionine N-terminale chez A. thaliana augmente la protéolyse cellulaire en enrichissant l’ensemble des protéines destinées à être dégradées [1]. Néanmoins, les acteurs impliqués dans la dégradation de cet ensemble de protéines restent à être identifiés dans le cytoplasme. L’utilisation de mutants des différentes voies de protéolyses est une stratégie prometteuse pour découvrir ces acteurs et montrer une liaison directe entre la NME et la(les) voie(s) protéolytique(s) impliquée(s). C’est dans ce contexte que le mutant TET chez H. volcanii a été utilisé.
Le mutant TET en condition de culture classique dans un milieu riche a un taux de croissance légèrement réduit par rapport à la lignée WT (Fig. 35). Ce résultat est en accord avec la précédente description du mutant réalisé par C. Norais. Par conséquent, soit la protéine TET n’a pas une fonction essentielle car son absence n’affecte que très peu la croissance cellulaire soit il existe un/des analogues fonctionnelle dans la cellule permettant de palier à l’absence de cette protéase.
Temps de culture (h) 10 20 30 40 50 Abs 600nm 0,01 0,1 1 10 wt Δtet wt Tem ps d e d oub lement 0 100 200 300 222 min 246 min Δtet
Figure 35 – Le mutant Δtet a un taux de croissance réduit par rapport à la lignée wt
Les souches wt et Δtet ont été cultivées dans un milieu riche liquide selon le protocole décrit dans la section matériels et méthodes. La densité optique a été mesurée à différents temps et la courbe de croissance est montrée. L’encadré représente de le temps de doublement calculé à partir de ces courbes. L’erreur standard est montrée.
Si la dégradation des protéines induite par la diminution de la NME est réalisée par une voie protéolytique impliquant TET, on s’attend à ce que le mutant TET bloque cette dégradation et ralentisse ainsi la protéolyse. Par conséquent, dans une telle situation le mutant Δtet doit être moins sensible à l’inhibition de la NME. Afin de tester cette hypothèse, j’ai mis en culture ce mutant dans un milieu contenant de la fumagilline. La culture des lignées
sauvage et Δtet en présence de différentes concentrations en fumagilline révèle que la mutation Δtet rend l’archée moins sensible à la fumagilline que la souche WT. En effet, on observe qu’avec 100 nM de fumagilline dans le milieu de culture, le mutant Δtet croît plus rapidement que la souche parentale sauvage (Fig. 36). La résistance accrue à la fumagilline induite dans le mutant Δtet renforce très fortement l’impact des données obtenues chez Arabidposis qui montrent une stimulation de l’activité protéolytique cellulaire en association avec l’inhibition de la NME.
Fumagilline [nM]
0 5 10 15 20
Temps de doublement (min) 200 210 220 230 240 250 260 270 wt Δtet Temps de culture (h) 0 10 20 30 40 50 0 1 2 3 4 0 nM 5 nM 10 nM 15 nM 20 nM Abs 600nm wt 0 10 20 30 40 50 0 1 2 3 4 Temps de culture (h) 0 nM fum 5 nM fum 10 nM fum 15 nM fum 20 nM fum Δtet
A
B
Figure 36 – Le mutant Δtet est moins sensible à l’inhibition de la NME que la lignée wt.
A. Les deux souches ont été cultivées en milieu riche liquide en présence de différentes concentrations en
fumagilline. La densité optique à été relevé à différents temps et les courbes de croissance sont montrées. Temps de doublement des deux souches en présence des différentes concentrations en fumagilline. Le calcul à été réalisé à partir des courbe du dessus. B. Les deux souches ont été cultivées sur milieu riche solide selon le protocole décrit dans la partie matériels et méthodes en présence de différentes concentrations en fumagilline. Une série de dilution des cellules est inoculée.
Δtet wt Fumagilline 0 nM 50 nM 100 nM Nbr de cellules Δtet wt Fumagilline 125 nM 150 nM 200 nM Nbr de cellules
Lorsque ces expériences ont été menées, le séquençage du génome d’H. volcanii n’était pas encore complètement achevé, puisqu’il a été publié cette année [316]. Une analyse récente par blastp m’a permis de trouver un gène codant une séquence protéique ayant plus de 30% d’identité avec la séquence de la protéase TET connue d’H. volcanii. Cette séquence est
annotée sur le serveur UniProtKB comme étant homologue à la protéase TET. Un alignement de cette séquence avec les protéases TET déjà caractérisées montre clairement l’origine commune des toutes ces protéases avec les résidus impliqués dans la catalyse et dans la liaison aux métaux qui sont conservés (Fig. 37). Ainsi, ces données suggèrent vraiment que la séquence retrouvée (annotée D4GUF7) soit une protéase TET supplémentaire. C’est la première fois à notre connaissance que plus d’un gène tet peut vraiment exister chez les archées halophiles bien que trois gènes codant pour des protéases TET ont été décrit chez l’hyperthermophile Pyrococcus horikoshii [311, 315, 310, 312].
