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et Organisation Spatiale Dynamiques de l'habiter de Gunhild

Présentation de cas : quelques constructions de l’habiter

Chorème 3.Qualification et Organisation Spatiale Dynamiques de l'habiter de Gunhild

La France constitue le fil rouge de la vie de l’allemande Gunhild, contribuant à organiser sa spatialité entre les deux pôles que sont l’Allemagne et la France. Cette francophilie est partagée avec son père, depuis le « une personne cultivée ne peut pas exister sans apprendre le français », jusqu’aux séjours de jeune fille au pair, en passant par l’université de Caen jumelée à celle de Fribourg dans le cadre de la réconciliation, et enfin la seule échappée qu’elle se soit permise lors de son mariage, à Marignane, dès que son « travail de mère » lui a autorisé. Gunhild n’a cependant pas pu avoir d’explication de ce sentiment francophile hérité car, en même temps, son père (« nazi convaincu »), a combattu contre la France, et la période 1939-1945, soit les cinq premières années de sa vie, est entourée de mystère du fait du tabou qui s’est instauré dans la famille suite à cette période : « je n’avais pas la possibilité de

lui dire mais pourtant tu étais en guerre contre les français, tu avais des préjugés, une mauvaise opinion d’eux. Et plus tard on en a plus parlé, c’est aussi un problème de ma génération. Comment est-ce qu’on a vécu la rupture entre les parents convaincus nazis et les enfants pour qui toutes ces choses étaient tabou ». L’évènement déclencheur pour la réalisation de ce « désir de France » est

l’infortune de son mariage et le divorce qui s’ensuit. Gunhild veut alors « prendre de la distance », mais « aller dans une autre ville d’Allemagne, non ». On constate alors qu’il n’y a pas véritablement de raisons au sens utilitaire du terme, de son déménagement d’Allemagne vers la France. Il n’y a pas d’emploi qui l’attend, ni de familles, ni d’amis. Au contraire, elle veut rompre avec un passé encore très proche et s’éloigne de ce qu’elle a connu auparavant. En revanche, elle recherche un mode de vie dont la représentation qu’elle se fait lui plaît. Finalement, l’éloignement vis-à-vis de sa famille et la

rupture avec son mari ont été l’occasion d’une vie ailleurs et, surtout, d’une vie différente, très tournée vers les autres et qui, semble-t-il, correspond mieux à sa nature. Communiquer lui est important (elle parle cinq langues, ce que son mari n’appréciait alors pas car il se sentait ainsi infériorisé). Les relations avec les autres reprennent beaucoup d’ampleur dès sa rupture (elle est aidée pour le déménagement, par des amis, encouragée par des voisins, elle rencontre des touristes sur le chemin…). La période post-rupture apparaît comme une revanche ou au moins un rattrapage.

Noël (N1) : 61 ans, habitant du quartier des 2 Lions à Tours

Synopsis du récit de vie spatialisé

Noël est un homme de 61 ans qui habite le quartier des 2 Lions depuis 7 ans. Récemment à la retraite, il a réalisé presque toute sa carrière chez EDF, ce qui l’a amené à avoir une mobilité professionnelle assez régulière. Ce qui est relativement frappant dans le premier entretien, lors duquel il a décrit son parcours spatial, est l’application avec laquelle il a cherché à objectiver son récit en catégorisant les lieux dans lesquels il a pu habiter (commune rurale, grande ville, lieux de culture), ou les différentes périodes de sa vie (l’après-guerre, l’école Jules Ferry, mai 68, l’expansion urbaine). Le récit des lieux habités est jalonné de références collectives, et finalement peu de références réellement personnelles (souvenirs, sensations, périodes de vie).

L’enfance de Noel est marquée par deux déménagements qui l’ont conduit du Cantal natal à la région Grenobloise, d’abord à Noyarey, puis à Seyssinet-Pariset près de Grenoble. Il juge relativement durement ces époques de sa vie, peut être même plus durement l’époque en général, que ses propres souvenirs : « C’était surtout l’après-guerre, l’après-guerre… donc c’était un peu la manière… comme

mon père était épicier… c’était la manière d’arriver à faire des victuailles supplémentaires pour les habitants… ». Parlant de Noyarey, il décrit « une commune très modeste… ». Cette insistance sur les

