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2 Technologie des barrages-poids

C) Etanchéité et drainage

Aucune fondation n’est parfaitement étanche, certaines étant très perméables. Ainsi, des écoulements de percolation s’établissent lorsque le réservoir est mis en eau et peuvent conduire à des fuites excessives ou bien au développement des sous-pressions. Ces percolations peuvent être maîtrisées à l’aide de traitements d’étanchéité et de drainage.

Traitements d’étanchéité

Les traitements d’étanchéité tels que les techniques d’injection permettent de limiter la quantité des fuites.

Le coulis à base de ciment est le matériau le plus utilisé pour le traitement des roches par injection. Dans certains cas (par exemple, fissures très fines, fissures avec circulation d’eau), on doit utiliser d’autres produits (gels de silicate de soude, résines organiques, etc.). Dans son état final, le produit d’injection doit présenter une résistante suffisante pour rester en place malgré les pressions hydrostatiques et la présence éventuelle d’eaux agressives. Par contre, le processus de l’injection nécessite un fluide peu rigide pour faciliter sa pénétration.

Quand le massif rocheux est très perméable ou quand l’injection n’est pas sûre ou est trop onéreuse, on peut préférer réaliser l’écran sous forme d’une paroi en béton. Cette méthode a été principalement appliquée dans des formations karstiques ou dans des roches très poreuses et friables. On commence à l’employer systématiquement dans des formations présentant de sérieux risques d’érosion.

Ecrans de drainage

Un écran de drainage vise à limiter l’effet des sous-pressions. La profondeur et l’espacement optimal des trous de drainage dépendent de la géologie, des cheminements d’eau possibles et de la perméabilité de la roche.

Une question importante est de savoir si le drainage peut être efficace dans une fondation rocheuse où l’eau percole à travers des canalicules préférentiels. La présence de canalicules conduit à mettre en place des forages de drainage distribués dans tout le massif à protéger et recoupant, en particulier, les surfaces de discontinuités où les sous-pressions auraient des effets nocifs.

En synthèse, les barrages-poids reposent sur des fondations rocheuses de bonne qualité mécanique et hydraulique. Cette section a permis de mettre en évidence la méthodologie pour caractériser le modèle géologique et les propriétés géotechniques de la fondation. Elle a également permis d’apprécier les techniques de renforcement mécanique ou d’étanchéification des fondations. Dans la suite de notre thèse, nous considérons que les fondations sont réputées de grande qualité et nous focaliserons notre recherche sur la fiabilité du corps du barrage.

2.3

La technologie des barrages-poids en maçonnerie

Les premiers barrages-poids sont en maçonnerie de pierres de grès et de calcaire. Aux environs de 700 avant J-C, Sennacherib, roi d’Assyrie, fournit de l’eau à Nineveh en construisant une série de petits barrages dont les vestiges sont toujours visibles [ICOLD 2000].

Les barrages-poids en maçonnerie ont constitué la technologie privilégiée jusqu’au début du 20ième siècle. Ces ouvrages possèdent des profils minces et souvent arqués, du fait de la non prise en compte des sous-pressions [Degoutte 2002]. Après la rupture du barrage de Bouzey (France - § 1.3), de nombreux barrages en maçonnerie ont fait l’objet de confortements, par recharge aval, par masque d’étanchéité amont ou par tirants d’ancrage [Francq 1994].

La construction de barrages-poids en maçonnerie était réalisée de façon artisanale. Pour des raisons d’esthétique et de coût, les pierres de bonne qualité étaient réservées aux parements amont et aval, le corps du barrage étant rempli de moellons souvent de moindre qualité. Globalement, les barrages en maçonnerie sont caractérisés par une très grande hétérogénéité du matériau du corps de l’ouvrage [Le Delliou 2003b].

A l’exception de quelques petits ouvrages construits dans des pays en voie de développement, cette technologie est dorénavant abandonnée [ICOLD 2000]. Les préoccupations concernant les barrages en maçonnerie relèvent donc de la problématique de la maintenance d’ouvrages anciens, souvent âgés de plus d’un siècle. Elles portent sur l’étude de dégradations du matériau et de la dissolution du mortier et sur les techniques de confortement.

Au sein du parc français de barrages-poids, les barrages en maçonnerie représentent 9 % du parc (54 unités) [Francq 1994].

En synthèse, les enjeux liés à ces ouvrages apparaissent limités, le parc français étant réduit et la technologie abandonnée. Notre recherche ne s’intéresse donc pas à ces ouvrages.

2.4

La technologie des barrages-poids en BCV

Le coût des matériaux et surtout de la main d’œuvre ont progressivement conduit à remplacer la maçonnerie par du béton de masse [Le Delliou 2003b].

Les premiers barrages-poids en béton furent construits à la fin du 19ème siècle. Un exemple de ces barrages est le barrage San Mateo, construit aux Etats-Unis en 1888. Il était conçu en maçonnerie, mais il n'y avait aucune carrière à même de fournir des moellons de la qualité requise (www.barrages-cfbr.org).