10 20 30 40 50 60 70 80 | | | | | | | |
PhTET1 ---MMSMIEKLKKFTQIPGISGYEER- D-Y DAIGNL HMDEIGLL
GYEFLG DEV DKLGNV HMDQIGLM GYEHLG DEV DKLGNV HMDKIGVM GHEAA- DRV DAYGNA HADEIGFA GYEVA- DDV DDYGNA HADQIGYI GYEDR- DSV DGMGNV HMDEIGFM | | GK GGI GVI HLS DIGAE GF GGV GVG HIQ DIGAE GY GGV GVV HLR DVGAS GF GGL GVI HLR DIGAA GF GGA GVI HLR DIGAT GF GGW GVI HTL DLGLP | DDRF EAI VQEE GL GAK DDRI EVA VQEE GL GAR DDRI EAA VQEE GL GAR DNRT EGF VHEE GT GAR DNRV EGL VQEE GV GAK DDRV EAA VQEE GL GAQ DSF LGKGPV AE QI GTDA DVT LGKGTA AK QL GTDA DVT LGKG-- AK QV GTDA DVT LGDGP- AA QV GTDA DVT LGEGP- AG QL GTDA DTT LGAGAG AE QM GTDT PI Y H ET DL PA Y H EV DV PI Y H EL DV PN Y H EV DL PN Y H EV DL PT Y H ES DV IREEIIREIKDFA KV IVELGE--GEERILFMA
PhTET2 MEVR---NMVDYELLKKVVEAPGVS IRDVVIEEIKDYV KV IAHKKG--EGPKVMIAA
PhTET3 MDLKGGESMVDWKLMQEIIEAPGVS IRDIVVDVLKEVA KV IAHFKG--SSPRIMVAA
HTET ---MDDARRTFLDELLAVHSPT AQRVWVEYVSQYA ET VAVAEGG--APAVAFTG
HvTET ---MDDDRRAFLEDLLTTPSPS GQRVWVDYVSQFA TV VAVHEGTGEGPEIAFTG
D4GUF7 ---MEFDFDRLKQLTETSGVP IRALVREDLEATT RV VGTIEGE-SDYEVAVAA
90 100 110 120 130 140 150 160 | | | | | |
PhTET1 ITGITDE LRFRKV DDRLLYGRHVNVVTEKGI-LD GATPP L--ERDKSVIPWYDLVI SKEEALEL
PhTET2 VTHIEKN LRVAPI DPKTLIAQRFKVWIDKGKFIY ASVPP K-PEDRKKAPDWDQIFI SKEEAEDM
PhTET3 VNHIDKD LHIVPI LPETLVAQRIRFFTEKGE-RY GVLPP RGQEDKGSKIDWDQIVV SKEEAEEM
HTET VAEITEG VRIAPI DASVTRGSQVRIETDDGP-VN GQAAV DHSEDG-AAPSVTEQYV DGDDARDR
HvTET VRDIDDD VRIGPI DRTVSKGQHVTVHGDDGD-VA GQTAI DVGSE--EYDDLEEQFV SKGDAKDH D4GUF7 VRHVNDE LQLDAL DPRVLKAQRVTVHAEDED-LT GSVPP T-EEQKQKEPKVEDVYV --AETVEE 170 180 190 200 210 220 230 240 | | | | | | |
PhTET1 -VKPLDFAVFKKHFSVLNGKYVSTRGL GVVALI KDLVDHELEGKVIFAFT V K FLANHYYPQYAF
PhTET2 GVKIGTVITWDGRLERLGKHRFVSIAF AVYTIL KQLKDAKAD--VYFVAT V R TSAFGIEPDYGF
PhTET3 GFRVGTVGEFAPNFTRLNEHRFATPYL CLYAMI RQLGDHEAD--IYIVGS V R VASYAINPEVGI
HTET -VSVGDPGVLVSEPRELAGGRLNARSL GLWVAA RRAVERDVDATVYAVST I R MVGFDLDVDAVV
HvTET -VEVGDPVTVEARVRDLAGDRVAANGM GTWSAA RAAVEADVDATVYAVST V Q MVGYDLDPDAMV
D4GUF7 TVSVGDLVTMEQTTVRMG-NHVTGKAI CLFAML KRIENPEVT--IHFAAT V R ALGVDLDPDLAL
250 260 270 280 290 300 310 320 | | | | | | | |
PhTET1 AI ACCSP--LTGD---V-K IRAVDNSAIYSRDLARKVWSI KNGIEI GVTGG-- SAFQD-RSK-
PhTET2 AI IAADIPGTPEHKQ-VTH IKIMDRSVICHPTIVRWLEEL KHEIPY EILLG-G GAIHLTKAGV
PhTET3 AM FAKQP--HDKGKI-VPE P-VMDVGPNINPKLRAFADEV KYEIPL EPSPRPT NVMQINREGV
HTET AA HAADDPMYPAERASTVA --VVMRGGTNHPVVVSALRDA DAGASL AAHRIST DAFGTAGGGV
HvTET AV HATDNPDVPGKRKGPVE --VVSRGSANHPNVVALARDA EADMGV QAAGIRT DAFYTSRSGI
D4GUF7 GL VANDVPGFDPADH-VTK IKLKDSSAIANPKVHRRLRAV DDDIPY ELLPAG- GGFQNSYGAK 330 340 350 360
| | | |
PhTET1 -TLALSV K L SEV LHLN EKLVKLIEALAFEL---
PhTET2 PTGALSV R I SNT VDER DATVELMTKALENIH-ELKI----
PhTET3 ATAVLSI R M SQV ADAR DNTIKLAKALLEELK-PMDFTP--
HTET PTADLGI R M TPA VDLA AAGADVLAAFAAHAGDRDSFGVSV
HvTET PSLNIGI R M TPV VSTS DDVAELLGSMAALAGDVESFGVEL D4GUF7 PVGAISM R L TVT VHED VAYIDLLTAFLESETGEFDYTL--
Figure 37 – Alignement de séquences de différentes protéines TET.
