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Etudes fonctionnelles de mutations impliquées dans la maladie

Partie 4 : Deux maladies vasculaires de la voie TGF-β : la maladie de Rendu-Osler et

1. La maladie de Rendu-Osler

1.4 Etudes fonctionnelles de mutations impliquées dans la maladie

1.4.1

Etudes des mutations de ENG pour HHT-1

Il existe à ce jour 329 mutations pathologiques recensées dans la base de données HHT (www.HHTmutation.org). Ces mutations sont réparties en deux types : 1) les mutations faux-sens (mutation d'un seul nucléotide se traduisant par la substitution d'un seul acide aminé), 2) les mutations qui aboutissent à une protéine tronquée (mutation non-sens où un seul nucléotide muté donne un codon stop, insertion ou délétion aboutissant à un décalage du cadre de lecture (appelé frameshift) qui aboutit à un changement de plusieurs acides aminés et à un codon stop prématuré, mutation d'un site d'épissage entraînant l'exclusion d'un ou plusieurs exon(s), large délétion ou duplication aboutissant à une protéine totalement aberrante). Concernant les mutations du gène ENG, 20 % sont des mutations faux-sens et 80 % sont des mutations entraînant une protéine tronquée (13 % de mutations non-sens, 42 % de "frameshift", 16 % de mutations de site d'épissage, 9 % de délétions ou duplications larges). Dans l'analyse des mutations sur les patients français, l'étude menée par G. Lesca n'a détecté que des mutations donnant une protéine tronquée (Lesca G. 2006). La prévalence des mutations se traduisant par une protéine tronquée a été confirmée dans l'ensemble des études des mutations causant HHT-1.

De nombreuses études ont été réalisées pour déterminer un modèle moléculaire pour HHT-1. La première proposition a été faite un an après la découverte de la responsabilité du gène ENG dans HHT-1. Le groupe de D. Marchuk publia six mutations aboutissant toutes à

une protéine tronquée et proposa que la protéine tronquée exerce un effet dominant-négatif sur la protéine normale, aboutissant ainsi à une perte totale ou quasi-totale de l'endogline membranaire (McAllister K. A. 1995). Cependant, l'accès à des cellules de patients HHT-1 contredit ce modèle dès 1997 (Pece N. 1997). Le groupe de Michelle Letarte purifia des cellules endothéliales de la veine du cordon ombilical (HUVECs) provenant de nouveau-nés porteurs d'une mutation d'ENG et des monocytes de patients HHT-1. Les monocytes expriment l'endogline après leur différenciation en macrophage in vitro (Lastres P. 1992). Ce groupe étudia trois mutations aboutissant à une protéine tronquée. Les auteurs démontrèrent alors que les niveaux d'endogline dans les HUVECs ou les monocytes activés de patients HHT-1 étaient 50 % plus faibles que dans les cellules de personnes saines. Une surexpression de ces mutants dans des Cos-1 a permis de montrer une expression transitoire de la protéine tronquée et une incapacité de ces mutants à s'exprimer au niveau de la membrane plasmique. Ainsi, le modèle d'haploinsuffisance avec un effet non dominant-négatif des mutants a été proposé. Ce groupe confirma leur modèle en étudiant par les mêmes modèles quatre mutations faux-sens qui ne donnaient pas de protéine membranaire (Pece-Barbara N. 1999). Depuis, le groupe de Michelle Letarte et plusieurs autres ont multiplié les études fonctionnelles des mutations d'ENG, confirmant à chaque fois l'haploinsuffisance comme modèle de HHT-1 (Shovlin C. L. 1997) (Gallione C. J. 1998) (Cymerman U. 2000) (Abdalla S. A. 2000) (Paquet M. E. 2001).

Il est de nos jours admis que les mutations responsables de HHT-1 donnent, soit des protéines tronquées, soit des protéines dont la substitution d'un acide aminé aboutit à un changement de conformation important, ce qui a pour conséquence une dégradation de la protéine anormale et une expression de l'allèle sauvage uniquement, d'où la réduction de 50 % du taux d'endogline membranaire chez les patients. Notons que le taux d'endogline sur les monocytes de patients HHT-1 varie en fonction de l'âge des patients (Fernandez L. A. 2006). Il est réduit de 50 % par rapport au taux attendu sur les sujets jeunes (< 40 ans) et diminue ensuite. Cette diminution peut expliquer l'âge tardif d'apparition des symptômes. L'absence de sujets contrôles pour chaque âge dans cette étude ne nous permet pas de savoir si les patients ont toujours 50 % d'endogline en moins par rapport aux sujets non atteints.

