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4.3.1 Les compétences langagières

Nous ne tracerons pas ici l’historique du prolixe débat sur la compétence, qui s’est cristallisé pendant très longtemps autour de la distinction performance/compétence. Nous situerons cependant ce débat entre les deux grands noms qui viennent immédia- tement à l’esprit : Chomsky et Hymes (Castelloti, 2002 : 11). Comme le note Castelloti, « pour rappeler brièvement ce qui distingue les deux points de vue, on dira que leurs différences se focalisent principalement sur le passage d’une vision homogénéisante et qu’on pourrait appeler mentaliste de la langue à une vision variationniste et com- municative de celle-ci ».

Ce débat prend en effet naissance avec une distinction de Chomsky, qui a longtemps nourri la polémique sur le lien entre la connaissance et la pratique de la langue. Pour ce chercheur, la compétence représente la connaissance intuitive du système des règles grammaticales de la langue par le locuteur, alors que la performance renvoie à l’utili- sation concrète par ce dernier du système de règles en question (Chomsky, 1965 (trad. fr. 1971)).

Les critiques les plus virulentes à l’égard de Chomsky ont été celles des interaction- nistes et des pragmaticiens. Parmi eux, Hymes (1984) lui reproche de ne pas prendre suffisamment en considération la situation extra-linguistique et de rester notamment trop ambigu en ce qui concerne la caractérisation de la performance. Pour Hymes, il est nécessaire de dépasser les notions de correction grammaticale et d’acceptabilité pour juger de la compétence d’un individu et prendre en compte le concept d’acte de parole à part entière, qui requiert l’adéquation de l’énoncé au contexte et l’efficacité de l’interaction. En fait, acquérir la compétence d’un bon locuteur pourrait se résumer pour Hymes à acquérir la capacité de gérer tout ce qui a trait à la pragmatique du langage c’est-à-dire de construire son discours en exprimant adéquatement une inten- tion de communication par rapport à la situation (hic et nunc) et aux interlocuteurs. En réalité pose-t-il, la compétence n’est pas innée. C’est grâce aux échanges avec les membres de sa communauté linguistique que l’enfant acquiert une compétence com- municative c’est-à-dire qu’il « acquiert la compétence de savoir quand parler, quand

se taire et quoi dire à qui, quand, où et comment » (Hymes, 1984 : 277).

C’est cette notion de compétence "élargie" qui prévaut actuellement dans les plus récentes approches didactiques (approche communicative, approche actionnelle), et plus précisément celle de Canale & Swain (1980). En effet, pour les besoins de la di- dactique des langues, ces derniers ont proposé de scinder par le suite cette compétence communicative en différentes composantes : une compétence grammaticale (avec les sous-composantes phonétique, syntaxique, lexicale, etc.), une compétence sociolin- guistique (qui comprend les règles socioculturelles d’usage et règles de discours), et enfin une compétence stratégique (censée pallier les ruptures de communication dues à certaines lacunes langagières ou aux aléas de l’interaction).

Le Cadre Européen Commun de Références pour les Langues (Conseil de l’Eu- rope, 2001), s’inscrit directement dans cette ligne. Pris, telle que sa dénomination l’in- dique, comme référence commune pour la didactique des langues en Europe et même au-delà des frontières européennes, on peut le considérer comme un condensé du re- flet des recherches actuelles. Selon le Conseil de l’Europe, auteur de l’ouvrage, « les compétences communicatives langagières » ou « la compétence à communiquer lan- gagièrement » (Conseil de l’Europe, 2001 : 17) ne peuvent s’acquérir qu’en travaillant sur les trois composantes du langage : linguistique, sociolinguistique et pragmatique.

La compétence linguistique est celle qui « a trait aux savoirs et savoir-faire relatifs au lexique, à la phonétique, à la syntaxe et aux autres dimensions du système d’une langue, pris en tant que tel, indépendamment de la valeur sociolinguistique de ses variations et des fonctions pragmatiques de ses réalisations » (Conseil de l’Europe, 2001 : 17). En effet, on part entre autres du principe que « connaître une langue, c’est savoir des mots, des expressions et leur sens, être capable de les réunir en des phrases correctes, percevoir et produire des combinaisons de sons de la langue et l’écrire selon les préceptes orthographiques en vigueur. » (Rosen, 2007 : 26).

