• Aucun résultat trouvé

1. GENERALITES

1.1 Précarité, pauvreté, grande pauvreté

1.1.3 Etat des lieux de la pauvreté en France

Nous avons montré dans le chapitre précédent que la pauvreté est difficile à évaluer puisqu‘elle dépend des variables utilisées pour la mesurer, « toute mesure est le reflet des conventions qui sont adoptées » résume D. Gelot, secrétaire général de l‘observatoire national de la pauvreté et de l‘exclusion sociale ONPES .

La pauvreté a diminué des années 1970 au milieu des années 1990. Elle est ensuite restée plutôt stable jusqu‘au début des années 2000. Depuis 2002, le nombre de personnes pauvres au seuil de 50 % a augmenté de 1,1 million (+ 30 %) et le nombre au seuil de 60 % a progressé de 1,2 million (+ 16 %). Sur cette même période, les taux sont passés respectivement de 6,5 à 7,9 % et de 12,9 à 14,3 %.

Le mouvement de hausse est de plus en plus net. Il constitue un tournant dans l‘histoire sociale de notre pays depuis les années 1960. La dégradation économique enregistrée depuis 2008 pèse tout particulièrement sur les moins favorisés. Pour la seule période de 2008 à 2011, le nombre de pauvres au seuil de 50 % a augmenté de 584 000 individus et de 893 000 si l‘on considère le seuil de 60% (4).

En 2010, le seuil de pauvreté à 60% du revenu médian s‘établit en France à 964 euros par mois et concerne 8,6 millions de personnes soit 14,1% de la population, voir figure 3.

En 2011, on compte 8,7 millions de pauvres si l‘on utilise le seuil à 60% avec un taux de pauvreté de 7,9% soit 814 euros mensuels pour une personne seule, et 4,9 millions de pauvres si l‘on utilise le seuil de pauvreté à 50% du niveau de vie médian et avec un taux de 14,3% soit 977euros mensuels.

La proportion de personnes concernées par la grande pauvreté, moins de 40% du revenu médian, s‘est accrue depuis le milieu des années 2000. Entre 2008 et 2010, le taux est passé respectivement de 3,2 % à 3,5 %. Ainsi, 3,5 % de la population française en métropole vivait avec un niveau de vie inférieur à 652 euros en 2011, soit 2,2 millions de personnes.

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2010 (*) 2011 Taux de pauvreté (60 %) 13.6 13.4 12.9 13.0 12.6 13.1 13.1 13.4 13.0 13.5 14.1 14.0 14.3 Taux de pauvreté (50 %) 7.2 6.9 6.5 7.0 6.6 7.2 7.0 7.2 7.1 7.5 7.8 7.7 7.9 Taux de pauvreté (40 %) 2.7 2.6 2.3 2.6 2.5 3.2 3.1 3.1 3.2 3.3 3.5 3.4 3.5

(*) : à partir de 2010, les estimations de revenus financiers mobilisent l'enquête Patrimoine 2010.

Champ : France métropolitaine, personnes vivant dans un ménage dont le revenu déclaré au fisc est positif ou nul et dont la personne de référence n'est pas étudiante.

Figure 3 : Évolution du taux de pauvreté monétaire selon le seuil retenu entre 2000 et 2011 d’après l’INSEE (19)

La grande pauvreté peut également être appréhendée par l‘indicateur composite de pauvreté monétaire (60%) et de pauvreté en condition de vie : les personnes qui sont en situation de pauvreté selon les deux indicateurs seront considérées comme étant en situation de « grande pauvreté ». D‘après cet indicateur, la pauvreté s‘est fortement accrue entre 2009 et 2010 en France, augmentation de 0,4 point, puis a diminué en 2012 pour atteindre 4,7%.

En 2010, 5,8% des français étaient considérés comme étant en situation de privations matérielles sévères, ils n‘étaient que 4,7 % en 2007

Le chômage continue de croître en 2014 (10,5 % de la population soit, sur un an, une hausse de 0,6 point) comme en atteste la figure 4.