1.4.2

Etudes des mutations d'ACVRL1 pour HHT-2

La base de données des mutations d'ACVRL1 recense actuellement 272 mutations. En comparaison avec les mutations d'ENG, les mutations d'ACVRL1 sont plus fréquemment des mutations faux-sens (48 %). Les autres types de mutations sont des non-sens (11 %), des frameshift (31 %), des mutations des sites d'épissage (7 %), ainsi que des délétions larges ou des duplications (3 %). L'étude de la population française a confirmé ces données avec 61 % de mutations faux-sens (Lesca G. 2006). Dès lors, l'étude de mutations faux-sens est apparue plus utile que pour l'endogline.

La première étude des mutations d'ACVRL1 a été menée en 1999 par le groupe de D. Marchuk (Lux A. 1999). Dans cette étude, quatre mutations (trois faux-sens et une non-sens) du domaine extracellulaire sont étudiées. La voie de signalisation d'ALK1 et son ligand étant non connus en 1999, l'équipe a réalisé des récepteurs chimériques dont le domaine intracellulaire est celui d'ALK5, signalisant par la voie Smad2/3. L'équipe ayant découvert l'existence d'un ligand dans le sérum, la stimulation de ce récepteur chimérique est réalisée avec 20 % de sérum humain. Les auteurs montrent alors une perte totale de la signalisation pour les récepteurs mutés. C'est en 2003 qu'une analyse plus vaste de mutations d'ACVRL1 est proposée par le groupe de Trembath (Harrison R. E. 2003). Les auteurs ont étudié quinze mutations, deux délétions et treize faux-sens. Les auteurs étudient principalement la localisation cellulaire des mutants avec une étiquette GFP ou Myc et une observation en immunofluorescence. L'utilisation d'une étiquette GFP peut changer la localisation cellulaire de la protéine à cause de sa taille importante et rend la méthode choisie peu judicieuse. Néanmoins, les auteurs ont trouvé la quasi-totalité des mutants intracellulaires. Pour les trois mutants trouvés à la membrane, aucune étude de leur signalisation n'a été effectuée. Un groupe chinois a publié une autre étude en 2006, étudiant neuf mutations faux-sens d'ACVRL1 (Gu Y. 2006). Les auteurs étudient le niveau basal d'activation de la voie Smad1/5/8, c'est-à- dire en l'absence de ligand, par la surexpression d'ALK1 (sauvage ou mutée). Il trouve alors que les mutants sont dépourvus d'activité de signalisation, sauf R411Q qui aurait une activité réduite mais présente. Il trouve un effet dominant-négatif de ces mutants sur la signalisation d'ALK1 sauvage en taux basal. Mais le choix des auteurs de ne pas utiliser de ligand (publié comme étant TGF-β1 à l'époque) est critiquable, l'activité basale étant faible. La même année le groupe espagnol de Luisa Botella a publié une étude de trois mutations d'ALK1 (trois mutations faux-sens dans le domaine kinase) (Fernandez L. A. 2006). Les auteurs utilisent ici

TGF-β1 pour étudier l'activité des mutants sur la voie Smad1/5. Après avoir montré un taux d'expression normal dans les cellules de patients, les auteurs démontrent une absence d'activité des récepteurs en réponse à TGF-β1 et trouvent même un effet dominant-négatif plus ou moins marqué en fonction des mutants. Ils concluent ainsi que le modèle d'haploinsuffisance ne s'applique pas forcément aux mutants d'ACVRL1. Avant mes travaux de thèse, aucune étude des mutations d'ACVRL1 liées à HHT-2 n'a donné un modèle moléculaire clair à cette maladie. Aucune étude n'a testé la réponse de ces mutants à BMP9, ligand d'ALK1 décrit en 2007 (David L. 2007a).

Une analyse de mutations du gène de la drosophile sax, gène orthologue d'ACVRL1 et d'ACVR1 (gène codant pour ALK2), a été réalisée (Twombly V. 2009). Cette étude montre deux types de mutations : des mutations avec gain de fonction et des mutations avec perte de fonction. Il est intéressant de noter que les mutations qui se révèlent être des gains de fonction sont proches des mutations trouvées chez l'homme pour ACVR1 et responsables de fibrodysplasie ossifiante progressive, mutations avec gain de fonction chez l'homme. Les mutations qui se rapprochent de celles trouvées sur ACVRL1 et responsables de HHT-2 sont démontrées comme perte de fonction chez la drosophile, comme chez l'homme. L'effet dominant-négatif, décrit par certaines études fonctionnelles de mutations chez l'homme, est retrouvé ici pour une mutation. Les auteurs se basent sur l'effet non réparateur de la surexpression de dpp, équivalent de BMP2/4 chez l'homme, dans l'embryon contenant cette mutation. Cependant, aucune étude n'a démontré que dpp était le ligand de sax.