Etude fonctionnelle de ReP1-NCXSQ, une protéine qui régule l'échangeur Na+/Ca2+ du nerf du calamar
Chapitre 2 Etude du protéome du parasite Plasmodium falciparum et de l’export des
4. Etude du protéome N-terminal du parasite P. falciparum dans son stade érythyrocytaire
4.1.Contexte de l’étude
L’étude précédente a permis de montrer le rôle que peuvent jouer les protéases dans le cycle de vie du P. falciparum. Etant donné l’importance des protéases dans la régulation de différents processus biologiques tel que l’apoptose [95], la progression du cycle cellulaire [96], la migration cellulaire [97] etc, nous avons entrepris une étude du protéome N-terminal de ce parasite dans son stade érythrocytaire. L’objectif est d’étudier le protéome de chaque compartiment de l’érythrocyte infecté (parasite, vacuole parasitophore, érythrocyte) (Figure 12). Au cours de ce travail de thèse, nous avons accompli la première partie de cette étude qui consiste à identifier les protéines du parasite et à caractériser leurs extrémités N-terminales.
Figure 12 : Schéma d’un érythrocyte infecté par P. falciparum [98].
4.2.Stratégie analytique
4.2.1. Culture et purification des protéines de chaque compartiment
Des parasites P. falciparum de la lignée 3D7 sont cultivés dans des érythrocytes humains O+ comme décrit dans [99] dans un milieu RPMI supplémenté avec 5 % de sérum humain O+ et les nutriments nécessaires pour le développement du parasite. Les cultures sont synchronisées par lyse au sorbitol [100]. Au stade trophozoïte, les érythrocytes infectés sont purifiés sur une colonne MACS (« Magnetic-Activated Cell Sorting ») comme décrit dans [101]. Afin d’isoler les protéines de chaque compartiment, les membranes cytoplasmiques des érythrocytes sont dégradées à l’aide de la streptolysine O [102]. Les protéines du compartiment érythrocytaire sont ainsi collectées. Le culot constitué des vacuoles parasitophores contenant les parasites est lavé plusieurs fois avec un tampon PBS afin d’éliminer les débris érythrocytaires. La membrane de la vacuole parasitophore est lysée à l’aide de la saponine 0,07 % dans du PBS. Le surnageant contenant les protéines des vacuoles parasitophores est ainsi collecté. Enfin, après de nouveaux lavages des parasites avec un tampon PBS, ils sont lysés avec un tampon RIPA. A chaque étape, des inhibiteurs de protéases sont ajoutés.
Les protéines ainsi collectées de chaque compartiment sont précipitées avec du chloroforme/méthanol froid et conservé à -80°C.
4.2.2. Marquage N-TOP des protéines
Le précipitât des protéines du parasite est resolubilisé dans le tampon de la réaction N-TOP (Tris-HCl 50 mM, 6 M urée, 2 M thiourée, 1 % SDS pH 8,2). Les protéines sont dosées avec la méthode de Bradford puis les ponts disulfures sont réduits avec 10 mM de TCEP et les cystéines sont alkylées avec 30 mM d’iodoacétamide. 200 équivalents molaires de TMPP-Ac-OSu sont ensuite ajoutés pour marquer les amines N-terminales des protéines et le mélange est maintenu sous
agitation pendant 1 heure. La réaction est ensuite inhibée avec 100 mM d’hydroxylamine avant de séparer les protéines sur un gel SDS-PAGE. Cette étape de gel permet d’éliminer l’excès de réactif et de ses produits de dégradation et de décomplexifier l’échantillon. Le gel est découpé systématiquement en bandes de 2 mm. Ces bandes sont ensuite décolorées et déshydratées et les protéines sont digérées dans le gel. Afin d’augmenter le nombre de peptides N-terminaux et le nombre d’identifications de protéines, nous avons réalisé trois digestions enzymatiques parallèles à l’aide de trois enzymes différentes (Trypsine, Chymotrypsine et AspN).
