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Partie 3 : La famille TGF-β dans le système cardiovasculaire

3. ALK1, Endogline et BMP9/BMP10 : un trio sanguin !

3.1 Le récepteur ALK1

3.1.2 Complexe de signalisation d'ALK1

L'étude de la signalisation d'ALK1 se compose principalement en deux parties : la découverte des R-Smads activées par ALK1 et la recherche du ou des ligand(s) d'ALK1.

Dès 1998 les R-Smads phosphorylées par ALK1 ont été découvertes : il s'agit des Smad1/5/8 (Macias-Silva M. 1998). L'étude a été réalisée par transfection de Cos-1, cellules n'exprimant pas d'ALK1 endogène, avec une forme constitutivement active d'ALK1 (forme mutée avec remplacement de la glutamine 201 par un résidu d'acide aspartique qui mime ainsi la phosphorylation des récepteurs de type 2 sur ALK1). ALK1 active donc la voie dite des BMPs, au même titre qu'ALK2/3/6. Une étude récente a montré la possibilité pour ALK1 de phosphoryler Smad2 mais pas Smad3, de manière faible et transitoire (Upton P. D. 2009).

La recherche du ligand d'ALK1 fut plus difficile et débattue. Lors du clonage d'ALK1 humain, les tests de liaisons du TGF-β et de l'activine-A marqués à l'iode 125 montrent une liaison de ces cytokines sur ALK1 surexprimé dans des Cos-1 en présence des récepteurs de type 2 (respectivement TβR2 et ActR2), bien que faible par rapport à ALK5 pour TGF-β et à ALK2 et ALK4 pour l'activine-A (Attisano L. 1993) (ten Dijke P. 1994). Ces deux cytokines

Figure 54 : Modèle de signalisation d'ALK1 avec TGF-β comme ligand.

TGF-β se lie sur un complexe dont les récepteurs de type 1 sont ALK1 et ALK5. L'endogline est indispensable à la formation du complexe.

cellules déficientes en ALK5, par ALK1 et qu'ALK1 ne donne pas les réponses transcriptionnelles de l'activine (Attisano L. 1993) (ten Dijke P. 1994). De plus, le TGF-β endogène ne lie pas ALK1 sur les cellules d'aorte porcine (ten Dijke P. 1994). Andreas Lux compliqua la donne en 1999 en confirmant la liaison de TGF-β1 et TGF-β3 ainsi que de l'activine-A sur ALK1 mais en montrant qu'un ligand présent dans le sérum n'était pas inhibé par un anticorps anti-TGF-β ou par l'inhibine (Lux A. 1999). Cette étude marque une étape importante dans la compréhension de la signalisation d'ALK1. En effet, la réalisation de récepteur chimérique avec le domaine extracellulaire d'ALK1 et le domaine intracellulaire d'ALK5 permet de montrer qu'un tel récepteur est capable d'activer la voie Smad2/3 en réponse à TGF-β1, TGF-β3 et du sérum humain. L'utilisation d'un anticorps anti-TGF-β ne permet pas d'inhiber l'action du sérum suggérant un ligand différent de TGF-β dans le sérum. L'utilisation d'ALK1 sauvage ou constitutivement actif (Q201D) ne permet pas la phosphorylation de Smad2/3. La voie de signalisation d'ALK1 ne semble pas être la voie Smad du TGF-β. Deux groupes réalisent en 2000 des immunoprécipitations après réticulation de TGF-β radiomarqué sur des HUVECs (Human Umbelical Vein Endothelial Cells). Alors que ces équipes utilisent le même anticorps dirigé contre ALK1, leur conclusion sur la capacité d'ALK1 à lier TGF-β diffère (Oh S. P. 2000) (Abdalla S. A. 2000).

C'est en 2002 que le groupe de Peter Ten Dijke propose le premier modèle de signalisation pour ALK1 (Goumans M. J. 2002). En utilisant des MEECs (Mouse Embryonic Endothelial Cells) et des BAECs (Bovine Aortic Endothelial Cells), les auteurs montrent que TGF-β peut phosphoryler les deux voies Smad : la voie dite TGF-β (Smad2/3) et la voie dite BMP (Smad1/5/8). En utilisant des oligonucléotides ciblant spécifiquement ALK1 ou ALK5, ils démontrent qu'ALK5 est indispensable à la phosphorylation des deux voies Smad alors que l'extinction d'ALK1 n'a d'effet que sur la phosphorylation des Smads de la voie BMP et que cette phosphorylation n'est pas totalement abolie lors de cette extinction. Les auteurs proposent alors un modèle où ALK1 et ALK5 interagissent. Ce modèle sera affiné en 2003, avec la publication par cette même équipe de la nécessité de l'activité kinase d'ALK5 pour la réponse à TGF-β dans des cellules endothéliales (Goumans M. J. 2003). Ils proposent alors que TGF-β1 et TGF-β3 lient un complexe comportant deux récepteurs TβR2, un récepteur ALK5 et un récepteur ALK1 (figure 54). ALK1 dans ce complexe serait alors activé et phosphorylerait Smad1/5/8. En 2004, la même équipe complète le modèle en démontrant le rôle indispensable de l'endogline (Lebrin F. 2004). En effet, en absence d'endogline seules les