aspects sociaux de l’époque d’après-guerre, jugés négativement, traduit relativement bien la représentation qu’il se fait du parcours spatial comme moyen d’ascension sociale, d’accès à la culture, d’affirmation d’une certaine position sociale. L’arrivée à Seyssinet-Pariset est ainsi l’occasion pour lui de décrire avec plus de détail l’investissement que ses parents avaient fait dans une maison, qui marque une étape socio-spatiale importante à ses yeux. De la même façon, à partir de son adolescence, qu’il passe à proximité de Grenoble, il va décrire presque systématiquement, et de manière positive, les qualités culturelles des villes qu’il va traverser. Ainsi si Grenoble n’est pas associé à un souvenir très positif, en raison des années difficiles au lycée et en prépas ingénieurs, la ville sera cependant décrite comme un moyen d’accéder un peu à la culture, au théâtre, aux activités extrascolaires, aux voyages en France ou à l’étranger, qui seront des éléments positifs se démarquant dans un tableau globalement moyen. Ce n’est pas nécessairement la distance au foyer qui est ici le vecteur de valorisation, mais plutôt la distance avec la « vie ordinaire », l’habitude… Nous verrons que dans le parcours spatial de Noël, tous les lieux qui sont attachés à la notion de changement, de rupture avec des habitudes sociales et spatiales est valorisé. Ainsi, dans sa spatialité, les lieux de l’enfance sont associés à une qualification moyenne, ne donnant pas accès à un changement, alors qu’à partir de 18 ans et de son départ du foyer parental, les lieux qu’il va habiter seront ceux d’une ouverture vers l’autre, en termes sociaux et en termes spatiaux. La notion de découverte est ainsi valorisée par Noël et l’association de la mobilité spatiale et de la mobilité sociale est très forte dans ce phénomène. A partir de 18 ans, Noël va habiter à Aix en Provence pendant 2 ans, puis à Paris pour suivre une école d’ingénieurs. La première période de sa vie (de la naissance à 18 ans) et la période des études (de 18

ans à 21 ans) sont très contrastées, presque à l’opposé l’une de l’autre. La première est marquée par des mobilités relativement « resserrées » qui sont liées à la période de l’enfance et de l’adolescence. La seconde est beaucoup plus « éclatée » avec des voyages à l’étranger, des retours dans la famille, des mobilités étudiantes et professionnelles. Cependant, lors de ces 3 années, et même après, le retour dans la région d’origine, l’Auvergne, est un déplacement incontournable.

A partir des premières expériences professionnelles un peu difficiles (à Saint Etienne et à Nevers) le récit des lieux habités continue en suivant une logique de mutations professionnelles. Le premier emploi est situé à Riom dans le Puy de Dôme, pendant 3 ans, puis s’en suit une carrière à EDF qui débute à Tulle (4 ans) puis à Cergy-Pontoise (3 ans), puis à La Défense (3 ans) et enfin à Tours (de 1982 à 2007). Dans la description des différentes périodes, il est mis l’accent sur les aspects professionnels, sur les aspects sociaux, dans le sens où il vit son parcours professionnel comme une certaine « ascension sociale », mais finalement très peu sur les aspects personnels. Il parle très peu de sa femme et de ses enfants, sauf pour donner quelques détails. Une période professionnelle ressort cependant dans son récit, toujours pour son caractère « non ordinaire » qu’il juge très positivement, celle de Cergy-Pontoise, mise en valeur par l’aspect « innovant » de la ville et de l’ambiance de travail. Dans la période parisienne, l’acquisition d’une maison est également un événement qui paraît important, avec une valeur très positive pour ce lieu de vie, associé par Noël au bonheur.

La période de vie à Tours, entre 1982 et aujourd’hui correspond à une réelle installation dans une région, dans un emploi, avec une mobilité qui dans la première tranche, est marquée par la « découverte » de la région (excursions, châteaux, visites de sites dans le cadre du travail, etc.) et puis avec le temps, une pratique de plus en plus « locale », c'est-à-dire quasiment strictement « interne » à Tours (notamment sur la dernière tranche). Pendant ces 25 ans, Noël B habitera 3 logements dans Tours, dans des quartiers relativement différents puisqu’il passera 10 ans dans un quartier d’habitat collectif des années 60 (Les Fontaines), 7 ans dans un quartier de centre ancien (Rue Lobin), pour arriver en 2000 dans le quartier neuf des 2 Lions. Cette dernière étape est jugée positivement, notamment parce que Noël s’est investi dans de nouvelles activités, et d’une manière générale, dans son quartier et dans sa ville (vie associative, vie culturelle). Son divorce récent, le passage en retraite, l’oblige à envisager un déménagement mais qu’il ne situe pas encore très précisément. Cependant, il insiste sur l’importance d’être connecté à la ville, de pouvoir assister et participer à la vie publique. Noël est aujourd’hui dans une démarche de création ou d’enrichissement d’un réseau social et amical qui semble ancré sur la ville de Tours et qui se traduit par des déplacements et des expériences spatiales multiples à une échelle locale.