• Aucun résultat trouvé

Les contributions intrinsèques à l'amortissement de Gilbert correspondent aux phénomènes de dissipation de l'énergie magnétique qui assurent un retour de l'aimantation à sa position d'équilibre et qui sont présents dans tous les systèmes ferromagnétiques, y compris les échantillons cristallographiquement parfaits.

a) Diusion phonon-magnon

Un phonon est un déplacement collectif des atomes (ou ions, dans un solide ionique) par rapport à leurs positions d'équilibres, menant à des modes de vibration du cristal periodique. Ces déviations corrélées des noyaux introduisent, via les interactions Coulombienne et dipolaire, des variations dans les phases des ondes de spin menant à de l'amortissement via un phénomène de décohérence. De même, la précession des spins aura tendance, via ces mêmes interactions, à périodiquement attirer ou repousser les atomes voisins et à mener à la création de phonons en transformant de l'énergie magnétique en énergie de vibration.

De nombreuses équipes ont étudié ces phénomènes, mais nous ne donnerons ici qu'une ex- pression de l'amortissement de Gilbert engendré par les phonons, tirée de calculs eectués par Suhl [327], applicable aux systèmes pour lesquels l'aimantation et les contraintes du réseau cris- tallin sont homogènes :

αphonon = 2ηγ MS  B2(1 + µ) E 2 (A.8) où η est la viscosité des phonons, B2 est la constante de cisaillement magnéto-élastique, E

le module de Young et µ le coecient de Poisson. Cette contribution est néanmoins censée être faible dans les composés qui nous intéressent dans le cadre de cette thèse. En eet, il a été prouvé théoriquement que l'amortissement résultant des couplages entre les vibrations de la maille et l'aimantation est considéré comme faible dans les matériaux ferromagnétiques à base de métaux de transition [328].

b) Courants de Foucault

La fréquence de précession de l'aimantation d'un matériau ferromagnétique est de l'ordre du

GHz lors d'une mesure FMR. La loi de Faraday (∇ × E = −∂B

∂t) nous impose que le champ

magnétique en rotation va induire un champ électrique circulaire qui va induire des courants de Foucault. Ce phénomène va donc transférer une partie de l'énergie de la précession uniforme vers les orbites électroniques et donc contribuer à l'amortissement magnétique. La contribution à l'amortissement de Gilbert des courants de Foucault, αF, est proportionnelle au carré de

l'épaisseur de la couche : αF ∝ d2. Cette contribution est donc en général négligée dans les

couches minces (pour d < 10 nm) [329, 330].

c) Amortissement dû aux rayonnements électromagnétiques

En physique classique, la précession d'une charge en mouvement circulaire produit un rayon- nement qui va amortir la précession. De même, la précession de l'aimantation va agir comme une antenne et transformer de l'énergie magnétique en rayonnement, ce qui aura pour conséquence d'amortir la précession. Cette contribution à l'amortissement de Gilbert est présente dans tous les matériaux magnétiques, elle est cependant très faible et sera donc le plus souvent négligée [331]. d) Amortissement dû à l'interaction spin-orbite

Une des contributions principales de l'amortissement de la précession magnétique dans les matériaux ferromagnétiques résulte de l'eet couplé de l'interaction spin-orbite et d'éléments de diusion entre le cristal et les électrons.

Au cours du temps, de nombreux modèles ont été proposés pour décrire la contribution des eets de l'interaction spin-orbite à la dissipation de la précession de l'aimantation. Le modèle

d'échange s-d (ou s-p), qui se base sur une description diérente des électrons magnétiques localisés d et des électrons délocalisés s et p, en est un exemple. Dans ce modèle, la dissipation de l'énergie magnétique découle d'un transfert d'énergie (et de moment angulaire) du sous- système des électrons magnétiques excités d vers le bain d'électron s, via l'interaction d'échange, suivi de la dissipation de cette énergie transférée par un événement de diusion subséquent avec le réseau cristallin résultant de l'interaction spin-orbite et comprenant un retournement de spin [332, 333]. Ce modèle à su montrer des résultats qualitativement cohérents dans des semi-conducteurs magnétiques comme par exemple GaMnAs. [334] Il ne parvient cependant pas à décrire quantitativement les systèmes où les électrons d sont délocalisés et fortement corrélés aux électrons sp, comme dans les alliages à base de métaux de transitions qui nous intéressent dans le cadre de cette thèse. Dans ces matériaux, un traitement équivalent de tous les électrons doit donc être appliqué à la place du modèle s-d.

Un autre célèbre modèle décrivant la dissipation de l'aimantation est le modèle nommé "brea- thing Fermi surface" [44, 246]. Dans cette représentation classique, la précession de l'aimantation va induire une distorsion périodique de la surface de Fermi. La repopulation constante des états électroniques modiés va nécessiter des événements de diusion conservateurs en spin entre les électrons et le réseau cristallin, qui vont dissiper de l'énergie magnétique. Ce mécanisme (présent dans le "torque corrélation model" de Kamberský, et expliqué plus clairement dans la section A.3) décrit bien la dissipation de la précession magnétique à basse température ; cependant, il ne per- met pas de reproduire les variations du coecient d'amortissement de Gilbert induites par les variations de température.

Parmi les divers modèles proposés depuis les années 50, le "torque correlation model" de Kamberský est le seul à avoir su qualitativement retranscrire les variations non-monotones de l'amortissement de Gilbert dues à la température. Il est actuellement employé par un grand nombre de groupes et a su qualitativement et parfois quantitativement retranscrire les variations expérimentales de α [226, 250, 229, 280, 335]. De plus, il sert de base à la méthode de calcul ab initio de l'amortissement de Gilbert que nous employons dans cette thèse. Nous le présentons donc dans la section suivante.