Figure 55 : Modèle de signalisation d'ALK1 avec BMP9/BMP10 comme ligand.

BMP9 se lie sur un complexe dont les récepteurs de type 1 sont deux monomères d'ALK1. L'endogline n'est pas indispensable à la formation de ce complexe.

(une heure), ce qui s'oppose aux phosphorylations de Smad2/3 par TGF-β ou de Smad1/5/8 par les BMPs (Goumans M. J. 2002) (Valdimarsdottir G. 2002). L'équipe de P. Ten Dijke expliquent cette particularité en 2006, en montrant que TGF-β1 induit Smad7 qui recrute alors la phosphatase PP1α (Valdimarsdottir G. 2006).

Bien que TGF-β soit décrit comme le ligand d'ALK1 depuis sa découverte, plusieurs zones d'ombre restaient au tableau jusqu'à récemment. En effet, TβR2 est indispensable dans le modèle de P. Ten Dijke car il est le seul récepteur à pouvoir lier TGF-β avec une grande affinité. Cependant, aucun interaction entre ce récepteur et ALK1 n'a été démontrée. De plus, l'inhibiteur d'ALK5 (SB-431542) inhibe la signalisation TGF-β sur les deux voies Smad (Goumans M. J. 2003). Or ce composé n'inhibe pas ALK1. Ainsi, en suivant le modèle décrit, soit ALK5 phosphoryle directement à la fois les Smads de la voie TGF-β et les Smads de la voie BMP, soit ALK5 phosphoryle et active ALK1 (hypothèse avancée par les auteurs (Goumans M. J. 2003)). Des travaux ultérieurs démontrent qu'en fait ALK5 peut phosphoryler les deux voies Smad (Liu I. M. 2009) (Wrighton K. H. 2009b). De plus, la géométrie des complexes des récepteurs rend peut probable la phosphorylation d'un récepteur de type 1 par un autre récepteur du type 1 (figure 72). Enfin les travaux de Seki qui ont montré l'expression d'ALK1 dans les cellules endothéliales et d'ALK5 dans les cellules de muscle lisse (travaux présentés précédemment) tendent à contredire la possibilité d'une interaction entre ALK5 et ALK1 in vivo (Seki T. 2006). Le groupe de P. Oh a décrit un phénotype vasculaire fort pour les souris invalidées ALK1 suite à l'expression de la Cre recombinase sous le contrôle du promoteur L1, alors que l'invalidation d'ALK5 par le même promoteur n'induit aucun phénotype (Park S. O. 2008). Rappelons aussi que Lux avait prouvé l'existence d'un ligand dans le plasma différent de TGF-β (Lux A. 1999). Tous ces éléments poussent à penser que TGF-β n'est pas le ligand physiologique d'ALK1 et qu'un autre modèle doit être proposé. En 2005, une étude en résonnance plasmonique de surface montre qu'ALK1 immobilisé ainsi que BMPR2 immobilisé peuvent lier BMP9 (Brown M. A. 2005).

C'est en 2007 que deux autres ligands proches sont découverts : BMP9 et BMP10 (David L. 2007a) (Scharpfenecker M. 2007). Dès lors, un autre modèle est proposé où un dimère d'ALK1 et un dimère de BMPR2 ou d'ActR-2A lient BMP9 ou BMP10 (figure 55). L'endogline est montrée comme activatrice sur ce complexe, sans être indispensable. En 2008,

totalement la stimulation d'ALK1 par le sérum (David L. 2008). Le ligand pressenti par Lux se révèle donc être BMP9.

Notons enfin que la VE-cadherine, protéine de jonction des cellules endothéliales, joue un rôle dans l'interaction entre les récepteurs de la famille TGF-β, augmentant ainsi la signalisation d'ALK1 (Rudini N. 2008).