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Etude des propriétés de luminescence du complexe 8

a) spectre d’émission expérimental

Le complexe 8 n'est pas luminescent à température ambiante. En revanche, à 77 K, il est phosphorescent. Le spectre d'émission obtenu expérimentalement à cette température dans un mélange éthanol/méthanol (fraction volumique 1:4) est présenté sur la figure 4.4. Ce spectre d’émission est indépendant de la longueur d’onde d'excitation ce qui implique qu'il n'y a qu'une seule espèce émissive selon la règle de Kasha-Vavilov[10]. En effet, par extension à

la règle de Kasha, l'émission se produisant à partir de l'état excité le plus bas ; si une seule espèce est présente en solution, quelle que soit la longueur d'onde à laquelle on irradie l'échantillon et sous réserve que ce composé absorbe à ces longueurs d'onde, l'émission observée possédera toujours la même énergie. Or, ce spectre est structuré. Il présente deux maxima dont les intensités et les durées de vie sont comparables (13,1 µs et 12,0 µs) et qui sont respectivement centrées à 510 nm (2,43 eV) et 542 nm (2,29 eV). Nous avons donc envisagé la possibilité d’une émission duale [11, 12].

Figure 4.4 : spectre d'émission expérimental à 77 K du complexe 8 dans un mélange éthanol/méthanol (1:4, v/v)

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b) Recherche des états émissifs (dans le vide)

Nous avons tout d’abord recherché un état 3MLCT sans symétrie, noté 3MLCT1, car à 77 K, le complexe se trouve pris dans une matrice solide (solution gelée). Par analogie avec la symétrie C1 des monocristaux, nous avons estimé qu’à cette température, le complexe devrait aussi être sans symétrie à l'état excité. L'état 3MLCT1 est caractérisé par le couple SOMO/SOMO+1 présenté sur la figure 4.5. La SOMO est majoritairement centrée sur une orbitale de type Ru-d(π) et la SOMO+1 est localisée sur une OM de type π* d'un seul ligand bpy. Le transfert de l'électron sur le ligand bpy s'accompagne d'un raccourcissement de la liaison C-C inter pyridines, en accord avec le caractère liant de la SOMO+1 sur cette liaison. L'augmentation de la charge δ+sur le métal et de la charge δ

sur le ligand lors de la formation de cet état excité entraîne une contraction des liaisons Ru-N avec le ligand bpy qui accepte l'électron.

A partir d'un calcul Δ-SCF, dans le vide, nous avons déterminé que l’état 3

MLCT1 devrait émettre à 567 nm (2,19 eV). Cette longueur d'onde d'émission est très proche de celle obtenue expérimentalement à 542 nm (2,29 eV) mais ne permet pas de justifier du second maximum d'émission. Pour déterminer la nature d’un éventuel second état émissif, nous avons réalisé un calcul TDDFT à partir de l'état 3MLCT1. Ceci permet de localiser l’énergie d’un point des SEP des autres états excités triplets à la géométrie de l’état 3MLCT1. Le calcul indique qu’à cette géométrie un autre état 3MLCT se situe 0,16 eV au-dessus de l'état 3

MLCT1. Le passage d’une SEP à l’autre implique le transfert d'un électron depuis la SOMO+1 de l’état 3MLCT1, centrée sur un ligand bpy, vers l'OM π* de l'autre ligand bpy.

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Notons que cette quantité d'énergie (0,16 eV) est très proche de la différence d'énergie entre les deux maxima d'émission observés expérimentalement. La seconde SEP la plus proche se trouve 0,37 eV au dessus de l'état 3MLCT1 et implique une SOMO qui peut être portée soit par les autres OM de type Ru-d(π), pour des états de type 3

MLCT, soit centrée sur une diphénylphosphine, pour un état qui serait donc de type 3LLCT.

Toutes nos tentatives pour optimiser un état 3LLCT ou encore des états 3MLCT où la SOMO est portée par ces autres OM de type Ru-d(π) sont restées vaines. En revanche, en suivant les indications données par le calcul TDDFT, et donc en imposant la localisation de l'électron sur la SOMO+1 de type π* de l'autre ligand bpy, nous avons obtenu un nouvel état excité triplet que l'on note 3MLCT2. La SOMO de cet état est identique à celle de l'état 3

MLCT1 et la SOMO+1 est centrée sur une OM de type π* du second ligand bpy. Ce couple SOMO/SOMO+1 est présenté sur la figure 4.6. Sans surprise, les énergies de ces deux états 3

MLCT sont identiques et ils émettent donc tous deux à la même longueur d'onde. Le calcul TDDFT couches ouvertes réalisé à partir de l'état 3MLCT2 donne exactement les mêmes résultats que ceux obtenus à partir de l'état 3MLCT1 ce qui confirme que ces deux états 3

MLCT sont équivalents.

