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Etude théorique du complexe 3 , [Ru(tpy)(bpy)PPh 2 ] 3+

Chapitre 3 : Etude de systèmes [Ru(tpy)(bpy)L] n+ (L= ligand phosphoré)

3.2 Umpolung de la liaison P-H dans le complexe 1 , une liaison dangereuse

3.2.3 Etude théorique du complexe 3 , [Ru(tpy)(bpy)PPh 2 ] 3+

a) L’état fondamental

Nous confrontons dans le tableau 3.7 les principales caractéristiques obtenues pour les états fondamentaux des complexes 1 et 3. La principale différence réside encore dans la longueur de liaison Ru-P. Lorsque l'on arrache un hydrure au ligand PPh2H dans le complexe

1, la liaison Ru-P passe de 2,334 Å à 2,189 Å tandis que les liaisons Ru-N ne varient pas ou peu. Comme nous l'avons proposé auparavant, ce raccourcissement provient de la possibilité

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qu'a le métal de rétrodonner de la densité électronique vers l'OM vacante localisée sur l'atome de phosphore. On vérifie notre postulat à l'aide de l'analyse NBO. Comme pour l’état 3LLCT du complexe 2, l'analyse des NLMO doublement occupées de type Ru-d(π) montre que l'une d'elles se délocalise à hauteur de 17% (cette fois ci de deux électrons) vers une orbitale d'hybridation p portée par l'atome de phosphore. Cette rétrodonation vient compléter la formation d'une liaison Ru-P de type dative, analogue aux deux cas précédents. L'indice WBI de la liaison Ru-P passe de 0,59 à 0,94 ce qui témoigne de l'évolution de la nature de cette liaison, et le WBI total du ruthénium augmente lui aussi. Il ressort de la longueur de la liaison Ru-P ainsi que de l'analyse des NLMO, que la liaison Ru-P est une liaison double, formée par une liaison σ où l'atome de phosphore est le donneur, et par une liaison π, où le ruthénium est le donneur. Le centre métallique reste formellement au degré d'oxydation +II. En revanche, la charge NPA de l'atome de phosphore passe de 0,86 à 1,32, ce qui est cohérent avec la perte de l'électron qui était impliqué dans la liaison covalente avec l'atome d'hydrogène.

Distances en Å WBI WBItot NPA Etat Ru-P Ru-N1 Ru-N2 Ru-N3 Ru-N4 Ru-N5 Ru-P Ru P Ru P EF 1 2,334 2,089 2,102 2,089 1,972 2,081 0,59 3,09 3,72 0,33 0,86 EF 3 2,189 2,101 2,103 2,075 1,982 2,099 0,94 3,41 3,64 0,34 1,32

Les orbitales frontières de l'état fondamental sont constituées par le couple HOMO/LUMO présenté sur la figure 3.15, qui se distingue des couples obtenus dans les états fondamentaux des complexes 1 et 2.

Tableau 3.7 : principales caractéristiques des états fondamentaux des complexes 1 et 3

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En effet, la HOMO possède un fort caractère métallique mais aussi des contributions significatives d’une OM π du ligand tpy, car l'OM Ru-d(π) est fortement stabilisée par le ligand Ph2P+ce qui augmente son recouvrement avec une OM π du ligand tpy. D’autre part, le ligand cation phosphénium est très π-accepteur. La LUMO est centrée sur le ligand phosphoré et non pas portée par le ligand tpy comme dans les deux complexes précédents. Nous pouvons nous interroger sur la nature qu'aura l'état excité triplet émissif le plus bas, 3MLCT ou 3

LLCT ?

b) Détermination du spectre d’absorption

Nous avons déterminé le spectre d'absorption du complexe 3 par un calcul TDDFT (figure 3.16). Les transitions qui le composent sont regroupées en annexe A.3. La bande centrée à 450 nm est constituée à la fois par des transitions de type 1MLCT mais aussi et surtout par des 1LLCT faisant intervenir le ligand Ph2P+. La bande centrée à 400 nm est principalement formée de transitions 1LC impliquant le phosphénium. Pour finir, précisons que la bande centrée à 300 nm est quant à elle constituée par tous types de transitions (1MLCT, 1LLCT, 1LC). Sur l'ensemble du spectre, le ligand phosphénium joue un rôle très important et possède des propriétés acceptrices qui relégueraient presque les ligands polypyridyles au rôle de spectateurs.