La compétence pragmatique, plus restreinte que chez Hymes, se comprend comme la manière, plus ou moins adéquate, dont l’apprenant va organiser et structurer sa performance, ses actes de parole, par rapport à des normes de cohésion et de cohérence valables dans « des scénarios ou des scripts d’échanges interactionnels » en vigueur dans le contexte où la langue est utilisée (Conseil de l’Europe, 2001 : 18).

que montrera l’apprenant des dimensions socio-culturelles de la langue utilisée en contexte réel (ex : règles de politesse, interjections, registres de langues, etc. ),

Cette parcellisation n’en reste pas moins pour certains interactionnistes, tels que Vasseur (2002), relativement artificielle et réductrice pour décrire et construire la com- pétence en langue qui demeure complexe. Pour d’autres, comme pour Beacco (2002), l’existence même de ces composantes serait mise en doute. Mais, comme le fait remar- quer De Pietro, à l’instar de Beacco lui-même, les composantes permettent à l’action didactique d’avoir un cadre de travail fonctionnel :

« [...] d’un point de vue didactique avant tout, mais aussi d’un point de vue scientifique, il importe de se demander s’il est possible, et justifié, de travailler avec toute la complexité de l’interaction. La finalité de l’interven- tion didactique est d’ordre praxéologique et la question centrale me paraît dès lors plutôt d’examiner quelles sont les dimensions de l’interaction à retenir pour faciliter l’apprentissage.[...] Selon nous, une démarche fondée sur une modélisation, certes réductrice (par définition) mais aussi struc- turante est seule à même de rendre possible une intervention didactique relativement contrôlée et consciente de ses limites... » (de Pietro, 2002 : 57)

Mais cette modélisation permet également, et cela est de notre propos, de pou- voir effectuer une évaluation des savoir-faire langagiers et d’attester d’un niveau de maîtrise en fonction d’une norme pré-établie. Ainsi, souligne Beacco :

« Même si les caractéristiques internes des compétences langagières ne sont pas entièrement connues, les manifestations extériorisées des produits qui sont censés en relever suffisent à mesurer celles-ci, alors qu’il est tout à fait possible que la même efficacité contestable, comme le faisait remarquer Joaquim Dolz, ne corresponde pas aux mêmes ressources et aux mêmes stratégies » (Beacco, 2002 : 112)

En fait, outre l’indispensable découpage du langage en composantes, la didactique ajoute pour l’oral et l’écrit son découpage en activités langagières, appelées parfois aussi habiletés. Dans les recommandations du Conseil de l’Europe (2001 : 18) notamment, ces dernières ne relèvent plus uniquement du classique partage entre réception (compré- hension) et production (expression), mais comprennent dorénavant également les ac- tivités d’interaction (échanges où alternent et se chevauchent production et réception) et de médiation (traduction, interprétariat).

Nous y reviendrons dans la partie 4.

4.3.2 Choix de l’évaluation de la morphosyntaxe

Dans notre référentialisation, nous n’avons pas fait le choix de faire porter l’évalua- tion sur une compétence de communication "globale", basée sur des actes de parole. Si nous pensons que cette notion d’actes de parole (ou plus précisément d’acte discursif, interactif ou communicatif (Cuq, 2003 : 14)) peut être pertinente en termes d’objectifs d’apprentissage dans les séances de langage en maternelle, nous savons que les résul- tats d’une évaluation axée sur les actes de parole restent forcément peu généralisables puisque en elle-même, « la compétence de communication ne peut être envisagée que comme une action localisée, située, ancrée dans un cadre interactionnel et dialogique faisant intervenir un ensemble de variables » (Springer, 2002 : 63). De fait, nous pen- sons que notre évaluation gagnerait à prendre en compte des compétences générales, "pragmatiquement décontextualisées" pour les dépeindre à grands traits, puisqu’en réalité, toute évaluation reste liée à la situation de passation des épreuves, comme le fait remarquer Muller :

