• Aucun résultat trouvé

1.9 La propagation de rayons cosmiques de ultra-haute ´energie

2.1.2 Caract´eristiques des interactions photo-hadroniques

Nous continuons d’examiner le cas simple o`u le rayon cosmique est un proton. Pour calcu-ler le flux et l’´energie des particules secondaires produites par interaction des protons avec les photons du CMB ou infrarouges, il nous faut connaˆıtre l’in´elasticit´e de l’interaction et calculer le libre parcours moyen dans ces milieux, ce qui implique d’avoir aussi une id´ee de la section efficace. Dans ce qui suit, les quantit´es prim´ees sont exprim´ees dans le r´ef´erentiel du proton au repos. On aura donc la correspondance : ǫγ ∼ ǫγΓp, o`u Γp est le facteur de Lorentz du proton2. L’in´elasticit´e est l’´energie perdue par la particule primaire lors de la collision, et qui sera donc r´ecup´er´ee par les produits secondaires. Sa valeur – ainsi que celle des sections efficaces – a ´et´e ´etudi´ee en d´etail par diff´erents auteurs (Maximon 1968; Genzel et al. 1973; Begelman et al. 1990; M¨ucke et al. 1999). Pour la production de paires ´electrons-positrons l’in´elasticit´e vaut ξeeγ) ≡ |∆Ep|/Ep ∼ 2me/mp ∼ 10−3 au seuil, et d´ecroit de mani`ere monotone avec l’´energie du photon. Pour la production de pions, l’in´elasticit´e augmente de ξπγ) ∼ mπ/mp ∼ 0.14 proche du seuil `a 0.5 `a haute ´energie.

L’´evolution de la section efficace peut ˆetre r´esum´ee comme suit : pour la production des paires ´electrons-positrons, la section efficace augmente de mani`ere monotone avec l’´energie des photons de σee

∼ 1.2 mb (ǫ γ

γ,s− 1)3, proche du seuil d’interaction (c’est-`a-dire ǫ γ & ǫ

γ,s ≃ 2me ∼ 1 MeV), `a σee ∼ 1.8 mb [ln(2ǫγ− 2.6)]. Pour la production de pions, la section efficace pique proche du seuil avec σπ ∼ 0.5 mb `a ǫγ ∼ 2 ǫγ,s∼ 320 MeV puis se stabilise `a haute ´energie vers σπ ∼ 0.14 mb. Nous verrons dans la section 2.4 qu’il est possible d’avoir une mod´elisation plus fine de cette section efficace, en prenant en compte les diff´erents canaux d’interaction pos-sible. Le sch´ema approch´e de σπ

γ) que nous venons de d´ecrire est commun´ement employ´e ; on l’appelle “l’approximation de r´esonance ∆”.

2. Num´eriquement, pour un noyau quelconque de nombre de masse A et d’´energie EA on a : ΓA∼ 109A−1

EA

1018 eV «

Figure 2.4 –Section efficace totale pour la photo-production de pions du proton. Les diff´erents canaux d’in-teraction sont repr´esent´es. Les r´esonances en pointill´es produisent dans un premier temps des particules `a dur´ee de vie tr`es limit´ee (∆+, N+) qui se d´esint`egrent ensuite en pions ; elles ont une section efficace tr`es forte. Les interactions produisant plusieurs pions (multi-pion) dominent `a haute ´energie (tirets courts). On peut remarquer le pic de la section efficace de la production de la particule ∆(1232) ; c’est la r´esonance ∆.

Passons `a pr´esent au calcul du libre parcours moyen. Pour faire ceci proprement, il faut tenir compte de la distribution continue en ´energie des photons, au lieu de prendre une valeur moyenne. La longueur d’interaction pour un proton d’´energie Ep = Γpmpc2 devient alors :

λp) = 1 Γp Z d3pγfγ(pγ) σγ) −1 , (2.5) o`u fγ(p γ) d3p

γ correspond `a la densit´e en nombre des photons d’impulsion p

γ. On exprime le nombre d’interaction par unit´e de temps dans le r´ef´erentiel du proton au repos, d’o`u l’apparition de Γplors du retour dans le r´ef´erentiel du milieu interstellaire. On cherche maintenant `a exprimer fγ(p

