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2. Effet de référence à soi, mémoire et identité dans le vieillissement

2.4. Estimations de l’ERS dans l’étude du vieillissement

Dans les études sur le vieillissement, L’ERS est calculé à partir des performances de rappel libre (et indicé dans deux études, voir Carson, Murphy, Moscovitch, et Rosenbaum, 2015 et Trelle, Henson, et Simons, 2015) et/ou de reconnaissance et/ou de rappel de la source.

La tâche classique de rappel libre demande aux sujets de rapporter sur papier, ordinateur (en fonction de la date de parution de l’étude) ou oralement, le maximum d’items qu’ils ont vu lors de l’encodage, avec ou sans limite de temps (Mueller et Ross, 1984 ; Mueller, Wonderlich, et Dugan, 1986 ; Yang, Truong, Fuss, et Bislimovic, 2012 ; Carson et al., 2015 ; Trelle, Henson, et Simons, 2015). Dans une tâche de rappel; les sujets font appel à des processus de recherche stratégiques, contrôlés ; ils doivent en outre élaborer leurs propres indices pour récupérer les items en mémoire (Koutstaal et Schacter 1997). Une tâche de rappel est sensible aux effets de l’âge. En effet, les sujets âgés ont des difficultés à initier ces processus de recherche stratégique en l’absence d’indice externe pour la récupération (Craik et McDowd, 1987).

Une tâche de reconnaissance est à l’inverse moins sensible aux effets de l’âge, puisque les indices pour la récupération en mémoire sont donnés aux sujets lors de la tâche (les items en questions mélangés à des distracteurs, c’est-à-dire des items qui n’ont pas été présentés lors de l’encodage, Gutchess, Kensinger, Yoon, et al., 2007 ; Glisky & Marquine, 2009 ; Gutchess et al., 2010 ; Yang et al., 2012 ; Rosa et Gutchess, 2013 ; Lee, Rosa, et Gutchess, 2016 ; Leshikar, Dulas, et al., 2015 ; Leshikar, Park, et al., 2015 ; Trelle et al., 2015). Une tâche de reconnaissance a la particularité d’engager, soit un processus contrôlé, dit de recollection, soit

un processus automatique, dit de familiarité (pour revue, voir Yonelinas, 2002). Lors du

processus de familiarité, l’item est récupéré en mémoire sans son contexte spatio-temporel. Le sujet sait qu’il a rencontré tel item lors de l’encodage, car il lui semble familier, mais il est incapable de fournir les détails contextuels qui ont accompagné cet apprentissage. Par exemple,

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au cours d’une tache de mémoire avec une condition en référence à soi, le sujet sait qu’il a vu lors de l’encodage le trait de caractère « serein », mais il ne peut pas discriminer la source de cet encodage : il ne sait pas s’il a rencontré ce trait de caractère quand il le jugeait par rapport à lui-même, à une autre personne, ou quand il exerçait sur lui un traitement sémantique. Dans une tâche de reconnaissance à réponse binaire (« oui, je reconnais cet item/non, je ne reconnais pas cet item »), ce processus de familiarité peut donc s’opérer ou ne pas s’opérer et l’expérimentateur n’a aucun moyen de le détecter. Lors du processus de recollection, l’item est récupéré en mémoire avec son contexte spatio-temporel. Dans cette instance, le sujet sait par exemple qu’il a vu, lors de l’encodage, le trait de caractère « serein » et se souvient de la condition d’encodage. Il se souvient d’avoir jugé que ce caractère le décrivait. Le désavantage d’une tâche de reconnaissance à réponse binaire reste, comme mentionné plus haut, l’impossibilité de savoir quel processus est engagé lors de la récupération (la recollection ou la familiarité).

En ce qui concerne le rappel de la source, on retrouve dans les études sur l’ERS dans le vieillissement deux types de tâche : le rappel de la source subjectif et/ou le rappel de la source objectif. Comme son nom le laisse deviner, les tâches de rappel de la source permettent d’étudier la mémoire de la source, à savoir le souvenir des contextes spatiaux et/ou temporaux et/ou sociaux d’acquisition de nouvelles informations (pour revue, voir Johnson, Hashtroudi, et Lindsay, 1993). Le calcul de l’ERS lors de tâches de rappel de la source subjective (Carson et al., 2015 ; Kalenzaga et al., 2015 ; Leshikar, Dulas, et Duarte, 2015 s’effectue avec le paradigme

Remember/Know (R/K ; Tulving, 1985 ; Tulving, 2002). Ce paradigme demande directement

aux sujets s’ils se souviennent du trait de caractère en question (à savoir, s’ils se souviennent

de détails contextuels, qui leur donne l’impression de voyager dans le passé et revivre le moment où ils ont appris l’item) ou s’ils savent seulement avoir déjà vu l’item, sans se rappeler

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de détails contextuels ayant accompagné l’apprentissage et ainsi sans sentiment de reviviscence. Le paradigme R/K permet donc de discriminer quel processus de récupération entre en jeu (la recollection ou la familiarité), cette propriété le rend donc plus avantageux qu’un paradigme de reconnaissance. Dans les tâches de rappel de la source objectives, les sujets doivent simplement indiquer la condition d’encodage (par exemple soi oui autrui) de chaque item (Mueller et al., 1986 ; Rosa et Gutchess, 2011 ; Dulas, Newsome, et Duarte, 2011 ; Hamami, Serbun, et Gutchess, 2011, expérience 2 ; Leshikar et Duarte, 2014 ; Leshikar, Dulas, et al., 2015).

En résumé, les tâches de rappel libre et de rappel de la source subjective engagent plutôt des processus contrôlés, tandis que les tâches de reconnaissance et de rappel de la source objective engagent davantage des processus automatiques, implicites, pour récupérer les informations en mémoire. Comme mentionné dans le présent paragraphe, les sujets âgés présentent des déficits pour les processus de mémoire contrôlés ou explicites, mais gardent une intégrité des processus de mémoire automatiques ou implicites similaire à celle des sujets jeunes (pour revue, voir Yonelinas, 2002). Manifestement, on s’attendrait à observer dans les études sur l’ERS utilisant des tâches engageant des processus de mémoire contrôlés un effet de l’âge, soit un désavantage mnésique des sujets âgés lors de la passation de ces dernières. Comme nous allons le voir dans le paragraphe suivant, les résultats ne montrent rien de tel.

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2.5. Les résultats de la littérature sur l’effet de référence à soi dans le