« [...] les psychologues s’aperçoivent que l’individu interrogé interprète la situation dans laquelle il est impliqué et choisit un type de réponse en fonction de ce qu’il juge adéquat ! Quand on constate par exemple que des élèves de l’école enfantine ou primaire répondent de manière différente - donnent donc des réponses "cognitives" différentes - selon que c’est leur maîtresse d’école ou une "dame pour faire un jeu" qui leur pose une ques- tion ou leur demande de résoudre une tâche » (Muller, 2002 : 07)

Selon nous, les compétences qu’il serait souhaitable d’évaluer s’entendent en fait comme des compétences "minimales" pour la production et la compréhension d’énon- cés, indépendamment de la situation de communication. En ce sens, la prise en compte de la dimension linguistique des compétences langagières nous a paru convenir à ce projet. Nous pensons, en effet, que l’urgence pour une évaluation-bilan en fin de grande section de maternelle, telle que nous l’avons présentée dans le chapitre 1, est de connaître avant tout l’état des compétences linguistiques des enfants, et que les critères de finesse sociolinguistique ou d’efficacité pragmatique qui présentent par ailleurs de grandes similitudes entre français et créole, bien que très importants, restent pour

l’instant secondaires et ont déjà été abordés ailleurs (cf. Lebon-Eyquem (2007), par exemple). En fait, à l’instar de Chaudenson (1995b), glosant le choix de cette même composante dans le test d’Abidjan visant à évaluer l’atteinte ou non du SMIC fran- cophone chez les citoyens de pays francophones du Sud, nous croyons qu’il n’est pas déraisonnable de partir des dimensions internes de l’énoncé. Après s’être référé aux Cahiers de l’évaluation (n° 3-4, CIEP, 1992. P.21) qui pose que l’objectif essentiel des tests évaluant la compétence communicative est « de mesurer dans quelle proportion les apprenants sont capables de se tirer d’une situation de communication en utilisant leurs connaissances », Chaudenson met en effet en avant l’utilité pour le locuteur de disposer au moins de compétences linguistiques. Ainsi avance-t-il : « On voit mal, en effet, comment on peut " se tirer de situations de communication " dans une langue, si l’on n’y possède pas un minimum de compétences [linguistiques] » (Chaudenson, 1995b : 170), et de fait, ne manque-t-il pas de préciser, « [...] il ne peut être question de compétence de communication sans compétence linguistique sinon complète, du moins très étendue » (Chaudenson, 1995b : 171).

Cette priorité étant entendue en ce qui concerne notre référentialisation, la ques- tion était de dire si nous allions prendre en considération pour l’évaluation toutes les composantes de la "compétence linguistique". Nous avons répondu négativement à cette question. En effet, il nous a semblé peu judicieux, dans le cadre d’une thèse, de concevoir des normes et des pré-tests aussi bien pour la phonétique, le lexique que la syntaxe, sachant que selon Rondal (1997 : 17), « on doit nécessairement consacrer plu- sieurs heures à un examen relativement complet du langage chez une personne, idéa- lement en plusieurs séances, et en ayant recours à une batterie d’épreuves et à diverses tâches ». En effet, il faut noter que l’impératif temporel auquel Rondal fait référence ici renvoie à une évaluation monolingue, ce qui signifie qu’une évaluation bilingue requerrait davantage d’heures de passation et, en ce qui nous concerne, d’heures de pré-test, alors même qu’un lourd travail de construction de norme de référence (cf. partie 3) devait également être envisagé concernant le créole.

Nous avons de ce fait choisi de centrer notre évaluation sur une des dimensions de la composante linguistique, à savoir la compétence syntaxique. Nous devons notam- ment ce choix aux constats que fait Lentin en s’interrogeant sur ce qu’est la compétence " savoir parler " pour un jeune enfant. Pour cette grande spécialiste du langage des en-

fants, il apparaît que le niveau de développement de la syntaxe en représente un fort indicateur. Selon elle, en effet, « [...] même si les énoncés [ceux produits par les enfants lors des tests] sont équivalents quant à la communication assurée et à l’information transmise [...], ils ne le sont certainement pas si on les considère par rapport au niveau de langage de l’enfant » (Lentin, 1974 : 85). Elle pose en réalité qu’il y a « nécessité ab- solue pour le locuteur de disposer d’un langage syntaxiquement articulé pour accéder à la pensée abstraite, formelle, et à son expression », et ajoute enfin que « pour l’en- fant qui à six ans va être mis en présence de la langue écrite, " savoir parler " suppose donc en particulier un niveau de langage oral maximum explicite et syntaxiquement structuré11» (Lentin, 1974 : 86).