Du fait de la prise en compte des sous-pressions, les profils les plus classiques pour les barrages en BCV sont des profils trapézoïdaux ou quasi-triangulaires, avec un parement amont vertical [Dégoutte 2002].

Les matériaux sont soumis à des contraintes de compression faibles ; on n’a donc pas besoin de caractéristiques mécaniques exceptionnelles [Le Delliou 2003b]. Par exemple, les contraintes de compression maximales attendues pour un barrage de 100 m de hauteur sont de l’ordre de 2,5 MPa.

Par rapport au béton classique, les bétons de barrages en BCV comportent souvent des granulats de dimension supérieure et sont faiblement dosés en ciment (150 à 200 kg/m3). Pour la construction de barrages-poids en BCV, les bétons sont vibrés après leur mise en place pour avoir une bonne compacité. Du fait de la quantité importante de béton à couler, l’élévation de température causée par la prise du béton n’est pas négligeable. Ce phénomène explique aussi le souci des constructeurs d’adopter un faible dosage en ciment, ce qui a pour effet de diminuer l’exothermie [Le Delliou 2003b].

L’homogénéité du corps du barrage peut être interrompue par des zones avec des dosages en ciment différents et par des joints horizontaux et verticaux :

- Les grandes quantités mises en œuvre permettent de faire varier le dosage à l’intérieur du barrage. Pour le parement amont, on utilise un béton plus riche (220 à 350 kg/m3), essentiellement pour augmenter la compacité et donc l’étanchéité [Le Delliou 2003b] ;

- Les bétons sont mis en œuvre par levées successives avec des reprises de bétonnage

espacées de 1 à 2 m [Le Delliou 2003b]. La construction est souvent réalisée par plots de 12 à 18 m qui donnent lieu à des joints de contraction.

Il y a peu de perspectives prometteuses pour les barrages-poids en BCV, sauf pour des barrages de faible hauteur et avec une présence importante d’équipements annexes dans le corps du barrage. Les barrages-poids en BCV sont maintenant en pratique remplacés par les barrages-poids en BCR.

2.5

La technologie des barrages-poids en BCR

2.5.1 Les enjeux des barrages-poids en BCR

Les barrages-poids en BCR se sont développés à partir de 1980 et se caractérisent par la mise en place du béton avec des techniques utilisées en terrassement. Le béton est en général

faiblement dosé (environ 120 kg/m3) et il est mis en place par des couches successives

compactées au rouleau vibrant [BaCaRa 1996].

Le premier grand barrage en BCR fut Willow Creek (Etats-Unis), de 52 m de hauteur, achevé

en 1982. Le BCR avait un très faible dosage en liant (66 kg/m3). Des panneaux en béton

préfabriqués constituaient le parement amont [ICOLD 2003b].

Le faible dosage en ciment et le mode de mise en place du BCR entraînent :

- un nombre important de joints entre les couches relativement minces (~30 cm) ; - le besoin d’un contrôle soigné des joints de reprises de bétonnage ;

- une moins bonne résistance du béton ;

- une diminution de l’exothermie de la prise, et par conséquent, une augmentation des cadences de mise en place.

La géométrie des barrages-poids en BCR est similaire à celle des barrages-poids en BCV, comportant des profils trapézoïdaux avec des fruits légèrement supérieurs.

La plupart des nouveaux barrages-poids sont désormais en BCR [CFBR 2006]. Ceci s’explique principalement par les avantages économiques liés à l’augmentation des cadences de mise en place et au faible coût du matériau du fait de sa faible teneur en ciment.

Les chiffres suivants visent à illustrer le développement croissant des barrages en BCR. En 1986, il y avait seulement 15 barrages en BCR construits dans le monde, et on en comptait 157 en 1996 [ICOLD 2003b]. Au Chili, deux grands barrages en BCR ont été construits récemment : les barrages de Pangue et de Ralco, construits respectivement en 2000 et 2005 et

de hauteur respective 113 m et 155 m [ICOLD 2003b], [Uribe et al. 2006]. En France, 7

grands barrages en BCR, de hauteurs comprises entre 15 et 48 m, sont maintenant construits [Bécue et al. 1999].

Les barrages en remblais durs constituent une variante des barrages-poids en BCR. Ce sont des barrages en BCR avec des profils symétriques et très faiblement dosés (de l’ordre de 50 kg/m3 de ciment). Ils peuvent s’accommoder de fondations de plus faibles caractéristiques mécaniques que les barrages-poids classiques (rocher altéré, fondations alluviales) du fait d’une largeur à la base importante [Degoutte 2002].

La technologie privilégiée des barrages-poids modernes est indubitablement le BCR. Notre travail de recherche se focalise sur ce type de barrage, en complément de la technologie classique du BCV.

Cette section synthétise les principaux aspects sur la technologie des barrages-poids en BCR : en phase de conception (§ 2.5.2), en phase de construction (§ 2.5.3) et en phase d’exploitation et suivi (§ 2.5.4). Ces éléments permettent d’identifier les sources de variabilité et des incertitudes sur les propriétés physiques et de résistance du BCR (§ 2.5.5).

2.5.2 Conception d’un barrage-poids en BCR : étude du matériau