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c) L’état émissif : l’état 3MLCT

Nous avons caractérisé un état excité triplet dont les principales caractéristiques sont regroupées dans le tableau 3.8 et comparées à celles de l'état fondamental.

L'état triplet possède une faible contamination de spin (<S2> = 2,022). Les densités de spin portées par le ruthénium et par le ligand Ph2P+ sont respectivement égales à 1,00 et 0,91 (0,75 sur l'atome de phosphore et 0,16 sur les phényles).

Le couple SOMO/SOMO+1 associé à cet état excité, présenté sur la figure 3.17, indique que le trou se produit dans une SOMO de type Ru-d(π), ce qui confère la densité de spin au métal, et la particule est acceptée par le ligand phosphoré. On constate par ailleurs que le passage de l'état fondamental à cet état excité entraîne une augmentation de la charge NPA du ruthénium (de 0,34 à 0,80). Il est formellement au degré d'oxydation +III. Dans le même temps, la charge NPA portée par l'atome de phosphore diminue (de 1,32 à 0,86). La densité électronique augmente sur ce site à l'état excité triplet. Nous pouvons sans ambigüité attribuer un caractère 3MLCT à cet état où, pour une fois, dans un composé de type [Ru(tpy)(bpy)L]n+, le ligand tpy n'est pas le ligand qui accepte électron.

Distances en Å WBI WBItot NPA DS Etat Ru-P Ru-N1 Ru-N2 Ru-N3 Ru-N4 Ru-N5 Ru-P Ru P Ru P Ru PR2

EF 2,189 2,101 2,103 2,075 1,982 2,099 0,94 3,41 3,64 0,34 1,32 --- --- 3

MLCT 2,403 2,079 2,063 2,070 2,011 2,063 0,54 2,95 2,98 0,80 0,86 1,00 0,91

Tableau 3.8 : principales caractéristiques de l'EF et de l'état 3MLCT du complexe 3

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La perte de densité électronique sur le centre métallique diminue la répulsion électrostatique avec les ligands polypyridyles et les liaisons Ru-N raccourcissent. En revanche, la liaison Ru-P s’allonge considérablement entre l'état fondamental et l'état 3MLCT, passant de 2,189 Å à 2,403 Å. Le WBI associé à cette liaison diminue lui aussi, de 0,94 à 0,54, en accord avec l'augmentation de la longueur de cette liaison. De fait, les WBI totaux du métal et de l'atome de phosphore diminuent eux aussi d'un ordre de grandeur similaire. La liaison Ru-P devient une liaison simple à l'état excité. L'analyse des NLMO de type Ru-d(π) indique qu'aucune d'elles n'exerce de rétrodonation vers le phosphénium. La dépopulation d'une des OM Ru-d(π) lors de la formation de l'état 3

MLCT ne permet plus au métal de rétrodonner de la densité électronique au ligand phosphoré, qui en acceptant l'électron acquiert un caractère radicalaire. On définit cette liaison Ru-P, dative, sans rétrodonation, par la figure 3.18.

Cet état 3MLCT est remarquable par sa proximité énergétique avec l'état fondamental. En effet, la différence d'énergie adiabatique entre ces deux états est seulement de 0,67 eV (15,45 kcal/mol). Le calcul ΔSCF réalisé à partir de cet état 3

MLCT indique que seul 0,04 eV (0,91 kcal/mol) le sépare de la SEP de l'état fondamental à sa géométrie. On ne peut donc pas espérer observer de la luminescence à partir de ce complexe. Il est même très probable que sa formation ne soit que de très courte durée et qu'il soit désactivé par CIS lorsque que sa fonction d'onde vibrationnelle de l’état 3MLCT se recouvre avec celle de l'état fondamental.

A travers cette étude, nous avons mis en évidence à quel point une variation minime de la nature du ligand phosphoré entraîne des modifications radicales sur la nature des états excités et les propriétés que l’on peut en attendre. Le complexe 2 a servi par la suite à la synthèse de nouveaux complexes et notamment celle du complexe 4, [Ru(tpy)(bpy)P(O)Ph2]+ dont nous avons étudié les propriétés photophysiques théoriques.

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3.3 Etude du complexe 4, [Ru(tpy)(bpy)P(O)Ph2]+