Il semblerait que la nécessité d’avoir au minimum une structuration syntaxique suffisamment étayée soit également partagée par Boisseau, qui dans son ouvrage en- seigner la langue orale en maternelle, relève que « c’est la syntaxe qui doit être la priorité du pédagogue du langage, à la fois parce qu’elle joue à une fréquence considérable et parce qu’elle est souvent difficile à conquérir » (Boisseau, 2005 : 5). Ces conclu- sions proviennent de deux enquêtes massives durant lesquelles, écrit-il, son équipe « a scruté, dépouillé, évalué dans le détail des heures d’enregistrements [450 pages] réalisées dans de vraies classes, avec de vrais enfants de zones socialement contrastées [...] ».

En ce sens, Lentin et Boisseau rejoignent les remarques du CECR qui affirme que « la compétence grammaticale, ou capacité d’organiser des phrases pour transmettre du sens, est au centre même de la compétence communicative [souligné par nous] et la plupart de ceux (bien que pas tous) qui s’intéressent à la planification, à l’ensei- gnement et à l’évaluation des langues s’attachent tout particulièrement à la gestion du processus d’apprentissage qui y conduit » (Conseil de l’Europe, 2001 : 115). Mais, ils s’inscrivent aussi dans la lignée des recommandations du Ministère de l’Education Nationale français qui suggère que des activités de langage doivent être mises en place pour développer la langue française de manière plus riche et plus finement structurée sur les plans morphosyntaxique et lexical. Et pour cause, avance-t-on : « même si le langage dont dispose l’élève lui permet, à l’issue du cycle 1, de communiquer avec une certaine aisance, cela est loin d’être suffisant pour répondre aux efforts intellectuels et aux acquisitions de connaissances que l’école exige de lui » (Ministère de l’Education

Nationale et de la Culture - Direction des écoles, 1992 : 35). Or, là aussi, selon Boisseau, la priorité devrait être donnée à la syntaxe et ce, même si les enseignants ont tendance à mettre en avant la pauvreté du vocabulaire des élèves. En effet, insiste-t-il, arguant de son expérience de terrain, ce n’est que sur la base d’une syntaxe solide qu’un tra- vail sur le vocabulaire devient efficace. Sa devise sur ce point est d’ailleurs clairement posée : « priorité à la syntaxe, qui rend possible l’enrichissement du vocabulaire dont la comparaison des mots permet d’aider l’enfant à perfectionner son articulation ».

Bien entendu, il ne s’agit pas ici de nier l’importance des autres compétences lin- guistiques, ni celle des compétences pragmatique et sociolinguistique ; nous pensons d’ailleurs que d’autres études devraient également porter sur ces diverses compo- santes et sous-composantes. Mais pour ce qui concerne notre contribution à la connais- sance du langage de l’enfant réunionnais, nous pensons qu’il ne serait pas raisonnable de nous "éparpiller", bien que nous soyons consciente des limites que pose cette res- triction à la syntaxe.

4.3.3 Choix des items syntaxiques

A présent que nous avons circonscrit l’évaluation à la morphosyntaxe, il nous faut délimiter ce qui constituera les items des épreuves. Pour ce faire, nous continuerons de nous appuyer sur les travaux de Boisseau, afin de bénéficier des détails qu’ils ap- portent sur l’apprentissage de l’oral en maternelle.

Dans le but d’illustrer les disparités dans les constructions syntaxiques d’énoncés des enfants, Boisseau cite un exemple de « contraste maximal » entre deux enfants de grande section d’une même classe. Ainsi écrit-il :

« Dans cette classe, une même situation (de correspondance inter-scolaire, les enfants échangent des messages sur bandes magnétiques avec leur cor- respondant) conduit une fillette, Nathalie, à dire :

Moi, j’veux dire que quand on va aller chez les correspondants, j’vais pouvoir faire du vélo parce qu’è me dit sur la bande què va m’prêter le sien, ma correspondante.

