A. Discussion sur la méthodologie de l’étude 88
1. Etude rétrospective en cabinet d’orthoptie 88
a) Choix de la population à étudier
-‐ Le choix de passer par les orthoptistes :
Aucunes données n’étant disponible sur les prescriptions des médecins généralistes vers les orthoptistes, nous sommes partis de l’hypothèse que la prescription du médecin généraliste n’était pas fréquente.
L’orientation plus classique d’une évaluation des pratiques des médecins généralistes en passant par les données de leurs cabinets médicaux n’a pas été retenue. Le manque de fiabilité d’une récupération de données dans les dossiers patients des médecins généralistes ne nous a pas incité à lancer une étude rétrospective de ce type.
L’hypothèse d’un questionnaire d’évaluation de pratique, diffusé par courrier ou
électroniquement, a été rapidement mise de côté car cela aurait fait appel au ressenti du médecin ou à sa mémoire et devant le faible taux de participation de ce type d’enquête. Un focus groupe n’aurait donné qu’un ressenti de cette collaboration sans nous donner de données quantitatives et la faible proportion de médecin prescripteur imaginée aurait obligé à élargir l’échantillon.
Nous voulions obtenir une base de données suffisamment fiable pour permettre une analyse quantitative de cette collaboration et pour servir de référence pour d’autres analyses futures de l’activité des orthoptistes ou de leur collaboration avec les médecins généralistes.
Le nombre de prescription supposé faible de la part des médecins généralistes vers les orthoptistes aurait compliqué la mise en place d’une étude prospective. Elle ne nous aurait pas permis facilement d’avoir des données exploitables sur des motifs faiblement retrouvés, notamment sur l’amblyopie.
Les résultats de l’étude ont montré cette faiblesse de prescription avec 51,34% de médecins se déclarant prescripteur dans les 6 derniers mois et avec une moyenne de prescription de 2,02 par médecin et 63,5% des médecins prescripteurs qui n’ont prescrit qu’un bilan dans l’étude.
Nous avons ainsi décidé d’exploiter les données des fichiers des cabinets d’orthoptie car les orthoptistes libéraux doivent, légalement, garder toutes les ordonnances des
différents médecins prescripteurs. De plus leur suivi de rééducation les oblige à tenir un dossier complet et potentiellement plus exploitable. Cela nous a donné accès à des sources d’informations fiables et quantifiables.
Même si l’effectif de médecin généraliste ainsi réuni, à partir d’un tirage au sort avec randomisation de différents cabinets d’orthoptie, ne permet pas, malheureusement, d’être représentatif de la population globale des médecins généralistes de Gironde mais d’être représentatif des médecins généralistes prescripteurs vers les orthoptistes.
Nous pouvions alors analyser les différences possibles entre ces médecins généralistes prescripteurs et la population des médecins généralistes de Gironde.
Pour obtenir un reflet concret de la proportion des prescriptions vers l’orthoptiste l’étude a été complétée par cette unique question électronique. Comme nous n’avions pas choisi de généraliser tout le questionnaire par envoi électronique devant le faible taux de réponse, nous l’avons limité à une seule question pour optimiser la participation des médecins généralistes.
Malgré ces précautions le taux de participation a été de 13,96% à cette question électronique, ce qui nous conforte dans notre choix méthodologique de contact direct avec le médecin généraliste. Avec le recul la question posée aurait été probablement plus juste de cette manière : « Vous souvenez-‐vous avoir prescrit un bilan orthoptique dans les 6 derniers mois ? »
-‐ Le choix de raccourcir la période analysée dans les cabinets d’orthoptie à 6 mois :
Initialement nous avions évoqué un recueil de donnée sur 12 mois.
Nous étions partis sur une hypothèse préalable plutôt basse de prescription de la part des médecins généralistes. L’analyse des deux cabinets pilotes nous avait déjà rassurée sur la quantité de bilan retrouvé et finalement après 5 cabinets effectués, la moyenne
d’acte attendue était largement dépassée. Nous avons donc décidé de nous restreindre à 6 mois d’activité.
b) Choix du type d’étude
Pourquoi une étude rétrospective ?
L’hypothèse de départ d’un faible taux de prescription de la part du médecin généraliste ne nous permettait pas d’imaginer une étude prospective en cabinet d’orthoptie ou auprès des médecins généralistes, sauf sur une durée très importante et/ou un effectif important de médecins généralistes. Nous avons donc choisi une étude rétrospective.
Le risque lié au recueil de données rétrospectives a été limité par le choix de passer par les orthoptistes. La bonne tenue globale de leurs dossiers, la présence de compte rendu envoyés aux médecins prescripteurs et leur obligation légale de garder les ordonnances des médecins prescripteurs nous a permis d’obtenir des données fiables et de pouvoir récupérer les noms des médecins généralistes prescripteurs pour lancer la deuxième phase de l’étude.
Dans quelques dossiers, il a été nécessaire de demander des précisions à l’orthoptiste lui-‐même. Ce genre de configuration peut être source de biais de recueil mais son impact a été très limité car cette situation a rarement été retrouvée.
Les informations n’ont été obtenues que par le thésard lui-‐même ce qui a diminué les risques de disparité d’interprétation dans le recueil de données.
c) Choix des motifs
Les ordonnances des médecins généralistes analysées au cabinet étaient en majorité sans motif inscrit. C’est le dossier patient de l’orthoptiste et notamment l’anamnèse et les symptômes fonctionnels souvent bien détaillés qui a permis de dégager les motifs de chaque bilan.
