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5.3 Interpr´etation des premiers r´esultats de l’Observatoire Pierre Auger

6.1.1 Le champ magn´etique

6.1.3 Les fonds de photons et de baryons . . . 151

6.2 Propagation de protons et de noyaux : techniques num´eriques . . . 152 6.3 R´esultats et discussions . . . 154

6.3.1 Spectre des rayons cosmiques . . . 154 6.3.2 Neutrinos secondaires . . . 159 6.3.3 Rayons gamma secondaires . . . 165

Les amas de galaxies sont consid´er´es comme des r´egions id´eales de production de particules secondaires pour plusieurs raisons. Ce sont tout d’abord des r´egions denses de l’Univers qui concentrent plusieurs types de sources possibles de rayons cosmiques de ultra-haute ´energie : des AGN, des objets stellaires compacts ou encore des chocs d’accr´etion. D’autre part, les amas de galaxies pr´esentent des fonds de photons et de baryons plus importants que dans le milieu extra-amas. En effet, les observations en rayons X de l’´emission brehmstrahlung dans les amas ont montr´e qu’une grande fraction de la densit´e de baryons cosmologique est contenue dans le gaz intra-amas (White & Fabian 1995). La forte concentration de galaxies produit par ailleurs une surdensit´e locale de photons infrarouges (Lagache et al. 2005).

Enfin, la caract´eristique remarquable des amas de galaxies en termes de propagation de rayons cosmiques est certainement leur forte magn´etisation. Comme nous l’avons d´ecrit dans la section 3.3, les amas de galaxies sont les seules r´egions extra-galactiques o`u le champ magn´etique a pu ˆetre observ´e. Sa valeur peut atteindre quelques microGauss sur des ´echelles de l’ordre de ∼ 10 kpc pour des amas normaux (Kim et al. 1991; Clarke et al. 2001; Clarke 2004), jusqu’`a 10 − 40 µG sur des ´echelles de 3 − 5 kpc pour les amas `a cœur froid (Taylor & Perley 1993; Enßlin & Vogt 2006). Des champs magn´etiques aussi intenses permettent de confiner ais´ement des rayons cosmiques d’´energie E . 5 × 1017 eV × Z, avec Z la charge ´electrique, sur plusieurs centaines de millions d’ann´ees (voir annexe A.1.3). Les rayons cosmiques qui se propagent `a l’int´erieur de l’amas peuvent subir des interactions avec les fonds photoniques et baryoniques importants, et produire des neutrinos et des photons secondaires qui pourraient ˆetre d´etect´es avec les exp´eriences actuelles et `a venir.

On trouve de nombreux travaux analytiques et semi-analytiques sur ce sujet (Dar & Shaviv 1995, 1996; Berezinsky et al. 1997; Colafrancesco & Blasi 1998; de Marco et al. 2006; Armengaud et al. 2006; Murase et al. 2008a; Wolfe et al. 2008). Ces auteurs estiment les flux de neutrinos et de photons secondaires, ainsi que la contribution des amas au spectre total des rayons cosmiques, en supposant un spectre d’injection de protons, un r´egime de diffusion de type Kolmogorov dans le champ magn´etique, et un profil `a sym´etrie sph´erique pour la distribution du gaz. Des simulations num´eriques de propagation de protons de haute ´energie dans le champ magn´etique tridimensionnel d’un amas ont aussi ´et´e effectu´ees par Rordorf et al. (2004).

On peut conclure de ces ´etudes que la d´etection de neutrinos d’´energie de l’ordre du PeV semble compromise pour des amas individuels avec la nouvelle g´en´eration de d´etecteurs comme IceCube ou KM3Net. L’´emission int´egr´ee sur l’ensemble des sources a cependant une chance d’ˆetre observ´ee, selon la luminosit´e de la source en rayons cosmiques et selon la densit´e du milieu ambiant dans l’amas. Des signaux en rayons gamma dans le domaine du GeV et du TeV peuvent ´egalement ˆetre observ´es, bien que cette assertion d´epende encore une fois des param`etres physiques suppos´es. En particulier, Colafrancesco & Blasi (1998) trouvent que la population des amas peut contribuer `a une fraction de ∼ 0.5 − 2% du fond gamma diffus, et s´electionnent une liste d’amas qui pourraient ˆetre observables en gamma avec le t´elescope spatial Fermi. Armengaud et al. (2006) obtiennent des r´esultats moins optimistes, mais trouvent n´eanmoins qu’une source situ´ee `a 20 Mpc, de luminosit´e telle qu’elle contribuerait `a 20% du rayonnement cosmique observ´e, et avec un indice spectral d’injection allant de 2.3 `a 2.7 pourrait ˆetre observ´ee par Fermi, HESS-2 et MAGIC.