L’alignement de séquences a été réalisé avec clustalW et les séquences ont été obtenues sur la base de donnée UniProtKB. Les séquences des trois TET caractérisées chez Pyrococcus horikoshii sont montrées ainsi que celle d’halobacterium et les deux séquences retrouvées chez Haloferax volcanii. Les flèches oranges montrent les résidus catalytiques, les noires les résidus impliqués dans la liaison de l’ion métallique catalytique.
4. L’excision de la méthionine N-terminale chez l’Homme, similitudes,
différences et valorisation
Dès les années 1990 plusieurs études ont montré que la NME est un processus essentiel chez les mammifères. De plus, une spécificité cellulaire a pu être mise en évidence entre les différentes lignées vis-à-vis de la sensibilité aux inhibiteurs de METAP2. En effet, certaines sont hypersensibles à l’inhibition de la METAP2, c’est le cas des cellules endothéliales [95]. En outre, le niveau d’expression des METAP2s est connu pour être régulé durant la prolifération cellulaire et la tumorigenèse. Ces résultats suggèrent que la METAP2 joue un rôle prépondérant dans de telles lignées. En outre, différentes molécules ciblant l’activité METAP2 et qui inhibent la prolifération de différentes lignées cellulaires in vitro et in vivo ont été découvertes mais aucune n’est aujourd’hui prête à être mise sur le marché. En effet, beaucoup de questions restent encore sans réponse comme par exemple pourquoi certaines lignées cellulaires de mammifères sont hypersensibles à l’inhibition de l’activité des METAP2s. Plus généralement, la principale raison reconnue comme responsable de cette situation est notre manque de connaissance concernant les mécanismes moléculaires qui font de la NME un processus essentiel. En effet, la cascade d’évènements qui a lieu après l’inhibition de l’activité des composants de la NME reste encore largement énigmatique.
L’utilisation du système expérimentale mis au point chez A. thaliana m’a permis de mettre en évidence des événements moléculaires qui ont lieu consécutivement à l’inhibition de la NME cytoplasmique. J’ai pu montrer que l’inhibition de la NME cytoplasmique chez A. thaliana conduit à la perturbation de l’homéostasie du glutathion cellulaire. Cette perturbation a pour origine une augmentation de la protéolyse cellulaire. J’ai également pu généraliser mes conclusions en étudiant la NME sur d’autres modèles tels que la levure S. cerevisiae et une archée. Etant donné que la NME constitue une cible thérapeutique attractive, il m’est apparu important d’étudier la NME dans des lignées cellulaires humaines afin de vérifier les résultats que j’ai pu obtenir sur d’autres modèles. Pour cela, j’ai étroitement collaboré avec J. Bignon dans l’équipe de J. Bakala (Institut de Chimie des Substances Naturelles, CNRS, Gif-sur-Yvette) qui m’a permis de réaliser ces expériences.
A. L’inhibition de l’excision de la méthionine N-terminale de cellules de