Cette démarche de recueil, par manque de données sur l’ordonnance du médecin, se base donc sur la consultation de l’orthoptiste et ne peut qu’extrapoler le motif de consultation du médecin généraliste.
-‐ Il a donc été choisi de définir pour chaque motif un cadre global dans lequel la consultation serait intégrée. On a dû faire certains choix :
o Déséquilibre binoculaire/ hétérophorie (DBH):
Il a été choisi de regrouper les déséquilibres binoculaires et les hétérophories car, du point de vue du médecin généraliste, il lui est difficile de différencier les deux. La symptomatologie et la prise en charge sont très proches entre ces deux entités.
L’insuffisance de convergence, qui est une dénomination plus connue, est une entité qui appartient aux déséquilibres binoculaires.
Il a été choisi de noter les symptômes fonctionnels décrits sur l’ordonnance du médecin généraliste ou, à défaut, ceux décrits par le patient lors du bilan initial de l’orthoptiste. L’hypothèse étant que les symptômes décrits par le patient chez l’orthoptiste ne
différaient pas de ceux qu’il a pu décrire chez le médecin généraliste et qui ont motivé la demande de bilan.
o Les troubles posturaux associés
Cette orientation de l’orthoptie vers les troubles de la posture, même si elle manque de preuve scientifique, devait être prise en compte. Au contact des orthoptistes, la
posturologie semblait prendre une place grandissante dans leur activité. Il fallait donc la quantifier. La frontière est parfois difficile entre un déséquilibre
binoculaire/hétérophorie (DBH) et un trouble postural associé à un DBH notamment lorsqu’il existe des cervicalgies associées. Dans la littérature détaillant les symptômes des DBH, les cervicalgies sont inclues. Elles ont donc été considérées comme
appartenant à un bilan postural lorsqu’elles étaient isolées, sans signes visuels associés.
o Les troubles neuro-‐visuels
Ils peuvent prendre des formes diverses (cf chapitre II) mais le fait est que le recueil de donnée n’a récupéré que des bilans en lien avec des troubles de l’apprentissage pour les médecins généralistes.
o Pour le motif amblyopie/strabisme :
Les motifs amblyopie et strabisme ont été fusionnés car ils peuvent souvent se retrouver sur un même patient. Il n’est pas rare de rencontrer des amblyopies mixtes, strabiques et fonctionnelles (cf chapitre II).
On a trouvait intéressant, par contre, de distinguer certains motifs de départ dans cette catégorie, pour comprendre la motivation du médecin prescripteur et ses habitudes. Notamment en matière de prise en compte des facteurs de risque d’amblyopie et d’emploi de l’orthoptiste pour des dépistages visuels systématiques chez des enfants sans signes d’appel.
Le but était de nous permettre de comparer les habitudes des médecins généralistes et des pédiatres dans ce domaine.
o Les diplopies chez l’adulte et les strabismes récents de l’adulte
Cette catégorie permettait notamment de distinguer les bilans diplopies avec suspicion de paralysie oculomotrice (POM) par rapport aux sensations de « diplopies »
rencontrées lors de simples déséquilibres binoculaires et hétérophories (DBH). Les strabismes d’apparition à l’âge adulte ont été intégrés dans cette catégorie car ils sont parfois liés à une POM. De plus on voulait les différencier des strabismes de l’enfant pour ne pas qu’ils interfèrent sur l’analyse du motif amblyopie/strabisme.
o Les champs visuels
Ils n’ont pas été pris en compte devant l’impossibilité d’avoir un recueil complet de cette activité dans de nombreux cabinets. Soit parce qu’ils dépendaient de l’activité salariée de certains orthoptistes de l’étude ou parce que l’accès aux dossiers de l’ophtalmologiste incluant les champs visuels était impossible.
Les champs visuels ont quand même été comptabilisés quand ils venaient d’un médecin généraliste avec une ordonnance pour l’orthoptiste à titre indicatif mais n’ont pas été inclus dans les calculs de proportion des motifs car ils auraient faussé les résultats. Au final cette prescription est plutôt marginale avec seulement 4 prescriptions venant d’un médecin généraliste.
d) Les autres paramètres étudiés
Dès le départ du projet la notion d’intervenant extérieur dans l’origine de la demande du bilan paraissait indispensable pour juger la motivation réelle du médecin prescripteur. Effectuer un bilan à la demande d’un paramédical ne veut pas dire systématiquement que le médecin ne s’intéresse pas à l’orthoptie mais au contact des orthoptistes avant le projet puis lors de l’analyse des données en cabinet et lors des entretiens téléphoniques il a semblé se confirmer la présence de médecins prescripteurs moins investis dans la décision de la prescription de bilan orthoptique. Certains rares médecins n’étant même pas au courant au téléphone qu’ils avaient déjà prescrit vers un orthoptiste ou qu’ils avaient le droit de le faire.
La recherche d’un intervenant extérieur dans les dossiers des orthoptistes n’a pas pu être concluante car cette information n’était que rarement notée. Ce paramètre n’a donc pas été intégré dans les résultats.
Cette notion a été recherchée lors de l’entretien avec les médecins généralistes prescripteurs.