Il est important de remarquer que toutes ces ´etudes supposent en g´en´eral une sym´etrie sph´e-rique pour la mod´elisation du fond baryonique et du champ magn´etique de l’amas (sauf Rordorf et al. 2004 et Armengaud et al. 2006 qui font propager des protons dans le champ magn´etique d’un amas simul´e). L’influence du fond de photons infrarouge n’a ´et´e pris en compte que dans les travaux de de Marco et al. (2006), mais d’une fa¸con tr`es optimiste. Enfin surtout, tous ces auteurs ´etudient la propagation de protons dans les amas de galaxies.

La composition chimique des rayons cosmiques de haute ´energie est cependant une question ouverte, comme nous l’avons ´evoqu´e dans la section 1.8. Les donn´ees de KASCADE et des exp´eriences avant l’av`enement de l’Observatoire Pierre Auger semblent indiquer que les ´el´ements lourds dominent au niveau du genou, puis qu’il y a une transition vers une composition l´eg`ere vers E ∼ 1018.5 eV (Apel et al. 2008; Bird et al. 1993b; Shinozaki & et al. 2005; Abbasi et al. 2005). Les r´esultats de l’Observatoire Pierre Auger sugg`erent au contraire une composition mixte, qui pourrait mˆeme ˆetre lourde aux plus hautes ´energies (Unger et al. 2007).

Nous avons d´ecrit dans la section 2.1.4 les interactions subies par les noyaux de nombre de masse A > 1, et nous avons vu qu’ils pr´esentaient le double avantage d’avoir de grandes longueurs d’interaction pour les ´el´ements lourds, ainsi que d’ˆetre plus facilement confin´es `a cause de leur charge ´elev´ee. Ce confinement leur permet d’ˆetre acc´el´er´es `a des ´energies plus ´elev´ees, en l’absence de processus de pertes d’´energie, et si les noyaux survivent au milieu dense de la source.

La question de survie des noyaux peut ˆetre aussi soulev´ee dans le cadre de la propagation dans les amas de galaxies, si l’on consid`ere que des sources injectent une composition mixte dans le milieu intra-amas. Il n’existe pas de pr´ediction valide de la composition attendue `a la source, notamment parce que nous avons aujourd’hui tr`es peu d’information sur les param`etres

physiques qui gouvernent l’acc´el´eration et la survie des noyaux dans ces objets puissants. Il est malgr´e tout raisonnable de supposer une composition similaire `a celle des rayons cosmiques galactiques en tant que cas d’´etude. Le temps de diffusion dans le champ magn´etique augmen-tant avec la charge Ze de la particule, les noyaux lourds devraient rester confiner sur de plus longues dur´ees dans la structure, et conduire `a un nombre d’interactions plus ´elev´e qui pour-raient compl`etement d´esint´egrer la particule originelle. Des signatures distinctives de ces effets de propagation pourraient ˆetre observ´ees sur le spectre produit, ainsi que sur les flux de neutri-nos et de rayons gamma.

Nous avons donc ´etudi´e les cons´equences de l’injection d’une composition chimique mixte dans des amas de galaxies, en calculant le spectre propag´e des rayons cosmiques, ainsi que les flux de particules secondaires. Nous avons pour ce faire ´elabor´e un code de propagation qui permet de traiter les interactions baryoniques et photoniques pour les protons et noyaux primaires et secondaires, ainsi que la propagation dans le champ magn´etique. Les flux de rayons gamma sont calcul´es dans une deuxi`eme ´etape `a l’aide d’un code de cascades ´electromagn´etiques unidimensionnel. Nous mod´elisons les amas de galaxies en utilisant les sorties tridimensionnelles de simulations magn´etohydrodynamiques (MHD) de Dubois & Teyssier (2008), en distinguant les cas avec et sans cœur froid.

6.1 Mod´elisation d’un amas de galaxies dans le cadre de la

propa-gation de rayons cosmiques de ultra-haute ´energie

Dans cette section, nous discutons la mod´elisation d’amas de galaxies dans le cadre de la propagation de rayons cosmiques. Ceci inclut une mod´elisation tridimensionnelle du champ ma-gn´etique, du fond de photons infrarouge, de la densit´e baryonique et un choix ad´equat de sources pour l’injection.