4.2.3. Analyse LC-MS/MS et identification des peptides et des protéines
Les peptides générés sont analysés à l’aide d’un système nanoLC-MS qui consiste en un spectromètre de masse hybride de type Q-TOF (MicroTofQ, Bruker) couplé à un système de chromatographie nanoUHPLC (NanoAquity, Waters). Le spectromètre de masse est équipé d’un système « lockmass » qui permet la correction de la dérive de l’étalonnage de l’instrument en continu.
Pour identifier la présence de protéines humaines contaminantes mais aussi des protéines recrutées par le parasite et importées dans son cytoplasme il faut inclure les séquences des protéines humaines dans la banque de séquences utilisée pour l’interrogation des spectres MS/MS. Il n’existe pas une banque de séquences protéiques de haute qualité pour le parasite P. falciparum. Seulement 326 séquences sont validées et intégrées dans la banque Swissprot. Nous avons donc décidé de prendre les séquences des protéines de P. falciparum de la banque Uniprot qui regroupe les séquences de la banque Swissprot et de la banque TrEMBL (20257 entrées) et de la concaténer avec les séquences humaines de la banque Swissprot (45374 entrées). Les séquences de la banque TrEMBL sont majoritairement de nature prédictive et ne sont pas validées expérimentalement. La banque obtenue est concaténée avec une banque contenant le même nombre d’entrée de séquences « Decoy » afin d’appliquer la stratégie Target-Decoy pour l’évaluation du taux de fausses découvertes.
La recherche dans cette banque de données est effectuée en deux temps. Dans un premier temps, la recherche est effectuée afin d’identifier les protéines présentes dans l’échantillon. Ainsi dans le paramétrage du moteur de recherche nous avons tenu compte seulement des peptides dont les deux extrémités correspondent à un site de clivage de l’enzyme utilisée et les modifications TMPP et acétylation n’ont été autorisées qu’en N-terminal des protéines. Ensuite, une fois les protéines identifiées, nous avons généré une sous-banque contenant les séquences de ces protéines. Dans un deuxième temps, c’est dans cette sous-banque que nous avons effectué notre recherche des peptides N-terminaux issus de clivages protéolytiques naturels en paramétrant le moteur de recherche de façon à identifier les peptides dont seulement une extrémité est spécifique au clivage par l’enzyme utilisée et en autorisant la modification TMPP et acétylation sur ces peptides. Ceci permet de réduire l’espace de recherche avec ce dernier paramétrage qui augmente considérablement le nombre de peptides de digestion in silico et donc de spectres in silico à comparer augmentant ainsi la probabilité qu’un spectre expérimentale corresponde à un spectre théorique par hasard conduisant ainsi à un faux positif. Les spectres ayant conduit à l’identification d’un peptide N-terminal ont été ensuite inspectés manuellement.
4.3.Résultats et discussion
Dans cette analyse protéomique, nous avons identifié 957 protéines uniques dont 847 sont des protéines du parasite et 110 sont des protéines humaines. Nous avons aussi déterminé, grâce à notre stratégie N-TOP, 550 extrémités N-terminales uniques à partir de l’identification de 804 peptides N-terminaux. Le marquage au TMPP permet d’identifier les amines N-terminales libres mais n’empêche pas l’identification d’une amine N-terminale acétylée. Parmi ces extrémités N-terminales identifiées, on distingue :
• 230 protéines dont l’extrémité N-terminale est issue d’un clivage et dont l’amine N-terminale est libre ;
• 96 protéines dont la méthionine N-terminale est clivée et dont l’amine N-terminale est libre ;
• 52 protéines n’ayant pas subies de clivage et dont l’amine N-terminale est libre ;
• 35 protéines dont l’extrémité N-terminale est issue d’un clivage et acétylé ;
• 95 protéines dont la méthionine N-terminale est clivée et l’amine N-terminale est acétylée ;
• 42 protéines n’ayant pas subies de clivage et dont l’amine N-terminale est acétylée.