γ) d3p

γdans ce dernier r´ef´erentiel, puisque c’est l`a qu’on le mesure. Le fond de photons ´etant isotrope dans le r´ef´erentiel du milieu interstellaire, on peut ´ecrire : d3p

γ = 2πc−2ǫ γ

γ. La transformation de Lorentz s’´ecrit : ǫγ = Γp(1 + βpµ) ǫγ, avec µ l’angle entre le photon et le proton dans le r´ef´erentiel du proton au repos. Ceci nous donne un changement de variables entre µ et ǫγ. En injectant tout ceci dans l’´equation (2.5), on obtient (Stecker 1968) :

λp) = " 1 2Γ2 p Z +∞ 0γ 1 ǫ2 γ dnγγ Z 2Γpǫγ ǫ′ seuilγǫγσγ) #−1 . (2.6)

Pour le calcul de la borne sup´erieure de la seconde int´egrale, nous nous sommes plac´es dans la limite Γp ≫ 1, et ǫseuil est l’´energie seuil du processus d’interaction consid´er´e. Le spectre diff´erentiel de photons par intervalle d’´energie dnγ/dǫγ est reli´e `a leur densit´e en nombre par :

dnγγ

Figure2.5 –Libres parcours moyens en fonction de l’´energie du proton pour la photo-production de pions sur diff´erents fonds de photons : CMB (traits pleins noirs), fond diffus infrarouge extra-galactique (pointill´es rouges fins), fond infrarouge au centre d’un amas de galaxies `a cœur froid (pointill´es rouges ´epais). Le libre parcours moyen de l’interaction hadronique pour un proton au centre d’un amas (de densit´e baryonique 1 cm−3) est aussi repr´esent´e en tirets bleus. (Source : Kotera et al. 2009.)

La figure 2.5 pr´esente les libres parcours moyens pour la photo-production de pions par les protons pour diff´erents fonds de photons (ne nous pr´eoccupons pas pour l’instant de la courbe bleue), calcul´es en utilisant l’´equation (2.18) dans le cadre des travaux sur la propagation dans les amas de galaxies de Kotera et al. (2009). On peut voir que le CMB va ˆetre pr´epond´erant dans la production de particules secondaires aux plus hautes ´energies. On retiendra qu’`a Ep ∼ 1020eV, le libre parcours moyen pour les interactions avec les photons du CMB est de l’ordre de ∼ 10 Mpc. Le fond diffus infrarouge – mod´elis´e avec les valeurs de Stecker et al. (2006) – peut aussi ´eventuellement contribuer en dessous de Ep ∼ 6 × 1019 eV quand l’influence du CMB diminue, mais la production devrait ˆetre tr`es limit´ee `a cause des distances d’interaction gigantesques. Nous avons mod´elis´e le fond infrarouge `a l’int´erieur d’un amas de galaxies en utilisant les spectres en ´energie de galaxies elliptiques fournies par Herv´e Dole et en les convoluant `a la densit´e de galaxies tridimensionnelle issues de simulations num´erique (ceci sera explicit´e dans le chapitre 6). Nous remarquons que la densit´e de photons infrarouges ´etant tr`es amplifi´ee au centre de l’amas, le libre parcours moyen devient de l’ordre de quelques dizaines de m´egaparsecs. La production de particules secondaires peut donc avoir lieu si le proton primaire reste confin´e assez longtemps dans le champ magn´etique de l’amas.

Nous ne repr´esentons pas ici les libres parcours moyens pour la production de paires ´electrons-positrons. Ces quantit´es sont relativement petites (∼ 700 kpc pour les photons du CMB) et nous avons vu par ailleurs que l’in´elasticit´e de l’interaction est tr`es faible (∼ 10−3). Nous pouvons donc consid´erer l’ensemble de ces interactions comme un processus qui a lieu de fa¸con continue et non stochastique. Nous verrons dans la section 2.3 comment nous pouvons alors ´evaluer le nombre d’´electrons et de positrons produits.