6.1.1 Le champ magn´etique

Nous avons vu dans la section 3.3 que les amas de galaxies peuvent globalement se ranger dans deux cat´egories : celles avec et sans cœur froid. Cette bimodalit´e a une cons´equence certaine sur le du champ magn´etique : les amas `a cœur froid ont des champs beaucoup plus intenses et turbulents en leur centre, ce qui peut jouer un rˆole dans le confinement des rayons cosmiques.

Nous mod´elisons nos amas de galaxies en utilisant les sorties tridimensionnelles des simula-tions num´eriques MHD de Dubois & Teyssier (2008), qui ont ´et´e ex´ecut´ees avec le code grille `

a pas adaptatif RAMSES (Teyssier 2002). On a d´ej`a discut´e de la diff´erence de ce travail par rapport aux autres groupes dans la section 3.5. Dubois & Teyssier (2008) incluent dans leur pro-gramme l’´evolution de la mati`ere noire, du gaz et du champ magn´etique, et prennent en compte les processus suivants : le r´echauffement par rayons UV, le refroidissement de l’hydrog`ene et de l’h´elium et la formation stellaire. L’´evolution de l’amas de galaxies a ´et´e suivie jusqu’`a z = 0 dans une cosmologie standard ΛCDM avec les param`etres Ωm = 0.3, ΩΛ = 0.7, Ωb = 0.04, H0 = 70 km.s−1.Mpc−1 et σ8 = 0.9. L’amas `a cœur froid, `a z = 0, pr´esente les propri´et´es sui-vantes : le rayon au sein duquel la surdensit´e moyenne est ´egale `a 200 vaut R200 = 1.1 h−1Mpc, la masse du viriel vaut M200 ≡ 200 × (4π/3)ρcR3200 = 3.5 × 1014h−1M (o`u ρc est la densit´e critique), et la temp´erature en X est de TX = 5.1 keV.

Figure6.1 –Profils de champ magn´etique d’amas de galaxies simul´es par Dubois & Teyssier (2008). L’intensit´e du champ moyenn´e sur des coquilles sph´eriques est repr´esent´ee pour l’amas `a cœur froid (traits pleins rouges) et pour l’amas sans cœur froid (pointill´es bleus). Dans nos simulations, l’intensit´e du champ magn´etique est re-normalis´e globalement afin d’obtenir un champ de 1, 3 or 10 µG au centre de l’amas `a cœur froid, et 1 µG pour les amas sans cœur froid.

Cette simulation `a grille adaptative nous permettrait d’avoir une r´esolution tr`es pouss´ee de 1.2 h−1kpc au centre de l’amas, mais dans la pratique, nous avons liss´e les donn´ees sur une grille fixe de 2563cellules pour une taille de 5 h−1Mpc, ce qui nous donne une r´esolution de 19.5 h−1kpc. Les auteurs ont effectu´e deux simulations : une qui inclue le refroidissement atomique et qui a donn´e lieu `a l’amas avec un cœur froid, et une autre sans ces processus qui leur permet d’obtenir un amas sans cœur froid. L’effondrement de la mati`ere centrale due au refroidissement permet au champ magn´etique d’atteindre des intensit´es sup´erieures d’un ordre de grandeur au centre, par rapport au cas sans refroidissement (voir le profil du champ dans la figure 6.1). Les effets de compression et de cisaillement qui amplifient le champ donnent lieu `a des topologies complexes dans les amas, comme on peut le voir dans la figure 6.2. Il est int´eressant d’´etudier la propagation des particules dans de telles configurations, o`u le champ peut varier fortement sur des distances de l’ordre du kiloparsec (voir les longueurs de coh´erences typiques dans le tableau 6.1).

De nombreuses ´etudes semblent indiquer que des jets d’AGN peuvent engendrer d’impor-tantes bulles ´energ´etiques dans le milieu intra-amas (Arnaud et al. 1984). Binney & Tabor (1995) montrent que des jets de grande vitesse pourraient arrˆeter la formation d’un ´ecoulement de gaz froid vers le cœur de l’amas. Ce sc´enario est une explication populaire de la non d´etection par les satellites Chandra et XMM de lignes d’´emission de gaz froid, auxquelles ont s’attendrait dans la th´eorie standard de la formation des amas. Ces processus de r´echauffement ne sont pas inclus dans les travaux de Dubois & Teyssier (2008), mais il est aujourd’hui extrˆemement d´elicat de prendre en compte num´eriquement ces effets, notamment si l’on veut modifier en cons´equence le champ magn´etique (voir Dubois et al. 2009 pour des travaux pionniers `a ce sujet).