Cependant, ces deux états restent distincts. Nous nous sommes donc demandé si le passage de l'un à l'autre pouvait s'effectuer via un état de symétrie C2. Etonnamment, nous avons eu beaucoup de difficultés à obtenir un minimum possédant cette symétrie. Celui que nous avons déterminé est un état 3A que nous noterons par la suite 3MLCTA. Nous n'avons pas pu déterminer l'état 3MLCTB ni l'état de transition qui relie les états 3MLCT1 et 3MLCT2.

Le couple SOMO/SOMO+1 associé à l'état 3MLCTA présenté sur la figure 4.7 décrit bien un transfert de charge depuis une OM de type Ru-d(π) vers les OM de type π* des deux

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ligands bpy. Remarquons que la SOMO de l'état 3MLCTA est similaire à celle obtenue pour les deux autres états 3MLCT et que la SOMO+1 est une combinaison des OM π* des deux ligands bpy. L'état 3MLCTA possède une structure qui est vraisemblablement proche d'un mélange entre les deux états 3MLCT1 et 3MLCT2. On peut imaginer que le passage de l'un à l'autre permettrait de peupler cet état et d'expliquer la seconde bande d'émission. Mais cet état 3

MLCTA se situe 8,2 kcal/mol au-dessus des états 3MLCT1 et 3MLCT2, il est donc relativement inaccessible depuis ces derniers. Par ailleurs, en accord avec les lois de Kasha, nous ne pensons pas que cet état puisse être à l'origine d'une part de la luminescence observée à 77 K. Si une luminescence était observable, le calcul ΔSCF indique que cet état émettrait à 462 nm (2,68 eV).

Nous avons rassemblé dans le tableau 4.2 les principales caractéristiques des ces trois états 3MLCT que l'on compare aux structures EF-C1 et EF-C2.

On retrouve les tendances que nous avons décrites pour l'état 3MLCT1 en comparaison

Tableau 4.2 : comparaison des principales caractéristiques des états EF-C1, EF-C2, 3MLCT1, 3

MLCT2 et 3MLCTA du complexe 8

Etat Distances en Å DS <S²> Ru-P1 Ru-P2 Ru-N1 Ru-N2 Ru-N3 Ru-N4 CN1-CN2 CN3-CN4 Ru bpy EF-C1 2,338 2,326 2,104 2,092 2,101 2,081 1,464 1,465 --- --- --- EF-C2 2,351 2,351 2,097 2,097 2,097 2,097 1,463 1,463 --- --- --- 3 MLCT1 2,379 2,394 2,112 2,104 2,056 2,006 1,464 1,401 0,97 1,05 2,019 3 MLCT2 2,396 2,380 2,055 2,009 2,112 2,102 1,401 1,464 0,98 1,04 2,018 3 MLCTA 2,402 2,402 2,080 2,081 2,080 2,081 1,434 1,434 1,00 1,01 2,011

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avec l'état fondamental EF-C1. C'est-à-dire, selon la symétrie de l’état 3MLCT, un raccourcissement de la ou des deux liaisons C-C inter pyridines et des liaisons Ru-N du ou des ligands bpy qui acceptent l'électron transféré depuis le métal. Les atomes de phosphore possèdent des charges NPA proches de 0,9 dans les états fondamentaux et sont donc chargés positivement. Cette charge reste sensiblement la même dans les états 3MLCT tandis que celle du ruthénium passe à 0,57 dans l'état 3MLCT1 (0,06 dans l'état EF-C1). En conséquence, la répulsion électrostatique entre le métal et les ligands phosphorés augmente, ce qui se traduit par une élongation des liaisons Ru-P.

Notons que nous avons réoptimisé les états 3MLCT1 et 3MLCT2 avec le modèle de solvatation CPCM et la constante diélectrique du méthanol. Les deux structures obtenues sont similaires aux structures calculées dans le vide et le calcul ΔSCF indique une émission à 571 nm. Face à la similarité de ces résultats, nous poursuivrons cette étude dans le vide.