Un autre enfant, Azim, tente d’exprimer le message en disant :

Moi i faire du vélo. I dire ça »

Selon Boisseau, cet exemple condense les points de syntaxe névralgiques sur les- quels doit se concentrer l’apprentissage du français oral en grande section de mater- nelle. Il s’agit de :

— la diversification des pronoms sujets — l’étendue du système aspecto-temporel — la complexification de la syntaxe.

On peut en effet considérer, selon Boisseau, que 95% des énoncés des enfants se par- tagent entre des phrases du type présentatif + GN (ex : y’a un bonhomme, c’est le bon- homme) ou pronom + GV (ex : i répar ta voiture) et enfin celles comportant des déta- chements (ex : le bonhomme, i répare la voiture). Mais en réalité, la phrase enfantine de base en français est à 60% du type Pn + GV, où Pn = pronom personnel sujet et GV, le groupe verbal qui est généralement composé de : V + déterminant + nom.

La construction de la syntaxe s’opère à partir de cette structuration. Si l’enfant francophone emploie généralement un seul pronom i, de manière générique, il va au fur et à mesure de son appropriation de la langue différencier ses pronoms en fonction des référents auxquels ils renvoient, en passant par des nuances :

« Quand les enfants perçoivent que, dans la série de voyelles [i], [é], [è], [a], le masculin se fait en fermant le plus possible la bouche : [i], tandis que le féminin exige de l’ouvrir beaucoup, ils le font au début un peu trop ; [a] réajusté ensuite en [è] [...] » (Boisseau, 2005 : 182)

Ainsi, note Boisseau, l’appropriation des pronoms personnels (d’abord moi, puis je, tu, toi, il, elle, ils, elles, puis plus tard nous et vous) rend la séquence Pn + GV de plus en plus opérationnelle.

Cette opérationnalité se conquerra également avec l’appropriation des différentes nuances aspecto-temporelles. En jouant tout d’abord des structurations aspectuelles (en train de s’accomplir/accompli/à accomplir) et en développant au fur et à mesure un croisement avec la structuration temporelle (présent, passé, futur), l’enfant fran- cophone "bon locuteur" possède ce que Boisseau appelle un système à neuf temps (présent, imparfait, futur, passé composé, plus-que parfait, futur antérieur, futur aller, futur aller dans l’imparfait, futur dans le futur), où le présent constitue la moitié des temps employés.

Cette structure de base, pour être encore plus efficace, doit progressivement s’enri- chir d’une complexification par additions et enchâssements d’autres phrases de types Pn + GV notamment, pour affiner les relations temporelles (succession, simultanéité...), et créer des relations causales, de finalité, etc. Cette montée en complexité, doit selon Boisseau être amorcée dès la moyenne section, mais il note qu’à la fin du primaire, « cette complexification est loin d’être terminée » (Boisseau, 2005 : 194).

Nous pensons a priori, après avoir pris en compte des arguments avancés par Boisseau, que les deux premiers éléments de syntaxe présentés ci-dessus seraient in- téressants à prendre en considération pour l’évaluation aussi bien des compétences en créole qu’en français en fin de grande section de maternelle. Cependant, étant consciente que le développement du langage présente des différences selon les langues de départ, il nous semble que des repères doivent être pris concernant de bons locu- teurs du créole en fin de grande section de maternelle. Faute de travaux psycholinguis- tiques sur l’acquisition du langage en créole, nous ne pouvons réellement savoir si les systèmes des pronoms ou aspecto-temporel sont utilisés dans leur ensemble à ce stade de développement langagier. Il nous semble donc que nos investigations exploratoires sur le terrain devront s’engager dans ce sens à partir d’un échantillon d’enfants.

En revanche, nous sommes moins convaincue de l’utilité de faire porter l’évalua- tion sur les marqueurs de complexité de la phrase, soit sur le troisième aspect de la syntaxe qui, selon Boisseau, doit faire l’objet d’attention en grande section de mater- nelle. Nous avons vu en effet que contrairement au système des pronoms et ceux des