Dubois & Teyssier (2008) g´en`erent leur champ magn´etique en introduisant des germes `a haut d´ecalage spectral, et adoptent la mˆeme normalisation que Dolag et al. (2005) : l’intensit´e du champ comobile est de B0 = B(z)/(1 + z)2 = 10−11 G. On peut remarquer cependant que ces derniers auteurs consid`erent des amas de galaxies sans cœur froid, et il est donc justifi´e de

Figure 6.2 – De gauche `a droite : l’intensit´e du champ magn´etique, la densit´e de photons infrarouges et la densit´e baryonique projet´es sur le plan observ´e, pour les simulations de Dubois & Teyssier (2008), dans le cas d’un amas `a cœur froid. Les contours sont en unit´es logarithmiques et la taille de la boˆıte de ∼ 7 Mpc. La ligne rouge dans la premi`ere figure repr´esente la trajectoire d’un proton d’´energie E = 1017 eV que nous avons fait propager dans le champ magn´etique. La particule atteint le bord de la boˆıte en un temps ∼ 200 Myr.

re-normaliser les valeurs `a celles qui seraient plus en accord avec les amas observ´es, tant que l’´energie magn´etique reste petite par rapport `a l’´energie thermique. Pour les amas `a cœur froid, nous choisissons des normalisations au centre de 3, 10 and 30 µG (d’apr`es les valeurs de Enßlin & Vogt 2006) et nous prenons une valeur de 1 µG au centre de notre amas sans cœur froid, ce qui correspond `a une normalisation `a 30 µG dans le cas `a cœur froid (voir figure 6.1).

La longueur de coh´erence du champ magn´etique est d’une importance cruciale pour la propa-gation des rayons cosmiques. Nous la calculons en plusieurs r´egions d’apr`es les champs simul´es, en supposant une sym´etrie sph´erique pour des raisons de simplicit´e. Nous divisons l’amas en cinq coquilles sph´eriques et supposons que dans chacune de ces coquilles, la longueur de co-h´erence est constante. Le champ magn´etique `a une distance donn´ee r de la source peut ˆetre d´ecompos´ee en une composante globale et une composante turbulente (voir annexe A.1.1) : B(r) = Bcoh(r) + δB(r). Nous calculons le spectre d’´energie turbulente dans chaque coquille en appliquant une transform´ee de Fourier au rapport B/Bcoh = 1 + δB/Bcoh. Cette m´ethode nous permet de nous d´ebarrasser de la d´ependance lin´eaire de δB(r) sur Bcoh(r) et de tracer un spectre de l’´energie de turbulence pure. On calcule ensuite la longueur de coh´erence selon la formule (A.8).

La m´ethode de propagation que nous impl´ementons dans notre code est celle d´ecrite dans la section 3.6 : elle nous permet donc de prendre en compte les effets de turbulence `a ´echelle inf´erieure `a la r´esolution de notre grille. Nous profitons cet atout pour rajouter `a la main une valeur de la longueur de coh´erence dans le cœur de l’amas, pour un rayon inf´erieur `a la r´esolution de la grille (r = 20 kpc). Nous fixons les valeurs de longueur de coh´erence `a 5 et 15 kpc pour nos amas avec et sans cœur froid, qui sont les valeurs moyennes mesur´ees d’apr`es Enßlin & Vogt (2006). Le tableau 6.1 pr´esente les longueurs de coh´erence que nous avons calcul´ees ou fix´ees dans diff´erentes coquilles sph´eriques (d´elimit´ees par les distances au centre rmin et rmax), pour les amas `a cœur froid λCC et pour les amas sans cœur froid λNCC.

rmin rmax λCC λNCC 0 20 5 15 20 100 36 40 100 200 73 80 200 800 109 109 800 7000 145 145

Table 6.1 – Longueurs de coh´erence du champ magn´etique en kiloparsecs, dans des coquilles sph´eriques (d´elimit´ees par les distances au centre de l’amas rminet rmax), pour les amas `a cœur froid λCCet pour les amas sans cœur froid λNCC.