Figure 4 : Le taux de chômage au sens du Bureau International du Travail d’après INSEE (20)

On estime, le nombre de « travailleurs pauvres » (qui ne sont pas des chômeurs), à 3 200 000 personnes.

Si nous reprenons les trois critères de privations, nous retrouvons un « taux de pauvreté élargi » s‘élevant à 19,3 % de la population française en 2010 + 0,5 % par rapport à 2005 . Ces mesures n‘ont pas été publiées depuis 2010 mais tous les observateurs s‘accordent à penser que la crise va probablement faire augmenter ce taux de pauvreté comme l‘atteste l‘augmentation du chômage et du nombre de sans abri.

Concernant le logement, l‘INSEE a recensé 141 500 personnes sans domicile fixe en 2011, soit 11 500 de plus par rapport à l'année précédente. Le nombre de sans-domicile a augmenté de 50% depuis 2001, atteignant le chiffre de 141 500 personnes, dont 30 000 enfants début 2012.

Entre 2006 et 2010, le taux de pauvreté persistante est passé respectivement de 5 % à 6 %. Autrement dit, les personnes qui entrent dans la pauvreté ont une plus grande probabilité d‘y rester entrainant ainsi un risque d‘irréversibilité.

En conclusion, il existe des indicateurs validés et couramment utilisés pour mesurer la grande pauvreté. Ces indicateurs situent le taux de grande pauvreté en France entre 3,5% et 4,7% de la population. Les évolutions récentes montrent une augmentation et une intensification de la grande pauvreté en France.

Le HCSP, Haut Conseil de la Santé Publique, utilisant une définition minimaliste, dit, en toutes lettres, que si l'on considère que l'exclu est une personne qui malgré son état de pauvreté, ne bénéficie pas, parce qu'elle n'en a pas le droit, qu'elle ignore ses droits ou qu'elle n'a même plus l'énergie de faire les démarches nécessaires, des possibilités d'aide (revenu, logement, école, santé) correspondant le plus à sa situation, on peut estimer le nombre d'exclus à environ 0,4 à 0,5 % de la population, soit au maximum 300000 personnes. La part de jeunes de moins de 25 ans est très importante le RMI ne leur étant pas accessible sauf s‘ils sont chargés de famille).

Les données EU-SILC (statistiques européennes sur le revenu et les conditions de vie) montrent que, si le taux de pauvreté monétaire est plus bas en 2007 en France que dans la moyenne des autres pays de l‘Union européenne, le taux de privations matérielles nous situe dans la moyenne européenne. En 2008, il est de 13% en France et de 14% en Irlande, 13% en Allemagne, 12% en Belgique, 11% au Royaume-Uni, 9% en Espagne et en Finlande, et 5% en Suède, en Norvège et aux Pays-Bas (21).

Il permet aussi de comparer les inégalités entre les plus riches et les pauvres entre les différents pays.

De 2000 à 2011, le rapport entre la part du revenu des 20% les plus riches et celle des 20% les moins fortunés est passé de 4,5 à 5,1 pour l‘Union européenne (à quinze pays membres , de 4,2 à 4,6 pour la France, de 3,5 à 4,5 pour l‘Allemagne, de 4,3 à 3,9 pour la Belgique, de 5,2 à 5,3 pour le Royaume-Uni et de 4,1 à 3,8 pour les Pays-Bas. La France ne figure donc pas parmi les meilleurs élèves en matière d‘inégalités.

Nous le voyons, selon l‘indicateur de pauvreté que l‘on choisit, on peut situer la France dans les bons ou les mauvais élèves de l‘Union européenne. Que veut-on montrer à travers de telles comparaisons ? Que le système de protection sociale français atténue l‘impact de la pauvreté ? C‘est vrai (5). Que la pauvreté est moins grave et plus acceptable dans notre pays ? Certainement pas.

Si les chiffres et les faits sous-estiment quelque chose, c‘est la dureté des conditions de vie subies par les familles en grande précarité. Et, ajoute l‘économiste Joseph Stiglitz (22), les chiffres sous-estiment souvent la réalité : « Quand le Bureau du recensement a récemment examiné de près les statistiques, le taux de pauvreté (aux Etats-Unis) est passé de 15,2% à 16%. »