L’utilisation de plusieurs enzymes n’a pas permis d’augmenter de manière significative le nombre de protéines identifiées et la trypsine reste l’enzyme qui a permis d’obtenir le nombre le plus élevé d’identifications (figure 13-A). Cependant, l’utilisation de l’AspN et de la Chymotrypsine ont permis d’augmenter considérablement le nombre de nouvelles identifications d’extrémités N-terminales. Ainsi, 185 extrémités N-terminales sont identifiées exclusivement grâce à la digestion trypsique, 97 grâce à la digestion chymotrypsique et 82 grâce à la digestion AspN (Figure 13-B)
Figure 13 : Diagrammes de Venn montrant le nombre d’identifications de protéines (A) et d’extrémités N-terminales (B) obtenues par chaque digestion enzymatique.
L’analyse bioinformatique de ces résultats a permis de déterminer les voies métaboliques dans lesquelles sont impliquées les protéines identifiées et de les classer selon ces voies métaboliques. Le tableau 1 indique le nombre de protéines identifiées et classées dans chaque voie.
Acides aminés Nombre de protéines
Métabolisme de l’asparagine et de l’aspartate 8
Métabolisme de l’arginine et de la proline 8
Métabolisme de la méthionine et des polyamines 21
Métabolisme du glutamate 14
Métabolisme de la Phénylalanine et la Tyrosine 10
Total 61
Cofacteurs Nombre de protéines
Métabolisme de la vitamine B6 (Pyridoxal phosphate) 23
Métabolisme de l’ubiquinone 8
Métabolisme des thiamines 19
Biosynthèse des folates 14
Total 64
Transport extracellulaire Nombre de protéines
Protéome de la vacuole Parasitophore 27
Protéines des vésicules de Maurer 109
Total 136
Transport intracellulaire Nombre de protéines
ER/Golgi, translocation et control qualité 13
Cycle des rab-protéines 43
Complexes impliqués dans la voie sécrétoire endocytique 34 Transport vésiculaire classique par l’intermédiaire COPI 39
Total 129
Organites Nombre de protéines
Import des protéines vers les mitochondries 27
Flux électronique mitochondrial 23
Cycle du TCA Mitochondrial 20
Gène nucléaire portant des séquences signal de l’apicoplaste 284 Gènes nucléaires portant des séquences signal
mitochondriales 280
Biogenèse de cytochrome oxidase 23
Voies de l’export des peptides à des mitochondries 5
Total 662
Traduction Nombre de protéines
Initiation de la traduction 43
Biosynthèse des Protéines 55
Translocation post-traductionnelle chez eucaryotes 27 Reconnaissance moléculaire des protéines membranaire et
des protéines sécrétées 10
Activation de eiF5A 3
Total 138
Cette analyse bioinformatique est encore en cours de réalisation. Son objectif est de comparer nos données d’identification des sites de clivage protéolytique avec ceux de la littérature afin de dégager des pistes permettant la compréhension du rôle des protéines clivées et/ou acétylées que nous avons identifiées et d’orienter la suite du projet.
4.4.Conclusion
Nous avons identifié à l’aide de notre stratégie analytique 957 protéines à partir de la fraction parasitaire de l’érythrocyte infecté. Nous avons pu aussi caractériser 550 extrémités N-terminales de ces protéines grâce à notre stratégie N-TOP. Notre stratégie s’est révélée, encore une fois, permettant de caractériser les extrémités N-terminales des protéines sans pénaliser l’indentification des peptides internes et des peptides acétylés. Ces résultats préliminaires sont encore en cours d’analyse bioinformatique par notre collaborateur Dr. H. Ginsburg. Cette étude est la première étape d‘un projet plus large visant à étudier les protéomes des différents compartiments de l’érythrocyte infecté par le parasite P. falciparum. Les autres fractions (vacuole parasitophore et fraction érythrocytaire) issues des autres compartiments de l’érythrocyte infecté seront aussi analysées ce qui devra permettre de réaliser une cartographie des protéines parasitaires et humaines de cet érythrocyte.